J'aime les pépites, ce qui dans la banalité de nos villes, les rend soudain attrayantes, amusantes, belles.
On pourrait dire "les folies".
Les gares de banlieue sont souvent ainsi de petites architectures n'ayant comme programme que d'offrir un minimum de protection sur les quais et un petit bureau de vente pour l'agent S.N.C.F qui aujourd'hui a disparu au profit d'une machine. Parfois, une salle d'attente complète l'ensemble.
Regardez :
La gare des Mureaux est audacieuse. Elle est pointue !
Il ne fait aucun doute qu'il y a là un geste, le plaisir d'une modernité, la joie de faire un signal urbain. C'est une belle démonstration, un sens aigu de la gratuité formelle, la compréhension aussi qu'il n'y a pas de raison de n'offrir qu'une boîte à ce paysage. La pointe extrême de cette flèche dans la ville reçoit un beau pilier porteur et l'auvent ainsi dégagé abrite du soleil et de la pluie les passagers du train en attente. Le toit descend pour reprendre le niveau des rails comme pour s'excuser de son ambition, se coucher à sa fonction, rendre hommage aux trains. Le rouge sur la façade offre à ce morceau de paysage une gaité, une joie aux travailleurs qui passent là tous les matins. Et deux messieurs en gris courent pour prendre le train. La carte postale Combier est expédiée en 1972. Elle nous donne comme information que la gare des Mureaux, place du 8 mai 1945, est signée du Service Architecture S.N.C.F, section bâtiment. On n'en saura pas plus.
Puis :
N'est-ce pas magnifique ?
Ne croirait-on pas une sculpture de Dan Graham ?
C'est superbement dessiné non ?
Au-dessus de murs légers de briques rose orangé se pose une structure triangulée de verre et de métal légère, légère, légère... Comment ne pas aimer cette attention architecturale ? Ne pas croire que, ici, à Suresnes la gare ne fut pas l'occasion pour un(e) architecte de faire un beau geste, d'aimer son métier, d'être sensible à sa fonction ?
Ce petit objet très modeste dans sa taille est pourtant bien généreux. Transparent, ouvert sur le ciel, ouvert sur la ville, jouant sans doute son rôle de passage obligé comme un événement léger et non dramatique car, finalement il est une frontière entre ceux qui prennent le train et ceux qui restent dans la ville. Il faut dire ce passage, exprimer la fonction et le changement de statut de l'espace sans en faire un moment fermé ou lourd. Non, ici on passe sous la lumière de la ville, on joue avec cette transparence, voir le train qui arrive, voir le ciel, voir la ville.
Et la seule présence du garçonnet marchant, souriant au photographe bien perçu dans son paysage donne l'échelle de cette construction : humaine.
On admirera aussi, que comme Henri Rivière dans ses vues de la Tour Eiffel, ici le photographe des éditions Raymon, Monsieur J. N. Duchâteau a réussi à cadrer cette Tour Eiffel dans son horizon. Et ne croyons plus que c'est un hasard. Monsieur Duchâteau a su voir, a su aimer ce lieu. Une manière de relier la banlieue à Paris, dire au garçonnet qui marche dans sa ville qu'il a le droit de prendre le train en passant d'une architecture modeste et belle vers une architecture ambitieuse et monumentale.
C'est une photographie géographique et urbaine.
C'est maintenant bien plus qu'une carte postale.
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