mercredi 26 janvier 2022

Michel Tournier prend l'autoroute



Il fallait bien que la Littérature et la Philosophie s'emparent d'un tel objet. On pourrait s'en étonner mais finalement cela est normal au vu de  ce que cet objet propose comme expérience.
Pour la Philosophie, il faut lire Paul Virilio et pour la Littérature, il faut donc lire Michel Tournier.
L'objet en question c'est l'autoroute.
Depuis ma lecture du Roi des Aulnes qui est devenu l'un de mes livres préférés (pour ne pas dire importants), je tente dans tous les autres ouvrages de Michel Tournier de retrouver ce sentiment.
L'aire du Muguet pourrait être ce second livre.
Tout petit livre, il n'a que quelques dizaines de page, se lit vite (la vitesse de cette lecture est sans aucun doute une réflexion donnée par l'auteur) il n'en est pas moins très curieux pour ne pas dire étrange dans son objet et dans son sens mais aussi dans son attribution. En effet, édité par Gallimard dans la collection  Folio Jeunesse, j'avoue avoir été abasourdi qu'une telle histoire soit destinée par l'éditeur à des enfants. Quel enfant pour lire une histoire d'amour impossible entre un chauffeur-routier et une femme derrière le grillage d'un aire d'autoroute ?





Michel Tournier s'empare donc de l'expérience de l'Autoroute comme étant à la fois un moment, un objet, un exil, un voyage, une sorte de lieu fermé sur lui-même dans lequel la vie serait à part puisque l'Autoroute est à la fois cet objet de liaisons mais aussi un lieu fermé. Ce circuit a des portes, des aires, on y entre et on en sort comme on le ferait d'une forteresse ou d'une ville fermée. On se souvient un peu de l'ile de béton de Ballard. L'autoroute serait une sorte de territoire à part. On note aussi une fascination de Tournier pour l'expérience de vision depuis le pare-brise et à la hauteur d'une cabine de camion, s'intéressant particulièrement à cette position à la fois d'observation, d'écran perspectif mais aussi de la lenteur d'un camion dont le paysage en lieu et place de le traverser serait littéralement projeté sur le pare-brise comme sur un écran de cinéma. D'ailleurs ce motif de l'écran sera repris par l'auteur pour évoquer le grillage entre l'autoroute et le reste du monde, écran alors infranchissable, géométrique, dessinant dans le fil de fer des carrés multipliés. Bien entendu, les deux personnages du livre vivent sous la plume de Tournier un récit reprenant toutes les attentes de chauffeurs-routiers roulant sur un autoroute. Mais la candeur de l'un d'eux, son expérience peu développée de son rôle lui fera vivre une histoire d'amour étrange dont je ne vous raconterai pas la fin mais disons qu'elle est particulièrement tragique et laissera l'enfant concerné par cette édition à la fois dans le récit d'un drame violent mais également dans son illustration puisque ce petit livre est enrichi de dessins de Georges Lemoine. Dessin d'ailleurs très beaux, très clairs.
Si Tournier déjà à l'époque n'échappe pas à une vision un peu militante contre l'autoroute dans la préface qu'il fait à l'ouvrage (on la dirait écrite pour les parents !) il laisse le lecteur avec tout de même le sentiment que l'autoroute reste une expérience certes particulière et un peu oppressante mais sans non plus tomber dans un récit trop militant. Disons que Tournier laisse la chance à l'enfant-lecteur de voir l'autoroute comme une multitude d'expériences à vivre vraiment, en toute conscience.
Je vous laisse donc faire l'expérience de cette lecture en n'oubliant pas que Tournier écrit ce livre à une époque où l'autoroute est bien sûr inscrite dans les moeurs mais est perçue comme un objet moderne, de progrès, des joies de l'automobile.  
Michel Tournier finit sa préface en parlant de l'autoroute comme un coup de hache dans le paysage. Je suis de ceux qui aiment les coups de hache.

Bien entendu c'est cette même réalité moderne qui donnera la possibilité pour les éditeurs de cartes postales de produire des cartes qui seront perçues comme naturellement des illustrations de ce mode de vie. L'époque est au regard positif sur ce genre d'objets comme les cafétérias, les centres commerciaux, les parkings et donc les autoroutes. Ces cartes postales aujourd'hui nous étonnent car expédier ainsi une carte d'une gare de péage ou d'un restaurant d'autoroute semblerait aux jeunes générations sans aucun doute étrange.
Pourtant comment ne pas tomber sous le charme d'une telle image ?


La nuit est tombée sur le restaurant Jacques Borel, les automobilistes font une pause sur l'A1 et l'image est barrée d'une lumière dorée et chaleureuse qui, un peu comme l'aurait fait Hopper ou Magritte, nous laisse entre jour et nuit. L'éditeur La Cigogne nous permet même de savoir qui sont les architectes de ce restaurant d'autoroute : Messieurs Maurandy et Fatus que nous connaissons bien sur ce blog.
N'a-t-elle pas cette photographie anonyme un potentiel cinématographique ?


Après un échangeur, l'automobiliste aura récupéré l'A 13 et fera  une nouvelle pause ici, au Restop de Morainvilliers.
Le photographe des éditions Guy a préféré photographier le lieu vidé de clients, de voyageurs. On tente de nous faire comprendre ce nouvel espace et cette nouvelle expérience du repas rapide dans un décor moderne, ouvert, pop. Mais qui a pris le temps de choisir et d'écrire là une carte postale sur la route ? Le routier bulgare parti de chez lui depuis trois jours ? Le petit-fils avec ses parents de retour de chez la grand -mère qui lui manque déjà ? Le représentant de commerce qui donne des nouvelles pour dire qu'il ne rentrera pas finalement jeudi mais vendredi car il a été appelé par un client hier ?
Qui pour écrire sur le dos de cette image sa vie et l'expérience qu'il fait de cet objet étrange qu'est l'autoroute ?

L'aire du Muguet
Michel Tournier
éditions Gallimard Folio Jeunesse
1978
quelques centimes chez Leclerc Occasion

Pour revoir les architectes Maraudy et Fatus et les articles sur l'autoroute :





dimanche 16 janvier 2022

Depuis le Hard French, on pense au BeurCore



Il faudrait pouvoir faire les deux choses en même temps : voir le bâtiment lui-même et voir le paysage depuis le bâtiment.
Il nous manque souvent ce point de vue pour comprendre aussi ce que l'architecture porte comme présence dans un lieu et un espace. 
Car, si cette carte postale Leconte nous montre bien l'attention à la verticalité de ce genre de bâtiment, depuis le sol, depuis la chambre qui en redresse les verticales, rien ne nous permet de dire comment on voyait le monde depuis la chambre des enfants, depuis la fenêtre de la cuisine, depuis la pièce à vivre. Habiter une tour c'est souvent faire l'expérience de sa hauteur ou vivre dans la frustration du poids des étages supérieurs qui vous écrasent un peu quand on demeure (dans tous les sens du verbe) dans les tout premiers étages. Ce sentiment existe, je l'ai ressenti souvent. On lève la tête pour voir la construction dans laquelle on va rentrer et, en quelque sorte, on reste sur sa faim si par malheur, il n'est pas nécessaire d'en arpenter les étages pour faire la visite de la tour, en faire l'expérience de sa hauteur.
Cette tour de la Cité Notre-Dame au Blanc-Mesnil est bel et bien une parfaite représentante de cette question et son image ainsi composée raconte parfaitement cette expérience. C'est bien au photographe que l'on doit ce sentiment car le redressement optique ici n'agit pas comme un trucage, comme un faux-semblant, comme une erreur contre la nature de l'œil, ce redressement au contraire permet de retrouver sur une image l'expérience de sa masse, d'une physicalité brute, magnifique, j'oserai (pardon...) romane.
Il faut dire que tout est à l'unisson du Hard French : régularité parfaite de la grille (admirable), léger décrochement des volumes, ouvertures généreuses, escalier extérieur massif et projeté sur la façade, implantation sans détour dans le sol ; le noir et blanc accentuant pour finir la beauté de l'image, d'en radicaliser le dessin. On note que le photographe a réussi à nous introduire dans sa photo un premier plan végétal comme il se doit, avec quelques feuilles en haut et à droite, comme si le surgissement de l'immeuble arrivait à l'improviste d'une trouée de verdure.
Les enfants à peine visibles devant la porte de la tour s'amusent du photographe qu'ils ont repéré. On voit clairement qu'ils nous regardent. Les vélos serviront plus tard quand le monsieur aura fini de les photographier.
On sait que Le Blanc-Mesnil est une ville incroyable pour lire les expériences et l'histoire du logement social. Mais j'ai un peu peur que ce genre-là, la tour superbe de Hard French, dans sa radicalité d'un brutalisme à la française, dans la beauté de son montage, dans sa préfabrication ne lui permette pas d'entrer dans cette histoire. Sans doute que d'être un archétype n'aide pas quand toute une société veut faire mourir cet archétype, jugeant bien trop vite, au nom des politiques de la Ville, des sentiments écologiques, des rapports de Police ou d'autres dégoûts organisés que ce modèle n'est plus acceptable.
Il ne me reste plus comme espoir que la culture qui est liée à ces bâtiments, que ceux qui y vivent, que cet espoir devienne de fait un désir et que, par les voix extérieures, celles d'une gentrification désolante, il devienne cool de vivre là. Cool. On voit cela à Abraxas.
Et si la pochette de l'album Dancehall de The Blaze est un archétype du même type que celui du Blanc-Mesnil, si donc cette architecture commence à produire une image positive (un signe), admirée, reconnue comme faire-valoir, alors on aura peut-être la chance qu'une génération, celle du BeurCore (merci Sara Sadik d'avoir donné un nom à ce monde) finira par réclamer le sauvetage de cet archétype dans une nouvelle Histoire de l'Architecture prenant enfin en compte aussi ces chefs-d'œuvre brutaux et donc poétiques. Le risque, (faudra-t-il le prendre ce risque ?), le risque c'est qu'alors le Hard French devenu BeurCore ne devienne ensuite mainstream et que la gentrification jette au dehors ceux-là même qui en ont fait le sens.
Qui sait ? Que faire ? Comment agir ?
C'est souvent la fierté qui sauve.



Est-ce que cette autre carte postale Guy de la Cité Notre-Dame du Blanc-Mesnil n'aurait pas été prise justement depuis la tour ? Je le pense.
Les petites barres, bien modestes, tranquilles, sont répandues dans un parc un peu dessiné, aux fausses allures de jardin, n'offrant que des tapis découpés plantés d'arbres un peu maigre. Les enfants ne joueront pas sur l'herbe, les jeux n'y sont pas posés. On devine ces enfants dans un cercle de sable à droite de l'image. Presque sur chaque balcon, un parasol est venu se poser, parfois c'est une chaise longue qui y prend place aussi. On met les joies de la plage où on peut.
Qui se rappelle comme moi de ces beaux lampadaires urbains qui furent largement diffusés à cette époque ?
Voilà donc un paysage né d'une politique du logement urbain, né d'une histoire de la modernité architecturale, voilà donc un paysage né de la volonté de loger bien et vite une génération, voilà à quoi a ressemblé cet espoir mêlé d'une profonde nécessité. Car, comme il ne faut pas oublier ce que l'on voit depuis une architecture, il ne faut pas oublier non plus ce qu'elle remplace, quel manque elle comble. Au risque de juger vite, trop vite des qualités ou des erreurs de ce genre et de ne pas aussi tenter de comprendre les efforts faits pour que cette expérience soit la plus salutaire possible. Ils n'ont pas démérité tant que ça les concepteurs de ce genre d'urbanisme. Ils ont fait. Ils ont construit. C'est déjà bien. Et, l'Histoire de l'Architecture ne doit pas trop vite se réserver qu'aux exceptions géniales, remarquées et remarquables. Elle doit aussi conserver ce modèle justement parce qu'il est une typologie.
Voyez ce qui se passe pour le Camus Haut d'Annay. Merci Sinbad Hammache pour l'alerte.
Pour cette Cité Notre-Dame, Google nous montre aujourd'hui une cité privatisée, fermée derrière une grille. Mais la tour Notre-Dame est debout, belle, d'une blancheur égale. Je ne sais pas quoi dire de ce constat, si ce n'est, et vous trouverez ça ridicule, que cela m'émeut de la savoir encore debout. 
Cela m'émeut.
Et je me vois aussi, à mon tour,  obligé de la photographier derrière un premier plan végétal.
Par contre, j'ai le regret de n'avoir pas trouvé le nom du ou des architectes de ces architectures du Blanc-Mesnil.
David Liaudet

Pour lire la définition du BeurCore et voir le travail de l'artiste Sada Sadik :
Pour lire l'article de Sinbad Hammache : 


qui reconnait cet immeuble ?






mardi 11 janvier 2022

Des constructivistes et donc des communistes à Strasbourg


 
Il est amusant de voir comment le constructivisme officiel a essaimé en France depuis le Pavillon de 1925 de Melnikov (Melnicov, Melnikoff etc...). Après la découverte de Zolotobin à Marseille, voilà que c'est à Strasbourg, en 1929, que l'on retrouve les constructivistes soviétiques. Et de quelle manière !
Car il ne fait aucun doute au vu de cette carte postale que l'influence du Pavillon de Paris est grande. D'abord le toit clairement inspiré des croisements de l'escalier de celui de Paris puis l'entrée spectaculaire faisant entrer les visiteurs entre des lames dont on devine par le constat qu'elles devaient être de couleur (rouge sans doute ?)
Évidemment, le plan en est bien plus simple, un rectangle, mais on pourrait aussi voir dans cette simplicité, cette fragilité le sens-même de l'influence du pavillon préfabriqué de Melnikov à Paris.
On notera que la carte postale, malheureusement, ne nomme pas le ou les architectes, il est donc difficile de savoir si cette construction fut supervisée par un compagnon de Melnikov et encore moins par Melnikov lui-même, ce qui semble peu probable. Pas plus nous ne saurons si Zolotobin est intervenu dans cette propagande architecturale de L'U.R.S.S comme il l'a fait pour Marseille.
La carte postale nous indique seulement qu'il s'agit là d'une représentation commerciale de l'U.R.S.S, 25 rue de la Ville-L'Evêque à Paris. Peut-être que c'est là que travaillait Zolotobin.
Qui en dessina les plans ? Des soviétiques travaillant en France ? Les plans furent-ils décidés en France puis contrôlés par l'U.R.S.S ? Cela est presque certain de la part d'un état aussi bureaucratique. Est-ce que cette fragilité apparente est aussi l'expression d'un état pauvre, jouant sur l'intelligence pour faire de l'économie un signe de sa modernité ?
Deux messieurs à chapeau à large bord et une dame sont sur le perron et nous attendent. Ils donnent l'échelle de la construction. On s'amuse à rêver que Zolotobin soit l'un deux...
On voit donc que de 1925 à Paris, en passant par 1928 à Marseille et donc 1929 à Strasbourg, la Représentation Commerciale de l'U.R.S.S produit trois Pavillons, tous bien marqués par l'influence constructiviste, très affirmée même, et que ces architectures semblent poursuivre par des formes simples, une certaine pauvreté des matériaux et une éloquence affichée, une architecture avant-gardiste.
Va-t-on vers la découverte d'une école française du constructivisme soviétique en France ? Qui donc étaient ceux qui travaillaient pour cette image moderne en France ?





Mais...
Mais ce n'est pas fini.
Le verso de la carte postale est tout aussi passionnant, je vous le transcris difficilement tant l'écriture est en pattes de mouche.

Strasbourg, le 5 octobre 29
Mon cher Jean,

Merci de ta carte qui nous annonce ta rentrée dans la cage !!!
Notre ami Carlier est toujours en U.R.S.S. il est emballé. Les camarades l'hébergent entièrement à l'œil depuis son arrivée ; ils ne veulent pas qu'il paye 1 centime -ni un kopeck- et sont charmants. Il va tous les soirs au théâtre, qui est tout simplement merveilleux. L'Opéra de Moscou laisse loin derrière lui celui de notre Paris aussi bien illisible, que décors, musique -etc- Le Congrès de Médecin est très intéressant- les installations scientifiques sont hors lignes. Carlier traduit en français et en allemand tous les travaux du congrès. De tout cela il résulte que la haine contre L'U.R.S.S est justifiée de la part des capitalistes car ceux-ci pensent illisible se rendre compte des progrès de géant réalisés là-bas !
As-tu lu les attaques de cet arsouille d'Istrati dans la N.R.F. en voilà une fripouille qui ribouldinguerait là-bas. maintenant insulte salauds ! (sic) Les roumains sont des vauriens. Amitiés Piôtr.

Mais qui sont ce Piôtr et ce Jean à qui est adressée la carte postale ? Qui est ce Carlier qui reste en U.R.S.S ?
Pour Istrati, aucun doute, il s'agit de l'écrivain Panaït Istati dont on sait ce qu'il pensait de l'U.R.S.S. 

Pour Carlier, il pourrait bien s'agir de Aimé Carlier dont la biographie ici semble corresponde point à point à la carte, notamment pour ce qui est des traductions.

On reste sans précision donc sur Piôtr et son ami Jean. Par contre, on devine donc que Piotr est un lecteur de la N.R.F et que les précisions sur le Médecine et l'Opéra prouvent sans doute un niveau culturel élevé.
En tout cas, Piôtr est à Strasbourg, il faudrait donc peut-être chercher du côté des médecins communistes en Alsace à cette période. À moins qu'il ne soit là que de passage. La carte entièrement recouverte d'écriture fut expédiée sous enveloppe car elle ne possède pas d'adresse pour Jean. La familiarité de l'évocation de Carlier pourrait prouver qu'il s'agit de cadres du Parti communiste de l'époque. Mais... rien n'est certain. On notera, une fois encore que, malgré le choix d'une architecture audacieuse et politiquement marquée, le correspondant ne fait aucune allusion à cette architecture, n'émet aucun jugement positif ou négatif sur ce qu'il y a vu. L'image fait foi de cette modernité et de cette communauté d'idées.
Il va sans dire que, pour notre part, cette carte postale de par son image et son texte, fait partie maintenant des plus belles de la collection de David.
Walid Riplet.

Pour relire les articles sur Georges Zolotobin, Melnikov et les constructivistes :






dimanche 2 janvier 2022

Entre ciel et asphalte, ces photographies ne sont pas des trophées

C'est bien là, entre ciel et asphalte, qu'a eu lieu. Il y a eu lieu.
Et pour ce faire, pour tout tenir dans l'image, le photographe était debout face aux objets urbains.
Simplement debout. Lui construisait un atlas.
C'est là une déclaration dont il faudra tenir compte pour les années à venir. Les espaces des images sont bien trop souvent interrogés avec suspicion, avec le doute sur la tranquillité, sur l'apaisement produit par les surfaces colorées en un certain ordre assemblées, comme si notre projection sur ces espaces n'avait pas de vérité.
Rien pourtant ne mérite le dédain du safari, le dédain de celui qui sait qu'il n'habitera pas .
Cette photographie n'est pas un trophée. Elle est une urbanité.
Car rien n'est plus réel ou absolu comme disait Serge Daney que ces représentations. Parce qu'elles sont attendues de nous, de nos usages, de nos propres désirs d'un idéal. C'est le soleil qui fait ça, c'est sa lumière égale, étale, identique sur le paysage urbain.
C'est ce que nous désirons pour l'année à venir.
Nous souhaitons que le Patrimoine ne soit pas instrumentalisé. Que les icônes ne bouchent pas la vue sur l'état général de ce Patrimoine.
D'ailleurs même les icônes sont aujourd'hui menacées, instrumentalisées, engluées dans la communication, dans le faux-semblant des intentions politiques de leur gestion.
En 2022, nous restons définitivement pour :
UN ÉTAT D'EXCEPTIONNALITÉ TOTALE ET NON NÉGOCIABLE DU PATRIMOINE MODERNE ET CONTEMPORAIN.




À Neuilly-sur-Marne, dans la Résidence des Bouleaux, le photographe des éditions Raymon a laissé le bleu prendre le dessus. Il se répand partout, déteint de tout son long sur les murs, le sol, le ciel. N'y aurait-il pas trop d'asphalte dans cette images ? Trop de cette matière ?
Et la trame de l'Offset n'empêche pas de lire Mitterrand sur les affiches. La Fiat 500 vient ponctuer de rouge cette froideur du bleu. Et il faut la loupe pour rencontrer quelqu'un. 
Pour le reste l'histoire de l'architecture et de l'urbanisme jugera de cet espace. L'œil au moins y circule. 



À Fosses, ce sont bien les tons chauds qui gagnent l'image des éditions Abeilles-Cartes. On sait que cette carte postale était vendue exclusivement au tabac de la gare par la Maison Perrier. Le concurrent de Raymon, Lyna, fait donc jouer tous les bruns, les orange, les terre de Sienne. Il n'y a que le bleu du ciel pour la rapprocher de celle de Neuilly-sur-Marne. Personne. Un vélo. Un silence. Et une architecture qui ne démérite pas.
Pourquoi Thérèse a choisi cette carte postale pour jouer au concours de Télé-Loisirs ?  Indifférence de l'image pour ce genre de correspondance sans vraiment de correspondant ?
Et la phrase cachée qu'il fallait trouver explique peut-être ce que nous devons faire :
Comprendre c'est vraiment pardonner.
Nous ne savons pas si nous y arriverons face aux imbécilités à l'œuvre.
La résilience n'est pas fille de ce blog.
Ici, on n'oublie.

Tous nos voeux patrimoniaux pour 2022.
Walid Riplet, Jean-Jean Lestrade, David Liaudet