mercredi 30 août 2023

Atlas Régional Nécessaire



Et si, comme tout le monde, on avait envie d'enfoncer les portes ouvertes ?
Et si, comme tout le monde, on faisait semblant d'inventer un inventaire, de fabriquer un genre, de construire un fonds ?
On sait aujourd'hui que le débat sur la bonne santé du pavillonnaire n'en finit pas de passer par des phases de rejets et des phases de retour en grâce sans que le modèle et son image ne soient finalement analysés. L'architecture sans architecte des pavillons est-elle le nouveau vernaculaire si chers aux lecteurs trop superficiels de l'oeuvre de Walker Evans ? Faudra-t-il un centre d'art pour faire semblant de donner de la noblesse dans un second degrés depuis cet art de la  représentation d'un certain bonheur architectural ?
Qui pour nous faire croire qu'il aurait inventé là quelque chose, avant tout le monde, fabriquant une oeuvre  sautant du dégoût admis à l'exaltation de cette défaite de la culture architecturale par l'Art Contemporain ?
Moi ?
Allez...je suis assez tenté.

Finalement, on peut piller, classer, ranger et chanter partout que ce regard en coin, de biais, amusé serait sérieux puisqu'il aurait reçu l'aval (et l'amont de l'Histoire ?) de critiques qui ne fréquentent pas finalement ce genre et, surtout...ces lieux....Sauf Claude Lévêque peut-être. Oui, je veux rester attentif et même attendri à son étrange parcours.

Pour le  BeurCore c'est fait et c'est fait depuis longtemps maintenant. Remercions ceux qui mettent un nom sur une pratique de requalification culturelle : Sara Sadik.
Ne reste que le paysage des gilets jaunes qui ne soit pas encore récupéré par les Fashion Addicts, les marques de luxe, les revues de décoration intérieur comme AD qui propose de réfléchir sur l'angle droit en s'appuyant sur les quelques villas et maisons bulles : on rigole.  On attend avec impatience un article de AD sur Gifi ou But et le design populaire. 
Alors, ils viendront les artistes contemporains pour remanier à leur sauce ce monde de l'étalement pavillonnaire. Ils viendront à contre-courant pour croire inventer un regard, un mouvement, un territoire. On pisse au quatre coins de ce que l'on peut ( les Pays, les non-lieux, les hétérotopies etc) et, finalement, les lotissements de pavillons pourraient bien servir à ça. Et faire semblant d'aimer ce que tout le monde déteste ça donne de l'épaisseur intellectuelle, le fameux pas de coté de l'artiste en manque d'originalité.

Je sais de quoi je parle. (vous avez raison, c'est de bonne guerre)

La laideur architecturale peut-elle être finalement à l'origine d'un mouvement politique et esthétique qu'il faudra écrire ? Comment justement cette laideur a-t-elle pu séduire et se construire une image de lieu habitable ? Qui a définit cette esthétique du bonheur et pourquoi tout une classe sociale s'y est reconnue ? 
C'est quoi cette maison ?
Peut-être que pour comprendre comment cette dérive esthétique a pu exister, il faut se retourner sur les documents graphiques et promotionnels des fabricants, des promoteurs, des constructeurs ? Comment ont-ils représenté cette vie et ce type architectural et sur quel signe ? Et que disaient-ils aux futurs acheteurs de ce monde de propriétaires fait d'un morceau de terrain recouvert en partie par une architecture a minima, une sorte d'image préfabriquée du bonheur ?
Sur les trois exemples que je vais vous monter, ce qui saute au yeux c'est que le mot architecture n'est jamais employé, pas plus que le mot architecte. N'apparaissent que constructeur et maison. On note aussi que les maisons sont toujours représentées seules, sans le contexte et le prospect, comme si la maison, le pavillon n'étaient pas insérés dans un lotissement, qu'ils étaient perdus dans la nature dont on ne sait pas bien ce qui la constitue d'ailleurs. On note les efforts du photographe pour éviter ce voisinage. La forme globale est toujours la même, un habitat plat surmonté d'un toit en double pente que seule la variation des détails pseudo-régionaux viendra compléter. La couleur des façades et l'apparition minimale du bois (volets, poutres...) finissent de donner à ces constructions un semblant de caractère régional. Rien d'autre. On note que les constructeurs ne communiquent pas sur les plans intérieurs, sur le déploiement des espaces, sur l'originalité d'un lieu de vie. Non, l'argument essentiel est celui d'une certaine tranquillité reconnue comme accessible financièrement. Le coût reste l'argument essentiel. On parlera d'accessibilité.
Il reste difficile de dire qui a commencé, je veux dire est-ce que les constructeurs donnent aux futurs acheteurs l'image exacte de l'attendu d'un futur propriétaire ou bien est-ce que les acheteurs se trouvent finalement devant un marché du pavillon ne lui donnant comme modèle que celui-ci ? 
Dans ma collection, ce genre de cartes promotielles est assez fréquent et il fut même une période ou je l'ai boudé...
On observe l'usage fréquent de la photographie comme mode de représentation des pavillons mais qui est souvent accompagné de peintures et de dessin. Pour l'instant je n'ai trouvé aucune carte montrant des maquettes et on peut s'en étonner car la maquette fut bel et bien un objet de représentation en cartes postales et je me souviens de certaines maquettes de pavillons sous des globes de plexiglass chez des promoteurs. Sans doute que le constructeur préfère communiquer sur du réel, sur de vraies constructions ce qui appuiera sa réputation et prouvera la confiance qu'il a déjà reçu de la part de nouveaux propriétaires. C'est du solide en quelque sorte. On ne sait absolument rien des artistes et des peintres ayant travaillé pour ces constructeurs. Souvent, les représentations ne sont même pas signées. Comment les constructeurs recrutaient donc leurs dessinateurs ? Je ne sais...
Le ciel est bleu, les arbres sont verts, les familles sont  dehors et les enfants jouent. Le bonheur donc. Rappelez-vous ici :

Je note qu'au verso de la carte des Maisons GTM et Compagnie, le constructeur ne s'adresse qu'à l'homme du foyer puisqu'il est demandé de cocher une case pour savoir si "Madame" travaille !

Autre remarque sur ce mode de publicité choisi et l'utilisation des codes de la carte postale : on notera que très très peu de promoteurs d'appartements ont utilisé ce mode de représentation et de diffusion commerciale, en tout cas c'est très faible par rapport à la construction des pavillons. Il y aurait comme un certain accord entre ce mode d'habitat et la carte postale, comme une culture commune de la représentation de la vie à la campagne, une sorte d'idéalisation de l'habitat individuel, se référant sans doute à la maison de campagne, la fermette, le petit cottage tranquille, voir le manoir, une représentation rassurante, loin des axes routiers et de la concentration urbaine, croit-il.
C'est en ce sens que je considère qu'il y a bien là l'invention d'un genre et que je me dois ici de le diffuser et de le révéler. Chaque constructeur ayant essayé de coller à son terrain régionaliste, à son Pays, à son monde, on pourra facilement fabriquer un inventaire et même, localisation par l'image oblige, on pourra inventé un A.R.N : un Atlas Régional Nécessaire.
Nécessaire ? Oui, car il est temps de sauver cette imagerie populaire de l'architecture, cette vision de l'habitat et de l'urbanisme. Il faut montrer comment ce rêve fut et est encore diffusé largement. Et, vous verrez que, comme d'habitude, c'est par ce second degrés permanent qui agite notre époque actuelle que l'on pourra peut-être vraiment étudier notre monde. Ce monde n'est pas underground, il n'est pas invisible, il ne mérite aucun sourire en coin, amusement, petite satisfaction auto-centrée post-anthropologique ou sociologique pour Art Contemporain en panne de sujet, ce monde c'est celui que j'habite, le mien, le vôtre peut-être. Et on emmerde les visiteurs du jour, capteurs d'images, cette petite aristocratie culturelle et bourgeoise qui s'encanaille à la campagne, qui vient nous voir en safari, le fameux zoo de la France tranquille et qui produit un arpentage condescendant de la diagonale du vide pourtant... si peu vide.
Alors ? On y va ?
On les fait chier à notre tour ?

pour voir ou revoir des articles sur cette questions :






lundi 28 août 2023

Jean-Pierre Raynaud, promoteur de la Ligne Claire ?

On peut mesurer l'impact d'une oeuvre d'art à la fréquence et la manière dont elle ressurgit dans l'Art Populaire comme un signe de reconnaissance avec un certain public voyant dans l'usage de cette oeuvre une complicité sur un terrain culturel commun.
Il en va ainsi d'une des plus célèbres maisons d'artistes qui pourtant n'est pas une maison d'architecte, du moins, on ne peut pas dire que son auteur se situe sur ce terrain.
La maison de Jean-Pierre Raynaud est bien cet objet.
C'est bien entendu sa radicalité, son homogénéité esthétique et son utilisation maniaque d'un carreau de carrelage blanc et d'un joint noir qui ont produit sa réputation d'oeuvre d'art totale. Le moins que l'on puisse dire c'est que cette Maison de Raynaud était bel et bien une oeuvre d'art mais, je pense aussi, une oeuvre architecturale et cela presque malgré Raynaud. Le déploiement des espaces, le désir de créer un lieu poétique aux noeuds psychologiques me rappellent les textes des débuts d'un Ricardo Bofill jeune voulant faire de ses architectures des moments métaphysiques comme si l'habitant devait subir de fait ce trouble pour, non pas habiter quelque part mais être habité tout court.
Sans doute un surjeu de l'architecte un peu ambitieux à son rôle.
Raynaud maintient d'ailleurs dans cette maison tous les usages habituels jouant même avec certains codes décoratifs comme le tapis par exemple. C'est en fait un dessin de maison. Le joint noir agit bien comme le trait du crayon.
Jean-Pierre Raynaud use donc d'une sorte de froideur due à la blancheur répétée de chaque carré émaillé en lieu et place d'imiter l'hygiène hospitalière. La netteté intrigante est effrayante car recouvrant tout, phagocytant chaque surface comme une maladie de peau ou, pire, venant d'un ordre absolu et ...ce qui fonde et appuie ce choc esthétique c'est que le plafond et bel et bien lui aussi couvert  prouvant la folie de l'auteur. On sait comment l'objet plafond en architecture intérieur est une sorte de limite, de point Godwin de la décoration. L'histoire de la moquette  au XXème siècle le raconte assez bien...
Attaquer (au sens militaire si on veut rire un peu), attaquer le plafond est toujours une preuve de radicalité. Mais la Maison de Jean-Pierre Raynaud n'est pas une maison de fada. C'est une maison.
Alors je me réjouis soudain de trouver cette carte postale publicitaire qui fait bien entendu référence à notre artiste national bleu, blanc, rouge :



Il s'agit d'une carte qui promeut le Crédit Agricole de Toulouse. On note que l'illustrateur Martin Veyron a réalisé d'autres cartes dans cette série publicitaire. 
On envie sur celle-ci les Mercier qui ont décidé de suivre à la lettre le mode de vie de Jean-Pierre Raynaud et aime recevoir leur carreleur pour l'apéro ! On note aussi que cette maison des Mercier reprend tous les codes de son modèle mais que Martin Veyron semble nous dire que ce modèle serait vivable : habité et habitable donc. Rien sur la réalité effective de l'imitation du modèle, sur le rôle de la copie ou de comment les Mercier ont pu s'approprier le travail de Raynaud !  On sait qu'ils sont "férus d'Art Minimaliste".
C'est drôle mais il reste difficile de savoir comment ce type d'image a pu toucher la clientèle du Crédit Agricole de Toulouse. Qui avait alors la référence qui fait la complicité avec l'auteur et son humour ? J'aime le détail du petit chauffage calé entre les volumes et qui raconte la froideur du lieu. J'aime aussi la pose du propriétaire avec ses pieds sur la table basse ! Si on agrandit de trop le dessin de Martin Veyron on peut se retrouver entre Patrick Caulfield ou Roy Lichtenstein ! On devine que le Crédit Agricole veut ici communiquer sur la large ouverture de son esprit aux désirs de ses clients. Martin Veyron, lui, fait un signe.



Ce signe culturel interroge bien comment une oeuvre d'art radicale devient une image, comment elle se diffuse dans l'Art Populaire, comment elle réclame justement cette reconnaissance.
Il faudra que Martin Veyron nous raconte s'il avait bien visité cette Maison de Jean-Pierre Raynaud pour pouvoir ainsi, aussi librement, nous en faire une traduction. Se reconnait-il alors dans ce couple ? L'envie-t-il ? 
Et aussi, à son tour, comment Jean-Pierre Raynaud a bien pu réagir à ce retour du réel, celui de l'imitation par goût des Mercier, celui de Martin Veyron comme connaisseur et celui des regardeurs comme moi tombant sur cette carte postale ? Le trop de popularité d'une oeuvre d'Art finit-il par l'abimer ? 
Les Mercier ont-ils à leur tour détruit leur Maison minimaliste ? Ce retour du réel et le doute existentiel qui l'accompagne sont-ils trop fort pour le quotidien d'un couple d'amoureux ? 
Qui sait...
Qu'importe ! Je considère pour ma part que la Maison de Raynaud était une oeuvre qu'il aurait fallu préserver. Détruite, je n'ai qu'un regret : ne l'avoir connue que par des images et des projections mentales que je me suis fabriqué. C'est sans doute la preuve que la si fameuse promenade architecturale n'est pas toujours nécessaire au saisissement des enjeux psychologique d'un lieu. Peut-être, qu'au fond de moi, la peur de mes projections mentales sur ces carreaux de céramique  m'a empêché et retenu de faire cette visite.

Pour revoir des articles sur le carrelage :



samedi 19 août 2023

la ville à la campagne ça n'existe pas

On ne pourra pas dire que ce blog ait cherché à éviter les poncifs de la représentation de la ville nouvelle et de son accord avec la (maintenant) sacro-sainte Nature...
Ah...le rêve d'Alphonse Allais* de ville à la campagne ! Presque pris à la lettre il y a quarante ans par une génération d'urbanistes, de paysagistes et d'architectes qui, aujourd'hui doivent être contents de voir les jeunes barbes reprendre le flambeau à grands coups révolutionnaires de cours d'écoles dont on arrache l'asphalte ! La révolution, on la commence par où l'on peut et avec la paraphrase permanente d'un éco-terroriste auto-proclamé, Gilles Clément : du flou, du flou, du flou.

Mais voilà, il semble bien que ce sentiment de nature, cette pression de l'urbanisme sur la nature et la campagne furent bien représentés par des cartes postales désireuses de montrer ce contact entre deux mondes encore présents, luttant ou s'amourachant l'un l'autre.
Regardez :


Cette carte postale s'intitule le glaneur. L'éditeur c'est Image Chouette, le photographe c'est Mr D. Planquette, la ville c'est (je pense) Évry et les architectes, Andrault et Parat.
Que voit-on ? Et surtout : que veut nous montrer Mr Planquette ? L'image éternelle du glaneur venant sur le champ trouver sa pitance, image réunissant deux mythes, celui d'un Jean François Millet ou d'un Van Gogh et de l'implaccable pression au loin de la ville nouvelle ? Ou bien, au contraire, l'accord possible de cette architecture avec les mythologies sentimentales de la pauvreté et d'une certaine tradition des images de la campagne ?
Difficile à dire ? Peut-être que Mr Planquette ne fait que saisir, surpris lui-même par la situation, le collage entre ces deux mondes qui semblent se retrouver. Instant étrange, presque surréaliste.
L'image est belle au sens plastique du terme : accord parfait des couleurs chaudes, disposition des actions, le tracteur et le monsieur à béret (la France éternelle) se font écho, le flou des immeubles sous la poussière soulevée par le tracteur. Tout cela fonde un pittoresque.
On est proche de la tradition de la carte postale artistique de Monier pour les éditions Prestige. On pourra presque reprocher à la carte postale (elle en a l'habitude finalement) de mettre l'esthétique avant le fond, de faire image avant de faire sens ou, du moins de laisser ce sens flotter entre plusieurs possibilités. Le correspondant finalement écrira ce qu'il veut. On ne sait pas ce que sont devenus ces terrains, ces champs. On ne sait pas si cette silhouette d'homme à béret appartenait ou pas au monde de la ville nouvelle, on ne sait pas ce que l'agriculteur pouvait penser de ses nouveaux voisins et de son horizon ainsi construit. Rien.
Menace, occasion de vendre à bon prix des terrains ? Qui sait...

Par contraste et comme une autre revendication, voici une autre carte postale dont le photographe est encore D. Planquette :



La carte postale nous dit clairement cette fois que nous sommes à Évry, Ville Nouvelle, devant le Parc des Loges aux pieds des Pyramides. Pas de secret ici, pas de mystère. La ville sur l'horizon loin de nous menacer, est accomplie, complétée par son premier plan de pelouse ou prairie généreuse. Là encore, Mr Planquette saisit une mythologie : celle poétique des enfants jouant avec un cerf-volant, image apaisante, jouant des éléments naturels. La tranquillité des enfants pris dans leur occupation dit bien aussi la ville apaisée, heureuse d'offrir à la nouvelle génération cette espace-temps du développement de l'enfance...
Étrangement, la seule chose un peu menaçante c'est le ciel qui pourtant apporte aussi l'énergie du vent. Comme c'est beau...Comme cela devait coller parfaitement aux idées généreuses des urbanistes et architectes de ce moment, presque l'idéalisation de cette certitude politique du renouveau urbain : une communication parfaite.
Là encore, on ne peut certainement pas dire que Mr Planquette construit cette image idéale, on peut penser qu'il a saisi seulement son surgissement. Ici, on ne fait pas faire aux enfants la ronde aux pieds des immeubles modernes comme ici, rappelez-vous :
Mais on peut aussi se poser honnêtement la question de cet accord parfait entre le désir politique et son image parfaite. Mr Planquette l'a-t-il attendu ? Surpris ? Un peu fabriqué ?

J'attends sa réponse, ses précisions. Les enfants ont grandi, se rappellent-ils presque quarante ans après avoir appartenu à ce moment de l'Histoire de l'Urbanisme, d'en avoir avec leur naïveté en quelque sorte construit son image un rien idéalisée ? Ont-ils désiré partir ? Rester à Évry ?
Cette incertitude m'émeut. C'est celle de l'enfance remémorée.
Je ne sais rien de comment les éditions Image Chouette étaient distribuées. Je ne sais pas comment Mr Planquette avait travaillé à ces points de vues, ces désirs d'images pour un éditeur de cartes postales. On pourra me le reprocher. Je ne crois ni en des cartes promotionnelles ni en des cartes soutenues par la ville. Je pense au dernier soubresaut d'un art ayant cru que la carte postale pouvait encore témoigner d'un certain regard sur une aventure urbaine si particulière et souvent courageuse. Il ne faudrait pas l'oublier

Vous retrouverez beaucoup de cartes postales de Évry ici : 
etc...

*cette idée serait en faite formulée d'abord par Jean Louis Auguste Commerson.



jeudi 17 août 2023

Fonds Lestrade : un peu au hasard, pas toujours du hasard

Je reçois, je diffuse :

Bonjour,
l'été est propice à descendre dans la cave de l'agence pour y chercher la fraicheur et fouiner dans les archives du fonds Lestrade.
Rien de très rare mais voilà ce qu'on y trouve avec Jean-Jean :









Dans une boite de diapos, on trouve cette série sur le quartier de Flandre à Paris, devenu maintenant a place to be pour Brutaliste égaré dans la capitale ! 
Ici, pas de doute, il s'agit de diapos de travail certainement faites par Lestrade lui-même ou Gilles Lestrade. Vu l'époque et la qualité des images, on peut facilement en conclure qu'il s'agit de Jean-Michel.
On y voit donc quelques images du quartier dessiné en partie par van Treek qui furent prises peu de temps après la construction. Les diapos Kodak sont datées de novembre 1976. On trouve aussi une belle tour du duo plasticiens : Roger Anger et Puccinelli, architectes. On note que les photographies donnent surtout des vues de loin, d'ensemble et pas de détail. Il ne s'agit sans doute pas non plus de photos à but pro car l'agence Lestrade n'a pas travaillé sur ce chantier ou pour ce projet. Non, il s'agit de photos de curieux de l'architecture. Finalement, comme vous et moi ! Impossible aussi de préjuger ce que Lestrade pouvait bien penser de ce type d'architecture même si la structure et son déploiement en encorbellement avaient dû séduire et au moins étonner l'ingénieur en structure. Il s'agit sans doute de constats de cet étonnement !





Cette minuscule photo de Saïda en Algérie en mauvaise état était perdue dans une enveloppe sans indication. Difficile donc de dire sa provenance ou son auteur. Il reste possible qu'elle soit bien une photo prise par Jean-Michel Lestrade lui-même ou envoyée par l'un de ses amis-collègues soit en voyage soit l'un des auteurs de cette architecture.
Ce qui est étonnant c'est que chaque détail nous pousse à croire que cette photographie et la carte postale de David possèdent...le même négatif ! En effet, chaque détail de l'une est reporté sur l'autre ! Impossible hasard à ce point de similitude : mêmes silhouettes au mêmes endroits, même drapeau français, même Panhard garée etc... On pourra donc facilement en déduire que cette photographie est bien celle qui a servi à faire la carte postale ! Il  y a eu un recadrage sous l'agrandisseur mais sinon...c'est pareil.
Comment donc Lestrade a-t-il eu un contact possible pour obtenir un tel cliché ? Cela doit-il nous laisser penser que Lestrade avait des relations particulières avec le photographe de cartes postales, propriétaire de ce négatif ?
Mystère...
Quelqu'un à l'AT-BAT était-il chargé de faire des clichés pour la presse ou toute autre utilisation ? 




Les deux dernières photographies sont bien plus étonnantes et surtout plus belles car au service cette fois de professionnels. On y voit la structure de la couverture de la piscine de Monaco dessinée et conçue par un collègue de Lestrade : René Sarger himself !
On note que les photos possèdent une note sur laquelle figure le nom des architectes : MM. Notari. La structure tendue sur des arcs proposait donc une couverture en toile en plastique sur la base des voiles prétendues comme pour le béton. Nous n'avons rien sous la dent pour savoir si ce projet fut réalisé ou non. Il semble que non. On note que les photographies sont de deux photographes différents : Photo Duprat pour la voile et Photo Étienne Weil pour la structure, tous deux à Paris. Il ne fait aucun doute que ces photographies furent certainement jointes à un courrier ou remises en mains propres à Lestrade par René Sarger. Projet de collaboration  pour les appuis des arcs ? Désir de partage ? On ne sait pas.
En attendant, on jubile de si beaux documents et de si belles maquettes !
Voilà pour quelques rapides nouvelles et avancées.
On continue, on fouille, on classe, on trie, on range.
Bon été.
Walid Riplet.

Merci Walid.Mes salutations à Jean-Jean. Bonne fin d'été en effet, le blog vous reste ouvert.
 David Liaudet


dimanche 13 août 2023

Du vrac ou de l'analyse ?

 Parfois je me demande sérieusement si il est encore nécessaire de passer du temps à analyser les rapports de représentations de l'architecture moderne et contemporaine dans le médium carte postale.
D'abord parce qu'il me semble souvent avoir fait le tour de la question et que, aussi, il semble qu'aujourd'hui la projection muette d'une image suffirait à notre monde, comme si ce médium, aussi pauvre ou populaire soit-il n'avait pas d'auteur, de raison, d'approches, de responsabilité. Alors, on pille, copie, publie sans nommer les sources (éditeur, photographes, auteurs) comme si ces cartes postales  n'étaient pas un document mais un trophée suffisant à lui-même.
Bref, on ne se fait pas chier.
Alors, oui, il m'arrive de me dire que je devrais à mon tour suivre l'exemple et, en lieu et place d'un blog, je devrais faire des copiés-collés sur Instagram.
Car, voyez-vous, au petit matin comme à l'instant à Criquebeuf, à genoux devant le sac plastique Lidl rempli de cartes que la vendeuse me propose, je fais ma sélection souvent en pensant déjà à ce que je pourrai vous en dire, cherchant liaisons possibles, descriptions envisagées, relations historiques avec des publications sur ce blog. D'une certaine façon, ma sélection aussi s'opère sur les possibilités de produire de l'analyse et moins maintenant de découvrir de nouveaux objets architecturaux.
Et je sais que, déjà, là, maintenant, une certaine partie de mes lecteurs ont déjà décroché de ce texte, trouvant que je blablate et ne sont venus là que pour voir, voir des images et des architectures. Je pense d'ailleurs que cette catégorie de lecteurs de ce blog vient moins chercher des images que des bâtiments, car, chercher des images, c'est déjà faire un travail interrogatoire sur la représentation de l'architecture.
Vous avez décroché ? Bye Bye !
Alors je pourrai sans aucun commentaire et avec beaucoup de mépris vous donner ces images sans leurs sources. Mais que voulez-vous ! On ne se refait pas ! Comme je suis certain que certains le feront à ma place, viendront ici prendre, je vais maintenir ma direction, celle qui a fondé ce blog et cette attention à ces objets culturelles.
Voilà. C'est bon ? Pas trop long ?
On commence ?



On retrouve ce matin le palais de glace de Grenoble grâce aux éditions La Cigogne qui ne nomme pas son photographe et c'est bien dommage. On a bien le nom des architectes : messieurs R. Demartini et P. Junillon. ce palais de glace reste bien l'un des archétypes des architectures que nous aimons sur ce blog mais qui est aussi un modèle typique du voile de béton brut. Une vraie merveille technique et poétique. On aime que le photographe utilise la neige pour nous dire la glace et aussi pour laisser les ombres des arbres jouer sur le premier plan l'animant ainsi. L'arbre vient donner à la photographie une belle verticale qui cadre. Superbe cliché donc qui restera anonyme. Dommage.



Voilà une autre très belle carte postale au moins du point de vue de l'art photographique ! Composition, jeu subtil des gris et des noirs, composition des masses jouant avec le blanc de la neige et des nuages ! Magnifique tirage et point de vue que l'on doit à l'éditeur photographe Fontana et Thomasset à Chambéry.
On s'étonne d'ailleurs du choix du noir et blanc pour une carte datée de 1969. Au fait, on est à La Plagne devant les nouveaux immeubles de la station. On note que l'éditeur ajoute avec beaucoup de raison : 
Une architecture pour le monde contemporain. 
Pas de doute donc sur le rôle de diffusion de l'architecture contemporaine et d'affirmation de celle-ci par l'image donc mais aussi par ce titre. Le choix du noir et blanc effectué par l'éditeur est-il là pour affirmer par les masses et le graphisme cette volonté ? Certainement. Par contre, l'architecte de cette station est oublié ! S'agit-il encore de Michel Besançon pour ce morceau ?
Une belle trouvaille en tout cas.


Typique aussi de l'époque, cette belle église moderne à Maisons-Laffitte. On y retrouve l'écriture de cette période et le désir de publier cette modernité. La carte est une édition Abeilles-Cartes pour Lyna (écrivez-moi). Pas de nom de photographe ni d'ailleurs d'architecte. Regardez comme la diagonale de l'arbre vient zébrer le cadre et fait écran devant l'architecture, comment le dessin des vitraux se perd dans le dessin des feuilles.
La carte fut expédiée en 1973. On est donc devant l'église du Parc, Notre-Dame de La Croix. l'architecte serait Monsieur Barniaud. Vous trouverez toute l'histoire de cette jolie église moderne si typique ici :

Je finirai cette présentation bancale, joyeuse et bordélique par ce beau petit bâtiment :



C'est chouette non ce petit immeuble, sa fresque, ses couleurs ? Et l'alternance simple et ludique des ouvertures sur cette façade ainsi cinétique ? Ça satisfait votre désir vintage d'architecture moderne ?
Ne pensez-vous pas comme moi que les oiseaux sur le pignon font furieusement penser aux oiseaux de Georges Braque ?
Nous sommes à Sofia devant le complexe de jeunesse "Orbita". On dira : auberge de jeunesse.
Je n'ai pas retrouvé le nom du ou des architectes. Je vous laisse chercher et me faire la nique. Amusez-vous bien.

Mais les cartes postales perdues au fond des sacs réservent aussi des surprises, des images étonnantes qui vous surprennent au-delà même de ce qui vous anime. Voilà un exemple :



Quelle image incroyable !
Nous sommes au pied de l'Etna devant le refuge Sapienza lors de l'éruption de 1983. Vous imaginez un peu le photographe des éditions Plurigraff pendant ce moment incroyable ? La chaleur, les odeurs, la peur aussi sans doute devant ce spectacle inouï ?
C'est aussi pour ces moments d'esthétique photographique, de jubilation des images que je continue de plonger mes mains dans les cartes postales en vrac sur les bords de trottoir d'une foire à tout.
Bonne journée.

mercredi 9 août 2023

Upcycling Jean Prouvé



Dans l'histoire intime d'une relation à l'architecture moderne, il y a la fréquentation d'espaces puis la découverte et l'apprentissage (ce que certains appellent l'éducation) puis ensuite vient un certain type d'engagement.
Ainsi, dans le fourgon qui nous emmenait vers Royan (Dumitru Gurjii, Nicolas Hérisson et moi) me vint cette idée que j'aurais bien aimé pouvoir dire au petit garçon et l'adolescent que j'étais et qui se promenait dans les rues d'un Royan un peu délaissé qu'un jour viendrait où il irait avec ses amis récupérer un morceau d'architecture de cette ville : les panneaux de la façade arrière du Palais des Congrès de Royan, panneaux des Ateliers de Maxéville conçus par Jean Prouvé.

En effet, lors de sa restauration, ces panneaux originaux n'ont pas repris leur place, ils furent déposés et remplacés par des panneaux donnant le change avec une relative exactitude au modèle. On n'est pas ici pour dire ce qu'il aurait fallu faire, et, au vu de l'état des panneaux d'origine...il n'y a rien à regretter de leur retrait. La restauration de ce Palais des Congrès est dans l'ensemble une réussite et nous laisserons ici le débat scientifique sur les détails (transparence, couleurs, matériaux, encombrement des espaces par un choix de mobilier étonnant...) à des spécialistes. Moi, pour ma part, je jubile de cette résurrection très bien menée.

Il y avait donc une logique scientifique à ce que ces panneaux Prouvé puissent passer des sous-sols de ce nouveau Palais à la lumière de la campagne de Piacé-le-radieux dans la Sarthe. D'abord parce qu'ils retrouveront d'autres panneaux de Jean Prouvé et de Le Corbusier déjà présents et serviront donc à l'éducation des visiteurs de ce centre d'Art, de Design et d'Architecture. Ils seront le témoignage d'une certaine manière de promouvoir l'Architecture Moderne et Contemporaine, de montrer que, de ces chutes de luxe, on peut en promouvoir une réutilisation à la fois patrimoniale et nouvelle.

On dira pour être à la mode du Upcycling  (quel mot horrible) d'architecture.

Pas de doute que toute l'équipe de Piacé-le-radieux autour de l'énergie qui semble inépuisable de Nicolas Hérisson saura en faire un élément-phare du parcours.
Le travail s'annonce immense au vu de l'état des panneaux brisés, pliés, usés, oxydés et par toujours complets. Il faudra beaucoup de travail, beaucoup d'énergie et de moyens pour leur redonner leur sens mais aussi toute la chance d'une compréhension plastique et architecturale de leur rôle comme mur-rideau. Il ne s'agit pas là de faire du fétichisme inutile et vain d'un Jean Prouvé déjà un rien suralimenté de projections icôniques.
Le quincailler de génie (dixit Perriand) va nous montrer ses entrailles.
Et, permettez-moi de vous dire, par l'expérience récente de ce déménagement, que ceux qui me parleront à l'avenir de la "légèreté " des éléments  de Jean Prouvé me trouveront sur leur chemin. 
Putain ! Que ses panneaux sont lourds !

Alors nous voudrions ici remercier bien entendu tous ceux qui ont permis ce sauvetage en ne jetant pas à la benne ces panneaux, ceux qui portent, ceux qui lèvent, ceux qui poncent, peignent et ceux...qui financent pour que, bientôt je l'espère, vous puissiez gratuitement, librement, venir voir ou revoir ces éléments dans un environnement qui les mettra en lumière.
Il y a là un énorme travail à faire, croyez-nous.
Merci pour cette confiance.
Mais je remercie déjà en premier lieu Dumitru Gurjii et Nicolas Hérisson pour cette journée très physique.
On vous informera au fur et à mesure de l'avancée de cette résurrection.
Et n'oubliez pas d'aller voir Piacé-le-radieux et son parcours d'oeuvres. C'est gratuit (eh oui).
À votre bon coeur messieurs dames !

Pour voir les panneaux de Prouvé et Le Corbusier à Piacé :

Pour préparer votre visite à Piacé :

Et aussi n'oubliez pas la visite du Palais des Congrès et surtout de son très utile et sérieux Centre d'Interprétation de l'Architecture et du Patrimoine qui vous permettra de voir deux panneaux parfaitement restaurés et toute l'histoire de l'architecture à Royan !
Incontournable quand on est en séjour à Royan !

Pour revoir le Palais des Congrès sur ce blog :
Etc....

Quelques images.
On notera que les nouveaux panneaux ont des fenêtres basculantes en lieu et place du système à manivelle et pantographe comme une portière d'automobile conçue par Prouvé. Est-ce que cela change l'écriture architecturale et l'idée d'une capillarité entre les mondes de l'Architecture et de l'industrie ?
Cela projette une ombre en tout cas.