mardi 23 avril 2024

Le vide parfaitement tenu à sa place

 Il est toujours délicat d'expliquer pourquoi on a (ou pas) une émotion spatiale dans un lieu. Certainement aussi parce que le mot émotion est toujours un peu douteux, galvaudé, usé par l'émotivité ambiante, contre-carré par la raison et débouté de toute intelligence.
Alors quand un objet de peu se permet, par son image, de vous donner un sentiment de plénitude, d'espace on est souvent dépités devant sa propre émotion.
Quel est donc ce mystère ?
Nous avions déjà ressenti ça académiquement un peu ici et nous avions tenté de l'expliquer :
Mais là, l'objet est assez loin de mes préoccupations puisqu'il d'agit d'un manège d'équitation pour un club de sport : l'UCPA de Segonzac.
J'ai immédiatement aimé cet espace, la lumière qui le baigne, la demi-lune qui encadre le paysage au fond et, comme le font les échos d'une pierre lancée dans l'eau, les courbes en lamellé-collé  qui couvrent cette espace tranquille.
La tonalité chaude qui baigne ce lieu est servie par des lumières crues en ligne tombant du haut, le rai de lumière accentuant la perspective et la fuite du regard vers l'ouverture : arbres, ciel.
Mais que raconter architecturalement de ce genre de lieu ? Que dire ? On note que l'éditeur APA-Poux ne nomme pas d'architecte car il est possible que ce soit surtout une architecture d'un constructeur bien plus que d'un architecte. On imagine la fierté de l'entreprise ayant produit les arches en lamellé-collé pour ce lieu, les joies du chantier, voir l'espace, arche après arche se définir.
On note d'ailleurs la finesse de chacune des arches, leur maigreur. Est-ce pour cela qu'elles furent ainsi multipliées et que cette répétition régulière rythme si bien ce ciel de bois ?
J'entends aussi l'architecture. Je veux dire que l'image produit une certaine idée du son qui l'habite, un son fait d'échos, de profondeur, de gravité où les pas des chevaux feutrés par le sable et la sciure font une musique tranquille.
L'architecture c'est pourtant bien aussi ces objets simples, pratiques, pragmatiques. Un terrain à couvrir pour une activité quelconque : pas ici de désir d'image de soi pour un architecte vaniteux, juste le besoin et la fonction : tout est en ordre.

Et sans aucun doute que ce qui prend le plus d'importance dans cette superbe carte postale c'est le vide parfaitement dessiné, le vide parfaitement tenu à sa place.
C'est bien ce qui fait les grandes architectures ou, au moins, les belles images d'une architecture.



mercredi 10 avril 2024

Club des Jeunes Ed-Kit enfin reconnu, enfin exposé, enfin édité

 Il y a peu de choses qui me ravissent autant que de voir de vieux combats finalement finir en de vraies résurrections. Et il y a bien longtemps maintenant, au tout début de ce blog, (notre jeunesse) nous osions ici même chanter des objets architecturaux bien oubliés : club des jeunes, centres commerciaux, piscines Tournesol, Station-Service, petits édicules divers tous oubliés des grandes pages de l'Histoire de l'Architecture et des pensées patrimoniales.
Encore aujourd'hui....
Alors, quand on sent le vent de l'Histoire tourner un peu, on ne peut que se réjouir et se dire qu'on n'a pas trop loupé son coup.
Je veux d'ailleurs redire une fois encore que, dans cette course contre l'oubli, Dominique Amouroux et ses publications y sont pour beaucoup, en tout cas pour ce blog.
Merci mon cher Dominique.

Voilà que je reçois ce matin, deux objets éditoriaux : une carte postale et une minuscule mais ravissante publication, deux éditions nous rappelant l'importance conceptuelle, plastique et historique des Clubs des Jeunes, du modèle Ed-Kit.
Ces deux éditions ont d'ailleurs trouvé leur forme lors d'une exposition-hommage sur les Ed-Kit que malheureusement je n'ai pas pu voir. Mais voilà qui est bien agréable ! Bien important même ! Poser ainsi un regard aussi généreux sur un objet ayant frôlé la disparition historique c'est bien là une disposition d'esprit importante que nous ne pouvons ici que cautionner.

Voici déjà la carte postale qui nous montre le Club des Jeunes de Roissy-en-Brie, édition QBM design & Plus :



La petite publication ne fait que quelques centimètres, se présente en pages très solides un peu comme un imagier de l'enfance, dans un format carré avec beaucoup d'images parfois minuscules qui rendent compte à la fois de l'histoire des Clubs des Jeunes mais aussi de l'exposition qui eut lieu.
Ce petit monument plein de grâce, plein de petites silhouettes penchées sur des maquettes et des dessins est bien émouvant et joyeux. On dirait que les historiens des bords de l'architecture aiment se fabriquer ainsi des micro-éditons. On verra bientôt un autre cas sur ce blog.
Je vous en montre quelques images, ma main indique l'échelle.

Au-delà de ces deux éditions, cela repose le problème de la patrimonialisation de ce genre d'architecture à la fois populaire et intelligente mais aussi fragiles et multipliées. On voit le danger de leur disparition une à une, un peu comme le syndrome des piscines Tournesol qui, devant leur grand nombre ne sollicite pas l'idée d'une urgence de leur préservation.
Et, pour les Clubs des Jeunes, il est certain aussi que l'objet-même et sa fonction, n'en font pas des objets particulièrement visibles pour les politiques, les historiens. Souvent, c'est leur usage et leur place dans les histoires locales qui les sauvent, comme si la tendresse des expériences vécues venaient combler le manque de reconnaissance historique (voir celui superbe de Marçon). Mais ! Mais voilà ! Ça bouge ! Et ce genre d'initiative que l'on doit à QBM Design & Plus avec des auteurs comme Emmanuel Delabranche, Titouan Orvoen et Alexandra Roullé nous permet d'enfin espérer une inscription rapide et un intérêt poussé pour ces constructions.

Je remercie toute l'équipe de m'avoir fait participé à cette aventure avec Raphaël Firon.
Quelle belle surprise !
Sauvons, sauvez, défendons, défendez vos Clubs des Jeunes, quelque soit leur modèle !
En espérant que cette expérience soit renouvelée sur d'autres objets architecturaux !
David Liaudet

Pour revoir des Clubs des Jeunes sur ce site depuis...2011 !





























jeudi 4 avril 2024

j'aime bien tout casser à Rochefort-sur-Mer



Oh il n'y a pas grand chose à dire de cette carte postale Elcé que vous ne pourriez pas dire à ma place ! Oui, on notera que le photographe nous fait le coup du contraste et de la juxtaposition de l'ancien et du moderne en mettant bien au fond de l'image la grande et belle grille du Centre Hospitalier de Rochefort-sur-Mer comme s' il fallait qu'elle soit loin pour...être regardée...
Pourtant ce Nouveau Centre Hospitalier est bien une sorte de Cité Radieuse qui ne s'ignore pas et il ne fait aucun doute qu'il n'y a pas là un rapprochement de hasard. L'architecte de cette  barre épaisse on le connait bien sur ce blog, c'est Marc Quentin, l'un des architectes de Royan, ancien propriétaire d'ailleurs de la Villa  Prouvé à Royan, mais il fut aussi surtout l'architecte de la Ville de Rochefort-sur-Mer.
C'est lui aussi, si on en croit la légende royannaise, qui fit poser un pan de verre sur la façade du Palais des Congrès de Royan, pan de verre si décrié pendant des années mais qui permit finalement de protéger sans doute ce Palais récemment restauré.

On regrette d'ailleurs que nous n'ayons pas de carte postale nous montrant plus franchement, frontalement ce Centre Hospitalier dont la rigueur et la netteté ont été si mal jugées pendant longtemps.
Le jour où nous ferons un tour de France des Presque Cités Radieuses (idée de Julien Donada), nous devrons bien évidemment installer celle-ci sur le podium.
Mais voilà, la vie se charge de transformer ces édifices et celui de Marc Quentin a senti le vent du boulet...heureusement au moins ce morceau principal, le bâtiment essentiel ne fut pas détruit et il est en ce moment-même en reconversion pour un nouveau projet immobilier qui en maintient la silhouette, la façade.
On doit sans doute s'en réjouir et nous irons volontiers voir ce que cela donne une telle reconversion bien courageuse. Pour une fois...
Dans les deux liens que je vous donne pour vous permettre de mieux connaitre et suivre ce projet, j'ai une tendresse toute particulière pour Cyril Malet, conducteur de travaux pour l'entreprise Charier qui lâche dans un sourire de gamin :
"Ah ! j'aime bien tout casser !"
Comme on le comprend ! Et pourtant, nous sommes bien plus du coté de ceux qui maintiennent. Mais voilà, il faut aussi regarder l'ensemble des opérations de réhabilitation, l'investissement que cela réclame pour comprendre aussi que le sauvetage d'une construction et le maintien de son sens demandent aussi certains sacrifices et que tout cela est avant tout un engagement de personnels travaillant dans des conditions difficiles.
Un ode à la poussière.
La reconversion est donc confiée au groupe Joël Nissou dont on peut lire cette déclaration sur son site à propos de ce projet : 
Respecter une écriture architecturale représentative de l’époque moderne tout en lui conférant une nouvelle identité ambitieuse et respectueuse des valeurs du développement durable.

En voilà une bien belle déclaration ! On verra donc ce qu'il en est du respect d'une écriture architecturale représentative d'une époque une fois que le bâtiment sera terminé.
On a hâte, vous l'imaginez bien.

Pour voir le site du groupe Joël Nissou :
Pour en savoir un peu plus sur Marc Quentin et sa carrière :
Pour voir à quoi devrait ressembler le bâtiment après réhabilitation :
Pour revoir Marc Quentin sur ce blog :
etc....



dimanche 31 mars 2024

Mon ami, mon ami disparu : Dominique Amouroux

 Tu te rappelles Dominique comment nous aimions rire du peu d'intérêt des institutions patrimoniales pour le Patrimoine du Vingtième Siècle ? Comment tu me disais qu'ils ne comprenaient rien et qu'en plus, ce rien, ils le comprenaient en retard ?
Tu te souviens que nous avions fait une belle émission sur Radio On au Mans dans laquelle tu expliquais la genèse de ton si célèbre Guide d'Architecture Contemporaine  qui reste ma bible mais aussi le carrefour de notre rencontre avec notre ami commun Claude Parent ?
Tu m'avais fait l'honneur de venir à Evreux voir mon exposition où j'avais explosé sur les murs toutes les pages de ton guide et que, ravi, tu avais pu en retrouver un exemplaire que je t'avais offert.

Tu riais aussi de tes propres textes, de tes propres critiques, t'amusant de la radicalité de ta jeunesse en ne perdant rien de ta lucidité sur les effets inutiles d'une certaine architecture faite bien plus d'images que d'espaces.
J'avais pour toi à la fois de la reconnaissance, une certaine timidité, tu étais celui qui me recadrait, qui me donnait des pistes, qui approuvait ou non mes idées, mes textes, mes fautes historiques, mes colères.

Tu étais toujours disponible pour une précision, assez amusé de me voir patauger dans les attributions.
J'ai épuisé tes guides avec Claude, courant de centres commerciaux de Parent en piscines Tournesol à une époque un peu lointaine maintenant où le Brutalisme et le Vingtième Siècle n'étaient pas du tout mainstream. 
Je t'envoyais des photos de l'état actuel des bâtiments, nous rêvions d'une réédition de ton guide en face-similé avec un volume montrant l'état actuel, nous rêvions. Tu rêvais.
Tu étais un très prolixe auteur sur l'architecture mais rien dans ton écriture, dans ton regard n'avait à voir avec ces pisseurs de copies. Tu étais avant tout un sensible et un joyeux.
Et surtout tu éprouvais l'architecture du coté de la sensualité et aussi d'un humour parfois décapant.
Ton sourire passait au téléphone.
Même dernièrement.

Alors, je ne sais pas ce que je vais devenir comme amateur d'architecture sans ton aval, sans ton expertise, sans cette sensibilité m'accordant aussi à moi, autodidacte de la critique architecturale, le droit d'écrire, de parler, de penser et de construire des textes et des combats.

Notre dernière conversation était sur Louis Miquel.

Je vais tenter de tenir même si je t'avais déjà indiqué une certaine forme d'épuisement face à l'incurie des institutions patrimoniales. On dira pudiquement : leur retard...

Je le dis simplement : sans toi, il n'y aurait jamais eu ce blog puisque ma volonté première en le créant était de faire un inventaire des constructions présentes dans ton guide.  Chaque article est un hommage à notre rencontre. Il n'y aurait pas eu non plus mes engagements pour Claude Parent, pour Sens, pour Ris-Orangis, sans toi, je n'aurais pas découvert le mobilier de Perriand et Prouvé au Mans, je n'aurais pas eu l'énergie de sauver une bulle six coques avec Piacé, de faire ma Chronique Corbuséenne sur Radio On, de faire aussi toutes ces conférences, tous ces constats accablants sur l'héritage architectural du XXème siècle. 

Je ne me serais pas senti légitime. C'est ça. C'est ça que tu m'as offert, mon cher Dominique, une légitimité et une énergie. Ça restera ton superbe cadeau.

Je ferai donc mon possible pour maintenir partout et tout le temps ce que tu m'as appris, montré. Je ferai tout ce que je peux pour que ta place de critique et d'historien ne soit pas oubliée.

Tu sais quoi ? J'ai envie de partir pour retrouver une architecture oubliée, pour constater avec toi encore la Beauté de cet héritage de la Modernité. Je ne sais pas bien où nous pourrions nous retrouver. 
Reste-t-il donc, quelque part, un bâtiment modeste mais superbe que tu voudrais absolument que je rencontre ?
Sans aucun doute. Je vais donc une fois encore me plonger dans tes écrits.
Tu étais un Guide. Tu étais mon guide. Tu le resteras.
Merci l'ami Dominique. Merci.
Toutes mes pensées à ta famille et tes amis.
David Liaudet

Pour ceux qui voudraient entendre Dominique Amouroux en interview raconter la genèse de son guide et bien d'autres choses, c'est ici :

Il y a tant et tant d'articles sur ce blog (et le premier)  avec Dominique que je ne vais pas en faire une liste.
Il vous suffit de cliquer sur le bandeau à droite : dans le guide.
Ou de taper  son nom dans la recherche en haut à gauche.









samedi 30 mars 2024

Du Cameroun à Royan, de Bauhain à Prouvé !

Comme historien de l'architecture ou comme simple amateur, il ne fait plus aucun doute que la carte postale constitue un fonds patrimonial pour saisir et découvrir toutes les inventions, orientations de cet Art.
De carte postale en carte postale, nous allons de découverte en découverte sur toutes les subtilités de cette histoire que nous pourrions croire préparée par les éditeurs pour nous permettre aujourd'hui de la réécrire, de la refonder avec des modèles un peu hors du jeu habituel des icônes certes souvent justifiées mais aussi souvent bien peu contextualisées avec d'autres productions de la même période.
En gros, quelques noms écrasent tout, au point que, justement, ce qui constitue leur force et leur originalité, n'a plus l'occasion de se mesurer contre le reste de la production architecturale.
Faisons le test : si je vous dis Pavillon, économique, tropical, bois, métal, préfabriqué et que je vous laisse quelques instant pour former dans votre imaginaire une image et un nom, pas de doute que vous me rétorquerez : Pavillon Tropicale de Jean Prouvé.
Et vous aurez raison.
Mais voilà, l'intelligence de Prouvé on doit aussi la relativiser face à d'autres productions bien moins connues et défendues qui pourtant ont parfois bien plus marqué par leur nombre et leur utilisation la réalité de l'habitat.
Voilà une bel exemple :



Et je suis même certain que, tout comme moi, d'ailleurs si je vous avez montré rapidement cette carte postale que certains d'entre vous y auraient bien vu le Pavillon Tropical de Prouvé car tous les signes de ce rapprochement sont ici possibles.
Mais voilà, il ne s'agit pas d'un pavillon dessiné par Jean Prouvé mais bien d'un travail de J. Bauhain, architecte, comme d'ailleurs cela est écrit sur la carte postale de l'éditeur Fournier.
Et...On le connait bien Monsieur Bauhain ! C'est l'un des plus prolixes architectes de la Reconstruction de Royan !
Quelle joie donc de trouver une carte postale montrant ainsi une autre production de cet architecte du Mouvement Moderne si important pour notre blog et notre rapport à cette architecture. J'avoue que je n'avais jamais entendu parler de cette création de Monsieur Bauhain et que je fus très surpris de voir son nom associé ainsi à ce type de production. On peut aussi imaginer la tête de J. Bauhain lorsque Jean Prouvé est venu poser son Pavillon à Royan. Quel esprit de concurrence ou d'admiration commune était en jeu alors ? Comment J. Bauhain avait-il connaissance de l'oeuvre de Jean Prouvé pour la mise au point d'une architecture similaire ? Et si c'était dans le l'autre sens qu'il fallait chercher...
La carte postale n'étant pas datée on ne peut donc pas trop comprendre comment cette case tropicale de J. Bauhain est arrivée dans l'histoire de l'architecture et de ses solutions coloniales. Il est facile par contre d'affirmer que c'est bien de toute manière dans l'esprit d'une époque cherchant des solutions pour un habitat pragmatique, préfabriqué, facile à exporter et à monter, avec des matériaux peu chers. À ce titre l'histoire des maisons préfabriquées pour le relogements des sinistrés de la Seconde Guerre Mondiale est bien établie et il serait intéressant de savoir comment J. Bauhain a peut-être aussi inscrit dans le Royan bombardé un possible lien entre cette production coloniale et de tels pavillons. On sent alors possiblement une relation de concurrence avec Jean Prouvé.
Même si cette carte postale ne nous permet pas bien de déterminer l'intelligence constructive pour ce Pavillon de J. Bauhain, il est clair tout de même qu'on en reconnait tous les signes. Grand toit en tôle ondulée qui forme un auvent sur le devant, ouverture entre les deux pentes au sommet pour la circulation de l'air, bardeaux de bois glissés entre des montants verticaux venant tendre les murs, ouvertures permettant elles aussi une aération franche et surtout, on note une capillarité possible entre le dedans et le dehors, le pavillon offrant une très large ouverture directement sur l'intérieur. La circulation de l'air et de la lumière semble bien être l'objet de toutes les attentions, ce qui est normal pour un tel projet. On note que la "case" est photographiée comme à l'orée d'une forêt qui semble bien tropicale, et que la mention "les bois du Cameroun" ne laisse aucun doute sur la localisation de la prise de vue, sans , pourtant, plus de précisions ni sur l'éditeur, ni la raison de cette édition et sur le rôle de cette carte postale dans une stratégie de diffusion du modèle de J. Bauhain. Impossible depuis ce document de savoir le succès de ce modèle sous les Tropiques et au Cameroun en particulier. Monsieur Bauhain a-t-il rejoint l'équipe de la Reconstruction de Royan avec l'aura de la réputation de ce type d'architecture ou, au contraire, a-t-il bénéficié de ce chantier de Royan pour fabriquer et diffuser ce type de modèle ? Je ne sais pas.
Mais quelle chance incroyable de trouver ainsi représenté ce modèle et son architecte ! Voilà qui éclaire donc bien vivement l'Histoire de cette architecture coloniale et de la Reconstruction dont il faudrait, si ce n'est pas déjà largement fait, redéfinir tous les liens d'échanges et de progrès.
À vos archives !

Pour revoir l'oeuvre de Monsieur J. Bauhain sur ce blog :






mercredi 20 mars 2024

Saige Formanoir Dubuisson cas d'école

 Pour une fois, je ne m'étendrais pas sur ce cas d'école de l'état actuel de la réflexion sur le Patrimoine bâti contemporain, sur l'héritage du Modernisme, sur l'avenir d'un certain Patrimoine. On voit en ce moment un certain ras-le-bol des pratiques par exemple celles de l'ANRU, je vous communique en fin de message un lien pour bien comprendre ce qui est en jeu et sur les procédés politiques à l'oeuvre pour une gentrification qui ne veut jamais dire son nom. La gentrification elle arrive toujours masquée, elle dodeline du cul pour vous faire croire à ses charmes et puis...Paf ! 
Pour soutenir et informer de ce qui se passe en France avec ce Patrimoine, pour soutenir donc un peu, à ma ma manière les luttes en cours, je vous propose ce que je sais le mieux faire : une carte postale.


Cette carte postale nous provient d'un éditeur que l'on connait bien sur ce blog et que nous aimons : Elcé.
Celle-ci fut expédiée bien tardivement en 1988 mais reste évidemment plus proche d'une typologie de la carte en multi-vues des années 70.
On y voit donc en quatre petites photographie les constructions que l'on doit à Dubuisson et qui ont obtenues le fameux Label Architecture Contemporaine Remarquable et que donc...On propose de détruire en partie. Ba ! Oui ! On met un Label donc on détruit, c'est logique, c'est français, c'est basique...
J'entends déjà ceux qui diront que le calme des images ne dit rien de comment on y vit, mais je rétorque que c'est donc vers ceux qui y vivent qu'il faut demander un avis sur la destruction de leur immeuble. Et faire du nettoyage anti-drogue par la destruction de logements sociaux c'est assumé d'accuser ceux qui y vivent d'en...vivre...c'est curieux. 
La grignoteuse plus efficace donc que la Police. Quand le bâtiment va, tout va.
Bref...comme d'habitude depuis presque 40 ans maintenant. Toujours le même constat, la même absence d'idée politique, les mêmes procédés, la même communication. Pourtant là, Lacaton et Vassal ont un projet meilleur et moins cher mais pourquoi donc devrions-nous écouter des architectes ayant reçu un Pritzker Prize ? Sont certainement pas assez légitimes...pour des politiques.

Alors certes, on n'est pas obliger de crier au génie en voyant ce morceau de Dubuisson qui a certainement produit des oeuvres plus intéressantes, certes on pourrait bien penser que cette écriture urbaine et architecturale peut mériter une nouvelle définition, un travail d'analyse face aux nouveaux besoins, mais ici, la faiblesse écoeurante de ce qui est proposée et son coût (ahurissant !) ne laisse aucun doute sur son inutilité et sa stupidité radicale. C'est sur cette radicalité que se fonde surement le sommeil bien heureux des décideurs politiques, veulent "bien faire les gars"...

Comme d'habitude.
Je vous conseille vivement d'aller lire ici un excellent article de Vivien Latour et Alexandre Tellier :

Pour le combat contre l'ANRU :




La lutte continue donc pour le respect des habitants, du Patrimoine, de l'action citoyenne.
Vous trouverez sur ce blog plein d'articles sur le génial Dubuisson.







lundi 18 mars 2024

l'oubli par l'histoire d'un architecte

 Il y a des cartes postales dans ma collection dont je ne sais pas très bien quoi faire. Pourtant elles portent tous les signes nécessaires et c'est pour cela d'ailleurs que je les ai achetées. Mais, après l'enthousiasme de la découverte, je me demande bien par quel biais et pourquoi je devrais les mettre ici, à nouveau dans le registre possible d'une histoire de l'architecture et de sa représentation.
Voilà un exemple :



Oh ! comme j'étais heureux de trouver cette carte postale Iris nous montrant une belle façade moderniste d'un immeuble qui semble si typique de la production de cette époque ! Comme j'étais heureux de trouver cet immeuble bien cadré dans la verdure d'un parc comme pour en adoucir justement la grille de cette belle façade en mur-rideau !
Et, miracle, au dos de la carte postale figure bien le nom de l'architecte : A. Delessert.
Nous sommes donc à Roanne (la marraine d'Elbeuf, ma ville natale !) devant la résidence "Promenades-Beaulieu". Nous sommes en 1978.
J'avais fait des recherches pour trouver l'architecte A. Delessert et les recherches restant vaines, j'ai oublié cette carte postale, oublié cette architecture ne sachant quoi faire d'une telle image. Pourtant, maintenant, je me dit que c'est intéressant cet oubli de l'histoire face à l'intérêt de cette construction au moment de sa création et de cette prise de vue. Mais quoi faire de ce paradoxe ?
Je ne peux vraiment pas dire grand chose de cet architecte et encore moins de cette architecture depuis ce point de vue. Je peux juste dire que nous sommes heureux de penser qu'à une époque cette résidence avait suffisamment d'importance pour faire image de la ville de Roanne. Et puis...plus rien...oublié l'architecte, oubliée sa résidence, son impact dans la ville. 
L'immeuble est toujours là, avec toujours sa superbe grille. Il est juste à coté d'un autre immeuble que nous avions déjà aimé ici :
On pourrait donc penser que les constructions modernes de Roanne avaient trouvé dans la proximité de ce parc tout le loisir d'une expression franche et moderne, faisant monter leurs verticales dans une ville bien ancienne. Élan moderniste !
Google Map nous permet de mieux comprendre d'ailleurs l'intégration de notre immeuble de A. Delessert dans la ville. On note un traitement de rez-de-chaussée comme un socle bien plus brutaliste que le reste de l'immeuble, opposition franche entre les services sur la rue et l'élan des logements de la résidence. C'est bien fait, bien dessiné, presque un archétype du petit immeuble moderne pour maquette de chemin de fer. 
Elle a fière allure cette résidence ! Et la carte postale ne lui rend pas assez hommage finalement en la perdant dans la verdure.
Alors rien ne me permet de rebondir, d'accrocher le nom de l'architecte Delessert à une autre production ni à une école, une filiation. Vous savez comme j'aime rebondir d'une carte postale à une autre.
Mais qu'importe ! Voilà que je mets un tout petit peu de lumière sur Monsieur Delessert. Espérons que ce message trouvera un écho pour le replacer dans l'histoire. Cette réalisation, en tout cas, le mérite.
Je suis certain que quelqu'un viendra ici nous dire toute la place que mérite de retrouver Monsieur Delessert dans l'histoire d'une certaine architecture moderne. 





jeudi 7 mars 2024

Le ciel est parfait



Que pourrais-je dire de plus ?
Et cette question ne se pose pas seulement pour cette carte postale du C.N.I.T mais pour l'ensemble de ce blog. Ce matin, après donc une très longue interruption, en rangeant des cartes postales qui trainaient, je retrouve ces deux cartes postales de ce Palais comme le nomme l'éditeur Leconte et je me dis que, tout de même, je pourrais bien vous les montrer.
D'abord parce que les travaux, les constructions, les chantiers sont assez peu représentés en carte postale. L'impermanence n'est pas l'amie du commerce qui préfère bien plus des images qui resteront toujours d'actualité même après quelques années sur un tourniquet.
Ici, le photographe resté anonyme nous cadre donc le C.N.I.T à un moment bien beau de son chantier. Les trois voûtes sont décoffrées, toutes fraiches, mais les pans de verre ne sont pas encore posées, ce qui laisse le vide passer encore au travers.
On note avec étonnement qu'un S.I.C.O.B y est déjà installé ! Ce qui explique le nombre d'automobiles garées. Cela devait être bien étrange de venir ici, sous de telles voûtes, venir voir un salon et cela devait être aussi bien spectaculaire !
Comme j'aurais aimé voir ça et faire plein de photographies en stéréoscopie avec mon boitier Richard F40 !
Avec mon compte-fil, je trouve des pancartes bien intéressantes qui nous donnent le noms de quelques entreprises : Baudet, Donon, Roussel pour les constructions métalliques et Coignet, on imagine pour la structure béton.
La photographie est superbe. Le ciel tout particulièrement.
On regrette qu'aujourd'hui ce beau bâtiment, sans doute l'un des plus beaux et audacieux de l'époque en France, soit aujourd'hui littéralement écrasé sous la dalle de La Défense. Et, malgré mon vertige, j'aurai peut-être eu l'audace de monter sur les échelles pour visiter les collines de béton et voir Paris depuis leur sommet. Enfin...je rêve...
J'aurai aussi aimer faire la visite avec Jean-Michel Lestrade qui aurait pu m'indiquer les particularités techniques.
Réjouissons-nous alors de la présence des images et des voyages qu'elles nous offrent.

Quelques mois plus tard, les éditions Raymon ont pu faire ce cliché et éditer cette carte postale :


Tout est en place. Tout est achevé. Et la coquille de béton immense s'amuse à s'étirer sous la présence des coquilles St Jacques de la station-service Shell. On aime les deux coquillages.

Pour revoir La Défense et le C.N.I.T en particulier :

etc....

mercredi 31 janvier 2024

Royan, Henri, un architecte du Front de Mer




 
Dans ma boite aux lettres ce matin, je reçois donc une petite lettre et deux photographies d'un monsieur penché sur des plans d'architecture. L'ensemble me fut vendu comme provenant de Henri Bertrand, mais le courrier n'est signé que Henri. Certes, le courrier fait bien référence à la Reconstruction de Royan et c'est même cette adresse qui est donnée en fin de courrier mais l'auteur ne semble pas architecte et d'ailleurs s'en amuse en écrivant à ses parents. Je vous laisse lire.
Comment donc pouvoir vraiment identifier ce document et retrouver le nom de son auteur puis pouvoir enfin identifier le monsieur penché sur ces plans qui seraient donc bien ceux de Royan ?
Vous imaginez mon trouble...
On trouve bien un "bâtisseur" du nom de Henri Bertrand qui aurait travaillé aux Sables-d'Olonne mais la date de naissance me laisse perplexe au regard des photographies :

En effet, si c'est bien ce Henri Bertrand, né en 1891, cela lui donnerait sur les photographies juste après guerre plus de 50 ans...je n'y crois pas. Ce visage est bien plus juvénile et le contenu du courrier ne confirme pas que c'est là la correspondance d'un homme de cet âge.
Par contre, je trouve dans le témoignage passionnant de Monique Canellas-Zimmer sur la construction de la maquette de la Reconstruction de Royan le nom d'un Bertrand venu aider ! Il pourrait bien s'agir de mon mystérieux Henri ! Sans aucun doute.



Alors ?
Qui pour identifier ce jeune homme dessinant des plans ? Peut-être que les photos ne montrent pas Henri mais un camarade de travail de celui-ci...
On note donc que ce Henri n'est pas architecte, qu'il évoque le rendu de la maquette pour la venu du Ministre, ce qui devrait permettre de dater le document facilement. Il est aussi question de St Germain mais lequel ?

Dès que nous aurons identifié ce courrier, son auteur et bien entendu les photographies, nous verserons ces documents au Musée de Royan. Ce sera sa juste place.

En attendant, faites un tour ici, c'est passionnant : https://www.c-royan.com


Mercredi,

Chers Parents,
Je m'étonne de ne pas avoir encore reçu de lettre de vous cette semaine, il est vrai que Jacqueline me donne souvent des nouvelles.
Mon travail marche bien, je m'y suis mis très vite et il m'intéresse. D'ailleurs, je crois que les patrons sont contents de moi, je leur fignole comme à mon habitude. Les architectes me parlent comme si j'étais du métier, j'écoute les explications comme si je comprenais, ensuite j'étudie la question et me défend comme je peux, tout seul. Tous mes compagnons sont sympas, il règne une bonne atmosphère de camaraderie, je suis très libre et je peux m'absenter si j'ai une course à faire. En ce moment il y a beaucoup de travail, il faut finir la maquette fin octobre car le ministre de la reconstruction doit venir la voir, on va s'amuser. Question chambre, je suis toujours à l'hôtel, je me suis renseigné les chambres sont assez chères par ici 5 ou 6000 fr par mois. Au restaurant, je mange très bien et ce n'est pas tellement cher 250fr le repas vin à volonté, et il est à coté de mon travail.
Donnez-moi de vos nouvelles de St Germain. Avez-vous passé une bonne journée dimanche et j'espère vous vous entendez bien avec Jacqueline. je commence à me faire à ma nouvelle vie, je prends des habitudes, mais je ne sors pas beaucoup, où voulez-vous que j'aille tout seul. D'ailleurs le pays n'est pas très drôle. En ce moment, il pleut assez souvent, mais il fait assez chaud.
En espérant vous lire bientôt je vous quitte et vous embrasse bien affectueusement.
Henri.
Agence des Architectes, Front de Mer, Royan, Charente Maritime





lundi 29 janvier 2024

Libreville, libre à vous

 C'est toujours spectaculaire ce genre architectural, genre qu'on pourrait appeler baroque-moderne ou syndrome Brasilia. Je veux dire des gestes dans le dessin voulant affirmer une originalité et un désir d'image du bâtiment bien avant son fonctionnalisme, disons simplement son rôle.

Comme disaient les Venturi : "i am a monument."

Ce geste formaliste, tout en évidence de spectacle, on le trouve souvent dans des espaces voulant rattraper en quelque sorte trop rapidement leur retard moderne ou voulant afficher de manière trop évidente leur jeunesse, leur adhésion au Monde Moderne.
Faut que ça pète !
Alors, devant ce genre architectural souvent maladroit, trop marqué, on peut sourire assez vite en  raillant l'impression d'une architecture de bande dessinée de science-fiction, d'un caractère fictionnel évident : c'est osé.
C'est vrai que ce morceau est tout inscrit dans cette veine. On hésite entre une agence de pacotille voulant imiter un décor pour James Bond ou un Futuropolis arrogant rempli de machins tarabiscotés pour valider le Futur qui se doit de ne pas être normal et donc spectaculaire.
Quelque chose donc de surjoué dans l'étrange, faut épater le badeau ou le responsable politique qui veut que l'on se rappelle être passés là.
La vache ! C'est moderne ici !



Nous sommes donc à Libreville au Gabon devant la Tour de l'Immeuble du 2 décembre grâce à une très belle carte postale dont la photographie est de J. Trolez que nous connaissons sur ce blog pour une exceptionnelle et magnifique carte postale qui reste l'une de mes préférées de ma collection :
J. Trolez, ici, cadre un détail dont on pourrait croire, depuis ce point de vue, qu'il est le tout. On devine que c'est bien alors ce morceau qui fait l'événement architectural du bâtiment, qui en donne sa quintessence moderne.
L'effet tient de la ziggourat, de la base de fusée gràce aux empennages, du détail d'une pièce mécanique d'un presse-agrume électrique. Ce qui fait exotique c'est bien entendu, ici, le champ coloré avec un dégradé de Terre de Sienne un peu trop rose pour être honnête. On passera sur le contraste entre les huisseries des fenêtres avec effet miroir (trop top !) et la maigreur des morceaux de béton, minces comme des découpes de balsa d'une maquette promotionnelle.
Sur cette carte postale, l'architecte est nommé : GAU. Je ne trouve rien de très clair sur cet architecte ou sur ce qui ressemble plus à une agence. On trouve bien une agence GAU à Montpellier mais j'ai du mal à croire en un lien entre cette production et celle de cette agence. Qui aurait un éclaircissement à faire ?


Sur cette autre carte postale, toujours de J. Trolez, on recule un peu pour mieux comprendre le bâtiment et comprendre sa forme globale. On devine aussi le travail de couleur ainsi qu' une sorte de soucoupe volante venant se poser derrière la tour. Difficile donc de comprendre cet ensemble qui semble pourtant conséquent. La vue satellitaire est plus utile. Malheureusement, nous ne pouvons pas depuis Google Map en faire le tour.
Doit-on donc s'amuser, se moquer de ce type d'architecture ? Ne doit-on pas justement en aimer la presque naïveté moderne, le surjeu plastique, la volonté d'existence comme une cagole trop maquillée ?
Car si on aime les projections en carton de l'artiste Bodys Isek Kingelez, espace de jeu et de rêves, il est plus difficile de comprendre le besoin d'inscrire ce genre de décor dans le réel et donc dans l'usage. Peut-être que la volonté de surtout faire image sera ce qui peut sauver ce genre. Il y a, en tout cas, pour moi, très peu de chance pour que j'aie à éprouver mes yeux face à face avec cette architecture. Alors, derrière sa photographie, je peux bien vivre mon rêve et mes projections comme je veux. Libre à vous d'en faire de même ou de faire le voyage !
Et qui aurait les archives de Monsieur Trolez ?
Pour revoir un autre exemple en Afrique de ce type un peu (beaucoup) raté : https://archipostalecarte.blogspot.com/2020/11/le-cas-cacoub.html






mardi 16 janvier 2024

Espérons un Dati Show du Patrimoine !

 J'ai hésité à faire une lettre ouverte à Madame Dati suite à son arrivée au Ministère de la Culture qui semble (bien avant même qu'elle ait décidé quelque chose pour la Culture) soulever des inquiétudes de la part du petit monde culturel.

Pour ma part, je ne tire pas sur une ambulance surtout quand elle n'a pas encore ni démarré ni même allumé sa sirène ! J'attends de voir...Ce dont je suis certain c'est qu'il n'y a rien à regretter et que la claque venue applaudir la partante au sourire forcé et au tutoiement gêné face à Madame Dati pendant la passation de pouvoir n'y changera rien...

Adieu donc Madame Abdul-Malak ! Espérons que vous partez avec votre équipe et surtout avec celle en charge du Patrimoine. Au vu de leur, de votre bilan, je pense qu'il est mieux de passer la main. Si, par malheur, cette escouade devait rester en place, il faudra que Madame Dati éprouve cette vieille équipe à l'aune de sa demande d'une culture ouverte et populaire comme elle l'a déclaré dans sa prise de fonction. 

Justement, ce qui a manqué dans le traitement de la Culture chez Madame Abdul-Malak c'est bien d'avoir accordé à ceux qui produisent de l'Art ou qui signalent du Patrimoine une confiance populaire, d'y avoir vu une conscience vivante de ce Patrimoine. Ici, je n'évoquerai pas le traitement honteux dont les écoles d'Art ont été les victimes pendant le siège de Madame Abdul-Malak au Ministère qui a répondu à la détresse de nos écoles par une obole minable jetée de loin dans une escarcelle déjà bien vide d'argent et de projets. Combien d'écoles d'Art avait-elle visitées ? Combien d'enseignants reçus ? Combien d'étudiants écoutés directement par Madame Abdul-Malak ? L'ANDEA c'est si pratique pour éteindre les revendication, n'est-ce pas Madame ?

Donc, tournons cette page catastrophique pour le Patrimoine et surtout pour celui qui nous intéresse ici : le Patrimoine Contemporain et Moderne. 

Madame Dati venant d'un milieu populaire, tout comme moi,( tout comme vous sans doute), sera sensible au regain d'intérêt pour le Patrimoine qu'elle a traversé dans sa vie et soyons certain qu'elle saura rendre hommage à cette période où la République offrait en grand nombre du Logement Social de qualité, dessiné par les plus grands architectes, soyons certain que Madame Dati sera sensible aussi au petit Patrimoine Populaire, celui reconnu justement par ceux qui le vivent, qui y ont accroché des souvenirs au fil de leur vie, croyant en l'élan républicain. Soyons certains que Madame Dati, Ministre de la Culture obligera enfin à ce que, hors de l'urgence d'une gestion catastrophique et catastrophé, les écritures architecturales les plus récentes entrent enfin dans une phase de reconnaissance parce qu'elles font partie intégrante de l'apprentissage de la France, d'un savoir être français : une église de béton en campagne, un Grand Ensemble singulier ou non, une piscine, une façade Art Déco, un Club des Jeunes ou, bien entendu, des oeuvres venant de nos plus grands architectes, ceux des Trente Glorieuses mais aussi, dès maintenant, nos architectes des années 80 et 90. Il est grand temps !

Après tout, ce Patrimoine fut souvent celui programmé et dessiné par ceux dont Madame Dati revendique l'héritage politique.

On rêve d'un beau et immense Dati Show du Patrimoine Moderne et Contemporain. On rêve que sa présence si disruptive oblige tout ce petit monde du Patrimoine à se remettre sur ses pieds, qu'elle bouscule l'ordre des choses, qu'elle traverse la question du Patrimoine en mettant son histoire personnelle au coeur des enjeux du devenir républicain de ce Patrimoine. Comment faire histoire de la France, Madame Dati  si on oublie aussi ce Patrimoine Populaire des Français ?

Nous comptons sur vous. Enfin...On attend avec impatience des signes. Faire de la politique c'est agir, agissez donc Madame. Bonne chance, bonne route. Faites-nous oublier les derniers mois.

Comme exemples et comme objets de réflexion, Madame Dati, je vous offre trois modèles à interroger, trois typologies à surveiller, trois espaces populaires de la France :



Nous sommes à Alès devant le très belle tour de la Cité de la Clavière gràace à une édition S.L. On aime tout dans cette image, l'architecture bien évidemment dont le dessin est spectaculaire et exemplaire du traitement heureux de ses faces mais on aime aussi le cliché parfait, presque troublant d'ordre et de beauté : comme une démonstration de force et de radicalité. C'est beau, justement parce que c'est implacable.


Et voici une petite chose, une belle église si typique de la production de cette période : Le Portel, église St-Pierre-St-Paul, par les architectes Laloy-Nedoechelle. La carte postale est une édition Yvon en Draeger ! Un must ! Comment ne pas être sensible à ce beau travail de façade, à la justesse simple des matériaux, au désir de faire une architecture abordable, honnête dans ses signes ?


Pour finir, voici une image. Une image d'une certaine France, celle justement qui pratique et invente aussi le Patrimoine. Celle qui s'en réjouit, qui le vit parfois avec le coeur, parfois avec aussi du doute. C'est de cette France-là dont je viens, cette France à laquelle il faudra aussi reconnaitre que son monde n'est pas fait que de rond-points comme des places publiques, que de jours où on se lève tôt. Cette France-là, Madame Dati, il faut en faire un acteur du Patrimoine, lui donner l'occasion de le définir mais aussi l'occasion de le connaître. J'habite une telle maison. J'habite cette France. Et c'est depuis ce type d'espace que je m'adresse à vous. C'est, depuis cet espace populaire que j'ai fait mon transfuge, comme, je l'imagine, vous avez fait le vôtre, Madame Dati.

Nous sommes à Orgerus, devant la Cité "Phénix"grâce aux éditions CAP. J'en reconnais tous les signes et tous les espoirs d'une vie meilleure.

lundi 1 janvier 2024

2023 la catastrophe permanente jusqu'en 2024


 
L'année s'achève donc et l'année patrimoniale 2023 fut, en tous points, catastrophique et je crains même prémonitoire de l'avenir au vu du peu d'intérêts des responsables politiques et officiels de ce patrimoine. À ce titre, le Ministère de la Culture et ceux en charge (c'est le mot) de ce Patrimoine Contemporain sont vraiment aux abonnés absents. 

Il faut dire que nous en avons l'habitude mais ce qui devient grave c'est que les outils de cette destruction presque maintenant systématique de ce Patrimoine (surtout dans le logement social) sont en place. 
Et aux politiques de gentrification déjà à l'oeuvre depuis au moins 15 ans maintenant s'associent celles de l'écologie et de la sécurité conjuguées dans d'étranges épousailles (le policier et l'écolo même combat) pour un futur fantasmé, un nettoyage par la verdure et l'épaississement des façades quand il ne s'agit pas, tout simplement d'éradiquer du bâti dans le geste le moins écologique qui soit...Détruire.
Détruire des bâtiments, des histoires.

Pour moi l'exemple archétypal de cette année 2023 est l'abattage de la Tour des Célibataires de Mourenx.
Voilà bien une oeuvre, voilà bien un signal urbain, voilà donc une écriture et un urbanisme reniés.Tour abattue dans une forme de morgue et même de jubilation insensée et spectaculaire. On aurait pu croire que cette tentation du spectacle de la destruction des constructions était un rien démodée mais non, subsiste donc cette volonté d'un spectacle politisé pour montrer de manière totémique comment des politiques urbaines s'arrogent des droits patrimoniaux. L'éradication d'un paysage, d'une histoire, d'un type urbain devrait toujours être interrogée. Mais qui a défendu cette forme et cette histoire à la DRAC ?
Qui pour y dénoncer au mieux ou au moins sa totale impuissance ?
Personne que je sache.

On verra sans doute la même bêtise à l'oeuvre à Pessac avec les Tours de Saige-Formanoir de Dubuisson dont il semble que personne au Ministère ne prenne la mesure de cette oeuvre, de ses qualités, de notre responsabilité générationnelle de maintenir cet héritage.
L'inculture massive des politiques associée à la couardise des responsables patrimoniaux (à moins que ce ne soit le contraire) laissent donc la place à une catastrophe annoncée en 2024 ?
Les Patios de Aillaud à Grigny, Toulouse-le Mirail, Tour INSEE, Chatenay-Malabry, Mourenx, Tours Saige-Formanoir  donc, le placage honteux des Tours Nuages de Aillaud à Nanterre etc etc...Combien encore à venir sans un regard, sans un peu de courage des autorités patrimoniales ministérielles pour les stopper, les dénoncer et entamer enfin un vrai combat pour un inventaire sérieux, une mise à plat de cet héritage. Assez de colloques ! De "missions" ! De réflexions, de tables rondes ! Assez ! Agissez maintenant. AGISSEZ !

Vous serez tenus responsables car vous êtes responsables de cette histoire qui s'écrit sous vos yeux.

Aucun espoir ? Bien entendu, il y a des exceptions. On voit sur le site du Ministère les agents faire la promotion de l'envie du Président de sauver nos églises de village ou de se satisfaire que la Mission Berne à grand coup de chèques spectaculaires qui viendraient guérir la plaie ouverte de la déserrance du Patrimoine... Oui, c'est déjà bien. On se réjouit bien entendu de la belle restauration du Palais des Congrès de Royan. Mais combien de catastrophes dans cette ville pour remuer un peu les autorités sur l'intérêt de son urbanisme ? Combien, partout, de petites pépites détruites, de cités martyrisées, de piscines Tournesol massacrées, de réhabilitations à la mode de l'ANRU ? Combien de Patrimoine méprisé par des petits barons locaux vendant leur Patrimoine pour ne pas "avoir à s'emmerder avec ça" ? Et, pourtant en France, on a des experts. Des architectes avec des Prix Internationaux, on a même et surtout le goût de l'Histoire...
Alors ? 
Rien. Vous verrez...rien ne changera car, c'est si facile de laisser faire, d'agir dans de petites marges glorifiantes et de briller sur quelques exceptions. 

En fait, il faudrait faire passer le monde du Patrimoine des exceptions à l'exceptionnalité. Reconnaître même les défauts de certains héritages comme nécessaire à l'Histoire. C'est typiquement le cas des Tours Nuages de Aillaud. On fait semblant d'être attentionnés alors que finalement, au vu du futur projet, il ne restera rien, absolument rien de ce qui en faisait la poésie. Ratage parfaitement orchestré avec tous les parapets possibles : de la pure communication politique. Et on trouve toujours des "artistes" pour croire qu'ils participent au sauvetage. Les pauvres...
Car le "remodelage", la ré-écriture, la transformation, voir même la réhabilitation quand ce n'est pas fait avec des pincettes et l'intelligence de grands architectes (qui pensent) c'est souvent bien pire que l'éradication. C'est pour ça qu'il faut se battre pour un état d'exceptionnalité totale de cet héritage.

Détruisons donc ces Tours Nuages ! Ayons pitié d'elles ! Tout sauf ce gainage de casserole en Inox !

Vous aurez remarqués si vous êtes des fidèles de ce blog, son ralentissement. C'est que, sans doute, je commence à avoir fait le tour de cette question de la représentation de l'Architecture des Trente Glorieuses par ce média populaire et, à part égrainer chacune des cités ou des bâtiments, je ne vois pas bien ce que je pourrais encore vous dire.
Ma dernière conférence à l'école des beaux-arts d'Angers a duré plus de deux heures, presque trois...c'est fatigant pour tout le monde. Fatigant aussi ce combat permanent pour des architectures mal aimées, surtout mal apprises, mal vues et instrumentalisées par les politiques pour nous raconter des idéologies. Fatigant que des chef-d'oeuvres soient ainsi massacrés, détruits, restylés sans réflexion, sans sens de l'Histoire. Je vous jure, c'est épuisant. J'ai un dernier combat sur le feu, celui de la Cité de Louis Miquel à Saint-Pierre-lès-Elbeuf...Et c'est mal parti...

Bonne année 2024 sur les ruines de l'Architecture Moderne et Contemporaine.
Je suis si fatigué d'être en colère.

Battez-vous ici :