lundi 26 décembre 2022

Y en a marre des Piscines Tournesol et de leur politique de sauvegarde indécise

 On finira par regretter qu'elles existent. On finira par ne plus avoir envie de les défendre, de les voir, de les visiter. Les Piscines Tournesol sont devenues un écran à la Patrimonialisation de l'Architecture du Vingtième siècle, une sorte de minimum requis pour amateur. Un arbre qui cache la forêt. Et les transformations, les "requalifications" des Piscines Tournesol deviennent alors aussi la démonstration de la réhabilitation possible que devrait subir l'ensemble du Patrimoine, comme un point de qualification et un exercice obligé des architectes d'aujourd'hui laissant croire qu'ils préservent, qu'ils participent à leur maintien alors que, bien souvent, il ne reste de la Piscine Tournesol, après leur intervention relevant du Tuning que l'espace creux de leur coupole.
Et la chasse est ouverte et la chasse aux regrets aussi, chaque DRAC devant montrer sa position patrimoniale face à la ou aux Piscines Tournesol de son territoire. Ici on protège, là on réhabilite, ici on détruit...Oh mince ! 
Pendant ce temps-là  des oeuvres vraiment particulières sont détruites sans remords. Faire écran. Les Piscines Tournesol font maintenant écran à la politique de sauvegarde du Patrimoine du Vingtième siècle. C'est assez.
Le Vintage prend la place du Patrimoine, c'est à dire que le sentiment prend la place de la science. 
Ainsi, sur une page Facebook d'amateurs de Patrimoine du Vingtième on lit des commentaires sur la mocheté du château d'eau de Le Corbusier à Podensac mais on applaudit à l'apparition de chacune des Piscines Tournesol de notre territoire jusqu'à l'écoeurement. Comment peut-on aller sur un site de Patrimoine du Vingtième pour n'avoir comme commentaire à faire que la mocheté d'une oeuvre ? Pourquoi venir là ? Pourquoi se croire ainsi habilité à faire un commentaire uniquement basé sur un ressenti esthétique ?
L'inventaire des Piscines Tournesol on le connait. On sait qu'aujourd'hui certaines sont protégées, d'autres sont menacées et bien nombreuses furent détruites. On pourrait se demander alors s'il ne faudrait pas penser au sens qu'aurait un classement groupé de toutes les piscines par exemple. Pourrait-on envisager qu'une architecture éditée dont l'édition et la multiplication font en partie son sens historique ne mérite pas d'être protégée dans l'ensemble de cette édition ? Comment expliquer que si une oeuvre a une valeur patrimoniale ici, elle peut être détruite là-bas ? Comment penser cela en terme de politique patrimoniale nationale ? Faut-il toujours croire en la rareté, en l'unicité pour produire du sens historique ? Voilà des questions à poser en lieu et place d'une nostalgie infantile s'appuyant sur l'effet plastique de l'objet architectural au détriment du sens profond de sa multiplicité, de son don d'ubiquité.
Là, il y a moins de monde.
Le coup à coup de la politique patrimoniale permet au moins de voir l'indécision suspecte des responsables nationaux de la patrimonialisation. Chacun dans sa baronnie...gère sa baronnie.
Le fétichisme qui s'appuie aujourd'hui sur ces Piscines Tournesol devrait donc être étudié comme un mauvais signe de l'avenir de nos belles architectures du Vingtième Siècle car, étrangement, je crois qu'il est le signe d'une bien mauvaise manière de considérer ce que Patrimoine veut dire et surtout sur qui a la responsabilité finale de le définir. L'amour nostalgique des souvenirs de famille ? Le Vintage du jour ? La maîtrise historique des constructions ? Une certaine aristocratie du Patrimoine allant des agents d'état dans les collectivité à des associations ou page Facebook menées par des personnes ayant portes ouvertes et cartes de membres dans les deux mondes ? Juges...et Parties...Et l'indépendance du jugement patrimonial ? On s'assoit dessus ?
Et comme ce blog est fautif puisque cela fait des années maintenant que je vous propose un inventaire le plus exhaustif possible des Piscines Tournesol représentées en carte postale, je me dois de maintenir à jour  ma folie. Mais j'aimerais bien qu'on parle d'autres choses, choses moins reconnues à tort ou à raison et que l'on sauve une bonne fois pour toutes les Piscines Tournesol et cela dans l'entièreté de leur exceptionnalité et non comme un prétexte de la réhabilitation écrasant tous les signes de leurs particularités.
Celle-ci est à Ecommoy.
L'éditeur est la maison d'édition Diffusion 2000. Sans date, sans nom de photographe ni de l'architecte Bernard Schœller.
On s'amusera de comment le photographe comprend et signale la rotation de la Piscine Tournesol en mettant au premier plan de son cadre le tourniquet de l'aire de jeux.
Ça tourne !
Au fait...Celle-ci fut détruite. Oui... oh la la c'est si triste...


samedi 24 décembre 2022

pour que 2023 soit l'année Louis Miquel

Vous le savez sans doute : j'ai déposé un dossier auprès de la DRAC Normandie pour que la Résidence des Tilleuls obtienne le Label Architecture Remarquable.
Il y a des proximités qui produisent des affinités et il est certain que la localisation de cette Résidence dans ma ville n'y est pas pour rien. J'aimerais aussi voir comment une telle demande soutenue par la Mairie est traitée par les institutions locales.
J'espère donc que ce Label sera bien apposé sur cette belle construction car l'œuvre de Louis Miquel mérite un peu de lumière.
Ce sera mon dernier round patrimonial, après j'arrête. Enfin...je m'étais déjà promis ça après Ris-Orangis !
Je vous propose donc de voir ici trois cartes postales de son œuvre, malheureusement je n'en ai pas encore trouvé de sa Résidence à St Pierre-lès-Elbeuf et je crains qu'il n'en existe tout simplement pas. À la place, voici deux cartes postales du chef-d'oeuvre de Louis Miquel : l'Aéro-Habitat d'Alger, véritable icône du transfuge de la pensée corbuséenne en Afrique du Nord. Un monstre, une icône, un monument de la Modernité.
On va commencer de très près :



Cette magnifique carte postale des éditions JOMONE (bien connues ici) nous montre la très belle façade de l'Aéro-Habitat dont la proximité avec celle de la Cité Radieuse est assez claire. Cette machine à habiter ici trop serrée dans son cadre ne nous permet pourtant pas d'en lire toute son ampleur urbaine. Ce zoom sur un détail a sans doute été choisi comme représentatif de l'objet architectural comme si la régularité implacable suffisait à en faire lire la modernité. Il s'agit bien d'une carte en noir et blanc et coloriée ensuite. On notera qu'il n'existe pas tant que cela de cartes postales de ce bâtiment pourtant spectaculaire et historique. On peut légitimement s'en étonner.
En voici une version plus urbaine :



La carte postale de la Société Nationale d'Édition et de Diffusion (sic!) nous montre Alger la Blanche ce qui, depuis ce point de vue, reste à prouver... Vous retrouvez l'Aéro-Habitat ? Oui ! En bas à gauche. On apprécie mieux son implantation sur une pente et il faudra regarder l'article publié dans l'Architecture d'Aujourd'hui pour comprendre comment Louis Miquel et ses compagnons architectes ont travaillé sur les rattrapages de niveau. Incroyable travail. Mais, petite devinette...est-ce que vous voyez sur cette carte postale la magnifique Cathédrale d'Alger dessinée par Herbé et Le Couteur ? Allez ! Je vous laisse chercher. Elle semble bien petite !




Revenons à l'origine de ma découverte de Louis Miquel grâce à Dominique Amouroux qui contredira l'attribution d'une carte postale (et d'une architecture) à Wogenscky :



Donc nous sommes à nouveau à Cholet devant l'Institut Médico-Pédagogique attribué donc à Wogenscky (avec une faute d'orthographe) mais qui serait bien de Louis Miquel. Vous en retrouverez une autre carte postale dans le premier article consacré à l'architecte ici :
On lit mieux sur ce cliché l'objet architectural, la belle simplicité des volumes et des façades et on retrouve bien le vocabulaire corbuséen post-Jaoul. Le parpaing ici devient gracieux dans sa brutalité. La carte est une édition Eurolux et le photographe est Thierry à Cholet.



Je vous propose quelques documents extraits de l'Architecture d'Aujourd'hui. On notera que l'Aéro-Habitat de Louis Miquel en fait la couverture. On note aussi (et on n'oublie pas) que l'Aéro-Habitat est aussi signé par P. Bourlier, J. Ferrier-Laloe, architectes et H. Allinguy et M. Gut architectes-collaborateurs.
Les photographies de la revue ne sont pas attribuées.








dimanche 11 décembre 2022

Des cloches et des lapins, pourtant ce n'est pas Pâques chez Corbu



Vous admirerez sans doute comme moi cette belle vue contrastée d'un immeuble moderne en béton brut. Vous lui trouverez une forme abstraite, un contraste appuyé pour ses cellules de vie, quelque chose de radical que l'on aime tant dans les beaux immeubles d'habitations de nos chers architectes du Vingtième Siècle.
Pourtant, vous auriez bien tort de vous réjouir trop vite.
Ce que vous voyez-là n'est pas une expérience d'architecture préfabriquée pour nous les hommes et même si on pourrait, après tout, y trouver de l'intelligence constructive dans sa préfabrication, ne vous y trompez pas, il ne s'agit pas d'une habitation mais bien d'habitations pour les...lapins.
Cette carte postale est bien une manière pour l'entreprise Venot Père de faire la promotion de ses clapiers à lapins démontables en ciment armé. Et la proximité plastique et peut-être conceptuelle entre ces clapiers et des appartements raconte sans doute quelque chose. La préfabrication lourde et le chemin de grue ont en effet dans le langage populaire et moqueur souvent été comparés à la fabrication de clapiers...
Pour ma part, j'y vois à la fois une mauvaise lecture des qualités et finalement, une certaine logique que l'on pourrait retourner contre les moqueurs : construire solide, pas cher, rapidement des espaces de vie bien conçus et fonctionnels. Quoi redire à ça ? Une leçon à reprendre aujourd'hui ?
Allez...Laissez-vous faire...




Mais voici une autre belle carte postale de l'architecture moderne et de Le Corbusier. On a déjà souvent évoqué ici ce lieu rare et parfois maltraité qu'est la péniche Louise-Catherine de l'Armée du Salut, péniche en béton dont les aménagements intérieurs ont été conçus par Corbu.
A-t-elle été renflouée ? Restaurée ? Aimée à nouveau ?
Quel programme à venir pour ce lieu exceptionnel ?
Mais voici une bien belle carte car elle est très animée de ceux qui, justement, en sont la raison : les clochards de Paris comme on disait alors, voire mêmes les cloches. Aujourd'hui on dirait les sans-abri. Gentiment alignés devant le photographe avec quelques autorités, ils attendent le droit d'aller retrouver les lits juxtaposés et installés entre poteaux de l'architecte. Ce document est à la fois touchant et un rien voyeuriste. Comment savoir si cette prise de vue servant à promouvoir l'Armée du Salut a laissé la chance à ces hommes de refuser la photographie au risque de ne pas pouvoir dormir à l'abri. Qu'ont-ils pu faire ensuite de leur image ainsi diffusée et que saura-t-on de leur histoire ? Rien, je pense. La carte postale ne permet même pas de comprendre les aménagements de Le Corbusier dont le nom ne figure pas sur la carte postale. On sait pourtant comment il défendait la représentation de ses oeuvres, bonnes oeuvres également ?


Pour finir, le voilà le clapier magnifique ! Qui peut encore ainsi faire comparaison ? 
Ce paquebot (pensée positive) ce monstre de béton (pensée négative) ce clapier donc est d'une poésie superbe et décidée. Il est une réponse juste, honorable, en tout cas attentive à ce que l'époque (mais non mais non pas l'ordre...) réclamait alors. Une réponse au mal-logement.
Doit-on encore ici en nommer les richesses ?
Je crois que ce n'est pas nécessaire.
Ici il s'agit d'une édition Iris spéciale pour la Maison de la Culture de Firminy. Comme l'immeuble de Le Corbusier a l'air seul sur la rondeur de sa colline ! 
Je n'ai rien à ajouter.
Ah si...

mardi 6 décembre 2022

le constructivisme soviétique en France, une preuve :

 On va de surprise en surprise si on suit les pavillons de l'U.R.S.S en France ! Trop vite, on le sait, on s'arrête à la production du somptueux et spectaculaire Pavillon de Melnikov à Paris en 1925 (icône parfaite) mais on oublie le reste de la production des pavillons de l'U.R.S.S, production dont on commence ici sur ce blog à faire le tour.
Et voilà une nouvelle étape de la présence du constructivisme soviétique (et russe ?) en France :



Ce pavillon superbe est bien celui de la Foire de Paris. Malheureusement la carte postale ne nous indique pas l'année... ni le nom de l'architecte...ni le nom du photographe. Ça fait peu d'informations. Ne nous reste que la forme et l'écriture de cette petite architecture éphémère dont on ne peut pas nier qu'elle est marquée par une certaine idée de la géométrie simple, du désir de faire moderne.




Depuis ce point de vue, trois volumes se succèdent et le dernier finit même en lanterneau largement ouvert soutenu par le mot U.R.S.S répété cette fois à la verticale. D'ailleurs les lettres énormes couvrent le bâtiment par deux fois ! On ne peut pas risquer de se tromper quant à l'attribution de ce dernier !
Ouvertures généreuses dans un angle, hublot sur-dimensionné sur le coté, jeu de couleurs éteintes par le noir et blanc, tout cela fabrique bien une architecture qui se veut moderne, dépouillée, franche et un peu raide aussi.
Mais l'ambiance frustre tient aussi à l'édition dans un noir et blanc un peu fade, un peu doux comme si un ciel blanc de brouillard était tombé sur la construction mangeant un peu les lignes du bâtiment.
On ne peut pas pour l'instant attribuer cette architecture à qui que ce soit, on ne peut pas savoir si ce dessin est venu d'Union Soviétique, si ce pavillon a été conçu en France par des soviétiques en séjour le temps de la foire. On ne sait pas grand chose mais on peut dire tout de même que cette architecture est encore dans la veine d'un constructivisme bien senti, qu'elle est modeste mais bien dessinée et qu'elle a (bien évidemment) disparue...
On peut, une fois encore, s'interroger sur l'influence d'une telle présence constructiviste à Paris avant les années trente. 
Et, on ne sait pas non plus comment était conçu l'intérieur, quel service rendait alors la tour-lanterne, quelle production de ce pays était alors promue à l'intérieur ni quel écho critique ce pavillon a reçu.
La carte postale est une édition soviétique et donc officielle puisqu'elle indique l'adresse de la représentation commerciale de l'U.R.S.S à Paris.
Une image autorisée donc mais une image un peu pauvre.

Pour suivre ce dossier :