Tout est paisible.
Pourtant une forme étrange, bizarre et incongrue occupe le premier plan à droite de cette carte postale Combier expédiée en 1965.
Il faut dire que la coloration hasardeuse ajoute sans doute à son mystère. Comme un rocher un peu mou, comme un organe inconnu, cette forme surprend, amuse et surtout, surtout, nous rappelle bien quelques petites choses déjà vues sur Architecture de Cartes Postales...
Cette sculpture qui sert également de jeu, de praticable pour les enfants de la Cité des Vaux Germain pourrait bien être une œuvre de Pierre Szekely.
Pourtant je ne trouve ni sur le site consacré à l'artiste ni dans le catalogue raisonné de son œuvre une trace de ce travail.
On retrouve pourtant bien l'esprit de l'artiste jouant pleinement les références mi-organiques mi-minérales. Comme un énorme morceau de corail échoué en banlieue, comme une fleur vénéneuse éclose sur un parking ensablé, la sculpture fait semblant d'être en quelque sorte naturelle pour ne pas effrayer les enfants, ouvrir l'imaginaire à quelques paysages fantastiques. Le rocher deviendra l'île au trésor, un morceau de la côte bretonne, un morceau de Kryptonite tombé du ciel.
Seuls les enfants savent inventer et traverser des formes dans un imaginaire débridé et libre.
Actualité du 10 juillet 2013 :
Heureusement l'histoire enregistre parfois dans des documents la vérité sur les œuvres ! Cette fois encore c'est la revue l'Architecture d'Aujourd'hui qui nous permet de rétablir la vérité sur cette sculpture-jeux. En effet, il ne s'agit pas d'une œuvre de Pierre Szekely mais de Marc Batifol comme nous le montre ce petit article en bas de page de la revue.
Nous sommes heureux de rétablir la vérité sur ce travail mais malheureusement cela n'empêche pas que cette sculpture de résine ait disparu...
Si on regarde le blog de Marc Batifol, on découvre une quantité d'œuvres publiques très nombreuses toutes bien marquées par l'époque et on retrouve bien là, la complicité formelle avec d'autres acteurs comme Szekely. L'héritage de Arp est partout. On regrettera donc que ce travail, si significatif de cette période offrant l'occasion d'un art publique accessible et joyeux ne fut pas sauvé par le bailleur.
On peut aussi se dire qu'à l'époque la célèbre revue était attentive à ces petites interventions, sans doute encore prise dans le bel héritage d'André Bloc dont le travail traversait la sculpture, l'architecture et les aires de jeux...
Aujourd'hui... Aujourd'hui le même petit espace de jeux de Châtenay-Malabry reçoit la plus normée, la plus sécurisée, la plus ridicule, la plus pathétique preuve du réalisme politique.
Comment ne pas préférer un genou qui s'écorche sur l'imaginaire au pantalon propre sauvé par les normes européennes...
Il faut rassurer les mamans, les mamans, les mamans...
Châtenay-Malabry était à ce jour pour moi surtout une très belle chanson de Vincent Delerm dont je continue malgré les réticences de mes camarades musiciens post-punks débridés à penser qu'il est l'un des grands paroliers et interprètes français. Sa chanson la vipére du Gabon reste pour moi simplement l'une des plus grandes chansons françaises, comme un Haïku reconnu.
Maintenant, avec la disparition de cette sculpture-jeu, avec son remplacement par une saloperie d'une mocheté sans nom, Châtenay-Malabry sera aussi la ville du renoncement à une œuvre d'art, à une idée généreuse, celle d'une époque où la continuité spatiale d'une barre de béton sociale et joyeuse se voyait enrichie de la pousse soudaine et amicale d'une fleur de béton.
Et, nous pourrions bien un jour, au dos d'une carte postale de Châtenay-Malabry trouver écrit ainsi, une partie des paroles de la chanson de Vincent Delerm :
Je vous écris
Dans le silence qui s'installe
C'est un dimanche après-midi
Je suis assise dans la grande salle
Les murs de Châtenay-Malabry
Les rires du passé me font mal
Ils sont partis avant midi
Chacun a sa vie c'est normal
la petite fille sur la carte postale prés de ce rocher est ma sœur en arrière plan on devine la présence de ma mère avec un landau de l'époque photo prise sans son autorisation
RépondreSupprimerVoilà qui rend cette image encore plus vivante. quelle chance d'avoir ainsi dans sa famille un document aussi précieux.Dommage que l'on ne puisse voir mieux votre mère.
RépondreSupprimerMerci pour ce témoignage.
Bonjour je suis madame batifol femme du sculpteur marc batifol c'est un grand honneur pour moi. Dommage que cette sculpture n'existe plus
Supprimer