dimanche 29 janvier 2023

303 tout en hauteur

Une fois n'est pas si coutume que ça, je vais faire la promotion d'un ouvrage.
En effet, sous l'invitation de Sévak Sarkissian et Éva Prouteau, je participe par un article au dernier numéro de la revue 303, revue essentiellement consacrée à la vie culturelle en Pays de Loire. Cette fois, j'y ai commis un article sur une petite partie de ma collection de cartes postales et sur le regard que l'on a depuis ou au pied de quelques éléments architecturaux allant de la Maison radieuse de Rezé à la barre Le Couteur du Mans en passant par l'Art Contemporain et une oeuvre de Marin Kasimir éditée en cartes postales.
Bref ! Vous y reconnaitrez beaucoup de mes orientations de regard sur l'Architecture des Trente Glorieuses d'ailleurs très représentée dans ce numéro. 
En effet, vous y trouverez un bel et bien riche article sur le très beau Sillon (qui fait la couverture) par Xavier Nerrière, un article sur les Châteaux d'eau par Anthony Poiraudeau ou encore un article de Jean-Luc Violeau sur les tours et leur architecture en ville.
Pour moi, la plus belle découverte est celle du promoteur Konckier et ses réalisations dont je ne savais rien par Sévak Sarkissian. Il y a encore plein d'autres choses comme les très belles photographies de Sylvain Bonniol que vous connaissez bien sur ce blog.
Voilà un beau numéro non ?
Alors, je ne vais pas faire l'affront à la revue 303 en publiant ici des pages et je vous laisse l'acheter. Elle coûte le prix d'un paquet de cigarettes.
Bonne lecture et bonne découverte de ce territoire des Pays de Loire par la hauteur donc !

revue 303
La hauteur
15 euros
pour commander c'est ici ou chez votre libraire indépendant :


jeudi 26 janvier 2023

Comment on va régler son compte au Patrimoine Architectural du XXème Siècle

 Dans le Monde, je lis un article de Benoît Floc'h sur l'avenir de la Préfecture de Nanterre, chef-d'oeuvre de Wogenscky en péril. 
En péril non pas parce que le bâtiment tombe en ruine, non, simplement parce que ce genre d'article entérine une idéologie, celle de l'écologisme triomphant enfin contre l'Architecture du Vingtième Siècle. L'idéologie opérante et soutenue donc par les politiques (image de marque) et par les journalistes du Monde qui ne soulèvent à aucun moment l'existence même d'une pensée architecturale, ne voyant le bâtiment qu'au travers d'une sorte de nutriscore du chauffage. Après les cages à lapin, après les Grands Ensembles, voilà les "passoires énergétiques" qui, quelle que soit leur forme, leur intelligence, leur exceptionnalité ne sont vues qu'au nouveau travers donc de leur "performance énergétique" et non plus au travers de leur "performance d'habitabilité ou de fonction".
Ce qui est effrayant avec ce genre d'article c'est qu'il n'y a aucun signe, aucune interrogation sur le Patrimoine, aucune voix pour soulever le fait qu'une architecture est une œuvre, qu'elle a un architecte, qu'elle appartient à une époque et que ces circonstances devraient entrer en compte dans un débat de sa transformation.
Non, on lui reproche son époque et on en fait une sorte d'exemple de l'horreur (erreur) du passé. Pourquoi donc ce journaliste n'interroge pas l'A.B.F, les services patrimoniaux en Ile-de-France, les critiques d'architectures sur les possibilités voire même surtout  les impossibilités de toucher à une oeuvre architecturale ?
L'avenir donc de cette oeuvre de Wogenscky est maintenant dans les mains de personnes qui n'en ont strictement rien à faire du dessin, des formes, des réflexions architecturales et qui, comme politique de punition du bâtiment (et d'une époque) ne nous servent que l'épaississement des murs par l'extérieur, la politique de la doudoune, ou le double vitrage...On sent l'intelligence à l'oeuvre...on sent la réflexion, le débat, le regard sur une oeuvre...Mais vous me direz qu'on est en Ile-de-France la Région dont le nutriscore d'agression du Patrimoine du Vingtième est le plus élevé en France (et Nanterre...), on pourrait même dire qu'aujourd'hui que c'est presque sa politique de fonctionnement. Il faut croire que la place est bonne et qu'il faut se plier dans un silence coupable voir dans l'action assumée à la destruction de cet héritage en offrant ici un Label épuisé ou une réflexion en retard. Ah...l'expression des regrets des agents du Patrimoine...ça devient culte.
Sans doute aussi qu'il doit falloir se plaindre de la trop grande richesse de ce Patrimoine sur ce territoire et qu'il est donc difficile d'en suivre tous les dossiers. On est débordé.
Mais alors, pourquoi n'entendons-nous jamais ces personnels de la Protection du Patrimoine s'en plaindre ? 
Il faudra donc aussi s'interroger sur ce petit monde, cette petite famille du Patrimoine du XXème siècle. De son goût pour les icônes vintage, pour la plainte de l'urgence juste avant la catastrophe, pour l'entrisme des responsables étatiques du Patrimoine dans les associations de sauvegarde, de comment ils sont juge et partie. Il faudra aussi s'interroger sur leur formation, sur leur héroïsme culturel : le casque sur la tête d'un chantier de restauration d'une chapelle gothique mais jamais sur le toit-terrasse d'un bâtiment en réglant son étanchéité. Il faudra s'interroger sur le retournement politique qui fait que la réaction instrumentalise l'écologisme pour ruiner (au sens propre) les inventions architecturales d'une époque qu'aujourd'hui on globalise sous le bétonnage ou des attaques politiques de le Corbusier (encore une tentative stupide ce matin chez Mauduit sur France Culture).
Et le silence devient un héritage maintenant de Ministre de la Culture en Ministre de la Culture impuissantes...Madame Rima Abdul-Malak n'a rien dit et ne dira rien de ses positions sur ce genre d'attaque. La tiédeur doloriste de la communication sur l'urgence climatique de son Ministère lui servira de rempart à sa pseudo-impuissance comme pour ces prédécesseuses et son prédécesseur.

La Préfecture de Nanterre, son mobilier, sons sens architectural, sa représentation d'une idée architecturale, sa propriété intellectuelle, sa beauté, son émotion et même la plasticité de sa structure, tout cela n'aura aucune importance face à l'écologisme qui, bien loin de la réalité possible à son adaptation ne sert maintenant qu'à communiquer, communiquer politiquement. L'écologisme n'est pas l'écologie.
Il s'agit de greenwashing, de rien d'autre. Et l'Architecture du XXème servira de masque, d'affiche, de propagande d'un monde forcément coupable et dont on attendrait ses excuses.
On verra chaque homme et femme politique prendre ce prétexte pour faire croire qu'il ou elle agit.
On en fera des totems idéologiques et culturels. On affichera sur les chantiers de démolitions ou de réhabilitations les logotypes des régions, des municipalités. "ici, on on vous prépare un Monde Meilleur"

Par respect pour le travail du journaliste Benoît Floc'h, je ne vous donne pas ici son article que vous pourrez trouver sur le site du journal Le Monde daté du lundi 23 janvier

Regardez bien ces images. 
Ce monde disparait sous vos yeux. Il ne restera que ces cartes postales pour vous en souvenir.

1 édition Raymon, Photo de J.N. Duchateau.
2 édition Abeilles-Cartes pour Lyna (écrivez-moi)
3 édition Raymon



mercredi 18 janvier 2023

La photographie et le sentiment architectural

 J'ai déjà évoqué avec vous ce moment particulier qui fait que l'oeil et la main dans le tas de cartes postales s'arrêtent en même temps sur une carte pour la sélectionner.
Souvent d'ailleurs, la main va trop vite et il faut revenir en arrière, l'oeil ayant cru reconnaître dans le défilement des images la possible carte qui fera un article.
Mais comment nait cette disposition à produire un sentiment architectural ? Comment, là, dans ce cadre, pourraient bien se montrer une particularité, une originalité architecturale ou, au contraire, une image qui serait l'attendu de cette sélection ?
Car, si il est aisé de reconnaitre une icône (c'est là oeuvre de mémoire), il apparait plus étrange que nous puissions en un coup d'oeil rapide avoir la certitude qu'il se passe quelque chose.
Il s'agit à la fois d'une projection sur des signes et d'un sentiment global, une impression, quelque chose qui appuie littéralement comme un interrupteur qui s'enclenche.
Par exemple :


Cette carte postale m'a immédiatement séduite par la composition, par la symétrie, par la chaleur du champ coloré et par la disposition étrange des espaces déployés. Je n'avais jamais vu ni cette carte postale, ni cette architecture et je fus heureux de trouver au dos le nom de l'architecte : Monsieur Barrière.
Nom lui aussi à moi inconnu et qui ne permet donc pas d'avoir en quelque sorte une habitude de son écriture. Pourtant si je ne reconnais pas son écriture, on peut tout de même se dire qu'on reconnait son vocabulaire. Faisons un peu de sémiologie.
Les colonnes réduites en poteaux, le carrelage chaleureux, la baie vitrée qui couvre ce qui fait une rue intérieure en pente, la passerelle radicale et brutale qui forme une horizontalité nette et même les globes lumineux racontent l'époque, tout comme les gardes-corps. Tout cela est moderne dans les formes mais adouci dans les matières qui se veulent chaleureuses et rassurantes. On hésite entre plein de références allant d'un Edmond Lay (Frank Lloyd Wright), un Henri Sauvage (revenu des morts dans les années 80), d'un pragmatisme joyeux d'un Sarfati ou même d'un Lucien Kroll (je pousse).
C'est un menu un rien riche ! Et je sens bien que je danse sur les signes. Que pourrais-je faire d'autre d'ailleurs depuis ce qui reste une image et qui se dérobe donc à mes connaissances que j'aurais pu avoir avec un entretien avec l'architecte, une lecture du programme ou même un texte critique.
N'oublions pas que nous sommes isolés face à ce genre d'interrogation que seule notre culture de l'oeil peut permettre de décrypter mais aussi de nous égarer parfois.
Mais j'aime alors le sentiment de cette image. Je me permets donc d'en juger la qualité alors même, bien entendu, que je ne le fais que subrepticement, presque par effraction de l'image. Serais-je aussi convaincu si j'allais sur le lieu ? Est-ce que finalement ce point de vue n'est pas là aussi pour tirer tous les avantages plastiques d'un lieu moins puissant qu'il ne pourrait me paraitre ou, au contraire, confirme-t-il l'originalité et la beauté de cette écriture ? Ce point de vue est-il autant construit par l'architecte que par le photographe des éditions Elcé ?
Suis-je subjugué ou suis-je juste bien informé ?
Comme il est coutume dans ce cas-là, la seule réponse serait : il faudrait aller voir. L'association des deux verbes les plus importants du lexique du photographe et du critique d'architecture. Mais pourquoi donc ?
Pourquoi cette obligation morale de comparer notre sentiment architectural construit depuis des images à une réalité physique de la visite qui serait, toujours considérée comme l'absolu de la pratique architecturale ? Pourquoi donc ne pourrions-nous pas aussi aimer (et voir) une architecture seulement depuis un cadre d'image et en déterminer des qualités et des défauts en amont ou en aval d'un sentiment architectural positif ou négatif d'ailleurs ? Autrement dit, une mauvaise architecture peut-elle prodiguer un sentiment architectural positif depuis une image et une bonne architecture peut-elle ne pas être convaincante lorsqu'elle est photographiée ?
Ce conflit n'en est pas un. Finalement, ce qui compte c'est bien que je puisse être là et cela depuis une image. Ce qu'on me donne à voir ne doit pas forcément s'étendre à ce que je suis supposé ne pas voir. Et, à genoux, dans le froid du petit matin, si cette image fut assez forte pour sortir du lot et me sortir de ma léthargie c'est bien qu'elle possède en elle quelque chose qui me contente. Pourquoi devrais-je remettre en doute ce qui est aussi du réel : mon sentiment. Et ce n'est pas une trahison du réel, ce n'est pas un manque de vérité. Arrêtons de nous inquiéter des images, arrêtons de les mettre en doute. 




Comme souvent dans les boîtes à chaussures, on trouve deux cartes d'un même objet. Voilà que le tri me fait sortir cette autre image de la Résidence Art et Vie de Carcans-Maubuisson car c'est bien d'elle dont il est question ici.
J'avoue alors, depuis cette seconde carte, essayer de retrouver la jubilation de la première mais mon sentiment architectural est bien moins fort. Par contre, je m'amuse de mon sérieux et immédiatement, je m'entends écrire cet article, me dire que j'ai là un objet de réflexion sur le sentiment architectural et sur la déception possible du réel alors même, qu'une fois encore, je ne suis que devant une photographie. Là aussi, j'exerce mon vocabulaire avec mes connaissances de l'architecture et à ce que l'oeil croit décrypter. Et c'est le même registre qui monte : modernité adoucie, presque un vernaculaire fonctionnel. Faire local mais moderne, pratique mais chaleureux. On sent aussi le travail sur la pente, ce qui expliquerait la rue intérieure fracturant le bâtiment en deux et qui prend en compte la promenade architecturale sur la pente du terrain : bien vu l'architecte !
Alors si je ne sais pas grand chose depuis cette analyse du travail réel de Monsieur Barrière son architecte, si je ne peux pas dire que j'ai vu son architecture, je me sens tout de même en droit de dire que j'en ai fait la visite. Certes, une visite partielle mais une visite tout de même, car, ce que je visite alors ce n'est pas tant un bâtiment qu'un espace intérieur, une sorte d'immense commode ou un meuble à tiroir dans lequel je puise (et épuise ?) tous mes fiches bien ou mal rangées, les indices, mes références. Vous savez, ce meuble intellectuel est aussi important que le déplacement dans le réel et, croyez-le ou pas, il ressemble beaucoup à ce à quoi ressemble justement, dans le réel, ma collection de cartes postales ! Des boites et des boites, des fiches et des fiches, des classeurs et des classeurs...
Pirouette !

Pour revoir des cartes postales de Carcans-Maubuisson :

dimanche 15 janvier 2023

Willy Ronis et les H.L.M

 Ce matin, dans le froid du boulodrome de St Pierre, je fouille comme d'habitude au fond des âmes des boites à chaussures pleines de cartes postales en couleurs comme disent les vendeurs qui s'excusent de ne pas en avoir des en noir et blanc plus anciennes.
Il me faut toujours sourire et leur expliquer que, justement, celles en couleurs sont bien celles que je recherche.
Mais ce qui me surprend toujours dans ces boites c'est qu'elles contiennent certes des cartes postales mais aussi souvent des vieux papiers allant de l'image pieuse au morceau de carte routière, de la vieille facture d'une tondeuse à la photographie oubliée d'une tante que j'ai souvent plaisir à sauver en la montrant au vendeur surpris de cette rencontre.
Aujourd'hui c'est un petit fascicule sur les H.L.M et leur histoire qui me tombe dans les mains. La couverture très sobre et très graphique m'attire immédiatement mais au vue du sujet et de l'état je me pose la question de l'achat.
Puis, à la fin de l'ouvrage, une photographie d'une famille heureuse me fait de l'oeil et la signature du photographe finit de me convaincre de l'achat : Willy Ronis.




Que fait Willy Ronis dans une telle publication ? L'éditeur de ce petit fascicule a-t-il fouillé dans le Fonds du photographe ou bien Willy Ronis a-t-il été mandaté pour faire cette photographie des jours heureux en H.L.M ? On notera que le dit-ouvrage n'est pas daté, qu'aucun colophon ne vient renseigner sur l'édition ni sur sa diffusion.
Alors il faut s'en remettre au texte et aux dates qui y sont évoquées pour comprendre que nous sommes au début des années cinquante puisque l'Abbé Pierre et son combat y sont convoqués. On notera que ce fascicule pourtant entièrement tourné vers le logement et les H.L.M ne cite aucun nom d'architecte ni n'évoque d'ailleurs l'architecture...On reste sur ce sujet sur sa faim ! Il faut dire que le fascicule tente surtout de rendre hommage à l'action des Sociétés d'H.L.M qui semble, si on en croit le texte, critiquée.
On reste d'ailleurs surpris de voir que les termes de cette défiance et ses raisons sont encore d'actualité et que la construction du logement social soulève toujours les mêmes craintes, les mêmes contraintes, les mêmes difficultés.
Les bastions de gens pauvres laissés ensembles dans des quartiers à haute densité de pauvreté soulevait déjà ces mêmes questions au milieu du XIXème siècle...La responsabilité du financement aussi.
Dans le fascicule, on trouve peu d'images des réalisations et je vous les donne. Vous verrez qu'on peut rester circonspect sur ces choix. Il n'y a là rien d'avant-garde ou d'exceptionnel mais une certaine image de tranquillité architecturale bien faite et reconnue par notre imaginaire du logement social à la française.
Des images en noir et blanc de H.L.M, images peu animées, semblant sortir de terre, être toutes neuves. Les images sont bien là pour illustrer la politique des Sociétés H.L.M, comme des preuves de leur action. On note que aucun témoignage d'habitant ne figure dans l'ouvrage, qu'à part l'image de Willy Ronis, aucune image de l'intérieur et des habitants n'est donnée. 
On sait bien en regardant cette photographie de Willy Ronis qu'elle est fabriquée. Le flash puissant envoie ses ombres. Mais il ne faut pas trop vite en conclure une fonction communicationnelle de cette photographie qui, bien que construite, n'en est pas moins représentative certainement de la vie de famille dans cette période. Les parents font ce que font les parents, les enfants tournent autour de la table, point de ralliement de la famille enfin bien logée. Rappelez-vous cette photographie de famille sur cette carte postale de la Cité radieuse ou celle dans la revue Radar de la même Cité de Le Corbusier. Ce rassemblement familial sous le flash du photographe n'est pas qu'une construction, c'est aussi une bienveillance à ceux qui vivent là. Le mobilier, les images sur le mur, la petite sculpture ne sont pas des fantasmes du photographe. Le père lit le journal (comme chez Corbu) pendant que la mère tricote (comme chez Corbu). Toute la modernité de l'image vient certainement de la tranquillité possible de vivre ensemble et de la grande soeur qui, elle, peut lire tranquillement aussi ou faire ses devoirs. La fenêtre ne donne sur rien. Étrange occultation.
Les spécialistes de Willy Ronis nous donneront rapidement les origines de ce cliché du photographe. Nous resterons sur l'idée que les H.L.M avaient alors besoin de se défendre et que c'est par ce petit document qu'ils ont cru pouvoir répandre leurs actions, rappeler leur importance.
On pourrait aujourd'hui, à l'implosion d'une barre ou d'une tour, se rappeler cette espérance, cette action et la réalité d'un mouvement moderne qui avait tenté de faire et d'agir.
C'est déjà ça. On savait être "au service de la Nation et du progrès social". 
On se voit jeudi 19 janvier ?
















dimanche 8 janvier 2023

Au revoir Renée

 

Si c'est une carte postale d'Ivry qui fait l'entête de ce blog depuis son démarrage, ce n'est pas pour rien. L'architecture qu'on y voit est celle de Jean Renaudie et de Renée Gailhoustet, deux des plus grands architectes du logement collectif et social du XXème siècle. Ce n'est pas moi qui le dit, c'est l'histoire.
Renée Gailhoustet vient de nous quitter. 
Cet article sera donc un hommage.
Je vous ai déjà beaucoup parlé de son travail sur ce blog et je ne paraphraserai pas la littérature critique et historique sur son travail, je vous conseille l'excellent la Politesse des Maisons par Bénédicte Chaljub qui reste pour moi l'un des plus grands livres d'architecture. J'étais encore en train de le conseiller à l'une de mes étudiantes jeudi dernier.
Au delà donc de la production de Renée ce qui en fait l'importance c'est qu'elle nous permettait à tous, que l'on vive dans son architecture ou dans une autre, de nous questionner sur la question de l'habitat. Qu'est-ce que vivre des espaces veut dire ? Qui doit les déterminer, les relier, les solliciter au risque parfois que l'architecte soit contredit dans son programme car, pour Renée Gailhoustet, par dessus la question de l'architecture celle de l'urbanité était essentielle. Autrement dit, quand on a saisi le travail de Renée Gailhoustet (et de Jean Renaudie), on peut dire que partout où l'on se questionne sur vivre des espaces, on est dans son architecture.
C'est ça être une grande architecte. 
Il y a peu de leçons comme celles de Renée Gailhoustet que j'ai voulu retenir comme miennes. Celles de Claude Parent, celles de Le Corbusier et surtout aussi celles de Jean Renaudie en font parties aussi. Voilà.
Bien entendu, la disparition de Renée Gailhoustet nous pose une question et surtout un défi. Notre génération se doit de tenir cet héritage. Ce sera notre mission après, bien entendu, la phase du regret. Renée était une combattante humaniste et c'est de notre devoir de rappeler l'histoire, de maintenir les lieux, de défendre les principes. Pas au nom d'une nostalgie béate du temps d'une fausse utopie imaginaire et communicationnelle mais bien parce que cette architecture existe, fonctionne et reste une leçon vivante. 

Malheureusement les dernières attaques contre le travail de Jean Renaudie et de Renée Gailhoustet nous prouvent bien qu'il nous faudra être vigilants avant même d'être tristes. Et les derniers sursauts d'intérêts pour cet héritage à Ivry ou ailleurs prouvent bien une chose : le retard de ceux qui auraient dû depuis longtemps agir pour la protection et la sauvegarde dans sa totale exceptionnalité de ces lieux et de ces fonctions, des idées et des formes de cette architecture qui est encore trop souvent malmenée.
C'est aussi une architecture politique. Et n'oublions pas à qui nous la devons et, justement, ceux-là même qui l'ont permise se doivent maintenant de la défendre.

Ivry-sur-Seine, la Région Ile-de-France et ses autorités patrimoniales se doivent maintenant à un travail d'inventaire, de recherches, de promotions et de sauvegarde du travail de Renée Gailhoustet. Le Ministère de la Culture aussi.
Que faites-vous ? Que ferez-vous maintenant ? Des regrets exprimées et oublieux ? Quand on voit les dossiers de la Butte Rouge à Chatenay-Malabry ou de la Maison du Peuple dans la même Région Ile-de-France on peut logiquement s'inquiéter sur l'avenir d'un Patrimoine qui comme ces deux modèles étaient nés de politiques humanistes et progressistes.

Pour ma part, je serai toujours là pour la défendre. Ce blog restera vigilant à cet avenir.
Merci pour tout Renée. Vous avez changé ma vie par ce que ma vie depuis notre entrevue est traversée par vos questionnements. Tranquillement, sereinement, avec passion aussi. Une porte s'ouvre, un sourire, un tutoiement, un repas, des terrasses jardinées ou abandonnées, sans leçon, avec la simplicité première de celle qui accueille. L'architecture est toute entière dans un espace qui se déploie chez une architecte qui aura vécu au milieu des gens qu'elle aura logé avec dignité et poésie.
Je n'ai rien à ajouter.

David Liaudet

Pour revoir quelques articles sur Renée Gailhoustet :