mercredi 22 mars 2023

La vulgarité officialisée à Nanterre

 

Ah...ces longs chemins de croix que sont les voies pavées de bonnes intentions...
Ça y est ! Ils vont dévoiler l'ignoble travail qu'ils vont faire sur la poésie de Rieti et Aillaud à Nanterre et cela avec toute la légitimité de la bonne conscience politico-écololo-démago.
Mais quoi ? Doit-on supporter encore longtemps le mauvais goût et l'indifférence de ces travailleurs de la ruine ? Et ceux qui y collaborent avec fainéantise intellectuelle en bardant de tôles l'une des plus monumentales et poétiques oeuvres urbaines de France ?
Quel ramassis de mépris élevé en certitude de la tâche accomplie...Et qui les aura aidés dans ce pouvoir de destruction ? Bien entendu, ceux qui auraient dû depuis longtemps (30 ans au moins...) protéger ce Patrimoine et qui regardent ailleurs laissant les paysages et les oeuvres être détruites sous leur yeux de fonctionnaires de la Protection du Patrimoine. C'est tellement vulgaire cette indifférence que ça donne envie de leur répondre sur le même registre. Vous voyez ce que je veux dire ?
Et n'en doutez pas, il ne s'agit pas de sauver quoi que se soit, il ne s'agit pas de réhabiliter, il s'agit d'éradiquer un héritage et de gentrifier. On va vous servir l'argument habituel :
"c'était ça ou détruire"
"c'est pour le bien des habitants"
"ça sera plus beau et plus propre"
"y aura moins de drogue"
"ça répond au réchauffement climatique"

Soyez logiques avec vous-mêmes et si on en est là, devant l'ignominie, détruisez complètement ces Tours Nuages, c'est le plus juste hommage que vous pourriez leur rendre en lieu et place des fantômes qu'elles vont devenir. Ayez des couilles. Allez-y ! Allez au bout de votre logique stupide. Foutez moi ça par terre ! Qu'on en finisse avec la torture lente du Patrimoine urbain à Nanterre et en Ile-de-France !

Vous faudra-t-il un martyr du Patrimoine, une intervention brutale pour que vous arrêtiez enfin de faire vos conneries démagogiques ? Quand déciderez-vous de vous cultiver en lieu et place de communiquer ?

Mais quand, quand, quand comprendrez-vous que l'état d'exceptionnalité du Patrimoine vaut aussi pour le Patrimoine moderne et contemporain ?

Pendant ce temps, sous les coupoles modernistes :
Ça babille.
Ça fait se que ça peut, Madame, Monsieur.

Allez...ça suffit. Que crèvent une bonne fois pour toute ces Tours Nuages...Qu'elles périssent...qu'on les oublie.
La morgue contemporaine a gagné. Nanterre va devenir la ville la plus moche du monde et, dès que le soleil tapera sur l'inox des cuisines Hygéna posé sur les tours, cet incendie, cette lumière qui éclaboussera l'horizon sera comme le bûcher de la gestion du Patrimoine moderne et contemporain en Ile-de-France.
Que cet incendie métaphorique vienne rapidement, rapidement.

N'oubliez jamais ces noms : l’Agence RVA accompagnée du "graphiste" Pierre di Sciullo.

Et encore et toujours en Ile-de-France :


mardi 21 mars 2023

Le Corbusier Faire/Voir ?

 Est-ce qu'à force de vouloir tout montrer des spécificités d'un espace, de sa satanée révolution, on ne finit pas par en épuiser les lieux et ridiculiser son sens ?
À vouloir mettre dans toute question architecturale une réponse originale (et qui crie son originalité), n'épuisons-nous pas le message de cette transformation ?
On pourrait bien se demander cela en regardant les quelques cartes postales qui suivent.


On peut en effet se demander quel sens pouvait avoir d'envoyer et aussi de recevoir une carte postale représentant une cuisine, cuisine qui depuis ce point de vue ne dit pas grand chose finalement de sa révolution spatiale. Elle apparait petite, tassée, comme un recoin, sans ouverture, tout ce qui tombe sous l'oeil n'est que placards et pans de mur. Depuis ce point de vue, rien de la révolution supposée de l'espace ouvert n'apparait. Il faut connaître le lieu pour y reconnaitre ce qui le caractérise. La carte postale de la cuisine de la Cité Radieuse ici pourrait même effrayer devant sa minuscule taille où certes tout est à distance du bras tendu mais où justement la taille de l'espace n'est déterminé que par cette distance. Le corps devient un pivot sous lequel tombent toujours instruments, placards, fluides. Le corps apparaitra comme submergé par les outils de la cuisine car même l'ouverture à peine visible sur ce cliché ne peut contrarier ce sentiment d'objectivation du corps ici au travail. On note que l'éditeur (sous l'impulsion de qui ou de quoi ?) précise au dos de la carte postale : "véritable petit laboratoire complètement équipé"
On s'amuse aujourd'hui de lire ainsi la fonction de faire la cuisine et des repas reliée à un autre monde. Faire la cuisine et nourrir la famille serait donc uniquement une fonction utile, pratique, scientifique pour laquelle tout devrait être orienté, produire une efficacité parfaite. Le cuisinier ou la cuisinière est donc un laborantin ou laborantine exécutant une tâche et non une certaine idée du partage. Il faut exécuter cette tâche finalement en rêvant de l'achever au mieux, rapidement, sans que la participation, l'improvisation, le génie de l'économie ou même du spectacle de la cuisine soient à l'oeuvre. On notera que cette carte postale fait le choix de ne pas animer le lieu par les patriciens à la différence de celle-ci :
Est-ce qu'ainsi, vidée, la pièce serait plus encore dans l'ordre froid de sa fonction et moins de son ergonomie ? Aucun des placards de Perriand ne sont ouverts, aucune épluchure de patate sur l'évier, aucune soupe en train de mijoter. Même si cela peut paraitre étonnant, je pense pourtant qu'il s'agit bien de la cuisine de quelqu'un, que nous ne sommes pas dans un appartement témoin. Quelques indices trop étranges servent ma certitude : le choix de certaines vaisselles et les objets posés sur le si célèbre...passe-plat...
On imagine la mise en place avec les habitants, les choix de vider le lieux, de le ranger, de le briquer : tout brille sous le flash du photographe des éditions Ryner. Mais ce n'est pas là non plus le signe d'une mise en scène dictatoriale décidée par l'architecte, c'est un accord entre le commun et le général, entre le type et la vie. Faire voir. Faire/Voir
On a perdu aussi le coté ludique de la cuisine presse-bouton de Madame Arpel. Ici, la cuisine-laboratoire n'est pas une cuisine-cockpit de fusée spatiale.
On notera la seule fierté technologique de ce laboratoire : le petit électro-ménager posé ostensiblement sur le plan de travail mais même pas branché.






Ce désir de projeter partout l'absolu de la beauté, sur tout objet, toute fonction pourrait donc bien être un rien épuisant, si ce n'est ridicule, un peu comme un restaurant en forme de canard sur le bord de la route. Pourrait-on donc oser dire qu'il était bien inutile de vouloir faire du beau avec le collecteur des déchets de la Cité Radieuse ? À quoi donc pouvait bien servir cette gesticulation esthétique sur un objet si pragmatique ? Quelle peur cela tente d'effacer ? Pourquoi donc vouloir faire de cet objet une sculpture ? C'est sans doute là la preuve que Le Corbusier n'est pas tant que ça un brutaliste préférant faire disparaître  une fonction sous la coquille d'une esthétique. 



Ou, avec humour, Le Corbusier et ses collaborateurs, auront voulu nous faire un pied de nez. Le retournement de sens de l'objet devenu le plus sculptural de la Cité Radieuse (sculptural au sens que sa fonction est largement dépassée par son esthétique) sera le point d'étonnement de tout visiteur voyant là le degré d'attention au maximum pour l'un des objets dont la fonction est la moins ragoutante. Ah ! Même là, le Maitre a posé sa patte, son style ! Quel sens du beau ! Quel attention portée à tout même à ce qui, finalement, ne le réclame pas vraiment ! 
J'aime infiniment ce petit bunker, ce petit caillou arrondi comme un galet sur lequel une feuille de béton est venue faire de l'ombre. Le gardien de la Cité Radieuse devait aimer se rendre dans cette petite chapelle des ordures de la Cité Radieuse, faisant du cheminement des poubelles de la Cité vers la rue, une sorte de pèlerinage joyeux... Quelle ode au beau partout disponible, partout nécessaire, partout aveuglant. Tromper la fonction par l'esthétisme trop marqué est-ce la le dernier ressort de séduction du fonctionnalisme ?
Et surtout, comme preuve de cette réussite, voilà même que, devant tant d'étonnement et de beauté, le désir d'en faire une image, une carte postale devient presque normal. Car pour quel autre bâtiment, le collecteur des poubelles mérite-il donc ainsi d'être montré et diffusé ? Et si la folie du Fada était justement démontrée par ce désir incontrôlé de voir partout des objets nécessitant l'amourachement de l'esthétique ? Trop en faire pour Faire/Voir.

Et les Aficionados repéreront aussi les lampes en béton dans les allées : tout à l'unisson de la surprise du beau.
Mais ne vous y trompez pas : j'aime cela. Je dois même dire que cela m'est nécessaire. Car, justement, cette surcharge d'attention esthétique est ce qui définit le mieux Corbu. Aimer tout, aimer faire de tout un geste, une chance. 
Avoir de l'égard. 
Et si on aime aussi son génie quand il s'exerce sur le pragmatisme moral des défauts (le banchage qui déborde) on peut aussi voir dans de tels gestes, presque inutiles (certainement inutiles) sa puissance poétique car alors c'est l'autonomie du sentiment esthétique qui prend le dessus et c'est bien là l'une des parts importantes de l'architecture. C'est pour cela que les détracteurs de Corbu n'ont rien compris : son fonctionnalisme n'est pas une réduction ni un maniérisme mais il est le socle à un autre ordre du Monde, celui de la poésie, de la beauté,  au bord oui, et c'est certainement étonnant de l'entendre pour Corbu de l'inutile. Ce qui fait la différence entre l'ergonomie et le geste.

Pour revoir la cuisine chez Corbu :

Pour comprendre le dépassement du fonctionnalisme :

lundi 13 mars 2023

à vous de voir.

 On utilisera deux cartes postales de l'un des plus beaux exemples de recherches architecturales et urbaines en France, l'un des exemples les plus menacés donc (cela va de soit en France aujourd'hui).
On va essayer de comprendre comment et pourquoi le photographe de cartes postales multiplie ainsi des points de vues aussi peu différents et du sens que cela peu avoir, si, par hasard, il y a du sens.
Car, on le sait bien maintenant sur ce blog, la question de la représentation de ce type d'architecture est toujours vue aujourd'hui sous l'ordre de la méfiance socio-politique et anthropologique des images, images perçues comme douteuses, complices d'un ordre politique voire même responsables des errements supposés de la production du logement collectif en France dans cette période.
On voit même des historiennes du logement social continuer de soulever des détails comme des indices de ce qui aurait été cette erreur en lieu et place de lire les images pour ce qu'elles sont, tranquillement, prises pour des cartes postales, certes dans un genre mais bien loin de vouloir porter une volonté politique qui n'est souvent pour elles qu'un sens commercial.
Il s'agit d'abord de bonne volonté et d'esthétique (une certaine idée du Beau déterminé par l'histoire du paysage en peinture), de reconnaissance des lieux pour l'acheteur, une projection possible parfois oui légèrement assumée comme flatteuse sans que personne vraiment ne se fasse avoir avec ce petit arrangement avec le réel : une politesse en fait, un peu comme on fait le ménage à fond pour la visite de la famille au repas du dimanche.
Nous serons donc à Bagnols-sur-Cèze ( Marcoule) devant la Cité H.L.M des Escaneaux, véritable (et je pèse mes mots) chef-d'œuvre de ce type et de ce que ce type justement aurait pu être comme modèle. Je ne ferai pas ici l'historien, (c'est un métier) et je préfère vous laisser lire le très bon article du Moniteur ici. Je ne le paraphraserai pas non plus, rien ne sert ici de faire semblant, la recherche en histoire de l'Architecture et de sa représentation a assez de paraphraseurs et paraphraseuses dans les revues et sur les sites pour que nous passions vite sur cette question. Mais la place historique de cette Cité des Escaneaux tient bien aussi en partie à la manière dont elle fut diffusée par l'image, représentée et même conçue comme productrice d'images et c'est cela qu'il faudrait étudier plus en profondeur : c'est là que la carte postale trop longtemps négligée comme mode de représentation par les historiens du logement social doit reprendre maintenant sa place.
Nous travaillerons donc avec deux cartes postales du même éditeur, de la même période, peut-être même du même jour (sans aucun doute d'ailleurs), cela coupera de fait tout désir d'éteindre la confusion d'un regard concurrentiel au profit de la recherche de l'image parfaite :


C'est donc un photographe resté anonyme travaillant pour Combier éditeur qui a produit ces deux clichés. On pourrait aussi assez facilement se poser la question d'une présence potentielle de deux photographes sur le même point de vue, le même jour mais cela semble bien au vu des témoignages de photographes un rien peu usité. Non, il s'agit bien d'une recherche du meilleur cadrage par un photographe venant ici pour offrir le point de vue le plus représentatif de ce qu'il perçoit. On jouera, comme dans Télé 7 jours, quand ce magazine était encore un magazine culturel avant de devenir un magazine People et que, nous pouvions jouer avec les chefs-d'oeuvre de la peinture au jeu des 7 erreurs.
D'abord, au vu des détails, on est certain que les deux photographies furent prises le même jour certainement à quelques minutes d'écart. Les automobiles disparaissent (ou apparaissent ) : une 2cv, une Peugeot 403 break, une VW Coccinelle, un camion-benne. Ce camion signe d'ailleurs un fait : la Cité des Escaneaux est encore en chantier, la grue au loin (et qui ne bouge pas) prouve bien cela. On peut d'ailleurs penser que ce point de vue permet au photographe de faire un cliché en camouflant par les immeubles et barres déjà construits le reste de la Cité en chantier. On le sait, les photographes de cartes postales n'aiment pas beaucoup l'état du chantier mais veulent en même temps être les premiers à proposer des cartes ce qui les oblige donc à trouver des points de vue laissant penser que l'objet est fini. L'autre indice temporel et de l'instantanéité des deux prises de vue c'est que les balcons et les fenêtres sont bien animés de la même manière : rideaux tirés ou non, linges, ouvertures ou non. La lumière assez égale est bien pratique pour faire un cliché neutre que la mode aujourd'hui des Atlas en tout genre dirait objectif....
Ici, il s'agit surtout de servir une certaine neutralité et de laisser voir d'abord l'architecture contre toute tentation romantique d'un soleil ombrageux faisant le spectacle avant l’Architecture. Et comme on est en noir et blanc, il faut servir d'abord la composition et le rythme graphique pour une lecture précise des façades. Ce qui apparait aujourd'hui comme un vrai choix éditorial et que le photographe semble bien vouloir enfoncer comme désir d'image c'est l'importance accordée à la prairie qui prend un gros tiers du premier plan. On note que le photographe est très bas sur le sol, les herbes apparaissent même floues sur le premier plan. Pas de doute, le photographe sait bien qu'il créera avec ce premier plan un plan flou au profit d'une profondeur de champ (sans jeu de mot) au service des bâtiments. Mais... en descendant ainsi, il utilise aussi la montée des bâtiments pour camoufler au mieux la grue à l'arrière plan ! Voilà en partie la raison de ce point de vue rasant les herbes folles. Certains y verront un peu vite l'idée de faire croire que le photographe jouerait à nous faire penser la présence de la nature autour de la Cité. Certes cela est possible, inscrire ainsi le surgissement de la Modernité, ex nihilo, dans un décor encore champêtre il y a peu, est bien un point de vue possible mais il permet aussi de composer une image assez claire, découpée en trois tranches : ciel, construction, premier plan. Cela compose une forme d'image ici très horizontale alors même que la Cité des Escaneaux aurait pu réclamer des vues laissant le surgissement des verticales des bâtiments prendre le dessus. Il s'agit donc bien d'un choix, allonger sur l'horizontalité de l'image les barres pour, simplement en faire tenir le plus possible dans la même image afin que chaque habitant ait la chance de retrouver par une croix au stylo-bille la fenêtre de son logement. Il s'agit là d'un choix d'optimisation du point de vue à des fins commerciales. Les deux clichés montrent donc ce travail du photographe cherchant cette rentabilité de l'image face au collectif des logements. 
C'est sans doute pour cela que le photographe fait ce déplacement vers l'avant puis vers la droite pour caler la tour dans l'espace vide des barres. Cela nous permet bien entendu de faire avec lui et avec les architectes la promenade cinétique du mouvement des bâtiments entre les vides de la composition architecturale allant de l'apparition et de la disparition des constructions selon la position du regardeur. C'est bien là un hommage à la réalité des qualités de la Perspective jouant des volumes, de leur fuite et des effets de zoom. C'est, en ce sens un travail de composition et non un leurre politique ou une dénonciation de l'urbanisme ou de la rigidité pseudo-autoritaire de la Perspective. Le photographe travaille avec et j'ai même envie de dire pour la Perspective. Il est avec elle, jouant habilement des creux et des pleins, de la lumière plate comme sur une gravure de Hans Vredeman de Vries.
Mais ce mouvement vers l'avant et vers la droite ferme l'image et fait oublier la tour qui était présente sur la première carte postale. La voilà l'hésitation de ce double cadrage : soit maintenir cette tour à droite, soit faire venir celle du centre ! Il faut que chacun puisse acheter sa tour et son logement ! Il faut donc bien produire deux clichés qui pourraient pour nous sembler presque identiques mais qui permettent bien à l'habitant de trouver dans le lot de cartes postales disponibles celle sur laquelle figure son logement !
Évidemment, ce que l'on peut conclure c'est que le regard des photographes sur les architectures modernes et contemporaines doit toujours être analysé seulement quand on est certain de posséder tous les clichés édités qui seuls peuvent permettre de voir et comprendre ses choix éditoriaux. La lecture des négatifs pourraient aussi ajouter à ce choix et comprendre enfin ce qui fait qu'un éditeur fera une série sur un lieu ou une image unique devant porter tout l'ensemble urbain au risque d'exclure certains habitants de la chance de leur projection dans l'image. Et surtout, il faudrait pouvoir entendre la discussion intérieure du photographe sur les lieux, tentant de tout tenir en même temps : une représentation idéalisée permettant de faire comprendre un lieu et le désir exhaustif et plus large de tout montrer. Le problème du cadre étant bien évidemment qu'il sélectionne. Il ne faudrait pas confondre la connaissance de cette sélection avec une censure ou une coupure autoritaire. En fait, le photographe de cartes postales, pris dans des enjeux éditoriaux (il est souvent indépendant des éditeurs) se doit de trouver le point de vue qui fera que sa rentabilité rencontrera sa justesse de réduction. Certes cela peut apparaitre comme une césure mais il n'y a là rien de violent. Bien au contraire, c'est une chance de représenter, c'est à dire de présenter à nouveau, une nouvelle fois, un ensemble de signes qui formera l'image si ce n'est idéale au moins représentative d'un objet architectural et urbain.
C'est un travail, une compétence avant d'être une idée du lieu. Il s'agit de servir les lieux, les images et donc les gens.

Pour finir : quelles seront les images dans le futur de cette expérience exceptionnelle ? Que restera-t-il à photographier et diffuser d'un ensemble architectural totalement abandonné aux errements incultes des politiques locales sur ce Patrimoine ?
Des images habituelles de destruction ? De réhabilitations en 3D avec des arbres en infographie, le ciel bleu et des piétons de pacotille venant de banques d'images imprimés sur des bâches ?
Des photographies au ciel blanchi produites par des artistes contemporains en safari sans sens de l'histoire se gobergeant de la ruine des idéaux, photos imprimées du Dibond pour centre d'art en recherche d'hétérotopie officielle et inclusive ?
À vous de VOIR ce merveilleux travail de Candilis, Josic et Woods.

Pour revoir certains articles sur Candilis et Bagnols-sur-Cèze :

Etc... Bon courage...


samedi 11 mars 2023

Libérons les pelouses ! Libérons les pavillons !



Il y a un souffle nouveau sur le pavillonnaire, on sent le début de l'amorce d'une reconsidération de ce type d'architecture et de l'urbanisme qui va avec.
Bien entendu, il restera le problème de son étalement, du risque d'une France de petits propriétaires, du délire du petit chez soi.
Je m'arrête tout de suite pour vous dire que j'habite dans un pavillon Phénix construit pour mes parents en 1976.
On sait que le coeur balance toujours entre honnêteté du jugement et sentiments familiaux quand ce que l'on doit analyser fait partie de son histoire familiale.
Le pavillonnaire, celui des origines, vieillit maintenant et les générations des primo-habitants sont bien en train de passer la main. Les premiers pavillons ont maintenant 50 ans voire plus. Ils ont vécu une vie.
À l'heure des écologismes politiques, ils offrent souvent ce mélange souhaité entre habitation et jardin où même les pelouses commencent à devenir des sujets de conversations, notamment comme lieu de la diversité de la faune et de la flore. On appelle cela la pelouse libre... Il nous faudra apprendre à ne plus tondre, faire de chacun des jardins autour des pavillons une minuscule réserve protégée. Suivant ce conseil, je trouve depuis peu des mantes religieuses dans mon jardin.
Et les pavillons ont aussi du point de vue constructif des qualités de transformations possibles, ils sont malléables en fait. Souvent portés par les seuls murs extérieurs, on peut tout casser à l'intérieur sans risque, des combles au sous-sol. Cela fait aussi partie du plaisir de l'achat, faire de chacun des propriétaires une sorte d'architecte et de gestionnaire de son espace. Ah ! La magie géniale des sous-sols pavillonnaires transformables en discothèque pour le dix-huitième anniversaire du petit dernier ou en atelier de maquettiste ou de couture pour les parents, en salle de sport, en home cinéma, en bibliothèque, en atelier de lithographe ! C'est mon cas !
Alors, c'est vrai qu'ils sont souvent moches, sans grande qualité d'épiderme ou de forme, singeant un rien les pseudo-références de matières de leur région. Mais je les vois comme des modules, comme des formes libres qui permettront à chacun de jouer la poésie d'une intervention personnelle, du rêve adorable d'une girouette, d'un bassin, d'une grande véranda payée avec la prime de licenciement...
Je ne suis pas Claude Lévêque.
Ils sont d'abord égalitaires puis personnalisés puis repris, transformés, agencés, parfois un peu perdus sous trop d'attention, sous l'épaisseur maintenant des blocs de polystyrène venant les isoler par l'extérieur.
Comme en surpoids.
Dans ma ville, je les regarde se transformer. On sait quand le propriétaire a changé aux transformations parfois minuscules qu'ils subissent. Ici, une nouvelle boite aux lettres, là un arbre coupé, un Bouddha en ciment moulé posé dans la pelouse...On n'entend plus depuis quelque temps le petit chien de la vieille dame...
C'est à tout cela que je pense quand je regarde cette carte postale Estel de la Cité Phénix d'Orgerus. Le bonheur du plâtre neuf d'une la maison que l'on vient user pour la première fois, la haie de dahlias qui tient toutes les promesses du pépiniériste, le cerisier qui ne donnera des fruits que l'année prochaine, les enfants qui font du vélo dans la rue privée sans risque de se faire renverser. Et le bonheur que cela devait être de pouvoir envoyer à la famille une carte postale de sa nouvelle vie, loin du HLM devenu trop cher, un peu trop loin de l'usine (on achètera une vieille Renault 4 pour faire la route), pas si loin d'une ferme dans laquelle on pouvait acheter du lait frais. Qui à Orgerus ou ailleurs a suivi le tassement des pavillons sous les ombrages des arbres devenus trop grand ? Qui aura remarqué que la voisine a installé une rampe pour descendre de son perron ? Qui sait que la Renault 4 pourrit dans le fond du jardin parce que personne n'a bien su comprendre le moment où elle est passée de voiture en panne à carcasse inutile ?
Libérons les pelouses !
Libérons les pavillons !

mardi 7 mars 2023

le doute est permis et c'est tant mieux

 


Sur cette carte postale que l'on doit à P. Muller comme éditeur et photographe, il pourrait y avoir confusion quant à l'objet que l'on regarde. J'imagine qu'il y a encore des lecteurs de ce blog qui ne connaissent pas cet objet étrange dont la photographie ne règle rien de sa compréhension. Le doute reste possible pour se qui est de son interprétation, pourtant, avec un peu de temps et d'habitude, on pourra reconnaître le rôle de cette construction qui depuis ce point de vue reste tout de même un rien abstraite. Le noir et blanc et le cadrage serré ajoutent au doute.
Hangar à dirigeable ? Silos à grain , architecture industrielle ?
Et pourquoi donc la lumière se croit-elle autorisée à faire ainsi aussi bien chanter les sur-épaisseurs des banchages du béton ? Quel est donc ce brutalisme franc ?
Le cliché est vraiment superbe. Bravo Mr Muller !
Les plus ardus défenseurs du Patrimoine Moderne et d'Art Sacré auront reconnus un chef-d'œuvre, l'église Ste Thérèse de l'Enfant Jésus que l'on doit à Monsieur Expert.
Cet objet iconique maintenant reste l'un des plus beaux exemples de l'architecture du béton en France et de l'école française du Brutalisme même si, bien plus ancienne, elle agit comme une pionnière, finalement plus proche d'un rationalisme lyrique. Mais avouez que la succession aveuglée des abside du Chœur lui donne bien le droit d'être affublée de brutaliste.
Qu'importe ! Ce que démontre encore une fois cette carte postale c'est que l'oeil photographique permet de lire d'une certaine manière un objet et que, loin de nous montrer toujours son point idéal, sa raison d'être (ici à Metz son portail) il peut aussi en faire changer sa lecture. Et qui peut comprendre depuis ce seul point de vue le génie de cette église s'il n'en connait pas le reste des images ? 
La masse alors rendue, son caractère fermé et clos (oui je sais on devine les vitraux), la sensation d'un traitement raide sur lequel la lumière devra dessiner, tout cela n'est ni une erreur de la photographie, ni une prise de position du photographe mais bien une déclaration de l'architecte, traversant ainsi la question des images de son architecture au profit d'un doute et surtout d'une puissance suggestive.
Il faut sauver et aimer Ste Thérèse de l'Enfant Jésus de Metz. Cette église n'est rien moins qu'un chef-d'oeuvre français. N'y touchez pas !




Sur cette autre carte postale, vous pourriez bien me dire que l'éditeur n'a fait aucun effort pour mieux cadrer la Cité Radieuse ! Et d'ailleurs l'aviez-vous vu ?
Finalement, cette postale Combier ne semble pas savoir ce qu'elle veut. Bien entendu, elle cadre l'Avenue du Prado à Marseille, elle cadre la ville qui s'étend. Mais que voulez-vous, faut bien tout de même montrer le chef-d'œuvre du Corbu ! Alors le photographe semble le cadrer par obligation, comme pour nous dire qu'il ne pouvait pas passer à coté. En même temps, la Cité Radieuse apparait dans un contre-jour peu flatteur comme encombrée de sa propre ombre de fin d'après-midi.
Que pourrions-nous conclure depuis un tel cliché de l'architecture de Le Corbusier ? Que sa Cité Radieuse finalement se fond dans le décor, qu'elle ne semble pas si particulière, que son échelle convient à son espace urbain ? Quoi d'autre ?
Certes, les aficionados comme vous et moi se régaleront de voir les détails de son toit mais sa masse, sa brutalité posée là dans le reste de la ville semblent bien atténuées par une image de Marseille assez classique vue d'avion.
La Modernité pourrait donc ne rien laisser apparaitre de son écart et la vie de s'écouler là comme ailleurs, sous le soleil de Marseille.
Ce qui, sur cette carte postale Combier m'impressionne bien plus c'est la monumentalité de la coulée verte de l'Avenue du Prado, magnifique droite tirée dans la ville, véritable oeuvre de Land Art de Marseille !
Quelle puissance que cette avenue !
Ça vaut bien le génie de notre architecte ! Et laissez-moi rire sur la violence urbaine ou l'expression d'une autorité d'une telle avenue... Laissez ça aux situationnistes égarés.

Pour revoir Ste Thérèse :
il y a 12 ans !

Pour la Cité Radieuse...trop d'articles ! Tapez dans le blogroll !