Lors du salon Grand Print ! au Mans dans le sein de notre école, j'ai rencontré Monsieur Maxime Voidy et ses Maisons Endormies.
Je le dis de suite, ce salon de la micro et auto édition a montré que les éditeurs et artistes portent un vif intérêt pour l'architecture et plus généralement pour l'espace urbain. On y rencontra par exemple le très bel ouvrage Ville Moyenne de Clara Prioux (on en reparlera) ou encore Sandrine Marc venue nous présenter son beau livre sur Royan.
Mais, bien entendu, il ne fait pas de doute que mon orientation m'a aussi poussé à chercher dans ce salon ce qui me touche. Et la seule vision du tourniquet de cartes postales aurait pu suffire à ouvrir ma curiosité.
Voilà donc que Maxime Voidy y installe une série de cartes postales qui, toutes posées ainsi, dans une forme égalitaire me firent penser en même temps à l'ami Hansjörg Schneider et à l'ami Frédéric Lefever.
Maxime devrait vite aller les voir.
J'ai aimé immédiatement les cartes de Maxime Voidy. Sans doute moins pour l'architecture que pour le moment où ces maisons sont photographiées. Volets clos, ciel bas, bitume humide, les villas et maison secondaires attendent donc la belle saison et le retour des vacanciers pour s'ouvrir de nouveau. Que cachent ces boîtes fermées ? Déjà, sans doute, par leur manque de modestie architecturale, affirment-elle une forme de bourgeoisie heureuse de pouvoir ainsi vivre une autre vie à la belle saison. Avoir une autre maison, un lieu dont le luxe inouï tient à son inoccupation temporaire est déjà une forme en soi d'architecture. Combien de ces maisons endormies furent en effet pensées et dessinées pour ce moment extravagant de leur réouverture ? Combien sont la projection d'un idéal de vie pour seulement quelques mois ? Combien de rêves, un jour, d'y habiter vraiment ? Je connais parfaitement ce moment, je le connais sur la côte à Royan où l'hiver, hors des vacances, on arpente des rues entières sans rencontrer une seule personne. Qui n'a pas aussi connu ce désir secret alors de pénétrer dans ces maisons, de les réactiver ?
La maison vide que l'on ouvre à nouveau cela fait bien partie de notre imaginaire. Comme la maison de famille ou le grenier, ces lieux de fantasmes pour le roman ou pour le cinéma. On pense à Chabrol, à François Ozon avec son film sous le sable, on pense aussi (et je ne sais pourquoi) à Marguerite Duras.
Retrouver alors les ustensiles de cuisine à leur place, remettre le ballon d'eau chaude en route, s'apercevoir que la lampe dans le salon ne s'allume plus alors qu'elle marchait encore bien le jour du départ et se demander ce qui, entre temps, volets clos, avait bien pu causer cette panne.
Sous une pierre du jardin, retrouver le double des clefs laissées par le voisin qui lui vit là à l'année et ramasse le courrier en jetant un coup d'œil de temps en temps.
Toutes les maisons endormies de Maxime Voidy portent bien cet imaginaire et la permanence des volets clos appliquant un rectangle toujours blanc sur les fenêtres accentue encore le sentiment, si ce n'est d'un tombeau, celui d'un anonymat mystérieux. On devine parfois une blancheur un peu appuyée, retravaillée peut-être.
Je ne sais pas comment Maxime Voidy a choisi ses victimes, comment il a décidé que cela construirait une unité et une régularité qui ajoutent aussi à ce mystère. Tenir ainsi, dans sa main, un petit village fantôme est bien inquiétant. A-t-il quelque familiarité avec l'une d'elles ? A-t-il, lui, l'opportunité d'en être le Prince Charmant qui viendra en ouvrir une, la réveiller ? Vu son jeune âge, a-t-il des souvenirs encore chauds de ce moment où toute la famille, après des heures de voiture, retrouve enfin la maison de vacances qu'il faudra partager avec les cousins de Besançon ou de Paris ?
D'un point de vue architectural, on ne sent pas de choix. On passe de la maison boursouflée par son désir d'être bretonne à la villa vaguement moderne (et parfois réussie) en passant par l'éclectisme touchant. Aucun jugement donc sur cette architecture ou ce territoire. La solitude des maisons permet d'en regarder la qualité des crépis, le choix des huisseries de chez Leroy-Merlin ou l'impétuosité d'un ourlet d'ouverture par des granits faisant penser que les propriétaires ont trop visité le village d'Astérix.
On note que Maxime Voidy ne nous dit rien des architectes ou même des maçons. Il ne nous donne au verso que le nom des villes et l'année ainsi que la numérotation de ses cartes postales imprimées à seulement huit exemplaires ! On note qu'il désire la maison en entier, centrée si possible et c'est aux peintures de Babou que l'on pense alors. On note ce ciel blanc impeccablement tendu et égal qui raconte peut-être une séance de prise de vue dans un temps rapproché. Une journée ? Une semaine ? Êtiez-vous donc à pied Monsieur Voidy, en bicyclette ? Je ne sais pas pourquoi mais je vous imagine plus certainement en automobile, avec un ami jouant le rôle du chauffeur et râlant un peu lorsque vous demandiez à vous arrêter une fois encore pour une prise vue.
La Photographie Plasticienne aime aujourd'hui l'appui des séries, la forme presque régulière et claire des contraintes données pour la prise de vue : savoir en amont quoi aller photographier et comment.
L'épaisseur du sens viendrait alors de l'effet de collection, d'une thématique déclinée, d'un objet (jusqu'à l'épuisement) observé comme si le trésor de l'image n'était pas son unicité mais son esprit de famille.
Monte alors, forcément (j'aurais pu écrire : en force) un territoire d'image, ce que les critiques appellent un corpus qui serait comme la dernière excuse valable à un inventaire. Certes la jeunesse de Maxime Voidy le pousse sans doute encore dans ce mode, certes, sur son site, on trouve bien cette école encore présente.
Mais quelque chose de sourd pointe aussi. Non pas une nostalgie amusée du chasseur en safari d'images mais une attention simple au monde qui l'entoure. C'est à la fois touchant mais aussi risqué.
C'est bien ce risque que j'ai beaucoup aimé dans ses Maisons Endormies.
Au plaisir, Monsieur Voidy.
Laissez les clefs sous la pierre, je viendrai en octobre, peut-être, si le temps le permet.
Pour voir tout le travail déjà bien posé de Maxime Voidy, allez sur son site :
https://www.maximevoidy.com/les-maisons-endormies
Pour info, ma série compte 28 Maisons Endormies, j'ai décidé de ne vous en montrer qu'une petite partie choisie avec arrogance selon mes désirs. C'est comme ça. Point barre.
Je le dis de suite, ce salon de la micro et auto édition a montré que les éditeurs et artistes portent un vif intérêt pour l'architecture et plus généralement pour l'espace urbain. On y rencontra par exemple le très bel ouvrage Ville Moyenne de Clara Prioux (on en reparlera) ou encore Sandrine Marc venue nous présenter son beau livre sur Royan.
Mais, bien entendu, il ne fait pas de doute que mon orientation m'a aussi poussé à chercher dans ce salon ce qui me touche. Et la seule vision du tourniquet de cartes postales aurait pu suffire à ouvrir ma curiosité.
Voilà donc que Maxime Voidy y installe une série de cartes postales qui, toutes posées ainsi, dans une forme égalitaire me firent penser en même temps à l'ami Hansjörg Schneider et à l'ami Frédéric Lefever.
Maxime devrait vite aller les voir.
J'ai aimé immédiatement les cartes de Maxime Voidy. Sans doute moins pour l'architecture que pour le moment où ces maisons sont photographiées. Volets clos, ciel bas, bitume humide, les villas et maison secondaires attendent donc la belle saison et le retour des vacanciers pour s'ouvrir de nouveau. Que cachent ces boîtes fermées ? Déjà, sans doute, par leur manque de modestie architecturale, affirment-elle une forme de bourgeoisie heureuse de pouvoir ainsi vivre une autre vie à la belle saison. Avoir une autre maison, un lieu dont le luxe inouï tient à son inoccupation temporaire est déjà une forme en soi d'architecture. Combien de ces maisons endormies furent en effet pensées et dessinées pour ce moment extravagant de leur réouverture ? Combien sont la projection d'un idéal de vie pour seulement quelques mois ? Combien de rêves, un jour, d'y habiter vraiment ? Je connais parfaitement ce moment, je le connais sur la côte à Royan où l'hiver, hors des vacances, on arpente des rues entières sans rencontrer une seule personne. Qui n'a pas aussi connu ce désir secret alors de pénétrer dans ces maisons, de les réactiver ?
La maison vide que l'on ouvre à nouveau cela fait bien partie de notre imaginaire. Comme la maison de famille ou le grenier, ces lieux de fantasmes pour le roman ou pour le cinéma. On pense à Chabrol, à François Ozon avec son film sous le sable, on pense aussi (et je ne sais pourquoi) à Marguerite Duras.
Retrouver alors les ustensiles de cuisine à leur place, remettre le ballon d'eau chaude en route, s'apercevoir que la lampe dans le salon ne s'allume plus alors qu'elle marchait encore bien le jour du départ et se demander ce qui, entre temps, volets clos, avait bien pu causer cette panne.
Sous une pierre du jardin, retrouver le double des clefs laissées par le voisin qui lui vit là à l'année et ramasse le courrier en jetant un coup d'œil de temps en temps.
Toutes les maisons endormies de Maxime Voidy portent bien cet imaginaire et la permanence des volets clos appliquant un rectangle toujours blanc sur les fenêtres accentue encore le sentiment, si ce n'est d'un tombeau, celui d'un anonymat mystérieux. On devine parfois une blancheur un peu appuyée, retravaillée peut-être.
Je ne sais pas comment Maxime Voidy a choisi ses victimes, comment il a décidé que cela construirait une unité et une régularité qui ajoutent aussi à ce mystère. Tenir ainsi, dans sa main, un petit village fantôme est bien inquiétant. A-t-il quelque familiarité avec l'une d'elles ? A-t-il, lui, l'opportunité d'en être le Prince Charmant qui viendra en ouvrir une, la réveiller ? Vu son jeune âge, a-t-il des souvenirs encore chauds de ce moment où toute la famille, après des heures de voiture, retrouve enfin la maison de vacances qu'il faudra partager avec les cousins de Besançon ou de Paris ?
D'un point de vue architectural, on ne sent pas de choix. On passe de la maison boursouflée par son désir d'être bretonne à la villa vaguement moderne (et parfois réussie) en passant par l'éclectisme touchant. Aucun jugement donc sur cette architecture ou ce territoire. La solitude des maisons permet d'en regarder la qualité des crépis, le choix des huisseries de chez Leroy-Merlin ou l'impétuosité d'un ourlet d'ouverture par des granits faisant penser que les propriétaires ont trop visité le village d'Astérix.
On note que Maxime Voidy ne nous dit rien des architectes ou même des maçons. Il ne nous donne au verso que le nom des villes et l'année ainsi que la numérotation de ses cartes postales imprimées à seulement huit exemplaires ! On note qu'il désire la maison en entier, centrée si possible et c'est aux peintures de Babou que l'on pense alors. On note ce ciel blanc impeccablement tendu et égal qui raconte peut-être une séance de prise de vue dans un temps rapproché. Une journée ? Une semaine ? Êtiez-vous donc à pied Monsieur Voidy, en bicyclette ? Je ne sais pas pourquoi mais je vous imagine plus certainement en automobile, avec un ami jouant le rôle du chauffeur et râlant un peu lorsque vous demandiez à vous arrêter une fois encore pour une prise vue.
La Photographie Plasticienne aime aujourd'hui l'appui des séries, la forme presque régulière et claire des contraintes données pour la prise de vue : savoir en amont quoi aller photographier et comment.
L'épaisseur du sens viendrait alors de l'effet de collection, d'une thématique déclinée, d'un objet (jusqu'à l'épuisement) observé comme si le trésor de l'image n'était pas son unicité mais son esprit de famille.
Monte alors, forcément (j'aurais pu écrire : en force) un territoire d'image, ce que les critiques appellent un corpus qui serait comme la dernière excuse valable à un inventaire. Certes la jeunesse de Maxime Voidy le pousse sans doute encore dans ce mode, certes, sur son site, on trouve bien cette école encore présente.
Mais quelque chose de sourd pointe aussi. Non pas une nostalgie amusée du chasseur en safari d'images mais une attention simple au monde qui l'entoure. C'est à la fois touchant mais aussi risqué.
C'est bien ce risque que j'ai beaucoup aimé dans ses Maisons Endormies.
Au plaisir, Monsieur Voidy.
Laissez les clefs sous la pierre, je viendrai en octobre, peut-être, si le temps le permet.
Pour voir tout le travail déjà bien posé de Maxime Voidy, allez sur son site :
https://www.maximevoidy.com/les-maisons-endormies
Pour info, ma série compte 28 Maisons Endormies, j'ai décidé de ne vous en montrer qu'une petite partie choisie avec arrogance selon mes désirs. C'est comme ça. Point barre.
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