lundi 8 août 2016
Un café, un Magnum, un routier
Evry, avant-hier.
- Je t'aime bien, Denis.
Denis, bouche grande ouverte, regarda Alvar, le père de Jean-Jean en laissant son pain au chocolat imbibé de café au lait suspendu au-dessus de son bol, ne sachant pas trop comment comprendre une telle interjection.
- euh... oui.... enfin.... Moi aussi, j'vous aime bien Monsieur Lestrade, enfin pardon j'veux dire que.... enfin...
- ....
- De quoi vous parlez tous les deux ? demanda Jean-Jean qui venait de rejoindre son père et son ami dans la petite cuisine en cherchant dans les placards son bol fétiche de Royan et en se frottant les cheveux.
- De rien, de rien, Jean-Jean, Ton père était juste en train de régler les questions de notre départ vers la Gironde demain.
- Vous êtes vachement matinaux tous les deux pour ce genre de discussion ! Moi, j'suis encore dans mon lit !
- Ça se voit un peu ! rétorqua aussi sec son père. Mais dis-donc gamin, tu as l'intention de passer ta vie entière avec ce t-shirt ou bien tu penses un jour, finalement le mettre au sale et en changer pour un propre.
- Bah il est pas sale ce t-shirt, M'sieur Lestrade, c'est moi qui l'ai prêté à Jean-Jean, je l'ai mis que deux jours, répondit Denis en croyant prendre la défense de Jean-Jean.
- Quoi ? Non mais franchement Denis... vous êtes vraiment dégueux tous les deux.
- Toi, t'as perdu une occasion de te taire ! affirma Jean-Jean en poussant son copain pour qu'il lui fasse une place à la table. Je l'adore ce t-shirt, et tu sais pourquoi Papa ?
- Parce que c'est Denis qui te l'a prêté ?
- Non, Môssieu je-sais-tout, c'est parce que c'est Mathew qui l'a ramené et offert à Denis ! Oui Môssieu, parfaitement ! Des U.S.A ! À Denis ! Et je crois bien que Môssieu est jaloux de ce t-shirt Star Wars, n'est-ce pas ? Avoue... Papa, t'aimerais bien qu'on te le prête ? Hein...?
- Oui, enfin, non ! Dis-donc, qui c'est qui te prête un t-shirt vintage de Metallica ? C'est bien moi non ? Et ce t-shirt Star Wars il serait trop petit pour moi, il est déjà trop petit pour toi, regarde, on voit ton bide !
D'un geste rapide, Jean-Jean tira sur le t-shit pour le faire redescendre ce qui le fit remonter dans son dos.
- Oh non ! Ne me dis pas Jean que tu as encore ce t-shirt ? Il est répugnant de saleté ! Mais comment tu fais pour supporter ça ! Demanda soudain Émilie, descendue à son tour dans la cuisine. J'ai bien une idée de pourquoi tu ne t'en sépares pas mais... Bon...
- Oh non Maman... S'il te plaît... Pas toi, pas là, pas maintenant...
- Mon chéri... Il n'y a vraiment rien de secret je crois...
Denis s'étouffa avec son pain au chocolat.
- Putain, tu fais chier ! On est tranquille, là, on mange, on rigole et toi t'es vachement délicate !
Furieux, Jean-Jean quitta la cuisine. Denis, totalement figé, resta assis coincé à la table par Alvar qui lui souriait comme pour le rassurer et finalement Alvar se leva.
- Émilie, Émilie... je peux te parler une seconde...
Alvar tira par le bras sa femme vers le salon.
- Mais qu'est-ce qui te prends ? Pourquoi tu joues à ça avec Jean ? Tu crois pas que ce dont il a besoin c'est d'un peu de tranquillité ?
- T'es marrant toi ! Et d'abord pourquoi faire des secrets ? Ils dorment ensemble, ils se douchent même ensemble, enfin... Quand ils décident de le faire, c'est pas si souvent ! Ils vont partir ensemble... Et moi ce Denis, il m'inquiète un peu. Tu comprends, il n'y a pas si longtemps qu'ils sont ensemble que déjà ils vivent une vraie petite vie de couple et...
- Et quoi ? Non mais tu t'entends ? Sais-tu depuis quand ils sont ensemble ? Sais-tu vraiment ? Depuis plus de 6 mois... Émilie ! Depuis leur stage à Radio France. Et puis tu as peur de quoi ?
- Tu sais bien non ? On a des exemples dans la famille non ? Tu veux que je te mette les points sur les i ?
- Mais justement oui, Jean-Jean il la connaît l'histoire. Je sais même que Mathew lui a parlé, qu'ils ont eu ensemble tous les quatre avec Gilles une conversation sur ça. Et je vais te dire, Émilie, j'ai honte que ce ne soit pas nous qui ayons eu le courage de le faire avec Jean. Denis, écoute-moi bien Émilie, écoute-moi bien, Denis, c'est un chic type, sympa, attentif, amoureux de ton fils et, si tu fais attention tu verras tous les petits gestes que ce type a pour Jean.
- C'est pas ça qui le protégera ! Et...
- Arrête ! Putain ! Depuis l'accident de Mitica, t'es devenu trop protectrice. Tu le couves, tu l'étouffes, il n'y est pour rien lui Jean-Jean. Si tu veux t'en prendre à quelqu'un frappe-moi ! Fous-moi sur la gueule mais laisse Jean-Jean tranquille ! Laisse-le vivre bordel ! Regarde-le ! Regarde-le ton fils, regarde comment il a surmonté ça lui, comment Denis l'a soutenu ! Regarde ! Et Gilles et Mathew n'y sont pas pour rien... J'suis désolé, désolé, désolé mais on peut rien y faire c'est comme ça.
- Euh... Pardon... Mais... euh... Y a une dame âgée qui vous demande à la porte d'entrée Monsieur Lestrade, interrompit Denis.
Yasmina fit son entrée............................................................
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Jean-Jean avait reculé au maximum son siège dans la Twingo, il avait allongé ses jambes et posé ses pieds sur le tableau de bord sous le pare-brise.
- Il est cool ton père.
- Ouais ? Tu trouves ? T'as pas vu la crise qu'il m'a faite quand je lui ai dit que je voulais arrêter l'archi.
- Si justement... Rappelle-toi, Coco, j'étais là !
- Ah ouais, c'est vrai ! T'es toujours là toi ! Mais bon, je comprends ce que tu veux dire. Et puis de toute façon, j'ai repiqué l'année. Ça l'a rassuré. Faut dire que la période était pas franchement géniale pour prendre des décisions de ce type.
- Non, tu te trompes Jean. C'est bien parce que ton frère était à l'hosto que tu as tout foutu en l'air, c'est ça le vrai sens de l'histoire.
- Ouais... Enfin bon, il remarche un peu, il rigole et même, mon salaud, tu sais que la dernière fois que je suis allé le voir à son établissement de rééduc, non, tu vas pas le croire, il m'a soutenu qu'il avait pécho une stagiaire Kiné, tu le crois ça ?
- Bah c'est pas parce que t'as les jambes en vrac que le reste ne marche pas !
- T'as raison ! C'est délicat. On a de drôle de conversations tous les deux, non ? Affirma Jean-Jean en rigolant et en regardant Denis conduire avec prudence, un coude à la portière ce qui faisait gonfler sa chemise comme une montgolfière.
- Je l'aime bien ton frangin et excuse-moi mais il est beau gosse. Je comprends la stagiaire, reprit Denis.
- Tu trouves, ouais... enfin moi évidemment j'peux pas tellement être objectif. Mais dis-donc pourquoi tu me parles comme ça de mon père ?
- Il m'a dit qu'il m'aimait bien avant l'engueulade avec ta mère. Et puis samedi, en partant, il m'a embrassé pour me dire au revoir et m'a dit merci, j'ai pas bien saisi de quoi.
- De t'occuper de moi, Denis, de t'occuper de moi.
- Ah ? Tu crois ? Royan, ça serait pas sur la gauche ? On fait une pause ?
- Ouais, là regarde ! Y a plein de routiers ! J'adore les routiers !
- Ah ça y est, il est revenu à lui le Jean-Jean que j'aime ! Allez ! Un café, un Magnum et un routier !
La Twingo freina, prit tranquillement la sortie pour l'aire de repos. Jean-Jean glissa le guide dans la boite à gants encombrée et chercha son portefeuille. Il fallait faire le plein. Denis était déjà parti vers la boutique de la station. Jean-Jean le regarda s'éloigner, regarda cette silhouette, un peu trop grande, un peu ronde, extrêmement poilue, un brin négligée dans sa chemise hawaïenne bleue. Il sourit quand il vit Denis, sans retenue, remonter son short trop descendu sur sa taille et faire ce geste dont il avait l'habitude, de caler sa main droite à plat sous son aisselle gauche.
Par ordre d'apparition :
- Évry, Ville Nouvelle, le centre, édition IMAGE CHOUETTE, photographie de D. Planquette.
- Paris, la Seine au Pont de Grenelle, Lyna éditeur. Écrivez-moi !
- Bordeaux, le pont St Jean, Berjaud éditeur pour Tito.
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