samedi 11 mars 2023

Libérons les pelouses ! Libérons les pavillons !



Il y a un souffle nouveau sur le pavillonnaire, on sent le début de l'amorce d'une reconsidération de ce type d'architecture et de l'urbanisme qui va avec.
Bien entendu, il restera le problème de son étalement, du risque d'une France de petits propriétaires, du délire du petit chez soi.
Je m'arrête tout de suite pour vous dire que j'habite dans un pavillon Phénix construit pour mes parents en 1976.
On sait que le coeur balance toujours entre honnêteté du jugement et sentiments familiaux quand ce que l'on doit analyser fait partie de son histoire familiale.
Le pavillonnaire, celui des origines, vieillit maintenant et les générations des primo-habitants sont bien en train de passer la main. Les premiers pavillons ont maintenant 50 ans voire plus. Ils ont vécu une vie.
À l'heure des écologismes politiques, ils offrent souvent ce mélange souhaité entre habitation et jardin où même les pelouses commencent à devenir des sujets de conversations, notamment comme lieu de la diversité de la faune et de la flore. On appelle cela la pelouse libre... Il nous faudra apprendre à ne plus tondre, faire de chacun des jardins autour des pavillons une minuscule réserve protégée. Suivant ce conseil, je trouve depuis peu des mantes religieuses dans mon jardin.
Et les pavillons ont aussi du point de vue constructif des qualités de transformations possibles, ils sont malléables en fait. Souvent portés par les seuls murs extérieurs, on peut tout casser à l'intérieur sans risque, des combles au sous-sol. Cela fait aussi partie du plaisir de l'achat, faire de chacun des propriétaires une sorte d'architecte et de gestionnaire de son espace. Ah ! La magie géniale des sous-sols pavillonnaires transformables en discothèque pour le dix-huitième anniversaire du petit dernier ou en atelier de maquettiste ou de couture pour les parents, en salle de sport, en home cinéma, en bibliothèque, en atelier de lithographe ! C'est mon cas !
Alors, c'est vrai qu'ils sont souvent moches, sans grande qualité d'épiderme ou de forme, singeant un rien les pseudo-références de matières de leur région. Mais je les vois comme des modules, comme des formes libres qui permettront à chacun de jouer la poésie d'une intervention personnelle, du rêve adorable d'une girouette, d'un bassin, d'une grande véranda payée avec la prime de licenciement...
Je ne suis pas Claude Lévêque.
Ils sont d'abord égalitaires puis personnalisés puis repris, transformés, agencés, parfois un peu perdus sous trop d'attention, sous l'épaisseur maintenant des blocs de polystyrène venant les isoler par l'extérieur.
Comme en surpoids.
Dans ma ville, je les regarde se transformer. On sait quand le propriétaire a changé aux transformations parfois minuscules qu'ils subissent. Ici, une nouvelle boite aux lettres, là un arbre coupé, un Bouddha en ciment moulé posé dans la pelouse...On n'entend plus depuis quelque temps le petit chien de la vieille dame...
C'est à tout cela que je pense quand je regarde cette carte postale Estel de la Cité Phénix d'Orgerus. Le bonheur du plâtre neuf d'une la maison que l'on vient user pour la première fois, la haie de dahlias qui tient toutes les promesses du pépiniériste, le cerisier qui ne donnera des fruits que l'année prochaine, les enfants qui font du vélo dans la rue privée sans risque de se faire renverser. Et le bonheur que cela devait être de pouvoir envoyer à la famille une carte postale de sa nouvelle vie, loin du HLM devenu trop cher, un peu trop loin de l'usine (on achètera une vieille Renault 4 pour faire la route), pas si loin d'une ferme dans laquelle on pouvait acheter du lait frais. Qui à Orgerus ou ailleurs a suivi le tassement des pavillons sous les ombrages des arbres devenus trop grand ? Qui aura remarqué que la voisine a installé une rampe pour descendre de son perron ? Qui sait que la Renault 4 pourrit dans le fond du jardin parce que personne n'a bien su comprendre le moment où elle est passée de voiture en panne à carcasse inutile ?
Libérons les pelouses !
Libérons les pavillons !

2 commentaires:

  1. https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/ce-monde-me-rend-fou
    La passion des Français pour les maisons individuelles.

    Sa chronique m'a un tantinet énervée . Moi non plus je ne suis pas Claude Levêque .

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