Parfois je me demande sérieusement si il est encore nécessaire de passer du temps à analyser les rapports de représentations de l'architecture moderne et contemporaine dans le médium carte postale.
D'abord parce qu'il me semble souvent avoir fait le tour de la question et que, aussi, il semble qu'aujourd'hui la projection muette d'une image suffirait à notre monde, comme si ce médium, aussi pauvre ou populaire soit-il n'avait pas d'auteur, de raison, d'approches, de responsabilité. Alors, on pille, copie, publie sans nommer les sources (éditeur, photographes, auteurs) comme si ces cartes postales n'étaient pas un document mais un trophée suffisant à lui-même.
Bref, on ne se fait pas chier.
Alors, oui, il m'arrive de me dire que je devrais à mon tour suivre l'exemple et, en lieu et place d'un blog, je devrais faire des copiés-collés sur Instagram.
Car, voyez-vous, au petit matin comme à l'instant à Criquebeuf, à genoux devant le sac plastique Lidl rempli de cartes que la vendeuse me propose, je fais ma sélection souvent en pensant déjà à ce que je pourrai vous en dire, cherchant liaisons possibles, descriptions envisagées, relations historiques avec des publications sur ce blog. D'une certaine façon, ma sélection aussi s'opère sur les possibilités de produire de l'analyse et moins maintenant de découvrir de nouveaux objets architecturaux.
Et je sais que, déjà, là, maintenant, une certaine partie de mes lecteurs ont déjà décroché de ce texte, trouvant que je blablate et ne sont venus là que pour voir, voir des images et des architectures. Je pense d'ailleurs que cette catégorie de lecteurs de ce blog vient moins chercher des images que des bâtiments, car, chercher des images, c'est déjà faire un travail interrogatoire sur la représentation de l'architecture.
Vous avez décroché ? Bye Bye !
Alors je pourrai sans aucun commentaire et avec beaucoup de mépris vous donner ces images sans leurs sources. Mais que voulez-vous ! On ne se refait pas ! Comme je suis certain que certains le feront à ma place, viendront ici prendre, je vais maintenir ma direction, celle qui a fondé ce blog et cette attention à ces objets culturelles.
Voilà. C'est bon ? Pas trop long ?
On commence ?
On retrouve ce matin le palais de glace de Grenoble grâce aux éditions La Cigogne qui ne nomme pas son photographe et c'est bien dommage. On a bien le nom des architectes : messieurs R. Demartini et P. Junillon. ce palais de glace reste bien l'un des archétypes des architectures que nous aimons sur ce blog mais qui est aussi un modèle typique du voile de béton brut. Une vraie merveille technique et poétique. On aime que le photographe utilise la neige pour nous dire la glace et aussi pour laisser les ombres des arbres jouer sur le premier plan l'animant ainsi. L'arbre vient donner à la photographie une belle verticale qui cadre. Superbe cliché donc qui restera anonyme. Dommage.
Voilà une autre très belle carte postale au moins du point de vue de l'art photographique ! Composition, jeu subtil des gris et des noirs, composition des masses jouant avec le blanc de la neige et des nuages ! Magnifique tirage et point de vue que l'on doit à l'éditeur photographe Fontana et Thomasset à Chambéry.
On s'étonne d'ailleurs du choix du noir et blanc pour une carte datée de 1969. Au fait, on est à La Plagne devant les nouveaux immeubles de la station. On note que l'éditeur ajoute avec beaucoup de raison :
Une architecture pour le monde contemporain.
Pas de doute donc sur le rôle de diffusion de l'architecture contemporaine et d'affirmation de celle-ci par l'image donc mais aussi par ce titre. Le choix du noir et blanc effectué par l'éditeur est-il là pour affirmer par les masses et le graphisme cette volonté ? Certainement. Par contre, l'architecte de cette station est oublié ! S'agit-il encore de Michel Besançon pour ce morceau ?
Une belle trouvaille en tout cas.
Typique aussi de l'époque, cette belle église moderne à Maisons-Laffitte. On y retrouve l'écriture de cette période et le désir de publier cette modernité. La carte est une édition Abeilles-Cartes pour Lyna (écrivez-moi). Pas de nom de photographe ni d'ailleurs d'architecte. Regardez comme la diagonale de l'arbre vient zébrer le cadre et fait écran devant l'architecture, comment le dessin des vitraux se perd dans le dessin des feuilles.
La carte fut expédiée en 1973. On est donc devant l'église du Parc, Notre-Dame de La Croix. l'architecte serait Monsieur Barniaud. Vous trouverez toute l'histoire de cette jolie église moderne si typique ici :
Je finirai cette présentation bancale, joyeuse et bordélique par ce beau petit bâtiment :
C'est chouette non ce petit immeuble, sa fresque, ses couleurs ? Et l'alternance simple et ludique des ouvertures sur cette façade ainsi cinétique ? Ça satisfait votre désir vintage d'architecture moderne ?
Ne pensez-vous pas comme moi que les oiseaux sur le pignon font furieusement penser aux oiseaux de Georges Braque ?
Nous sommes à Sofia devant le complexe de jeunesse "Orbita". On dira : auberge de jeunesse.
Je n'ai pas retrouvé le nom du ou des architectes. Je vous laisse chercher et me faire la nique. Amusez-vous bien.
Mais les cartes postales perdues au fond des sacs réservent aussi des surprises, des images étonnantes qui vous surprennent au-delà même de ce qui vous anime. Voilà un exemple :
Quelle image incroyable !
Nous sommes au pied de l'Etna devant le refuge Sapienza lors de l'éruption de 1983. Vous imaginez un peu le photographe des éditions Plurigraff pendant ce moment incroyable ? La chaleur, les odeurs, la peur aussi sans doute devant ce spectacle inouï ?
C'est aussi pour ces moments d'esthétique photographique, de jubilation des images que je continue de plonger mes mains dans les cartes postales en vrac sur les bords de trottoir d'une foire à tout.
Bonne journée.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire