Photographier un pilier, voilà bien une idée saugrenue.
Pourtant c'est bien ce que propose cette carte postale Chantal qui nous montre donc ce morceau d'architecture, parfaitement cadré, véritable sujet de cette photographie. Bien entendu, ce n'est pas tant le pilier comme élément d'architecture qui est ici cadré mais bien plus la fresque en céramique qui le recouvre, fresque de Fabio Rieti que nous aimons beaucoup sur ce blog.
On pourrait en effet s'interroger sur la nécessité d'une telle carte postale au delà du plaisir esthétique d'y trouver une image d'un lieu disparu aujourd'hui. Mais la carte fut bien imprimée et diffusée à l'époque de la grandeur du Forum des Halles, elle sert donc à dire quelque chose de ses qualités artistiques si ce n'est de ses qualités architecturales. On sait les débats qui s'agitèrent sur ce Forum, pour ou contre, à l'époque de sa livraison, mais bien peu de voix se firent entendre sur la nécessité d'en sauver les œuvres d'art ou décoratives lors de sa démolition. Je pense que personne n'a sauvé ce décor sur ce pilier. Me trompé-je ?
Il a dû partir en petits morceaux, en gravats dans un camion-benne.
Moi, je l'aime bien ce pilier. J'aime bien les léopards couchés sur un carrelage qui part à l'infini et dont la perspective est à peine troublée par la rondeur du cylindre. C'est pop, joyeux, un rien vain. J'aime bien. J'aime aussi l'usure à son pied. Comment les pas des visiteurs et des agents d'entretien ont laissé des traces.
Est-ce que cette carte aura un jour une valeur pour juger d'un espace dénigré, mal aimé, maintenant largement oublié ? Nous pencherons-nous dessus à la fois pour comprendre l'architecture de ce lieu et le désir d'un espace commercial à l'ambition chic et joyeuse ? Car cet énorme pilier dit aussi quelque chose de l'architecture. Il dit une force à soutenir. Il dit une puissance, une charge. Pourquoi fallait-il décorer cette charge ? La faire oublier sous l'humour frais d'une image dont on ne sait pas le sens exact ici ? La poésie d'un écho ?
Pourquoi le sol de la galerie ne raccorde pas avec celui de la fresque ? Ces léopards me font aussi penser à Gilles Aillaud et ses somptueuses peintures de zoo. Rieti les avait-il vues, jalousées ?
On note que les architectes du Forum des Halles, Messieurs Vasconi et Pencreac'h ne sont pas nommés sur cette carte postale qui ne nomme donc que Fabio Rieti comme si l'espace qu'ils ont offert à l'artiste ne leur appartenait plus. C'est assez vrai au fond.
Mais voilà que je rencontre une autre fois Monsieur Vasconi :
Tout est dit sur la carte : l'année, l'objet, le nom.
Par contre, au moment de l'achat, j'ai hésité à acheter cette carte (trop récente ?) qui ne nommait pas son architecte. Et puis elle est un peu pliée, un peu sale aussi. Mais, rentré à la maison, j'eus la surprise de voir que Monsieur Vasconi avait dessiné ce bloc tendu, un rien sérieux, un rien fermé. Du moins, depuis cette carte postale des éditions Méridionales.
J'y avais vu quelque chose de Mario Botta, comme ça, un peu vite. La couleur sans doute. Je ne regrette pas mon achat et cette découverte ni mon erreur. J'apprends.
Sans aucun doute que Élina Stoflique, un jour, me le fera visiter ce Corum. On se promènera le long de l'allée de la Citadelle pour bien sentir la masse et l'abstraction de son mur franc. On passera sous son tunnel d'un jaune sublime digne de James Turrell. Nous serons ensuite avalés par son escalier gigantesque. Oserons-nous, ensemble, y entrer dans ce Corum ?
Ce gros morceau d'architecture produira-t-il chez moi quelques sentiments architecturaux ? Et quelques réflexions sur cette ville de Montpellier qui a aussi accueilli Antigone de Ricardo Bofill ? Montpellier a donc aimé les gros morceaux, les machines puissantes. Sans doute est-ce là l'expression d'une certaine politique culturelle de cette ville voulant affirmer par un surjeu des volumes un surmoi affecté.
À vouloir trop affirmer une virilité constructive, on risque pourtant de dire qu'on n'en est pas très sûr.
Peut-on dire cela ?
Pour relire des articles sur Fabio Riéti, le Forum des Halles et Vasconi :
etc...