vendredi 14 avril 2017

Dubuisson à bicyclette

D'abord tout commença par cette belle carte postale qui ne montre d'ailleurs que peu d'architecture :



On y voit un jeune homme assis dans l'herbe en train de réparer une crevaison sur une bicyclette. Le seau d'eau servant sans doute à trouver ladite crevaison en faisant buller le pneu sous l'eau.
L'herbe, le soleil, le chapeau et la veste, le corps posé dans l'herbe, tout cela sent bon le début de siècle dernier, quelque chose entre Proust et Manet, Alfred Jarry et Seurat.



Mais je n'aurais sans doute pas acheté cette carte postale si elle ne comportait au dos quelques importantes informations, je vous laisse lire :









D'abord le tampon d'Émile Dubuisson, architecte diplômé par le Gouvernement, Lille puis la correspondance et la signature qui prouve l'envoi par cet architecte. On note l'affranchissement du 18 février 1914 depuis Lille. Il s'agit bien d'une carte postale envoyée par l'architecte lillois, père de Jean Dubuisson dont nous chantons si souvent ici les joies architecturales de ses belles grilles modernistes. La carte postale est envoyée à Robert Roger à Pamiers. On lit mal mais il pourrait s'agir aussi d'un architecte. On trouve d'ailleurs son nom associé à la construction d'écoles dans la région de Pamiers.
Bien entendu, il nous sera difficile de définir ces liens d'amitiés ou professionnels entre ces deux personnes. La photographie relate un moment convivial et familier et il s'agit d'une carte-photo, c'est à dire une carte postale faite à partir d'une photographie privée tirée sur papier préparé comme une carte postale. Ici, un papier As de Trèfle. On peut imaginer que soit Émile Dubuisson a photographié Robert Roger, soit Robert Roger a photographié Émile Dubuisson...À moins que ce ne soit ni l'un ni l'autre !
N'ayant pas trouvé de photographie d'Émile Dubuisson, il m'est difficile de l'authentifier sur ce cliché. On attendra que des spécialistes de cet architecte ou même sa famille toujours active en architecture nous disent s'il s'agit bien de l'arrière-grand-père ou pas.



Grâce à l'oblitération, il nous est aussi aisé de savoir qu'Émile Dubuisson n'est pas encore père de Jean Dubuisson qui ne naîtra que le 18 septembre de cette même année 1914.
Mais comme il s'agit ici de parler de cartes postales d'architectures, voulez-vous voir l'une des œuvres emblématiques d'Émile Dubuisson ?
Le Beffroi de Lille bien sûr !



Il est aisé de trouver des cartes postales de ce Beffroi, véritable emblème de la ville de Lille. J'avoue ne pas être particulièrement touché par ce style même si j'en aime un certain goût un peu Steampunk, quelque chose entre Little Nemo, les interprétations de Schuitten, un Jules Verne concret. C'est déjà bien ! Mais il se trouve qu'aujourd'hui, au pied de ce Beffroi d'Émile Dubuisson est construit un ensemble moderniste d'un architecte que nous aimons défendre (parfois...) sur ce blog. Oui, il s'agit de Jean Willerval qui a construit cette résidence :



Voici une carte postale des éditions T.T. Lille qui, étrangement nous nomment bien le Beffroi, sa hauteur (105m) et le datent du début du XXème siècle (sic) mais oublient l'ensemble moderniste à son pied. Pourtant, la photographie tente bien ici de faire jouer le contraste entre le Lille moderne et le plus ancien, plaçant comme il se doit un premier plan de verdure, comme si soudain, au détour d'un bois, dans une clairière urbaine, surgissait la ville...
D'une très grande qualité architecturale et urbaine, l'ensemble nous séduit surtout ici par la grande beauté du béton et le travail des poutres et des piliers. On note aussi comment la façade très régulière, implacable, joue de son épaisseur, alternant une horizontalité contrariée par une ouverture verticale revenant en limite soutenant ainsi visuellement au moins les enfilades des balcons.





Dans l'Architecture d'Aujourd'hui de 1967, on remarque que la mise en page, tout comme la carte postale font jouer le Beffroi avec la résidence. Gilles Ehrmann, photographe bien connu ici, donne toute la mesure du collage et de la puissance de la construction dans cette revue. On aimera aussi, et c'était bien là une qualité de cette revue, comment, sur une seule page (!) on trouve plan, dessins, photographies et texte tout cela parfaitement lisible et équilibré. Bravo le metteur en page ! On note aussi que la présence du Beffroi est toujours affirmée comme pour montrer son intégration, du moins sa lisibilité au milieu de ce programme moderne.
Comment Jean Dubuisson a-t-il perçu de ne pas pouvoir inscrire son travail au pied de celui de son père ? Avait-il concouru pour ce programme ? J'aimerais bien savoir ça.






 

2 commentaires:

  1. Il s'agit bien d'Emile Dubuisson.

    Si Jean Dubuisson n'a pas participé à ce concours, il en fut apparement écarté, il était par contre chargé du plan de rénovation du quartier, et de l'extension de l'hôtel de ville : http://archiwebture.citechaillot.fr/fonds/FRAPN02_DUBJE/inventaire/objet-2498

    Il édifia même un immeuble jouxtant celui de Willerval, au croisement de la rue de Paris et de la rue de la vignette: http://archiwebture.citechaillot.fr/fonds/FRAPN02_DUBJE/inventaire/objet-2552

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    1. Merci Hood pour toutes ces précisions qui jettent un autre regard sur ce document.

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