Que voit-on là ? Et quelle importance de le photographier et de l'éditer en carte postale ?
Il s'agit de la sortie du R.E.R sur la dalle du Forum des Halles, telle qu'elle était avant la fin des travaux... de l'ancien Forum, celui détruit maintenant. Ce lieu éphémère, ce passage curieux dans son temps et dans son espace a pourtant été représenté, figé, conservé dans une photographie puis diffusé. On doit cet intérêt à l'actualité de la sortie de terre de l'un des projets les plus controversés de Paris mais aussi sans doute, à sa forme liée ici à la modernité d'un quartier en construction.
On voit bien la palissade blanche du chantier au pied de laquelle est assise une jeune femme.
On voit surtout une structure en toile tendue orange sur une une poutre métallique formant un arc de cercle sur lequel est accrochée une énorme caméra de surveillance à la discrétion toute nouvelle !
Parle-t-on ici du dynamisme de la ville, de son entrelacement avec la banlieue ? Parle-t-on ici d'une ville qui se renouvelle, qui affiche fièrement son chantier ? C'est possible. On remarque que le photographe prend tout de même le temps de cadrer l'église St-Eustache pour rendre à sa carte postale sa vocation d'image de la ville et son pittoresque. On sait aussi que des cartes postales étaient éditées pour montrer des stations du R.E.R et permettre ainsi à la famille restée en province de voir la modernité de Paris. Qui oserait cela aujourd'hui ?
Verra-t-on des cartes postales de la nouvelle canopée s'afficher sur les tourniquets ?
Pour mieux situer où nous sommes, je vous donne cet autre point de vue, cette autre carte postale :
On voit parfaitement le trou du Forum des Halles qui fut si vite mal jugé et qui a aujourd'hui disparu. On y retrouve bien notre sortie du R.E.R en toile orange qui semble immense et qui fait face à l'une des plus belles réalisations de Fabio Rieti, son mur peint le Piéton des Halles qui a disparu il y a bien longtemps maintenant. Il s'agissait pourtant d'un tour de force, animer un grand aplat de béton avec peu de moyens. Quelle réussite et quelle poésie ! Simplement trois personnages comme vus de haut qui activent une place imaginaire ! Simplicité superbe et génie de faire d'un mur... une place relevée à la verticale. D'ailleurs la carte postale des éditions Chantal ne rend pas bien compte de la réalité de l'œuvre puisqu'on ne voit pas encore la femme qui vient à la rencontre de l'homme qui marche ni l'autre qui joue avec des pigeons. À moins que ce mur ne soit simplement pas achevé lors de la prise de vue.
Je trouve une image plus juste dans l'ouvrage Le livre du mur peint :
Le Piéton des Halles fait également la couverture du livre Fabio Rieti ce qui prouve sa valeur pour l'artiste. À l'intérieur de l'ouvrage, on trouve bien ce même motif et l'explication nous éclaire sur les apparitions des deux autres personnages :
Il se trouve que nous avons au Mans une fresque de Fabio Rieti qui avait été peinte sur un pignon de mur mais qui est aujourd'hui bien abîmée et dont il reste trop peu de choses malheureusement. Voyez à nouveau dans l'ouvrage ces images au temps de sa splendeur et au moment de sa réalisation :
J'ai photographié à nouveau ce mur pour vous hier. Il n'en reste pas grand-chose mais, étrangement, malgré la disparition d'une partie du décor et malgré la pousse des arbres, il émane tout de même de ce morceau de ville une poésie étrange, faite de pans de couleurs et d'une certaine nostalgie, un peu, oui, comme devant certains murs abîmés de Venise :
Pour en savoir plus sur le mur peint et l'œuvre de Fabio Riéti :
Fabio Rieti, Peintures textes et errances
Richard Crevier
Herscher éditions 1992
Le livre du mur peint, art et techniques
Dominique Durand, Daniel Boulogne
éditions Alternatives 1984
FABIO RIETI avait un discours sur le béton et sur "les espaces verts" qui étaient plein de bon sens.
RépondreSupprimerLe béton, coquille qui abrite la vie n’a rien d’un désert. Désertique -parce que déserté- serait plutôt l’espace vert, justement. Mais la presse stupide s’est faîte complice de la volonté d’éloigner le peuple de la ville et de lui faire croire que le béton (le béton : sa maison, sa racine) était une malédiction. Et le public (c’est-à-dire le peuple lorsqu’il a été déformé par une idée reçue qu’il croît être une opinion) avale cette duperie, réclame « du vert » et honnit le béton (support de la seule vraie vie, la nôtre, l’habitat de l’être humain).
RépondreSupprimerUne première fonction de l’espace vert est donc son aspect lénitif et palliatif. C’est une fonction anesthésiante et non esthétique : il est là pour faire oublier, non pour faire « se souvenir ». Et une autre est celle de faire avaler au peuple son éloignement forcé des lieux privilégiés (qui sont des nœuds de béton et de pierre, n’en déplaise à nos promoteurs et à nos apprentis écologues, […/…]
FABIO RIETI, Espace urbain contre espace vert ; in Jardins contre nature ; TRAVERSES.5-6 ; Octobre 1976.
Merci Daniel pour ce très beau texte de Fabio Rieti ! Je vais m'en servir !
RépondreSupprimerBien à vous.