mardi 18 mars 2014

Constat : contre ou contraste ?

Deux cartes postales de deux lieux, deux architectures bien différentes (!) mais qui sont cadrées sans aucun doute pour exprimer un contraste fort et surprenant entre cette modernité et l'ancien monde. On pourra aussi moquer de manière égale la modernité... et l'ancien monde !
Très dur ...



Chez Lyna, grand éditeur de cartes postales de banlieue, C'est le génial Ralf Walter qui cadre à Colombes la Mairie et la Résidence Marie Curie. Il place au fond de la photographie la Pagode qui grimpe en fermant radicalement la vue et qui monte jusqu'à presque fermer le ciel ! Non, Ralf Walter ne fait pas semblant de ne pas voir mais joue parfaitement son rôle de piéton et place dans son image la ville ancienne et officielle, la Résidence (le nouveau monde) et la verdure chatoyante car il sait ce que son image doit comporter, comment elle doit se comporter. Les Marronniers en fleur devant une mairie, rien de plus républicain !





Équilibre subtil visible seulement de ceux qui ne croient pas avoir affaire à un simple cliché photographique, un contrepoint bleu dans le bas à gauche, cette femme et son sac plastique, vient dynamiser la photographie. Une merveille de la carte postale de cette période, sans doute par son objet et son cadrage l'une des plus belles cartes postales de Ralf Walter chez Lyna.
Mais il reste difficile sans doute de savoir ce que Ralf Walter pense de cette image urbaine. Si on regarde la localisation de cette Résidence Marie Curie on comprend qu'il est difficile de cadrer autrement, que ce contraste est déjà un désir d'image de la part du ou des architectes dont je ne sais rien. Pourtant, il aurait été aisé sans doute en s'approchant plus, de réserver le cadre uniquement à l'immeuble moderne ou, au contraire, en tournant vers la gauche de donner à voir surtout la mairie de Colombes. Non, il ne fait aucun doute que le photographe joue avec les deux architectures, il sait qu'il dit quelque chose de la monstruosité joyeuse de cette Pagode qui vient gloutonnement avaler le point de fuite !
Ralf Walter est un photographe, ne vous en déplaise, il n'est pas une inconscience photographique et mécanique.
Dans le Gard :



Cette carte postale est bien un programme d'images.
Nous sommes à Bagnols-sur-Cèze dont nous savons sur ce blog l'importance pour l'architecture contemporaine mais nous y sommes d'une bien drôle de manière ! Le photographe L. P. Badet qui signe ce cliché dans la série " Paris-Photo" nous montre l'enchevêtrement des tuiles comme des vagues déchiquetées d'un grand romantisme régionaliste venant s'épuiser sur l'horizon de la ville nouvelle et de ces tours prises dans une petite brume adoucissante...
Hum...
Que penser ?
On aurait vite fait aujourd'hui d'y voir une image régressive sur le temps jadis et la beauté perdue de notre vieille France... Oui, vite fait...
Le titre de la carte postale nous dit : "Vieux toits et cités neuves".
Cela reste dans une neutralité relative même si dans le terme vieux, il n'y a rien de particulièrement tendre. C'est bien ce qu'on voit car l'état des couvertures est vraiment dégradé. La ruine de l'ancien monde face au nouveau moderne ? Mais ce monde est bien loin pour le juger meilleur. On pourrait parler d'une carte postale d'équilibre. D'abord, et c'est prosaïque, celui du photographe juché sur les tuiles branlantes ! Puis, celui d'un regard possible ne remettant rien en cause, ni le monde perdu, ni le monde nouveau, mais jouant simplement d'un contraste expressif et aussi, finalement, objectif. La composition ne propose pas de ruptures si franches que cela et la cité neuve arrive doucement, presque, oui, discrètement dans un sfumato délicat du début de journée. Même le ton général, la colorimétrie de l'ensemble associent l'un et l'autre.
Alors ?
"C'est ainsi."
C'est bien la seule chose que l'on pourrait entendre sortir de ce type d'image, le photographe et l'éditeur ne voulant sans doute ni se priver des amateurs de vieilles bâtisses, ni des habitants de la cité neuve, en émettant quelque jugement que ce soit.
Ils proposent "une vue" construite sans doute surtout par sa lumière mettant sur cette image un filtre qui fusionne doucement les deux aspects de la ville.
Bien plus qu'un jugement, c'est le constat d'un contraste.
C'est une jubilation atmosphérique.
C'est, oui, une photo-graphie.





1 commentaire:

  1. A quelques temps d’intervalle, j’ai lu 2 livres d’architectes narrant leurs souvenirs.
    Le premier, lors de ce mois d’août 2013, de Charles DELFANTE, Souvenirs d’un urbaniste de province, éditions du Linteau, paru en 2010.
    Le second, ces jours-ci, de Georges CANDILIS, Bâtir la vie, un architecte témoin de son temps, édition infolio, paru en 2012.
    Ces deux architectes ont travaillé sur la même opération de l’extension de Bagnols-sur- Cèze, années 50 ; commune qui est passé de 5 000 habitants en 1956 à 17 000 en 1972.
    Candilis est avec Josic, Woods, Piot, Brunache, Dony, architectes en chef.
    Les urbanistes sont C. Delfante, R. Coquerel.
    Dans son livre, Candilis, pages 214 à 219, décrit cette opération et nomme au passage R. Coquerel qui rejoint ses vues… Il date de 1956 son premier contact avec cette ville
    Pour conclure G. Candilis, page 219 écrit : « Le gouvernement français nous a accordé le premier prix d’urbanisme. »
    Delfante, pages 67 à 83, intitule son chapitre Bagnols-sur- Cèze : doubler une petite ville (1953-1959).
    Il précise que la direction de la construction entreprend rapidement une opération de 300 logements sous la houlette de Candilis, Josic, Woods, sur un terrain défini par lui (pas tout à fait ce que raconte Candilis). « Alors sous la houlette du médiocre urbaniste en chef du secteur, Raymond COCQUEREL (faute de frappe dans le livre COQUEREL), Candilis a accepté d’étudier un plan masse dans le cadre du plan d’urbanisme […] ».
    « La réussite et le Grand prix d’urbanisme sont le résultat d’une convergence d’hommes et de volontés : en premier lieu la bonne entente entre l’architecte en chef de l’opération et l’urbaniste […] »
    À deux reprises, en 1959 et en 1961, il -CHARLES DELFANTE - reçoit le Prix national d'urbanisme, pour l’aménagement de Bagnols-sur-Cèze, près de la centrale nucléaire de Marcoule, et pour l'opération dite " Firminy Vert ". (dans Forma urbis, l’étude de P.Y. Saunier).
    Alors qui a eu ce prix ? En 1959, le nouvel ensemble de Bagnols-sur-Cèze est récompensé par le Prix d’urbanisme du gouvernement français (décerné pour la première fois en France) c’est l’ensemble des équipes qui est lauréat : les urbanistes Delfante et Coqueret, les architectes Candilis, Josic et Woods. Des sources cite ajoute le ministère lui même…
    Conclusion je préfère le texte de Delfante à celui TRES restrictif de Candilis. Pour la petite histoire, Le Corbusier avait dit à Delfante « Candilis est un bon architecte, mais c’est surtout un bon commerçant… »

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