mercredi 6 mai 2015

Hors champ, plein champ, hors cadre

Le dix-huit septembre mille neuf cent cinquante-sept, Joseph a donc choisi sur un tourniquet de cartes postales celle-ci :



Je sais.
Je vous entends.
Moi aussi, ça m'a fait ça.
Qui osera encore dire que la carte postale n'a proposé que des clichés ?
Qui d'autre que ce photographe des éditions Ary a su ainsi parler de l'architecture de Bagnols-sur-Cèze, l'un des plus beaux fleurons de l'architecture française, œuvre de l'équipe de Candilis, Josic et Woods ?
Qui a su voir ainsi l'horizon construit venant affirmer dans le paysage cette ligne bâtie ?
Qui a compris que l'alignement des cultures offrant une perspective solide permet à la ville nouvelle de s'inscrire dans le paysage comme, à son tour, une culture rationnelle, efficace, poétique ?
Qui a su faire vibrer ainsi trois sections, un aplat gris parfait jouant le rôle du ciel, une ligne ponctuée de minuscules perforations, une surface cinétique à la perspective cornue ?
Personne...
Il aura fallu la nécessité de raconter la construction d'une vile nouvelle en plein champ pour qu'un photographe comprenne qu'en cadrant le champ, son dessin, en descendant un peu sur le sol, en s'éloignant du sujet, on en dit beaucoup plus sur l'urbanisme jaillissant qu'en venant trop près de la construction.
Certainement aussi que depuis ce point de vue, le photographe montre un ensemble permettant à tout un chacun de pointer son lieu. Certainement aussi qu'il y a là le fameux rêve d'Alphonse Allais d'une ville moderne perdue en plein champ à la campagne.
Mais comment aujourd'hui comprendre une telle image ?
Comment en saisir sa force et son travail en cours pour affirmer ou ironiser sur la modernité ?
Car cette image est ouverte.
Et c'est sans doute la preuve de sa qualité et de sa richesse. C'est son trouble qui doit nous confirmer dans la poésie qu'elle dégage. La poésie.





Sur cette photographie aérienne des éditions du Sud-ouest, on peut retrouver notre point de vue. On retrouve même semble-t-il la culture du champ.
La vue aérienne permet ainsi de relativiser ce point de vue et de montrer que cette ligne construite n'est pas une muraille basse au fond de l'image affirmant un horizon, mais elle dit bien que cette ville de Bagnols-sur-Cèze est un dessin urbain complexe et parfaitement articulé à son paysage.
Car chez messieurs Candilis, Josic et Woods, l'architecture est paysage, ville, liaisons, logements, vie, fonction. Même si sans doute, ils préféreraient que je dise que l'architecture est fonction, vie, logements, liaisons, ville, paysage...
Joseph a bien choisi sa carte postale.







2 commentaires:

  1. ...Mais je vois surtout une belle critique humoristique de l'architecture moderne, qui se plante comme des choix. Alignée, multipliée et semblable.....

    +++

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  2. LECLERCQ URBANISTE6 mai 2015 à 13:30

    A quelques temps d’intervalle, j’ai lu 2 livres d’architectes narrant leurs souvenirs.
    Le premier, lors de ce mois d’août 2013, de Charles DELFANTE, Souvenirs d’un urbaniste de province, éditions du Linteau, paru en 2010.
    Le second, ces jours-ci, de Georges CANDILIS, Bâtir la vie, un architecte témoin de son temps, édition infolio, paru en 2012.
    Ces deux architectes ont travaillé sur la même opération de l’extension de Bagnols-sur- Cèze, années 50 ; commune qui est passé de 5 000 habitants en 1956 à 17 000 en 1972.
    Candilis est avec Josic, Woods, Piot, Brunache, Dony, architectes en chef.
    Les urbanistes sont C. Delfante, R. Coquerel.
    Dans son livre, Candilis, pages 214 à 219, décrit cette opération et nomme au passage R. Coquerel qui rejoint ses vues… Il date de 1956 son premier contact avec cette ville
    Pour conclure G. Candilis, page 219 écrit : « Le gouvernement français nous a accordé le premier prix d’urbanisme. »
    Delfante, pages 67 à 83, intitule son chapitre Bagnols-sur-Cèze : doubler une petite ville (1953-1959).
    Il précise que la direction de la construction entreprend rapidement une opération de 300 logements sous la houlette de Candilis, Josic, Woods, sur un terrain défini par lui (pas tout à fait ce que raconte Candilis). « Alors sous la houlette du médiocre urbaniste en chef du secteur, Raymond COCQUEREL (faute de frappe dans le livre COQUEREL), Candilis a accepté d’étudier un plan masse dans le cadre du plan d’urbanisme […] ».
    « La réussite et le Grand prix d’urbanisme sont le résultat d’une convergence d’hommes et de volontés : en premier lieu la bonne entente entre l’architecte en chef de l’opération et l’urbaniste […] »
    À deux reprises, en 1959 et en 1961, il - CHARLES DELFANTE - reçoit le Prix national d'urbanisme, pour l’aménagement de Bagnols-sur-Cèze, près de la centrale nucléaire de Marcoule, et pour l'opération dite " Firminy Vert ". (dans Forma urbis, l’étude de P.Y. Saunier).
    Alors qui a eu ce prix ? En 1959, le nouvel ensemble de Bagnols-sur-Cèze est récompensé par le Prix d’urbanisme du gouvernement français (décerné pour la première fois en France) c’est l’ensemble des équipes qui est lauréat : les urbanistes Delfante et Coqueret, les architectes Candilis, Josic et Woods. Des sources ajoutent le ministère lui même…
    Conclusion je préfère le texte de Delfante à celui TRES restrictif de Candilis. Pour la petite histoire, Le Corbusier avait dit à Delfante « Candilis est un bon architecte, mais c’est surtout un bon commerçant… »

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