Parfois on ne sait pas vraiment pourquoi.
Je veux dire que je ne sais pas vraiment pourquoi je me décide, contre toute logique, à faire le choix d'acheter une carte postale. Pourtant, ici, j'ai su que l'écoute de l'émission sur les Venturi et la réception de Learning Las Vegas ne doit pas être pour rien dans ma décision d'acheter cette carte postale de cet ensemble commercial Le Sympatic à Loudeac.
Est-ce que je me dois de comprendre que finalement ce sont bien plus mes connaissances sur les Venturi que l'architecture-même qui ici font que je vous en parle. Voilà une architecture bien étrange, moderne certes, si on admet que la modernité tient à un pragmatisme honnête du programme (deux plateaux largement ouverts, deux étages de l'hôtel) mais aussi assez indifférente à tout effet grandiloquent de style, d'affirmation de soi, de joie à être un monument. Tout ici tend à faire disparaître et confondre le bâtiment à son environnement, au fil de la rue. Seul, le coin brisé de l'îlot offrant l'entrée et prolongé sur toute la hauteur jusqu'au décrochement formant un petit balcon en triangle fabrique ici un effet de style que la décoration du crépi descendant d'un étrange chien-assis aveuglé poursuit. Mais pourquoi donc avoir éteint cette ouverture ? Pourquoi donc avoir conservé le volume et en avoir bouché sa raison d'être ? C'est donc le seul volume qui viendra perturber la façade et son rôle est nié. Voilà bien là, dans le jeu amusé d'une architecture qui raconte une histoire, un contexte, un humour très Venturi !
Les éditions Jack, bien entendu, (mais pourquoi y ai-je cru pourtant ?) ne nomment pas "l'architecte"... Et cet anonymat ici, cette indifférence à l'œuvre, cette volonté d'éteindre le geste créateur au profit d'une efficacité radicale et efficiente est aussi la preuve que ce Sympatic n'est pas un monument. Non, il est un programme au fil de la rue, il est une utilité faisant ce qu'il peut pour convaincre, être au plus proche du désir qui a fondé sa création. On pourrait dire que c'est propre et net.
Martin Parr dirait, à tort, ennuyeux.
Mais pourtant, il y a bien ici un désir esthétique, la joie de faire une belle image et peut-être un beau lieu avec cette carte postale qui rend hommage à ce pragmatisme. C'est que le photographe vient entre chien et loup, au moment-même où Le Sympatic est éclairé de l'intérieur et que la nuit n'est pas encore là. Toute l'image se teinte donc d'un mauve, d'un bleu que le néon Le Sympatic vient admirablement compléter. Ai-je le droit d'y voir là le seul élément qui fasse architecture comme dans le Las Vegas des Venturi ? Est-ce que ce bâtiment à peine envisagé comme une architecture ne tiendrait pas tout entier en grande partie dans l'affichage de ses fonctions accrochées sur sa façade : bar, restaurant, tabac, hôtel, Loto, luminaires... Bien entendu, ce moment entre deux lumières, celle du dedans et celle du dehors permet surtout à la construction de raconter son intérieur qui ainsi apparait bien lisible. C'est malin, ainsi on perçoit en effet très bien les fonctions. On peut regarder dedans. C'est transparent, c'est bien ce que les grandes baies permettent. Comme c'est... bien vu !
Vous voyez on peut toujours s'amuser avec l'histoire de l'architecture, on peut toujours tirer vers soi nos reconnaissances, nous approprier les références sur des objets de peu. Je suis persuadé que les Venturi auraient aimé boire un café crème ici. Et ce café de Loudeac porte bien son nom anglicisé : Le Sympatic.
À notre tour : Learning from Loudeac.
Si vous voulez entendre l'émission sur les Venturi avec le toujours pertinent Valery Didelon, je me permets de vous conseiller ça :
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