Il fallait pour le film, imiter des singes ou plus précisément des ancêtres des humains. C'était bien mystérieux pour Sébastien qui commençait à regretter d'avoir pris autant de temps pour sans doute rien de plus qu'un rendez-vous raté dans une tour de la Défense dont d'ailleurs il avait eu du mal à trouver l'entrée avec sa Renault 4 si au dernier moment, il n'avait pas vu la direction Boieldieu sur une pancarte verte.
Il gardait entre ses genoux serrés des images de lui lors de ses spectacles et dans sa tête l'image de ces immeubles noirs et sombres comme des monolithes étranges. La Tour du Crédit Lyonnais semblait émettre une sorte de sonorité sourde qui résonnait encore dans les oreilles de Sébastien comme un acouphène.
Il faillit ne pas entendre la voix qui l'appelait pour son rendez-vous. Une voix elle aussi étrangement sourde poussée par un petit homme barbu et chevelu aux yeux globuleux comme des billes. Sébastien compris dans cette seconde que l'homme avait déjà émis un jugement sur sa personne. C'était à la fois désagréable et puissant. Sans doute que l'accent anglais du personnage n'était pas pour rien dans cette froideur distanciée.
Sébastien donna tout. Il sauta, courut à quatre pattes, s'accrocha à la porte, se balança sur le porte-manteau en criant comme un vrai chimpanzé. Il dut même s'excuser d'avoir bavé sur des documents posés sur le bureau mais, là où Sébastien croyait en avoir trop fait, il entendait le rire de l'homme barbu et de la secrétaire.
"Come on come on great great I like it, yes !"
L'homme que Sébastien compris être le réalisateur l'encourageait.
Épuisé, en sueur, la secrétaire lui demanda son âge, sa taille, son poids, ses disponibilités. On lui fit signer un document de confidentialité pour ne pas ébruiter ce qu'il venait de faire et sans autre formalité on le mit dehors. Il sentit pourtant dans son dos la petite claque amicale du barbu réalisateur.
Sur le parvis, dans le ciel bleu, il vit alors le soleil faire un coup d'éclat en haut de la Tour. Il décida de le prendre comme un signe positif de sa future odyssée cinématographique.
Il reçut trois mois plus tard un billet pour Londres. Le tournage allait pouvoir commencer, et bien mieux que toute l'effervescence de ce tournage ce qui le ravissait le plus c'était la perspective de revoir Jean-François et de lui parler du monolithe et du fauteuil orange dans un vaisseau spatial.
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