Toute la maisonnée était endormie. Même Mathew.
Depuis plus d'une heure maintenant, Alvar écoutait son oncle lui raconter sa vie amoureuse, comment il avait rencontré Hans puis Mathew.
Hans, Alvar l'avait bien connu, il fut pour lui bien plus qu'un oncle, il fut comme un ami sérieux, attentif et surtout libérateur. C'est bien Hans qui avait permis en quelque sorte qu'Alvar puisse renoncer à ses études d'ingénieur pour faire de la musique. C'est bien Hans qui rappela à Gilles comment lui-même avait eu du mal à faire ce pas de côté, hors de l'influence trop prégnante quoique inconsciente de Jean-Michel Lestrade. C'est bien Hans qui donna ce goût de la musique classique à Alvar en lui faisant écouter pour la première fois le divin Bist du bei mir de Bach en lui laissant penser qu'il pourrait le chanter. Et Alvar le chanta un jour de décembre, il avait 12 ans, Hans pleura tout son soûl.
C'est bien Hans qui offrit la mer, les régates, la montagne à Alvar. Tous les étés, dès ses treize ans, ils partaient tous les deux dans des promenades sportives juste entre eux. C'est bien Hans qu'Alvar appela pour lui annoncer sa rencontre avec Émilie et qui demanda des conseils à son oncle allemand pour mener à bien cette nouvelle vie. Et c'est bien à Alvar et seulement à Alvar que Hans raconta ses premières inquiétudes sur son Sida déclaré très tôt.
Maintenant, dans la maison silencieuse, Alvar était surtout curieux de Mathew. Depuis le décès de Hans, Gilles faisait des aller-et-retours incessants aux États-Unis. Bien plus fréquemment qu'il n'en faisait déjà avec Hans. Mathew connaissait Hans, en fait, ils se connaissaient tous les trois depuis 1967. Hans et Gilles avaient rencontré Mathew à la Cinémathèque Française lors d'une projection de la Belle et la Bête de Cocteau. Ils étaient simplement assis côte à côte et Hans demandait alors à Gilles si, dans leur couple, il serait la Belle ou la Bête. Il n'eut pas le temps de répondre que ce petit freluquet moustachu et blond répondit à sa place : "la Bête". Le générique commença, il fallait se taire.
À la fin de la projection, Gilles voulut en savoir plus et il demanda si, maintenant que Mathew avait vu le film, il pensait encore qu'il était la Bête et si, évidemment, Hans serait la Belle.
- Non, répondit du tac au tac Mathew, la Belle c'est moi !
Cela fit rire les trois hommes. Il n'y avait pas de doute, il n'y avait pas de mystère sur qui était ce Mathew avec son accent. Il était américain, il était blond et mince, trop même, et il était gay, tellement gay. Il avait la chance en quelque sorte de le porter sur lui, de le dire dans sa voix, ses gestes, ses mouvements imperceptibles du cou et des poignets. Hans lui demanda d'où il venait. Mathew prit une sorte de raccourci pour raconter en une phrase qui il était :
- de Nanterre, des U.S.A (qu'il prononça uhessè), de San Francisco, choisis ce que tu veux.
Hans répondit immédiatement San Francisco parce que c'est prometteur et Nanterre parce que c'est juste à côté et que, ainsi, Mathew pouvait les inviter à boire un verre. Ce qu'il fit.
À Nanterre, sur les murs de la petite piaule de l'étudiant américain, il n'y avait quasiment que des portraits ou des images de cinéma. Une vieille carte postale de Jean Marais souriant accueillait les visiteurs à l'entrée. On marchait dès la porte passée sur des revues comme Positif ou les Cahiers. Aucune revue en langue anglaise, Mathew affirma d'un coup qu'il n'y avait pas de bonnes revues américaines de cinéma et que, de toute façon, il était venu là pour apprendre aussi la langue française. Un matelas hors d'âge au sol, un cendrier Ricard plein de mégots sur un tabouret en Formica, Mathew n'avait même pas de frigo dans sa chambre, il alla en face, chez son copain Édouard récupérer les bières qui s'y tenaient au frais. Tout se passa tranquillement en quelque sorte. Comme l'époque savait le faire. Ils formaient un trio maintenant. Un américain, un allemand, un français. Cela dura un été.
Mathew dut retourner à San Francisco, il ne voulait pas louper la révolution gay, il voulait voir qui était ce Harvey Milk dont lui parlait tout le temps son ami Dick Pabich resté là-bas. Il prit l'avion en empruntant l'argent à Hans et tenta de convaincre Gilles et Hans de le suivre. Mais cela ne se fit pas. Gilles fit alors une pose dans son récit. Il affirma à Alvar qu'il était en quelque sorte la raison de cette réticence car Hans voulait absolument le voir grandir, assister à ses premiers pas. Ils purent tout de même partir fin 68 début 69. Non, début 69 se rappela Gilles car Hans voulait justement être présent pour le Noël d'Alvar. Ils retrouvèrent Mathew qui les accueillit à l'aéroport avec une parfaite imitation de Delphine Seyrig ce qui déclencha l'hilarité générale. Il était comme ça ce Mathew. Sous une veste militaire, il avait un t-shirt jaune vif d'où sortaient ses deux très maigres et longs bras et un pantalon rouge à pattes d'éléphant comme on dira plus tard. Quelques longs colliers en perles de bois et rien d'autre. Il était nu pieds. Il conduisait vite son immense et décatie Dodge ainsi, comme Brigitte Bardot à St-Tropez, sans chaussures aimait-il à plaisanter. Cette fois ce fut Alvar qui rompit le récit et posa cette question : "Comment tu as su que tu étais gay ?" Gilles rigola. Et lui répondit. "Ah, Je crois savoir pourquoi tu me poses cette question maintenant. Toi, tu ne te poses pas la question depuis quand tu es hétéro ?" Alvar acquiesça et posa une autre question, demandant cette fois si ce fut facile avec ses parents. Gilles répondit que Hans fut celui qui lui a tout permis, qu'il avait plu immédiatement à son père et que tout cela fut implicite. Que ce fut bien plus difficile de dire qu'il ne reprendrait pas l'agence et qu'il partait vivre avec Hans en Allemagne.
- En quelle année ? demanda alors Alvar.
- En 69, justement au retour de ce voyage à San Francisco. Et Gilles soudain regarda dans les yeux son neveu et lui demanda d'un coup :
- Et toi, tu le sais depuis quand qu'il est gay ton fils ?
..................................................
...............................................................................
Denis avait un culot monstre qui parfois, embarrassait même Jean-Jean pourtant habitué à ses frasques et à ses blagues.
- Mais Madame, excusez-moi, mais vous ne pouvez pas décemment me vendre cette carte postale ancienne de Royan au prix de 2 euros ! Et vous savez pourquoi Madame ? Simplement parce que vous avez sous les yeux, non seulement deux jeunes futurs architectes sans le sou mais que, en plus, Madame, vous avez l'honneur de parler à l'un des arrières-petits-fils de l'un des plus éminents architectes de la Reconstruction de Royan ! Oui Madame, permettez-moi de vous présenter ici même Monsieur Lestrade !
Jean-Jean ne savait plus où se mettre et la femme derrière son stand sur ce vide-grenier à Saujon n'en revenait pas du culot du jeune homme mais cette tirade fit rire son mari qui, tout en rendant la monnaie à une autre cliente affirma d'un coup :
- Mais nous en sommes extrêmement honorés ! Et si ces messieurs les futurs architectes me font le plaisir de choisir une autre carte postale, je leur ferai volontiers un petit prix !
- Voilà qui est raisonnable ! Je reconnais bien là l'accueil charentais ! reprit Denis heureux d'avoir trouvé un complice de flagornerie.
Tout gêné, Jean-Jean plongea à nouveau sa main dans la boîte à chaussures remplie de cartes postales.
Il en trouva une assez ennuyeuse d'Orléans mais qui donnait le nom de son architecte au dos : Cabinet Jean Semichon en se disant que cela amuserait l'ami de son père, David, de recevoir une Boring Postcard puis il tomba en arrêt sur une incroyable carte postale de Port-Leucate montrant le Kykklos.
- Regarde ça Denis !
- Ah ouais, faut avouer, c'est chouette, tu as le nom de l'architecte ?
- Non... Mais t'as vu les étranges panneaux de couleurs ! Trop beaux ! Non ? C'est con que David ne soit pas là. Je la prends aussi. Je vais l'appeler ce soir pour avoir des infos, je dois avoir son portable. Non, non, mieux, je lui ferai la surprise, je lui enverrai avec celle d'Orléans. On regardera dans le guide aussi.
- Est-ce que ces messieurs les futurs architectes trouvent leur bonheur ? demanda à nouveau le vendeur avec un large sourire.
- Oui, combien pour ces cartes là ? demanda Alvar.
- Alors voyons...Vous en avez pris combien ? 4 ?
- Oui !
- Disons 4 euros ?
- Ok, 4 mais je prends celle-ci en plus, affirma soudain Denis en ajoutant au paquet une carte postale de Jean Marais.
- Voilà une affaire rondement menée, messieurs ! Jean Marais sera en bonne compagnie ! conclut le vendeur.
- Vous ne savez pas à quel point Monsieur ! Vous ne savez pas à quel point ! rétorqua Denis.
..................................................................
..........................................................................
- Oui, Jean-Jean, pour les architectes c'est assez facile à trouver. Tu es à l'Agence ou chez ton père ?
- Chez Papy.
- Bon, regarde Techniques et Architecture, série 2-31 numéro spécial sur l'aménagement du Languedoc-Roussillon, tu l'as ?
- Attendez, je descends dans l'agence..... Euh, oui, j'y suis.
- Bon, page 97 tout en bas, tu trouveras. Tu vois Jean-Jean ?
- Euh... Attendez... Yes ! J'ai ! Il y a une photo de la maquette, ils disent Gardia et Zavagno comme architectes. Mais pour les panneaux décoratifs, tu as... vous avez une idée David ?
- Oui, de bon architectes et tu peux me tutoyer ! Pas sûr, les panneaux pourraient bien être de Jacques Tissinier. Mais rien de certain. Pour ça tu peux avoir des infos auprès de mon ami Clément Cividino, il a travaillé avec lui. Tu sais c'est celui qui a retrouvé et sauvé les Hexacubes dont je t'ai parlé la dernière fois.
- Oui !
- Au fait, merci pour cette très belle carte et pour celle d'Orléans. Comment fut ton voyage avec Denis ?
- Génial ! Faudra que je vous... que je TE montre les photos. On a même réussi notre pari, tu me dois 10 balles !
- Vraiment ? Rien ne me fait plus plaisir ! Je te l'avais bien dit que c'était facile ! Il a aimé ça ?
- Denis ? Attends ! Oui ! En fait, ce fut vraiment simple de le convaincre ! Et faut dire que la plage de Jenny est vraiment belle et y avait personne ! Que nous ! On a même dormi dans la voiture.
- Vous n'aviez pas de tente ?
- Si mais on avait peur de se faire remarquer en camping sauvage alors que dans la voiture, c'était plus discret.
- On se voit jeudi je crois.
- Ah ?
- Oui, tes parents m'ont invité. Ton père voudrait qu'on prépare un hommage à Jean-Michel, une expo peut-être.
- Ah ? Super ! Je serai là, tu verras Denis. Tu ne le connais pas encore je crois.
- D'une certaine manière si, vu comment tu m'en parles. Bon, écoute, là je dois partir, Jean-Jean.
- Bon, oh pardon ! Je voulais pas... Bon, bon, à jeudi David.
- À jeudi mon gars, salutations à tout le monde.
- Ouais, j'y manque pas.
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Par ordre d'apparition :
- Jean Marais, éditions O. P. , photographie de Teddy Piaz non datée.
- San Francisco, Transamerica Pyramid, photographer Tom Tracy, édition Impact, 1978.
- Royan, le Front de Mer avant sa défiguration. édition C. A. P. expédiée en 1959.
- Orléans, Place d'Arc, Cabinet Jean SEMICHON, Paris 1988, édition Ligneau, expédiée en 1989.
- Port-Leucate, le Kykklos, les architectes Gardia et Zavagno ne sont pas nommés par l'éditeur Société Éditions de France.
Depuis plus d'une heure maintenant, Alvar écoutait son oncle lui raconter sa vie amoureuse, comment il avait rencontré Hans puis Mathew.
Hans, Alvar l'avait bien connu, il fut pour lui bien plus qu'un oncle, il fut comme un ami sérieux, attentif et surtout libérateur. C'est bien Hans qui avait permis en quelque sorte qu'Alvar puisse renoncer à ses études d'ingénieur pour faire de la musique. C'est bien Hans qui rappela à Gilles comment lui-même avait eu du mal à faire ce pas de côté, hors de l'influence trop prégnante quoique inconsciente de Jean-Michel Lestrade. C'est bien Hans qui donna ce goût de la musique classique à Alvar en lui faisant écouter pour la première fois le divin Bist du bei mir de Bach en lui laissant penser qu'il pourrait le chanter. Et Alvar le chanta un jour de décembre, il avait 12 ans, Hans pleura tout son soûl.
C'est bien Hans qui offrit la mer, les régates, la montagne à Alvar. Tous les étés, dès ses treize ans, ils partaient tous les deux dans des promenades sportives juste entre eux. C'est bien Hans qu'Alvar appela pour lui annoncer sa rencontre avec Émilie et qui demanda des conseils à son oncle allemand pour mener à bien cette nouvelle vie. Et c'est bien à Alvar et seulement à Alvar que Hans raconta ses premières inquiétudes sur son Sida déclaré très tôt.
Maintenant, dans la maison silencieuse, Alvar était surtout curieux de Mathew. Depuis le décès de Hans, Gilles faisait des aller-et-retours incessants aux États-Unis. Bien plus fréquemment qu'il n'en faisait déjà avec Hans. Mathew connaissait Hans, en fait, ils se connaissaient tous les trois depuis 1967. Hans et Gilles avaient rencontré Mathew à la Cinémathèque Française lors d'une projection de la Belle et la Bête de Cocteau. Ils étaient simplement assis côte à côte et Hans demandait alors à Gilles si, dans leur couple, il serait la Belle ou la Bête. Il n'eut pas le temps de répondre que ce petit freluquet moustachu et blond répondit à sa place : "la Bête". Le générique commença, il fallait se taire.
À la fin de la projection, Gilles voulut en savoir plus et il demanda si, maintenant que Mathew avait vu le film, il pensait encore qu'il était la Bête et si, évidemment, Hans serait la Belle.
- Non, répondit du tac au tac Mathew, la Belle c'est moi !
Cela fit rire les trois hommes. Il n'y avait pas de doute, il n'y avait pas de mystère sur qui était ce Mathew avec son accent. Il était américain, il était blond et mince, trop même, et il était gay, tellement gay. Il avait la chance en quelque sorte de le porter sur lui, de le dire dans sa voix, ses gestes, ses mouvements imperceptibles du cou et des poignets. Hans lui demanda d'où il venait. Mathew prit une sorte de raccourci pour raconter en une phrase qui il était :
- de Nanterre, des U.S.A (qu'il prononça uhessè), de San Francisco, choisis ce que tu veux.
Hans répondit immédiatement San Francisco parce que c'est prometteur et Nanterre parce que c'est juste à côté et que, ainsi, Mathew pouvait les inviter à boire un verre. Ce qu'il fit.
À Nanterre, sur les murs de la petite piaule de l'étudiant américain, il n'y avait quasiment que des portraits ou des images de cinéma. Une vieille carte postale de Jean Marais souriant accueillait les visiteurs à l'entrée. On marchait dès la porte passée sur des revues comme Positif ou les Cahiers. Aucune revue en langue anglaise, Mathew affirma d'un coup qu'il n'y avait pas de bonnes revues américaines de cinéma et que, de toute façon, il était venu là pour apprendre aussi la langue française. Un matelas hors d'âge au sol, un cendrier Ricard plein de mégots sur un tabouret en Formica, Mathew n'avait même pas de frigo dans sa chambre, il alla en face, chez son copain Édouard récupérer les bières qui s'y tenaient au frais. Tout se passa tranquillement en quelque sorte. Comme l'époque savait le faire. Ils formaient un trio maintenant. Un américain, un allemand, un français. Cela dura un été.
Mathew dut retourner à San Francisco, il ne voulait pas louper la révolution gay, il voulait voir qui était ce Harvey Milk dont lui parlait tout le temps son ami Dick Pabich resté là-bas. Il prit l'avion en empruntant l'argent à Hans et tenta de convaincre Gilles et Hans de le suivre. Mais cela ne se fit pas. Gilles fit alors une pose dans son récit. Il affirma à Alvar qu'il était en quelque sorte la raison de cette réticence car Hans voulait absolument le voir grandir, assister à ses premiers pas. Ils purent tout de même partir fin 68 début 69. Non, début 69 se rappela Gilles car Hans voulait justement être présent pour le Noël d'Alvar. Ils retrouvèrent Mathew qui les accueillit à l'aéroport avec une parfaite imitation de Delphine Seyrig ce qui déclencha l'hilarité générale. Il était comme ça ce Mathew. Sous une veste militaire, il avait un t-shirt jaune vif d'où sortaient ses deux très maigres et longs bras et un pantalon rouge à pattes d'éléphant comme on dira plus tard. Quelques longs colliers en perles de bois et rien d'autre. Il était nu pieds. Il conduisait vite son immense et décatie Dodge ainsi, comme Brigitte Bardot à St-Tropez, sans chaussures aimait-il à plaisanter. Cette fois ce fut Alvar qui rompit le récit et posa cette question : "Comment tu as su que tu étais gay ?" Gilles rigola. Et lui répondit. "Ah, Je crois savoir pourquoi tu me poses cette question maintenant. Toi, tu ne te poses pas la question depuis quand tu es hétéro ?" Alvar acquiesça et posa une autre question, demandant cette fois si ce fut facile avec ses parents. Gilles répondit que Hans fut celui qui lui a tout permis, qu'il avait plu immédiatement à son père et que tout cela fut implicite. Que ce fut bien plus difficile de dire qu'il ne reprendrait pas l'agence et qu'il partait vivre avec Hans en Allemagne.
- En quelle année ? demanda alors Alvar.
- En 69, justement au retour de ce voyage à San Francisco. Et Gilles soudain regarda dans les yeux son neveu et lui demanda d'un coup :
- Et toi, tu le sais depuis quand qu'il est gay ton fils ?
..................................................
...............................................................................
Denis avait un culot monstre qui parfois, embarrassait même Jean-Jean pourtant habitué à ses frasques et à ses blagues.
- Mais Madame, excusez-moi, mais vous ne pouvez pas décemment me vendre cette carte postale ancienne de Royan au prix de 2 euros ! Et vous savez pourquoi Madame ? Simplement parce que vous avez sous les yeux, non seulement deux jeunes futurs architectes sans le sou mais que, en plus, Madame, vous avez l'honneur de parler à l'un des arrières-petits-fils de l'un des plus éminents architectes de la Reconstruction de Royan ! Oui Madame, permettez-moi de vous présenter ici même Monsieur Lestrade !
Jean-Jean ne savait plus où se mettre et la femme derrière son stand sur ce vide-grenier à Saujon n'en revenait pas du culot du jeune homme mais cette tirade fit rire son mari qui, tout en rendant la monnaie à une autre cliente affirma d'un coup :
- Mais nous en sommes extrêmement honorés ! Et si ces messieurs les futurs architectes me font le plaisir de choisir une autre carte postale, je leur ferai volontiers un petit prix !
- Voilà qui est raisonnable ! Je reconnais bien là l'accueil charentais ! reprit Denis heureux d'avoir trouvé un complice de flagornerie.
Tout gêné, Jean-Jean plongea à nouveau sa main dans la boîte à chaussures remplie de cartes postales.
Il en trouva une assez ennuyeuse d'Orléans mais qui donnait le nom de son architecte au dos : Cabinet Jean Semichon en se disant que cela amuserait l'ami de son père, David, de recevoir une Boring Postcard puis il tomba en arrêt sur une incroyable carte postale de Port-Leucate montrant le Kykklos.
- Regarde ça Denis !
- Ah ouais, faut avouer, c'est chouette, tu as le nom de l'architecte ?
- Non... Mais t'as vu les étranges panneaux de couleurs ! Trop beaux ! Non ? C'est con que David ne soit pas là. Je la prends aussi. Je vais l'appeler ce soir pour avoir des infos, je dois avoir son portable. Non, non, mieux, je lui ferai la surprise, je lui enverrai avec celle d'Orléans. On regardera dans le guide aussi.
- Est-ce que ces messieurs les futurs architectes trouvent leur bonheur ? demanda à nouveau le vendeur avec un large sourire.
- Oui, combien pour ces cartes là ? demanda Alvar.
- Alors voyons...Vous en avez pris combien ? 4 ?
- Oui !
- Disons 4 euros ?
- Ok, 4 mais je prends celle-ci en plus, affirma soudain Denis en ajoutant au paquet une carte postale de Jean Marais.
- Voilà une affaire rondement menée, messieurs ! Jean Marais sera en bonne compagnie ! conclut le vendeur.
- Vous ne savez pas à quel point Monsieur ! Vous ne savez pas à quel point ! rétorqua Denis.
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- Oui, Jean-Jean, pour les architectes c'est assez facile à trouver. Tu es à l'Agence ou chez ton père ?
- Chez Papy.
- Bon, regarde Techniques et Architecture, série 2-31 numéro spécial sur l'aménagement du Languedoc-Roussillon, tu l'as ?
- Attendez, je descends dans l'agence..... Euh, oui, j'y suis.
- Bon, page 97 tout en bas, tu trouveras. Tu vois Jean-Jean ?
- Euh... Attendez... Yes ! J'ai ! Il y a une photo de la maquette, ils disent Gardia et Zavagno comme architectes. Mais pour les panneaux décoratifs, tu as... vous avez une idée David ?
- Oui, de bon architectes et tu peux me tutoyer ! Pas sûr, les panneaux pourraient bien être de Jacques Tissinier. Mais rien de certain. Pour ça tu peux avoir des infos auprès de mon ami Clément Cividino, il a travaillé avec lui. Tu sais c'est celui qui a retrouvé et sauvé les Hexacubes dont je t'ai parlé la dernière fois.
- Oui !
- Au fait, merci pour cette très belle carte et pour celle d'Orléans. Comment fut ton voyage avec Denis ?
- Génial ! Faudra que je vous... que je TE montre les photos. On a même réussi notre pari, tu me dois 10 balles !
- Vraiment ? Rien ne me fait plus plaisir ! Je te l'avais bien dit que c'était facile ! Il a aimé ça ?
- Denis ? Attends ! Oui ! En fait, ce fut vraiment simple de le convaincre ! Et faut dire que la plage de Jenny est vraiment belle et y avait personne ! Que nous ! On a même dormi dans la voiture.
- Vous n'aviez pas de tente ?
- Si mais on avait peur de se faire remarquer en camping sauvage alors que dans la voiture, c'était plus discret.
- On se voit jeudi je crois.
- Ah ?
- Oui, tes parents m'ont invité. Ton père voudrait qu'on prépare un hommage à Jean-Michel, une expo peut-être.
- Ah ? Super ! Je serai là, tu verras Denis. Tu ne le connais pas encore je crois.
- D'une certaine manière si, vu comment tu m'en parles. Bon, écoute, là je dois partir, Jean-Jean.
- Bon, oh pardon ! Je voulais pas... Bon, bon, à jeudi David.
- À jeudi mon gars, salutations à tout le monde.
- Ouais, j'y manque pas.
.................................................................
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Par ordre d'apparition :
- Jean Marais, éditions O. P. , photographie de Teddy Piaz non datée.
- San Francisco, Transamerica Pyramid, photographer Tom Tracy, édition Impact, 1978.
- Royan, le Front de Mer avant sa défiguration. édition C. A. P. expédiée en 1959.
- Orléans, Place d'Arc, Cabinet Jean SEMICHON, Paris 1988, édition Ligneau, expédiée en 1989.
- Port-Leucate, le Kykklos, les architectes Gardia et Zavagno ne sont pas nommés par l'éditeur Société Éditions de France.
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