Si, pendant ces journées de colloque les questions du point de vue, de la neutralité photographique furent abordées par des angles allant de la communication politique à la sensibilité artistique je suis pour ma part intervenu sur la représentation du chantier dans les cartes postales de la plus belle ville du Monde. Chantier... relativement absent, relativement évité et ne surgissant qu'au hasard heureux des cadrages aériens, dans des détails minuscules.
Mais voici deux éditions de cartes postales qui, par leur format ou leur cadrage permettent aussi de montrer que parfois cette production offre des spécificités étonnantes.
D'abord la carte postale panoramique :
Cette carte postale du marché est bien ainsi extrêmement longue... Et quelle image !
Le photographe des éditions Berjaud place presque exactement le marché au centre de son image, dans une symétrie un peu abâtardie. On peut d'ailleurs s'interroger sur ce manque de précision, sur ce désir de symétrie un peu contrariée qui avait pourtant tous les atouts pour être parfaite : deux arbustes, réalité du placement urbain du marché au bout du boulevard Briand, dessin du terre-plein, mobilier urbain formant un cadre et même un panneau de sens interdit qui pourrait faire une mire de visée parfaite ! Alors pourquoi le photographe a-t-il décalé si légèrement ce cadrage pour rompre cette symétrie ?
La réponse pourrait bien venir du premier plan représenté par ces quelques feuilles d'arbres. Sans doute pour animer ce premier plan, pour réchauffer en quelque sorte ce grand ordre urbain, le photographe cherche un détail. Trouvant là, avec ce feuillage un élément plus libre au plan, il cadre ainsi ce qui l'oblige à perdre un peu l'absolu de la rectitude de cette image. À moins que ce tirage panoramique ne soit pas directement produit ainsi mais provienne d'un recadrage d'une image au format rectangulaire plus carré. J'ai trop peu d'informations sur le matériel photographique des photographes de cartes postales pour affirmer cette possibilité mais, il est vrai que les appareils dédiés spécialement au format panoramique sont rares.
On jubilera aussi de la voiture, une Simca Aronde, dont le hasard de la présence parfaitement bien placée nous laisse perplexe... Une personne semble attendre à l'intérieur. La femme du photographe ?
En 1955 :
Nous pourrions à l'infini prendre chacun des points de vue sur Royan et rejoindre nos collègues de l'Observatoire Photographique du Paysage pour jubiler avec eux des distorsions du réel face à son histoire. Mais ici, avant même ce passage du temps, on s'interrogera de la nécessité pour un photographe (de carte postale en plus !) de venir à ce point regarder et viser... le caniveau et la chaussée !
Pourquoi donc descendre si bas ! Pourquoi le photographe de C.A.P éditeur s'agenouille-t-il ainsi et place dans son image au premier tiers les aménagements urbains aussi frustes ! La ville de Royan et son front de mer n'apparaissent que bien loin, comme une ligne entre le ciel et le sol ! Les animations sont trop peu spectaculaires (une Frégate Renault et des royannais en vélo) pour être les centres d'intérêt de cette image... Alors ?
On a déjà vu sur ce blog de nombreux cas de ce type de photographies dont on a du mal à saisir le sens.
Et si ici ou ici, on s'en amuse et on peut deviner la raison de ces cadrages "audacieux" le mystère de l'invention de cette image reste entier !
Une fois de plus, malgré ce mystère, on s'étonnera que la photographie soit prise mais également qu'elle passe l'examen du choix éditorial, qu'elle soit finalement éditée et... vendue, donc choisie parmi tant d'autres modèles. Il faut croire qu'elle répondait bien à un besoin, celui de dire au loin, l'état des caniveaux de Royan !
Bonnes vacances !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire