Je sais que les plus fidèles d'entre vous, ceux qui me connaissent le mieux vont sans doute faire des bonds sur leur chaise.
Mais voilà.
Grâce au très beau cadeau offert par Claude pour mon anniversaire (merci Claude), ce magnifique livre qu'est L'Architecture d'un homme de Ricardo Bofill publié en 1978 dans la même collection que celui de Monsieur Claude Parent chez Arthaud, je me suis totalement retourné vis-à-vis de cet architecte dont j'ose dire qu'il fait partie de ceux que l'on adore détester...
Mais regardons d'abord une carte postale espagnole :
Hnos. Glaliana le photographe de cet éditeur inconnu nous montre une construction étonnante qui joue un face-à-face avec le Penon de Ifach à Calpe en Espagne.
La masse sombre de cette construction dont la complexité formelle est tempérée par des matériaux traditionnels est envoûtante. Semblant un peu effrayante, difficile à saisir dans ses formes mais en même temps reconnue dans sa peau, elle est aussi posée sur un sol travaillé de pierres sèches. S'ouvrant largement dans un premier porte-à-faux, elle se resserre en gradins immédiatement.
Et le jeu des raccords en triangles des pentes des toits accentue encore son aspect hérissé et pointu que sans doute, seul le blanc aride des volets vient contrarier.
Il y a bien là architecture.
Et... cet ensemble est bien de Ricardo Bofill et du Taller de Arquitectura. Cet ensemble est d'ailleurs reproduit dans le livre nommé ci-dessus et visible avec de belles photographies en noir et blanc dont j'ignore le nom du photographe. Il s'appelle alors Xanadu, est situé à la Manzarena à Calpe.
Et comme Alvar Aalto (là vous allez hurler !) qui préconise pour compléter et ajuster certains paysages d'y construire une architecture, Ricardo Bofill fait là, il me semble, preuve d'une grande lucidité.
Mais, nous regardons des images. D'abord celle d'un photographe de cartes postales qui place aussi dans son cadre ce qui est nécessaire à l'invention d'un pittoresque et face ensuite à des images adoubées par l'architecte lui-même. Il faudrait aller voir...
Mais dans le texte de ce livre, il y a bien souvent des moments avec lesquels je me sens totalement en accord. D'abord, il y a bien chez Bofill un retour passionné sur l'héritage moderniste, un retour avec pertes et fracas. Disons qu' il y a une attaque en règle de l'architecture internationale, de sa mécanique identifiée, de sa froideur de planchers et de murs rideaux. Il y a le désir d'une architecture des sens, poétique et donc parfois aberrante mais qui produit une réaction sensorielle et même psychologique. Quelque chose de débordant aux fonctions naturelles ! Il y a un désir magique, surréaliste, symbolique mais pas dans le sens d'un décor de fête foraine plaquée sur un cube mais construit dans le plan, les circulations, les espaces. Un extrait de ce livre vous donnera la "raison" architecturale de Ricardo Bofill et je veux dire que ce texte, je le trouve parfait à mes propres visions et c'est d'autant plus troublant, à mon intuition négative envers cet architecte !
Vous me direz que l'architecture ce n'est pas imposer ses rêves aux autres et vouloir les y faire vivre. Eh bien si... justement. Ce n'est que ça (enfin... j'abuse). Et les rêves et cauchemars collectivistes et fouriéristes valent bien les délires dépressifs d'un architecte pris dans une dérive psychologique.
Mais ne réduisons pas trop vite Ricardo Bofill à cette forme surréalisante car il prouve bien dans ses réalisations et dans son mode de travail un vrai attachement à ceux qui vivent son architecture, avec lesquels il établit une sorte de contrat, envers lesquels il est d'une extrême attention.
Et cela a formé, c'est indéniable, pendant au moins ses premières années des chef-d'œuvres comme Walden 7 ou le très délicat Meritxell...
Alors ?
Je suis perdu.
Si je dois me perdre, je veux que mon errance ait lieu dans des endroits qui m'éprouvent. Cette errance qui est, paraît-il, une forme ultime de poésie urbaine, je veux la faire non pas dans des décors, non pas dans des théâtres mais dans des espaces ou chaque pas, chaque projection mentale soient une lucidité. Et, le croirez-vous, mais je reste certain que je peux maintenant trouver chez Monsieur Bofill une forme extralucide qui confine... à une hallucination.
Alors, si après tout, la Force de l'utopie de certains reste une Force de rêves, je veux bien un peu croire avec Monsieur Bofill à la dimension magique de l'architecture.
(Vaudou ? Nicolas ?)
Pour reprendre une analogie générationnelle, je dirais que parfois, j'aime bien être du côté obscur de la Force et Monsieur Bofill me semble un parfait Sith. Parce que de ce côté-là, la Force est plus dure, plus violente, plus puissante mais aussi... ne l'oublions pas, plus facile.
Oui.
Ce livre est paru en 1978...WALDEN 7 commencé en 1970 avec de grosses malfaçons a été réhabilité avec fin des travaux en 1995. En France Ricardo a sévi dans les années 80 avec ANTIGONE, la ZAC Vercingétorix à Paris, Les arcades du Lac et ABRAXAS? . . la même architecture à répétition... demandez aux habitants d'Antigone ce qu'ils pensent des logements... ou vous vous meublez derechef chez IKEA, ou FLY ou tout fabricants de petits modules, ...des espaces contraints qui ne laisse aucune latitude aux habitants...Bofill à l'international a fait et fait de belles choses mais ici en France du néo romana greco giscardien identique en tout lieux...les colonnes ça lassent...
RépondreSupprimerDaniel, je suis parfaitement d'accord mais reconnaissons aussi à Bofill une certaine grâce dans une période un rien éloignée maintenant de ses créations. Bofill reste un cas, une exception, une forme particulière. On peut appeler cela une aberration ou une poésie ! Mais c'est certain, il faut savoir maintenir une forme aussi avec lui de lucidité; le livre reste passionnant et très loin d el'image que l'on a de l'architecte.
RépondreSupprimerMerci beaucoup pour cet article, sur un projet que j'affectionne beaucoup, aux images précieuses et aux réflexions sur la définition plastique si pertinentes. Bonne continuation !
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