jeudi 8 juillet 2021

Une civilisation sans ruines ça ressemble à la nôtre.



Il ne doit exister de ce morceau d'urbanisme que des cartes postales en multi-vues. Je ne sais pas pourquoi mais n'ayant jamais croisé d'autres versions, j'imagine que les éditions Guy n'ont pas trouvé utile d'offrir un seul point de vue sur cet ensemble pourtant d'une très grande qualité de dessin. C'est aussi sans doute la manière la plus adaptée d'en dire toutes les articulations urbaines et de les décrire au mieux.
Il ne nous reste que ça, le Galion 3000 n'existe plus.
Et c'est une erreur de l'avoir détruit car il était très représentatif de ces moments de la réflexion moderniste, il était beau dans son dessin et spectaculaire pour notre imaginaire.
Ionen Schein d'ailleurs ne s'est pas trompé en le qualifiant avec beaucoup de respect dans son petit livre rouge, bréviaire parfait à nos rêves. En effet, l'architecte évoque bien Aulnay-sous-bois dans son  Paris Construit :



On pourrait tirer plein de conclusions sur l'image choisie pour ce livre, celle d'immeubles, au loin, à l'horizon, perdus dans des champs. La photographie est de Thomas Cugini si on en croit le colophon de l'ouvrage. On pourrait en tirer plein de leçons sur les représentations des banlieues, villes à la campagne ou inaccessibles à l'image, nécessitant un recul pour en percevoir la réalité du gigantisme. Grand, grand ensemble. On pourrait aussi faire des oppositions entre une photographie du Galion 3000 par un éditeur de cartes postales et par un photographe spécialisé en architecture et convaincu par son commanditaire des qualités architecturales des lieux mais surtout voulant en tirer un groupe d'images servant l'architecture. Le ciel est nuageux sur la photographie de Thomas Cugini.
Mais restons à notre place. La carte postale du Galion 3000 est bel et bien maintenant un document tout aussi honnête que décidé, tout aussi attaché à son objet qu'attachant à son rôle : faire voir. En quatre petites images, voilà un morceau de ville enregistré à jamais, disponible à notre analyse, montrant un lieu, un usage, une orientation urbaine et un dessin. Et rien ne sert de regretter que l'on ne puisse y comprendre comment on y vit. Rien. Car aucune image ne le peut finalement et ce ne sont que les témoignages croisés qui le permettront. Et encore...
Ici, comme pour toutes les cartes postales, il y a d'abord la reconnaissance du lieu, le retrouver en image et l'envoyer pour faire voir ou se souvenir de l'avoir vu. Il y a l'élan d'une contemporanéité auquel on croit encore, à laquelle on adhère.





Et puis, oui, ne l'oublions pas, il y a la beauté. Celle des lignes sur la façade, héritage d'un Dubuisson, grille moderne d'aluminium, ville pour que Tati y promène Mr Hulot. La beauté des volumes purs, simples mais bien proportionnés créant des vides, des creux, des passages avec une puissance affirmée. La sculpture de l'escalier était superbe. On pourrait penser à une fierté.
Ionel Schein nous indique le nom des architectes de cet ensemble et du Galion 3000 : messieurs Risterucci, Bertrand, Wasserman. Merci Messieurs et tant pis pour l'histoire de l'architecture et de l'urbanisme. Les grignoteuses ont produit des vides jusqu'aux fondations. L'époque ne laisse même plus le temps aux ruines d'advenir. Une civilisation sans ruines ça ressemble donc à la nôtre.

Pour info, la carte fut expédiée en 1984 par un correspondant qui ne dit rien de l'architecture mais raconte le ciel bleu au mois d'avril sur Aulnay. C'est ce que je voudrais garder comme analyse du lieu et du moment. C'est l'essentiel comme dirait Ionel Schein.













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