dimanche 11 juillet 2021

Construire Estropolis après Acropolis

Nice c'est et ce sera toujours pour moi Jacques Médecin.
Pardon...
Mais c'est aussi ce machin que j'aime bien :


Voilà qui en impose, voilà qui est de l'architecture puissante, bien posée, à sa place, faisant dans ses échelles et son dessin la nique à ce qui l'entoure. Et Paf ! Peu de tendresse !
Que j'aime cette attitude vis-à-vis de la ville ancienne. Aucun regard, aucun regret, on écrase avec toute la puissance du geste urbain et politique. Pousse-toi de là que je m'y mette. J'adore. On dirait un Palais soviétique de la Culture, perdu dans une Province oubliée du Grand Empire. Ça doit faire un peu peur pour montrer qui décide ici. En ça, c'est réussi cet Acropolis.
Après vous avoir parlé il y a peu du Palais des Festivals de Cannes, on pourrait presque penser que le sud de la France et ses villes cossues ont une soif de grosses machines architecturales hésitant entre brutalisme provincial et monolithe exubérant. Des cagoles de l'architecture. Le Mucem a rompu avec cette tradition. Enfin, je crois.
Mais j'aime ça. Oui, j'aime ça. Faut bien parfois que l'architecture exagère un peu, fasse passer des rougets pour des requins, des gens de droite pour des gens de gauche, ou vice versa.
Bon. Oui, je sais... que voulez-vous... j'use de tous les clichés...
Je n'aurai pas dû commencer cet article par Jacques Médecin.
Mais je vais devoir le reprendre avec Christian Estrosi puisque le maire actuel de Nice souhaite la disparition d'Acropolis et du très remarquable Théâtre National dessiné par Yves Bayard. Mes cartes postales vont-elles devenir des documents historiques ?
Finalement, à Nice, les maires aiment autant l'autorité de leur fonction que le peu d'imaginaire de son expression. Ils ne savent plus très bien quoi faire, l'un (l'actuel) héritant d'un paysage urbain racontant l'autorité, l'autre (l'ancien) devant céder sa place à la démagogie faussement écologique actuelle. Que faire ? Et quoi défendre ?
Car, c'est vrai que l'Histoire de l'Architecture est aussi faite d'œuvres apparues dans des circonstances pas toujours reluisantes moralement mais qui sont tout de même des œuvres et qui, pour ces mêmes raisons délicates, font cette histoire. 
On notera que l'Acropolis a été entièrement revu par Jean-Michel Wilmotte en 2010 et que donc sa démolition viendrait après seulement onze ans d'usage de cet investissement. Et qu'une politique municipale ayant comme lubie de détruire l'existant au profit d'une image de marque (en lieu et place d'un pragmatisme des usages) en dit long sur celui qui décide de cette politique.
Alors sommes-nous en train de regarder pour les dernières fois cet Acropolis ? Je le crois malheureusement. 

Voilà donc une carte postale des éditions Mar expédiée en 1985. On remarque déjà que le photographe choisit une frontalité qui nous est utile pour voir l'échelle de la construction et de comment elle déborde de la hauteur du reste de la ville écrasant de sa face fermée le tapis des petits immeubles. On notera aussi que cette façade brute et raide est paysagée avec un traitement du sol polychrome, une succession de fontaines devant certainement en adoucir l'atterrissage : 


Le même éditeur (même photographe ?) nous rapproche de cette façade en plaçant entre nous et la façade la sculpture d'un Apollon par le sculpteur Marcel Mayer. On note que l'éditeur nomme le sculpteur mais pas les architectes :


Pour finir, une vue assez étonnante et moins commune, celle d'un des côtés du Palais des Arts et du Tourisme, cette fois par l'éditeur Gilletta :


En plus de nous montrer le travail surprenant de cette façade que je trouve plus intéressante et un rien chaotique et sculpturale, l'éditeur fait aussi le choix important de nous donner les noms des architectes : messieurs Buzzi, Baptiste et Bernasconi. Voilà qui est important. Que pensent-ils de la disparition à venir de leur œuvre ? Pour ce qui est du Théâtre de Nice, on trouve des articles ou la fille de Yves Bayard se bat pour le sauvetage de l'œuvre de son père. Elle a bien raison. Courage.

Nice, c'est et sera dorénavant, toujours pour moi Christian Estrosi.


Pour entendre la conscience pleine de fraîcheur et de verdure de Monsieur Estrosi : 

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