lundi 8 juin 2020

Ça vibre tout pareil


On hésite.
Je suis persuadé que si je ne vous dis pas où se trouve ce bâtiment, il vous sera difficile de le localiser. Bien entendu, les plus malins verront dans la façade en claustra ou dans le détail de la corniche qui souligne la ligne du toit plat quelque chose d'exotique, de curieux, d'un peu étrange.
Car si toute la volumétrie de l'ensemble respire les tics de la Modernité, les détails contredisent un peu cette sensation globale.
Où sommes-nous ?
Brazzaville, Congo, devant la Société Générale dessinée par Henri Chomette dont nous avons déjà vu le travail africain.
La carte postale est une édition Hoa-Qui pour les Papeteries de l'A.E.F. Cette carte en photo véritable ne nomme ni le photographe ni l'architecte.
On reste aujourd'hui surpris de deux choses sans doute : la grande présence du mouvement moderne en ces lieux (quoique cela aujourd'hui soit un peu moins oublié) et la nécessité de faire une carte postale d'une banque... Qui pour se reconnaître aujourd'hui dans une telle édition ? Qui pour réclamer une telle représentation ?
On sait sur ce blog que le mouvement moderne fut très représenté en cartes postales en France et même en Europe. On pourrait peut-être trop vite voir dans sa représentation dans les anciennes colonies ou sur d'autres continents une forme de domination, de preuve d'une présence que l'on jugerait maintenant déplacée.
Cette internationalisation du mouvement moderne serait la preuve alors, sur ces territoires, d'une domination culturelle. Les bonnes réponses architecturales sont-elles contingentées par celle-ci ?
Peut-on dire, à l'inverse, que l'exotisme-même est l'occasion d'une plus grande attention aux contextes spécifiques qui poussent à une rationalités des réponses ? Trop de soleil, de moiteur, trop de pluies soudaines, trop de tout, tout cela exige des réponses architecturales appuyées sur ces réalités et sur ces attentions qui furent celles d'une rationalité moderne. Et aussi le désir de marquer cette modernité, de l'affirmer comme un élan, de dire qu'ici tout peut commencer.
On parlait de territoires d'expériences, de liberté. Liberté de qui, de quoi ?
Henri Chomette aurait-il pu construire ceci en France, en Europe ? Sans aucun doute que oui, sans aucun doute que non. Je veux dire que pareillement, il aurait regardé le programme, qu'il aurait étudié l'environnement, qu'il aurait sur ses conclusions donné des réponses justes, c'est-à-dire prises dans cette pensée rationnelle. Un problème, une réponse.
Et parfois l'esthétique aime se frotter à des réponses directes. Du soleil ? Fabriquons des ombres. De la chaleur ? Créons des aérations, etc... C'est ce que semble dire cette architecture. Mais il n'y a pas que cela. Henri Chomette connaît son vocabulaire moderne et son héritage, il en use : rythmicité, redans, pilotis, éclatement des volumes affirmant leur fonctions, contraste des ombres, monumentalité des blocs.


Dans le très beau et utile Architecture Nouvelle en Afrique de Kultermann, on trouve un autre cliché de cette Société Générale. Et on la découvre mieux dans ses articulations et aussi dans le travail de son toit occupé par une construction invisible sur la carte postale, ce qui, d'ailleurs m'étonne beaucoup. Le Studio Charlejan est crédité pour cette prise de vue. On voit que les ombres travaillent de la même manière, que ça vibre tout pareil. Cette image produit un bâtiment moins ramassé sur lui-même, plus facile à lire.
Et j'en aime immédiatement la présence, la grande beauté classique de l'ensemble, l'incroyable qualité des façades. Alors, très vite l'idée me vient que j'aimerais poursuivre mon admiration pour Henri Chomette, ici ou ailleurs.
Tradition académique française...
L'architecture d'Henri Chomette n'en reste pas moins française...
L'architecture rigide du néo-classicisme français...
Voilà trois manières de parler de Henri Chomette par Kultermann dans son article. Il a raison. C'est aussi ce que j'aime.

Pour revoir Henri Chomette :
https://archipostalecarte.blogspot.com/2016/02/construire-sur-et-avec-la-fragilite.html
Pour revoir Kultermann :
https://archipostcard.blogspot.com/search?q=kultermann

3 commentaires:

  1. Hello David,
    d’après le Pinterest de la Société Générale (oui ça existe) ce bâtiment serait à Abidjan et aurait été construit en 1955 pour loger le personnel. L’agence de la Société Générale à Brazza est beaucoup plus… néoclassique ;) En tous les cas une belle vue, qui ne vibre pas moins: https://www.pinterest.fr/pin/427701295831779704

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  2. Ah mais non, pardon, ça n’est pas exactement le même! Mais il reste beau…

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