Il y a des collectionneurs de cartes postales qui collectionnent les Postes et aiment pousser le vice jusqu'à ce que la carte postale en question, en plus de représenter la Poste, soit expédiée depuis celle-ci...
L'image rejoint alors le réel, l'image glisse dans son objet, au sens propre, tombant par la fente de la boîte aux lettres et sous le tampon d'affranchissement, preuve administrative de ce mariage forcé.
Mais qui sait ce qui se passe ensuite ?
Où part cette carte postale ?
Ici, peut-être :
Vous n'avez qu'à lire l'image pour comprendre l'objet. Nous sommes donc devant le Centre de Tri Postal automatique de Nancy, œuvre importante de Claude Prouvé qui fit l'objet, il y a peu, d'un réaménagement qui est devenu, malheureusement, une ré-écriture par l'agence Barani.
Je ne vous ferai pas l'affront de vous en raconter l'histoire ou même d'oser une description étant donné la très complète et bien documentée fiche des amis de DOCOMOMO lisible ici :
http://www2.archi.fr/DOCOMOMO-FR/fiche-tri-postal-nancy.htm
Impossible de faire aussi bien.
Cette carte postale est une édition Hansi qui ne nous donne aucune indication de l'architecte ni aucune date. Elle décrit vaguement les trois images, tri des lettres, des paquets, et le Bâtiment avec un B majuscule...
Difficile aussi de savoir la portée éditoriale d'une telle carte postale car même si l'époque aime la modernité de l'automatisme et de l'architecture qui la porte, il y a sans doute à Nancy d'autres merveilles. Mais il y a aussi une clientèle pour ce genre d'images rompant justement avec l'attendu de la carte postale, on connaît bien cela ici.
On devine aussi au choix d'une carte en multi-vues le désir surtout de parler des performances de cet automatisme, de nous montrer les machines, leur puissance et leur modernité tout autant que l'architecture. On aime dans cette période les barrages, les ponts, les chaînes d'usines et donc les tris postaux. Qui aujourd'hui fera une carte postale d'un centre de distribution Amazon ?
On aimera que la requalification de ce Tri Postal de Nancy ait eu droit à un grand nombre d'articles sur le sauvetage ou la qualité de cette requalification, alors qu'il semble que sa création elle-même n'ait finalement pas autant soulevé d'intérêts. On ne peut que se réjouir que, pour une fois, en France, la question de cette requalification ait fait débat.
Je vous laisse juge de ce que cela à produit. On aimera comment, par exemple, les halls voûtés et les très beaux toboggans sculpturaux de descentes du courrier sur la façade ouest furent requalifiées... Quand on nie à ce point ce qui fonde et fait l'image d'une construction, je ne suis pas certain qu'on lui rende hommage. Reste une peau, à peine même un placement urbain, dont le tuning voyant et affirmé se veut un geste architectural. Faire le tri entre les torchon et les serviettes, le grain et l'ivraie.
Espérons que les dernières icônes puissantes du mur-rideau à Nancy ne se voient ainsi "requalifiées".
Remercions donc encore les éditeurs de cartes postales de nous donner à voir et à comprendre le sens exact de l'architecture. On s'amusera que la vue satellite de Google nous donne à voir encore le chantier.
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