samedi 26 mars 2016

Agadir dans la main

 

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 - Il ne t'a jamais raconté ? En même temps cela ne m'étonne pas. J'avais connu l'histoire par son ami Amir Baraq mais jamais par lui directement. Ce qui est curieux c'est que, pourtant, c'est une histoire qui finit assez bien.
 - Que veux-tu dire ? Demanda Alvar à son oncle Gilles.
 - Bon... C'est un peu long... Par où commencer... Tu connais l'histoire de Drancy ? Comment ton grand-père avait réussi à faire sortir du camp son ami Amir ? Tu sais qu'il habite maintenant au Brésil et que ton grand-père et lui sont très liés.
 - Oui, il est venu je crois un Noël vers 1984 ou 85, c'est ça ?
 - Oui. Eh bien, ce que tu dois savoir c'est que Amir n'était pas seul dans le camp de Drancy, il était accompagné d'un petit cousin âgé d'environ 4 ans et de sa mère, sœur du père de Amir. Pendant que ton père tentait de faire échapper son ami Amir, il lui avait promis, sans doute un peu vite, qu'il pourrait aussi faire sortir l'enfant et sa mère. Or, tu auras compris, le jour de la sortie de Amir du camp sur présentation de faux papiers, ils ne purent faire sortir l'enfant et sa mère. Le lendemain de l'évasion de Amir, ton grand-père Jean-Michel refit une tentative. Tu sais, c'était vachement risqué et culotté mais il était jeune et avait réussi une fois, alors ton grand-père croyait que cela serait facile. Lorsqu'il arriva au camp, il eut même une lueur d'espoir car, sur la présentation des papiers, on le pria d'attendre pour aller chercher l'enfant qui s'appelait Simon et sa mère Hannah. Le gendarme revint vers ton grand-père, très soucieux, car, malheureusement ils avaient été emmenés le soir précédent... Le pire c'est que le gendarme croyait tellement à l'identité donnée par les faux papiers qu'il crut bon de mener une enquête, de remuer sa hiérarchie et demanda donc à ton grand-père d'attendre l'arrivée du responsable du camp. Tu comprends... La suite...
 - Non... Ah... Tu veux dire que Papy n'est pas resté...
 - Non ! Bien entendu ! Il a fui à toutes jambes car si les faux papiers avaient pu berner le planton, tu imagines bien que cela n'aurait pas tenu avec un autre plus aguerri. Il était menacé à son tour. Il fit donc la seule chose raisonnable à faire... Fuir et abandonner.
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 - Oui....... mais l'histoire ne s'arrête pas là. À la Libération, ton grand-père continua à y croire, persuadé qu'il reverrait vivants la mère et le petit Simon. Personne, bien entendu, ne revint par cette voie. Pourtant...
Pourtant... début 46, un jeune garçon et une femme se présentèrent d'eux même à la maison. Il s'agissait bien de Simon mais pas de sa mère. Celle-ci fut bien malheureusement gazée dans les camps. Simon, lui, eut une chance inouïe. Sa mère le confia dans le camp de Drancy, le jour de sa déportation, à un couple qui fit passer l'enfant pour leur fils. C'est la femme de ce couple qui éleva en cachette Simon pendant la guerre. Elle perdit son mari elle aussi dans les camps mais put, grâce au petit garçon et à la pitié d'un jeune gendarme sortir en affirmant, documents à l'appui, qu'ils étaient baptisés tous les deux, le petit s'appelait maintenant... Gilles !
 - Comme toi !
 - Oui, lorsque je suis né en 46, ils voulurent me donner ce même prénom.
 - Mais comment put-elle sortir, elle, alors que son mari fut déporté ?
 - Ça j'en sais rien. Mais ton grand-père, pendant toute l'occupation resta sans nouvelle, culpabilisant, refaisant l'histoire, se demandant s'il avait bien fait de partir, s'il n'avait pas manqué de courage. Alors, il semble que lorsqu'il partit au Maroc pour ses chantiers, lorsqu'il vit Yasmina et Momo dans un état d'abandon et de pauvreté totale, il ne voulut pas recommencer l'histoire d'une culpabilité. Il se fit la promesse de tenter de les aider tous les deux. Grand-père tomba littéralement amoureux de ton père Momo, achetant des vêtements, les emmenant manger. Momo ressemblait beaucoup à ton grand-père. Un de ses collègues de l'époque me rapporta que sur le chantier, les ouvriers croyaient même qu'il s'agissait bien de son fils ! Pour Grand-Père, rentrer en France à nouveau, en laissant encore un enfant derrière lui fut un déchirement. Il était déjà marié avec ta grand-mère et, dès son arrivée, il lui raconta sa rencontre avec Momo et Yasmina. C'est, tiens-toi bien, ta grand-mère qui ordonna à ton grand-père de repartir illico pour aller les chercher tous les deux au Maroc !
  - ........... je............ enfin.......
  - Oui ! ils sont comme ça ces deux-là ! Il retourna donc au Maroc, organisa tout, prit des contacts avec l'appui de quelques architectes, ceux qui avaient le bras long, ses anciens contacts de la Résistance firent le reste. Il fallut tout de même attendre encore un mois puis, enfin, un matin à Marseille, ton père et ta grand-mère Yasmina arrivèrent. Ton grand-père mais surtout ta grand-mère Jocelyne ne voulurent pas séparer Momo de sa mère. C'est ce qui est le plus étonnant dans l'histoire. Mais mon frère n'ayant pas été reconnu, il fut assez simple de l'adopter. Yasmina, tu lui demanderas, mais je crois qu'elle avait alors tout à gagner à venir en France. L'histoire lui donna raison. Tu es cette preuve.
 - Qu'est devenu le petit Simon ou Gilles ?
 - Simon ? Il est bien grand maintenant, il est plus vieux que moi ! Il a repris son prénom et son nom, Simon Berstein. Il a fait carrière dans l'industrie pharmaceutique, je crois, un truc comme ça. Enfin, tout va bien. Il envoie toujours une lettre à ton grand-père pour le Nouvel An et il est déjà venu ici.

Un silence. Puis Alvar soudain, reprit la parole :

 - En fait, je suis là, fils d'un petit musulman marocain adopté parce qu'un catholique a cru qu'il n'avait pas réussi à sauver la vie d'un petit juif ? C'est dingue !
 - Oui... Enfin, il faut modérer le catholicisme de ton Grand-Père. Disons... chrétien, ça lui ressemble plus.
 - Mais... On parlait de tout ça pourquoi au juste ?
 - Alvar... Dans ta main... la carte postale du service des Douanes d'Agadir ! le Maroc !
 - Oh la vache ! J'avais oublié ! Gilles, Tu connais le nom de l'architecte de cette merveille ?
 - Non, je ne sais pas. On dirait une soucoupe volante.
 - Oui, c'est tout à fait dans la lignée du travail de Grand-Père. On imagine qui a dû travailler sur le calcul de ce dôme. Agadir... Agadir... il a travaillé avec Zevaco là-bas non ?
 - Oui, oui et Duhon, surtout Duhon. Mais il n'y a rien d'écrit ? Pas d'autres documents dans la boîte d'archives ?
 - Non, rien. Rien. Mais il y a ça. Un porte-clef Orangina. Je ne sais pas ce que ça fait là.
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La carte postale est une édition la Cigogne en exclusivité par André Leconte, vente exclusive pour le Maroc par SOCHEPRESS à Casablanca. Ni date, ni photographe nommé, ni architecte nommé. Malheureusement...

1 commentaire:

  1. LECLERCQ URBANISTE27 mars 2016 à 09:30

    Quelques sites nomment ce bâtiment ou immeuble ou dôme - des douanes - mais jamais le nom de l'architecte est mentionné. Cette magnifique architecture est en péril ayant souffert lors du tremblement de terre de 1960. Actuellement abandonné ...

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