jeudi 2 juillet 2015

Totem



Jean-Michel arpentait de long en large, de terrasses en volumes, l'Hôtel Totem.
Il avait à la main le numéro d'Architecture d'Aujourd'hui dans lequel un article avait été publié et il cherchait, amusé, à retrouver les points de vue du photographe.
Il admirait ici les courbes, là le jeu formel un rien organique ou sensuel faisant ressembler l'Hôtel Totem bien plus à une poitrine généreuse ou à un bénitier qu'à un totem. Il souriait à l'idée de l'architecte Simonetti dessinant les bâtiments en lorgnant les seins pointus d'un pin-up italienne où l'œil et la main s'associent pour courber un toit en pestant bien entendu contre cette modernité bien trop limitée à la ligne droite comme si la géométrie devait s'opposer à la sensualité.
Lui, Jean-Michel pouvait de ces courbes inversées et complexes en déduire les forces et le calcul des paraboles hyperboliques qui n'avaient d'organique que le calcul exact de leur soutien tout comme les végétaux simplement se plient aux forces naturelles de la pesanteur et des masses.
Mais qu'importe ! D'abord, il y avait la joie d'être à la mer, au soleil et à l'ombre aussi ! Le grand voyage en Méditerrannée, il y a longtemps qu'ils l'avaient programmé avec Jocelyne sans jamais avoir pu le réaliser même pour leur voyage de noces. Alors Jean-Michel avait accumulé les images, les articles sur les architectures qu'il voulait voir et Jocelyne avait fait de même avec les lieux touristiques et les musées. Tout tenait dans une boîte à chaussures glissée sous le lit dans l'appartement. La DS Citroën étant livrée, il fallait profiter de cette auto toute neuve pour partir loin et longtemps. On ouvrit donc la boîte et ce fut cet été 62 que le couple prit la route enfin. Momo et Gilles resteraient en France avec Yasmina, une petite villa fut louée à Royan grâce à la complicité de Pierrette Berjaud.






Aujourd'hui, Jean-Michel pouvait s'installer sur une chaise longue, face à la mer et entamait la lecture du journal tout en italien. Il essayait de comprendre quelque chose et riait de lui-même et de sa prononciation que le serveur italien venait reprendre régulièrement en lui montrant comment placer la langue entre les dents ou ouvrir les lèvres pour bien articuler les mots. Pendant ce temps là, Jocelyne écrivait sur la table quelques lettres et cartes postales en attendant son Campari. Elle avait mis sur sa tête ce chapeau de paille dont Jean-Michel disait qu'il la faisait ressembler à un abat-jour mais cela ne faisait pas sourire Jocelyne qui n'aimait pas tant que ça être taquinée...

La carte postale est une édition Ines Giordano. Vera Fotografia si ! Elle fut vraiment expédiée en 1962...













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