mercredi 5 février 2014

Toulouse, le Mirail sans tain

Il existe sans doute peu de cartes postales aussi importantes dans ma collection.
Celle que je vais vous montrer résume à elle seule les espérances, la poésie et l'utopie d'une période de l'architecture française achevant dans un geste ultime l'héritage d'une modernité essoufflée.
Nous pourrions bien aimer Toulouse le Mirail :



La carte postale des éditions Cely nous donne des informations : Future Cité de Toulouse "le Mirail", photographie de la maquette, Photo reportage de YAN. pour les éditions Cely-Marcel Pendaries.
Nous sommes donc certains que la ville n'est pas encore construite. On remarque qu'aucun des architectes n'est nommé et qu'aucune date sur l'achèvement n'est précisée.
On peut, comme c'est souvent le cas avec les photographies de projets et de maquettes, se demander où étaient diffusées les cartes postales et pour quelle raison ?
Dans le centre historique de Toulouse ? Dans un appartement témoin ? Par quelles institutions ?
Cely est un éditeur bien connu auquel on aurait passé commande ?





D'abord on est pris par l'évidente beauté plastique de la maquette et de cette photographie en noir et blanc qui fournissent de la future cité du Mirail une image très moderne et abstraite dont les influences suprématistes ne font aucun doute. Cette abstraction est souvent une lecture malheureuse et superficielle d'une maquette qui ne peut qu'être qu'une traduction de l'avenir et du réel. Tout est toujours propre et clair sur le carton et le balsa, le blanc du béton de la dalle, les ombres franches ne font peur à personne. Pas encore...
Et les brocolis des arbustes donnent même à l'ensemble un charme de train électrique, une ambiance à la James Bond.
Mais le réel...
Car que peut-on lire depuis cette maquette ?
S'il est patent aujourd'hui que le Mirail est une difficulté (c'est un euphémisme) il n'en reste pas moins l'une des plus pertinentes réussites urbaines. Digne des constructions des Bastides, des forts Vauban, elle a voulu dans un effort insensé se mettre au service de ceux qui vivent là. Mais les architectes sont de piètres hommes politiques qui ne savent pas plus lire dans les lignes de la main de la France que Madame Irma dans les lignes de la mienne. Et la sociologie est parfois retorse aux formes.
Ils voulaient donner au piéton toute sa place, mettre les automobiles au rancart des parkings. Ils voulaient se faire croiser les gens dans des rues intérieures, sur des places publiques. Ils voulaient zoner, déterminer les circulations, les besoins. Que de bonnes intentions qu'il fallait espérer faire partager à 100 000 habitants. 100 000... Comment contenter tout le monde ?
Et surtout comment, alors que la mixité sociale était au centre du projet, faire fonctionner une ville devenue un ghetto social ? Tous égaux à briser leur vie difficile sur du béton, certes généreux à leur espoir, mais dur à leur réalité ?
Je reprends une fois de plus les interrogations datant de 1970 de Dominique Amouroux qui, dans son excellent et prophétique Guide d'architecture contemporaine en France avait déjà saisi les difficultés. Et s'il n'épargne pas les architectes pourtant reconnus, il sait aussi que la puissance politique et administrative joue autant avec nos vies, avec nos corps et leurs rapports que les formes généreuses et humaines des architectes.
Et si Toulouse-le Mirail est un échec c'est un échec politique.
Le Mirail est un chef-d'œuvre.
Je voudrais continuer à le croire, à l'aimer autant pour sa réalité que pour sa promesse, celle de Georges Candilis, de son équipe qui portait en eux une chose aujourd'hui disparue : l'espérance.
Faudra-t-il protéger le Mirail, l'inscrire comme Monument Historique pour éveiller à nouveau un intérêt pour ses qualités ? Faudra-t-il customiser les belles barres solides comme le fit Roland Castro à Lorient ? Faudra-t-il tout raser pour continuer à rêver, sur les ruines du regret, de son utopie ? Faudra-t-il le gentrifier ?
Si seulement nous avions une Ministre de la Culture nous pourrions l'interpeller. Mais le poste semble vacant... Non ?... Ah... pardon...
On trouve deux très belles vidéos sur internet.
L'une dans laquelle Monsieur Candilis revient au Mirail. Émouvante, dure, mais qui ne dit pas grand-chose de ce qui se passe là.
L'autre, historique, drôle et pleine de générosité, nous montre les architectes au travail. Et... ils travaillaient bien.













cliquez sur les vignettes pour voir les vidéos :










3 commentaires:

  1. A lire: LE MIRAIL MEMOIRE D'UNE VILLE, histoire vécue du Mirail de sa conception à nos jours, sous la direction de Stéphane Gruet et Remi Paillault, édition Polésis - AREA . 446 pages format paysage22x29.5

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Un projet créer par un grand homme avec bocoup d'imagination, j'ai grandi dans ce cartier est les souvenirs me traverse souvent l'esprit car il fesai bon vivre au mirail

      Supprimer
  2. Un grand projet créer par un grand homme avec bocoup d'imagination, j'ai vécu dans ce cartier est les souvenirs me traverse souvent l'esprit car il fesai bon vivre au mirail

    RépondreSupprimer