mercredi 4 août 2021

Viens ! On va démonter l'église !

Vous vous souvenez sans doute de la très belle cabine de téléphérique de Grenoble dessinée par le Groupe 6 :
Vous vous en souvenez parce que vous êtes des lecteurs et lectrices attentifs et donc, vous vous souvenez que ce bâtiment est important dans la famille Lestrade. Aujourd'hui nous allons voir d'autres images et cartes postales des architectes de ce Groupe 6 mais avant qu'ils ne prennent ce nom d'agence : Messieurs Pupat, Potié, Vincent et Pigeon, architectes. 
Nous avons eu envie de reparler d'eux d'abord grâce à deux cartes postales assez peu bavardes d'un point de vue architectural car elles ne nomment tout simplement pas... la fonction du bâtiment représenté ! Par contre, elles nomment les architectes...
Nous sommes donc au Saint-Hugues-de-Biviers, dans la commune de Montbonnot, dans un centre spirituel et de retraite. Un lieu donc dessiné et désiré pour être de repos, un lieu de retour sur soi et sur les autres. Voilà la forme que cela peut prendre :



La carte postale est une édition Studio Ambiance qui choisit un point de vue spectaculaire et qui, d'une certaine manière, sert et avantage l'architecture. Par cette prise de vue en contre-bas, voilà que les formes simples déploient une modernité certaine. Le traitement tout en blancheur des murs, l'opposition au bois, les trouées et la massivité donnent bien à cette image quelque chose d'appétissant. On devine déjà derrière que les ouvertures sont traitées avec qualité. Tout cela sent donc bien un désir de modernité adoucie, efficace mais pas ostentatoire, simple mais pas radicale. On pense à un Novarina par exemple. C'est chaleureux, accessible comme architecture, cela n'effraie pas, cela accueille avec douceur. 
Une autre ?



On devine mieux sur ce point de vue le bâtiment au fond mais le photographe fait tous les efforts qu'il faut pour que l'architecture semble perdue dans la nature ! On ne voit que peu de choses... Pourtant, là encore, on devine bien l'écriture équilibrée de l'ensemble. C'est tranquille comme architecture. C'est encore Studio Ambiance qui régale et qui n'oublie par de nommer donc nos quatre architectes.
C'est d'ailleurs à partir de ces noms que nous suivons la piste du Groupe 6. Il est aisé en tapant ces noms de les retrouver sur un autre projet religieux. Et quel projet !
L'église démontable de St-Jacques, à Grenoble ! Oui ! Démontable !
Sur cette carte postale on retrouve bien nommés les architectes Pupat et Potié associés à l'architecte Vincent. On est en 1958 donc bien avant le centre de Saint-Hugues-en-Biviers (1963). Dans le toujours indispensable et complet Le temps des églises mobiles de Pierre Lebrun on trouve un article précis sur l'histoire incroyable de cette église et de ce désir de la voir se démonter ou évoluer selon les besoins à venir. On ne paraphrasera pas ici cet article, afin de respecter le travail de Pierre Lebrun. Il est aisé de se procurer son ouvrage et de... le lire... Ce qui est remarquable c'est bien qu'alors l'église osait cette modernité et poussait sa réflexion sur ce lieu et son usage de manière particulièrement avancée, voire révolutionnaire ! Cela calme les étonnements de quelques photographes contemporains se croyant inventeurs de cette "découverte" soudaine. 
Regardons par exemple ce très beau cliché de Rambaud Photo pour donner à voir cette église incroyable.


N'est-pas là une carte postale magnifique ? N'est-ce pas là un vrai regard sur cette construction étonnante ? On sait bien que la photographie ici construit autant l'architecture que les architectes eux-mêmes, du moins le photographe comprend et saisit dans le même temps comment il peut révéler la plasticité du lieu et fabriquer son image. Saurions-nous deviner, depuis un tel cliché, que l'objet est une église, église  démontable en plus ? L'abstraction quasi-totale de l'image tenue dans son noir et blanc franc donne bien à cette entrée une puissance incroyable. Difficile d'appréhender la forme globale de cette église depuis ce point de vue. C'est comme cela arrive souvent avec les cartes postales, une carte pour ceux qui connaissent déjà l'objet.
La voilà plus clairement accessible dans sa forme globale :



Avouez que c'est assez surprenant comme forme pour une église... C'est très carrossé, très fermé, très massif. Depuis ce point de vue, rien mais vraiment rien n'évoque le lieu de culte. Pas de tentative de clocher, pas de décoration ou de signes permettant de comprendre à quoi sert ce lieu. On aime comment le toit très épais tombe sur les murs comme un couvercle puissant donnant l'impression que les murs rentrent dans ce toit. Bien entendu le noir et blanc accentue une certaine uniformité de l'église. Sans doute que les matériaux, dans leur diversité devaient offrir un jeu plastique plus évolué. Mais que c'est beau ainsi ! Quelle masse !
Il s'agit encore d'un cliché de Rambaud pour une édition sans éditeur, peut-être vendu directement dans l'église St-Jacques elle-même. La carte n'est ni datée ni expédiée. 
N'allez pas à Grenoble voir l'église Saint-Jacques. Elle ne fut pas démontée mais incendiée par des petits cons :
Il nous en reste des documents, des images et surtout une vraie altérité, elle, courageuse et inventive.
On reste admiratif des architectes Vincent, Pupat et Potié eux, bien nommés sur cette édition et on espère les retrouver un jour pour d'autres architectures aussi belles que ce soit sous leur nom ou sous celui du Groupe 6.
Merci messieurs !
Walid Riplet.

Le temps des églises mobiles
Pierre Lebrun
édition Infolio
isbn 978-2-88474-595-6
Pour le lire achetez-le !
Merci Valérie Herran pour le cadeau !


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