Ce que ne savait sans doute pas encore Alvar, c'est que le Groupe 6, les architectes de Grenoble ayant dessiné cette station de téléphérique, avait fait appel à son grand-père et à son jeune père pour régler certains points importants de la structure de l'appareil et notamment de son ancrage.
Les forces étant importantes et la sécurité devant être absolue, le père et le fils firent un travail attentionné et vérifié encore et encore.
Jean-Michel Lestrade avait aimé ce projet qui, sous la forme d'une immense cage de verre, permettait aux visiteurs de voir depuis l'extérieur la belle mécanique et le mouvement d'arrivée et de départ des cabines. Il y avait là une belle idée et les verres courbés aux angles, les huisseries d'aluminium lui faisaient penser aux architectures de Novarina et ou de Prouvé.
Il trouvait aussi très juste qu'on puisse ainsi accorder beaucoup d'attentions plastiques à un objet construit hésitant entre génie civil et architecture. Jean-Michel regarda sa famille faire l'ascension, tout doucement tirée par les câbles. Il répondit aux nombreux saluts d'Alvar. À son retour il lui fera une petite leçon d'architecture et de technique car il avait compris qu'avec ce garçon c'était encore possible, Alvar aimait entendre ses histoires et portait à son père et à son grand-père une vraie admiration.................................................................
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- Non, non, non... Enfin ! Mais regarde au lieu de fanfaronner...
- Ba, Papa je vois pas le problème...
- Momo bon Dieu, c'est sous tes yeux ! D'habitude tu es plus vif que ça ! Reprends la mesure là, celle-ci, regarde... Non... Là... Oui tu vois ?
- Oh putain ! Oh pardon, je voulais dire zut...
- Tu peux dire merde si tu veux mais tu me corriges ça et dare-dare !
Jean-Michel pointait son doigt sur les dessins de Momo et repoussait les calques et les brouillons dessinés par son fils. Ils tombèrent en un grand fracas, comme une immense cascade de papier depuis le haut de la table à dessin de l'agence dans l'indifférence du père et du fils. Il fallait d'abord que Momo comprenne d'où venait son erreur sur cet exercice en grandeur nature que lui faisait faire Jean-Michel sur des dessins de chantiers déjà livrés. Tous les soirs, pendant une heure, après son travail à l'agence et avant le repas, Momo se devait ainsi, puisqu'il avait décidé d'arrêter les cours, de suivre ceux de son père. Il y faisait d'habitude preuve d'une grande capacité de travail et d'analyse mais ce soir, sur les plans de l'école hôtelière du Touquet, il n'arrivait pas à saisir les jeux d'angles des planchers et des murs porteurs comme si sa capacité habituelle à projeter les formes dans l'espace mental était éteinte.
- Non mais c'est pas vrai ! Mais tu as la tête ailleurs ou quoi ? Là, tu me remets les 8 millimètres sinon les clients ils dormiront dans le vide, crétin...
Momo ne put s'empêcher de rire à cette idée. Son père fit semblant d'être sérieux et en appliquant une petite claque amicale sur le rond du crâne de son fils finit lui aussi par éclater de rire.
- Non mais sérieusement Momo ! Sois attentif !
- Ba, je suis un rien crevé et puis...
- ....et puis Monsieur sort ce soir... reprit Jocelyne qui venait de les rejoindre dans l'agence pour les appeler pour le repas.
- Ba, voilà, des gens vont mourir sous les ruines d'un hôtel parce que Monsieur Momo a un rendez-vous galant ! Ah ! Elle est belle l'architecture française ! Elle a de l'avenir !
- Tu ne crois pas Jean-Michel que tu en fais un peu trop... Et tout à l'heure encore tu es venu en catimini me dire ton admiration devant la rapidité de TON fils à faire les calculs pour une cabine de téléphérique... Alors ?
- C'est vrai Papa ? T'as fait ça?
- Oui... Bon... Oui... Tu t'en es bien tiré sur les fondations. J'aurais pas mieux fait c'est sûr...
- Tu peux répéter ça Jean-Michel ? demanda Jocelyne.
- Pas mieux fait... lâcha dans un souffle le mari.
- Whaou... lâcha Momo à son tour.
Il y eut un silence. Jocelyne regardait les deux hommes assis côte à côte ne rien se dire de plus. Elle revit Momo à son arrivée à Pantin et ses petits bras ouverts, quémandant d'être porté par Jean-Michel.
- Je vais pouvoir dire ça à maman Yasmina...
- Oui, tu peux, mon grand, elle peut être fière de son fils, affirma Jocelyne.
- Bon... euh... c'est pas tout ça, les congratulations mais moi j'ai faim... Et ça sent bon...
- Oui tu as raison Jean-Michel, à table tous les deux sinon ça va être trop cuit.
- Mais bon... Tout de même... Là il a failli faire une erreur et si je n'avais....
- Oh, mon chéri, fais-moi plaisir... Ferme... l'agence pour ce soir....
On entendit Momo monter quatre à quatre les escaliers vers l'étage.
- Tu peux nous dire ce que tu as de si urgent à faire là-haut ? Demanda Jocelyne à Momo.
- Je passe un coup de fil à Gilles, il faut que je lui raconte ça !
Merci à Catherine Schwartz pour cette donation.
Par ordre d'apparition :
- Grenoble, station du départ du téléphérique, éditions La Cigogne, expédiée en 1978.
- Le Touquet-Paris-Plage, l'école hôtelière, édition Combier, Pierre-André Dufetel, architecte.
N'oublions pas que des menaces planent sur cette superbe construction...
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