dimanche 16 septembre 2018

La tuile bouteille est une fusée céramique

Dans le Fonds Lestrade, Jean-Jean me trouve ça :


Cette photographie provient de l'Agence Interpresse, le tampon au dos de la photographie ne laisse aucun doute sur sa provenance.
Je vous donne le texte collé à la photographie qui nous raconte bien ce que nous avons sous les yeux :


Malheureusement pas datée, cette photographie comporte des trous aux quatre coins, ce qui prouve que Jean-Michel Lestrade avait punaisé pendant un temps ce document dans son agence. Pourquoi ? On ne sait pas. Admiration ? Travail en cours ? Ami ou connaissance sur le cliché ? Je penche assez pour cette dernière possibilité, à moins que Jean-Michel Lestrade n'ait tout simplement eu une relation amicale avec Jacques Couëlle l'inventeur du système. Pour l'instant aucun courrier, rien dans les archives Lestrade ne prouvent cette possibilité. En tant qu'amateur débridé de nouveauté, il n'est pas impossible aussi de penser que l'ingénieur en structure, amoureux des systèmes intelligents, ait trouvé là une expression parfaite de la structure naturelle appliquée à la construction.
Reste aussi à savoir comment il a pu obtenir ce cliché réservé normalement à la presse.
Nous sommes donc au Parc de Saint-Cloud lors d'une exposition internationale du Bâtiment et de la Construction où il est aisé de penser que Lestrade s'est rendu et qu'il a dû donc voir l'expérience en cours. On note que le document n'évoque pas Jacques Couëlle et nous donne un drôle de nom pour cette méthode de construction : la tuile-bouteille !
Cette manière de nommer cette technique est bien différente de celle plus commune de fusée céramique mais aussi, pourtant, certainement plus claire à son objet. Le mot de bouteille étant très juste pour que l'imaginaire fabrique la forme.



























La construction en cours est bien modeste, un peu plus haute qu'un homme et ne faisant que quelques mètres de longueur... Ayant pour vocation d'être démonstrative, et dans le temps court d'une exposition, il s'agissait sans doute d'être surtout didactique et clair. A-t-on pu visiter et pénétrer dans l'édicule pendant le temps de l'exposition ? Le chantier était-il terminé avant ou bien en cours pendant l'exposition ? A-t-on pu suivre la construction en direct avec, parfois, Jacques Couëlle sur place expliquant les enjeux de cette invention ?
Le document est difficile à dater. Je ne trouve aucune trace de cette démonstration dans cette exposition qui semble plus souvent nommée Salon des Travaux Publics.
Les habits des maçons sont bien peu marqués par une période, salopettes et bérets étant utilisés bien longtemps.
Je penche pour le début des années cinquante mais sans certitude.
Par contre, on comprend parfaitement la beauté et la simplicité de ce procédé des fusées céramiques. Un coffrage léger est construit, une saignée dans le sol est tracée, ne reste qu'à emboîter les fusées céramiques ou tuiles bouteilles depuis le sol en les scellant avec du ciment. Elle seront entièrement recouvertes ensuite par le dessus. Les quelques exemples de ce type de construction que j'ai pu voir laissent les fusées céramiques à nu dans leur sous-face et la beauté structurelle du module apparaît donc, dynamisant la belle voûte à la couleur chaude de la céramique : un must de l'efficacité structurelle et esthétique. On note que la courbe est déterminée avant le montage, elle est donc calculée, est-ce là que Lestrade est intervenu ?
Pour l'église de Grand Quevilly, (destruction honteuse) il y avait aussi des filins d'acier passant entre les fusées céramiques, sans doute que la taille de la voûte nécessitait à la fois un guide mais aussi une structure plus ferme. On note sur ce document des morceaux de bouteilles coupés et abandonnés permettant un ajustement au coffrage. Était-ce aussi amusant et facile à mettre en ordre que le système le laisse croire ? On devine derrière un rouleau de treillage métallique. À quoi servait-il et à quel moment ? Posé dessus en phase finale ? L'émotion devait être grande au moment du décoffrage et l'épreuve de vérification de la solidité bien... euh... courageuse ! J'imagine les maçons sautant à pieds joints sur le faîte de la courbe pour prouver sa solidité.
Dans l'une des revues d'architecture de Jean-Michel Lestrade, Walid Riplet trouve cette publicité ( Walid, veux-tu bien nous retrouver le numéro et le nom de cette revue ?) :



On note que l'inventeur Jacques Couëlle n'est pas nommé. La liste des qualités du matériaux est impressionnante et c'est sans doute ces qualités qui ont plu à l'architecte Paul Dremilly, car dans une autre revue, Walid me trouve ça et, là, je reconnais bien la construction !




























































L'article met surtout en avant le faible coût de la construction et oublie la qualité esthétique du bâtiment dont les courbes font bien références encore à Royan et Brasilia même si les murs en moellons s'y opposent un rien ! On remarque aussi que les fusées céramiques ne sont plus lisibles. Voici quelques images prises par votre serviteur. Le Temple est chaque fois fermé.




































































































Mais je ne possède pas de carte postale de ce modeste et intéressant édifice en fusées céramiques.
J'ai pourtant sous la main une carte postale qui pourrait bien nous remettre sur la piste de ce système. Même si, j'avoue, rien ne me permet de l'affirmer pour l'instant, mes recherches restant vaines à l'identification de l'architecte et du procédé technique utilisé.
Voici la carte postale en question :


Cette carte postale nous montre le Souk de Orléansville en Algérie. L'éditeur Chetrite ne nous donne malheureusement aucune autre information. Mais en voyant ces petits édicules, les uns contre les autres, dans une échelle de taille tout à fait similaire et une courbe de voûtes tout aussi proche, il est assez clair que cet ensemble a bien dû être construit en tuiles-bouteilles ou fusées céramiques. Les agrandissements ne me permettent pas de voir bien sous les courbes et je n'ai pour l'instant trouvé aucune information dans mes revues, dans le Fonds Lestrade ou sur Internet sur les architectes de cet ensemble. Udo Kultermann lui-même dans son ouvrage Architectures Nouvelles en Afrique ne nous donne pas la réponse alors qu'il évoque messieurs Mauri, Emery, Simounet ou Miquel pour cette ville...
J'avoue que pour des raisons de proximité géographique, j'aimerais bien que Louis Miquel y soit pour quelque chose !
En tout cas, j'aimerais bien que les constructions réalisées avec ce procédé ingénieux et beau dans sa grande simplicité et limpidité structurelle puissent être protégées et soutenues, étudiées et aimées. En Normandie deux exemples connaissent des sorts funestes : Grand Quevilly et Serqueux...
Espérons qu'ailleurs l'invention de Jacques Couëlle saura retenir l'attention. Espérons...
Merci Walid Riplet et Jean-Jean Lestrade pour vos efforts.

ne pas copier les documents sans autorisation de la famille Lestrade.

Pour revoir des articles sur Jacques Couëlle :
https://archipostalecarte.blogspot.com/search/label/Jacques%20Couelle
Sur la fusée céramique :
https://archipostalecarte.blogspot.com/2016/04/60-000-fusees-60-000.html 
https://archipostcard.blogspot.com/2007/10/grand-quevilly-construit-son-glise.html
https://archipostalecarte.blogspot.com/2015/10/sauvons-leglise-de-serqueux-avant-que.html 
https://archipostalecarte.blogspot.com/2014/11/sainte-bernadette-naime-pas-les.html
http://archipostalecarte.blogspot.com/2014/12/grand-quevilly-la-honte.html
https://archipostalecarte.blogspot.com/2014/10/le-diocese-marc-massion-et-bernadette.html
































































Dernière minute ! Dernière minute !










































































Alors que j'écris déjà l'article suivant, Walid et Jean-Jean m'envoient un incroyable document. Il s'agit d'un article publié en 1946 dans la revue Le Monde Illustré et qui évoque sur une page entière tout le procédé et l'avenir de la fusée céramique de Jacques Couëlle ! 
L'exemplaire de cette revue était parfaitement rangé dans le carton dédié aux techniques et au génie civil. Pourquoi ne pas y avoir pensé plus tôt ? En tout cas, cela prouve à nouveau l'intérêt de Jean-Michel Lestrade pour ce procédé.
L'article est simplement passionnant car il reprend toute la philosophie de Jacques Couëlle, son attachement à l'observation de la nature et aussi toutes les qualités techniques des fusées céramiques. On devine aussi la chance du chantier expérimental de la Reconstruction pour tenter l'expérience dans le réel. De plus, cet article nous met sur la piste d'une réalisation d'envergure à Marseille pour un camp de prisonniers et de déportés, le camp de Grand Arénas.
C'est passionnant ! Le dessin explicatif est superbe et la photo de chantier nous rappelle celle tout en haut de l'article. Je vous laisse lire, c'est un peu long mais je vous sais passionnés tout comme moi de cette aventure de la fusée céramique !
Merci Walid et Jean-Jean pour votre perspicacité !




































































5 commentaires:

  1. Dans ses mémoires, Fernand Pouillon a utilisé cette technique à la demande du gouvernement français pour construire des abris de fortune dans le sud de la France à la sortie de la guerre.

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  2. Bonjour
    Dans le livre mémoire d un architecte de Fernand pouillot
    Ed seuil 1968
    M pouillon explique page 40 L histoire de L utilisation de la fusée céramique pour la construction d un camp de réfugier après guerre

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  3. Bonjour,
    La première exposition internationale du bâtiment et des travaux publics s'est déroulé en 1955 au parc de Saint-Cloud mais des constructions y ont commencé en 1954. C'est donc un pavillon de l'exposition que l'on voit là.

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  4. Bonjour, la première exposition internationale du Bâtiment et des Travaux Publics s'est tenue en 1955 au parc de Saint-Cloud. Voir article du Monde du 25 mai 1955.

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  5. Bonjour, la première exposition internationale du Bâtiment et des Travaux Publics s'est tenue en 1955 au parc de Saint-Cloud. Voir article du Monde du 25 mai 1955.

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