Sur les quais de Rouen, un immense silo fait injure à la ligne de la ville et à l'architecture industrielle et efficace du Port autonome.
On fut surpris de la construction d'une telle masse et on reste perplexe quant à son esthétique dont le seul effort est un dégradé de bleu sans doute pour qu'elle se fonde dans le... gris de plomb du ciel normand.
Si on aurait pu aimer (et si on aime) une architecture puissante et solide, ici il s'agit bien plus d'une imposition que d'un brutalisme. Une promenade dans la très belle zone portuaire aurait pu permettre aux concepteurs de ce Panorama XXL de comprendre comment une architecture simple peut être belle quand elle est à l'écoute de sa fonction.
Car cet énorme cylindre tendu de bleu outragé est un panorama "artistique" et "culturel" puisque mis au point par un artiste, Yadegar Asisi, qui nous explique sérieusement lors de la présentation de son œuvre que les "artistes sont plus près de la vie que les scientifiques" (oui... on rigole) et que donc ce que l'on va voir est un bien une vue composée tentant de rendre une impression et non une réalité.
Ben voyons...
Déjà on peut émettre un doute sur ce postulat surtout lorsque l'on comprend que l'artiste fait des clichés, les découpe, les recompose, peint dessus un peu pour faire genre et nous donne à voir non pas un superbe panorama à 360 degrés peint mais une espèce de toile tendue sur laquelle ce montage photographique fait sous Photoshop est simplement imprimé au jet d'encre.
Mais pour voir quoi ?
La forêt amazonienne.
Si le sujet en soi n'est pas en cause, après tout on peut avoir le désir de comprendre et saisir cet objet spatial, ici la déception est au rendez-vous. Car, alors que l'on promet une sorte de vertige, de perte au milieu d'une forêt, on est surtout écrasé par un volume de béton occupant le centre dudit cylindre et qui empêche littéralement de se baigner dans l'image, image d'une pauvreté de profondeur de champ assez inédite. L'image possède ce "creux" de netteté à peine supérieur aux bâches imprimées actuelles qui recouvrent maintenant nos chantiers. L'autre erreur est de nous faire pénétrer le cylindre par le bas et donc de sentir en premier l'espace du cylindre, l'architecture de la tour et en aucun cas, cette perte quelconque de repère ou ce bain d'image.
On ajoutera que les postes de vision sont toujours entrecoupés par le design affligeant des garde-corps et de la structure et que les enfants ont la chance de voir le dit Panorama XXL derrière le dessin d'un grillage... Si, en plus, une musique tonitruante et ridicule vient vous avertir que c'est le jour puis que c'est la nuit et que, attention, la forêt c'est mystérieux, on est plus dans une œuvre artistique, ni même à la foire Saint-Romain (que la mairie de Rouen a osé laisser partir) mais dans un objet inutile, grotesque, ridicule quant à ses objectifs et à sa fonction.
N'y allez pas.
On espère vivement que cette attraction disparaîtra bientôt des quais de Rouen et que, rapidement cet espace retrouvera sa tranquillité visuelle faite du superbe entrechoquement des objets industriels du Port autonome maritime et de sa ville.
On pourra aussi regretter que dans une région rouennaise qui a vu naître l'un des pionniers du cinéma panoramique, on puisse aussi mal lui rendre hommage. Je pense en effet que l'elbeuvien Raoul Grimoin-Sanson, inventeur génial du cinéma à 360° qu'il appela Cinéorama et qui proposait dès 1900 un voyage en ballon lors de l'Exposition Universelle de Paris aurait bien rigolé devant autant de prétentions et d'inefficacités visuelles. Alors si la Région et la Métropole de Rouen soutiennent ce genre d'initiatives privées, donnent des permis de construire pour de si pathétiques constructions, elles feraient mieux de s'occuper de ne pas détruire son Patrimoine architectural et contemporain qui, lui, se meurt de jour en jour. C'est le choix du mauvais spectacle contre l'histoire.
Au fait, je vote demain.
Ici, on sent bien comment le spectateur est parfaitement "baigné" dans l'image...
Et ici, on voit parfaitement comment le jeune public aborde ce Panorama XXL au travers d'un grillage...
Pour rappel, voici des images extraites du très passionnant ouvrage de Raoul Grimoin-Sanson le film de ma vie, images qui, elles, donnent à rêver et à aimer le cinématographe, le monde, les regardeurs :
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire