jeudi 14 mai 2015

Avanti ! Haüsermann ! Avanti ! Loewy !



Disons que dans ma formation de jeune homme désireux de se cultiver, d'aimer le monde, d'en saisir les beautés, l'automobile a toujours été pour moi un objet possible d'interrogations car, tout comme l'architecture, il est à la fois un objet très technique et très porteur d'images au point d'ailleurs, parfois de faire de cette technique son image même ou, au contraire, tenter de la faire oublier.
Ajoutez à l'automobile qu'elle est par définition l'inverse de l'architecture puisqu'elle lui oppose sa mobilité et vous aurez compris que la réunion des deux objets produit forcément chez le jeune homme soucieux des désirs.
Lors de mes études aux Beaux-Arts de Rouen, j'avais la chance d'avoir une magnifique chambre d'écho à mes désirs d'automobile avec Marc Hamandjian qui, comme au jeu de ping-pong, me faisait la joie de renvoyer une balle plus bondissante encore et nos conversations glissaient toujours sur une opposition amicale entre Citroën et Renault. Chacun de nous avait des raisons de préférer sa marque automobile, Marc ayant un grand-père travaillant dans une agence Citroën et moi, ayant un grand-père et un père travaillant chez Renault. Le match Renault 16 et Ds pouvait commencer...
Mais il y avait une automobile et surtout un designer d'automobile que nous chérissions tous les deux : Raymond Loewy et sa Studebaker Avanti.
J'avais trouvé sur une foire à tout le fameux livre La laideur se vend mal et devant la prolifique carrière du designer, m'apercevant d'un coup que ce monde autour de moi avait été en partie dessiné par ce français devenu américain, j'étais aux anges. Et puis le bonhomme avait un melon énorme et j'adorais ça...
La Studebaker Avanti... Comment chanter une telle automobile ? La fausse simplicité des courbes  fluides de ses lignes contrariait à jamais les chromes agressifs de ses concurrentes, sa douceur calme contenant comme un muscle tendu presque toute l'énergie du moteur, le galbe évoquant sa vitesse de pointe ahurissante pour une voiture de ce type, tout cela en faisait un objet étrange et sans agressivité que je voulais alors, et veux toujours, posséder.
Mes étudiants aujourd'hui sont saoulés d'un discours bobo-chic qui fait de l'automobile un objet qu'ils méprisent. Ils disent bagnoles, caisses. La Studebaker Avanti est une sculpture tout comme la DS de Bertoni. Il s'agit d'abord d'une forme épousant une fonction. La Renault 16 de Charbonneaux est une fonction trouvant une forme.



Alors un peu comme Le Corbusier faisait poser une somptueuse Voisin devant ses architectures, comme Charles Bueb faisait poser une DS devant Ronchamp, je reçois une carte postale d'une Studebaker Avanti posant devant le Motel de l'Eau-Vive de Pascal Haüsermann. Même si l'époque est similaire, même si les courbes de l'un répondent aux courbes de l'autre, même si le plaisir de voir en une seule image deux icônes rassemblées, je suis pourtant persuadé que Raymond Loewy et Pascal Haüsermann n'avaient pas grand chose en commun. Le Streamline n'a que faire d'un béton projeté qui raconte bien trop sa méthode. Loewy ce n'est pas tant la forme utile ou l'économie ou encore l'idée d'un brutalisme simple des matériaux. Loewy c'est le dessin comme absolu. La ligne comme ultime décision, ligne franche, nette, décidée et qui dans son déploiement dit la fluidité des éléments qu'elle rencontre : l'air, l'eau, la main. D'ailleurs, Loewy ne s'est intéressé que peu à l'architecture. Il a décoré l'architecture, il a aménagé, au mieux a-t-il designé des stations-service. En cela, il diffère complètement d'un Buckminster Fuller son contemporain. L'automobile était une image de soi que l'on trimbale, un objet donnant un titre, un goût. La seule fonction que Loewy goûtait de l'automobile était la vitesse. Loewy aimait les Ranchs, aimait Manhattan. Il aimait l'Amérique des images, des mirages, d'une haute bourgeoisie américaine moquée par Saul Steinberg. Je ne critique pas cela et, avec lui, j'aurais aimé faire du cruising entre Philadelphie et New York dans la plus belle automobile du monde. Je le ferai un jour.
Je vous donne ici d'autres cartes postales offertes gracieusement par Bruno Tourmen du Motel l'Eau-Vive qui depuis peu et après un travail acharné a reçu non seulement le Label Patrimoine du XXème siècle mais est également inscrit à l'inventaire supplémentaire des Monuments Historiques.
Allez-y avec l'automobile que vous voulez, vous y serez toujours bien reçu, c'est un endroit superbe et accueillant.
Je vous offre également quelques images supplémentaires de la plus belle voiture du Monde provenant du fonds photographique de l'agence de Raymond Loewy en ma possession... Oui ! On ne se refuse rien... On y voit Raymond Loewy vêtu comme un vrai cow-boy et faisant semblant de modeler la glaise du projet de l'Avanti !
Ne pas dupliquer sans mon autorisation...
Et, une bonne fois pour toute, non, non, non, Raymond Loewy n'a pas dessiné la bouteille de Coca-Cola... Il l'a, au mieux, redéfinie.
Alors Avanti Raymond ! Avanti Pascal ! Et si la laideur se vend mal, elle trouve tout de même partout, malheureusement dans notre paysage architectural et automobile encore bien des occasions de s'exprimer...
Merci Bruno pour cet envoi généreux. Les cartes postales sont toutes éditées par le Môtel et disponibles sur place.
http://www.museumotel.com/architecte.htm













1 commentaire:

  1. LECLERCQ URBANISTE14 mai 2015 à 21:07

    Jeune, entre 1956 et 1961 à Angoulême, sur le parcours me menant à mon collège je croisais cette Studebaker...quelques années plus tard, à Dijon, j'ai croisé une station servie "designé" par ce même Loewy...LES DEUX AVAIENT DE LA3"GUEULE"

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