D'abord où sommes-nous ?
Il nous suffit de retourner la carte postale pour savoir que nous sommes à Alfortville, devant la chaufferie des grands ensembles. C'est ainsi que l'éditeur Combier nomme le lieu. L'objet est si saisissant qu'il mérite un cadre entièrement fermé sur lui, oubliant les grands ensembles en question qui d'ailleurs n'apparaissent absolument pas dans l'image. On trouve également les noms des architectes, Messieurs Jacques Robert et Pierre Raymond.
Avouez que l'objet est étonnant. On a déjà vu sur ce blog d'autres chaufferies surprenantes faisant l'objet également d'éditions. Mais cette chaufferie d'Alfortville a eu les honneurs de la presse et de l'édition puisque Dominique Amouroux l'a publiée dans l'irremplaçable Guide d'architecture contemporaine en France et Architecture d'Aujourd'hui de juin 1968 lui offre une page !
On restera conquis par la lumière posant de l'or sur la surface textile de la chaufferie, on restera ému de la grande ligne parfaitement redressée de la cheminée cylindrique montant dans un bleu étendu et égal. La carte postale ainsi vaut bien la photographie plasticienne. Elle n'est ni cynique à un regret, ni menteuse à son objet, elle est objective par désir amoureux.
Regardons ce que nous dit Monsieur Amouroux :
On remarque l'insistance sur la structure en oubliant un peu la forme qui en résulte et les références qui s'y attachent. L'exploit et les capacités du lamellé-collé que nous aimons tant ici sont mis en avant, permettant un dégagement ample d'une surface sans point d'appui interne.
L'Architecture d'Aujourd'hui nous offre plus d'informations techniques sur cette chaufferie et nous montre aussi l'intérieur.
Imagine-t-on aujourd'hui qu'un éditeur de cartes postales prenne ainsi en considération un élément aussi prosaïque pour en faire une carte postale ?
Imagine-t-on une époque où la modernité architecturale fut si considérée dans ses formes et dans ses promesses qu'une personne puisse avoir envie de se faire reconnaître par son correspondant au travers d'une image de son quartier représentant une chaufferie ?
L'étrangeté architecturale était certainement l'objet de cette image mais ce qui en fait la force aujourd'hui c'est que, cette carte postale n'a subi aucune contrainte de la pensée fatiguée de notre époque à aimer ces lieux seulement par le dépit ou par le regret et une fausse conscience des enjeux de l'image : une fraîcheur de pensée pour une chaufferie, en quelque sorte.
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