jeudi 27 août 2020

Paul Vimond caché derrière une Tournesol

 

Voilà qui est amusant et qui prouve qu'il faut travailler et pas se contenter des icônes. Sur une carte multi-vues, bien entendu, je suis attiré immédiatement par celle qui me montre une piscine Tournesol, ne faisant que peu de cas de ce qui se trouve autour. Le fruit cache le feuillage. Il ne faudrait pas non plus regretter trop vite de découvrir une nouvelle piscine Tournesol à ajouter à sa collection et se dire qu'avec un peu de chance, nous finirons par trouver une carte la montrant toute seule. Mais l'esprit curieux va regarder autour et le mot Z.U.P au verso va me pousser à en savoir plus sur cet espace de Cherbourg Octeville, d'ailleurs nommé par l'éditeur Le Goubey Communauté Urbaine de Cherbourg, ce qui est déjà une manière de raconter l'urbanisme d'Octeville.

En quelques recherches rapides, il est aisé alors de trouver un nom d'architecte (manquant sur la carte) : Paul Vimond. Le voilà donc le responsable de cette Z.U.P d'Octeville. Élève de Perret, Grand Prix de Rome en 1949, il pourrait être en quelque sorte le pur produit de la formation des architectes des Trente Glorieuses appliquant alors les leçons du chemin de grue, le style Hard French, la rationalité affirmée que l'on condamne aujourd'hui souvent à tort.

 

Alors je cherche dans mon classeur Hard French et je me retrouve devant cette carte postale affichant avec fierté l'acronyme Z.U.P sur son recto, preuve à l'époque que tout le monde reconnaissait cette dénomination et qu'elle ne posait pas de problème. Le Quartier des Provinces d'Octeville est donc décliné en 6 petites vues permettant d'en voir son ciel bleu et ses roses rouges. Bien entendu, il s'agit aussi d'en vanter les modernités. La carte Emy par Le Goubey ne donne pas le nom de l'architecte et urbaniste Paul Vimond. Nous n'aurons pas grand-chose à dire sur cette architecture. Il y a là bien quelque chose d'archétypal qui, du moins, depuis ces images, ne donne rien d'autre que l'attendu du genre. Sans doute que Paul Vimond mériterait mieux de ma part. Et de la vôtre ?

Voilà aussi que dans la revue L'Ardoise (merci L'agence Lestrade*)  consacrée à l'Art Sacré, je trouve une double page sur l'église Saint-Pierre-et-Saint-Paul d'Octeville qui est bien l'œuvre de Paul Vimond et de Burckart. On sait même que c'est l'entreprise Breton qui réalisa le chantier de couverture et au vu de la forme de cette église, on comprendra la fierté de l'entreprise à avoir posé des ardoises sur cette tente réifiée pour l'église. On y reconnaît bien là aussi un certain style des trente Glorieuses, aux volumes très marqués, presque baroques, voulant ménager à la fois l'image de l'église comme un toit et le désir de faire moderne au milieu de cette Z.U.P. Cela produit un machin moderne d'une grande beauté plastique que l'on dirait construit pour la photographie et la jubilation de l'abstraction. Aujourd'hui on dirait un geste fort posé sur le tapis urbain (un truc comme ça...)



 

Mais me manquent des cartes postales de cette église. Voilà bien une déception ! Comment est-ce possible ? Il me faudra rapidement combler ce vide et sans doute aussi aller visiter celle-ci dans ce Cherbourg si loin et pourtant si normand. Que voulez-vous, l'exotisme n'est pas toujours là où on le cherche. Mais maintenant je dois choisir dans quel classeur ranger la première carte postale. Celui du Hard French, celui des Piscines Tournesol, celui des architectes ?

* Merci Walid Riplet


dernière minute ! dernière minute ! dernière minute !

Voilà que m'arrive, gentiment envoyée par notre ami Daniel Leclercq la carte postale manquante à cet article ! Merci Daniel de nous fournir de la came de cette qualité. Alors, regardons. Nous avons bien notre église que l'éditeur Éditions Normandes Le Goubey qualifie de moderne et il n'oublie pas non plus de nous informer de l'architecte Vimond bien noté au verso de la carte. Figure aussi l'annotation d'un mariage qui y a eu lieu le 30 août 1975 ! Voilà qui est touchant.  La carte postale en couleur met bien en avant les qualités plastiques de l'ensemble et le jeu incroyable des triangles et des pointes qui la composent. On note la présence de matériaux traditionnels comme l'ardoise bien entendu mais aussi le bois sur ce beau socle de béton très clair, presque blanc. Voilà donc un bel objet éditorial que nous garderons d'autant plus précieusement qu'il arrive de notre ami Daniel !












En 2019, la piscine Tournesol était toujours en place à Octeville :




samedi 22 août 2020

Port Gruissan ? C'est Daniel Leclercq !

L'histoire de l'architecture est souvent écrite par des professionnels de la recherche, des historiens de l'architecture construisant leur théories et explications au sein d'une corporation qui se reconnaît. Pourtant, il existe des personnalités qui, souvent par amour pour un lieu et une histoire, construisent à leur tour des histoires de l'architecture. Par le biais d'un regard amouraché, ils réussissent à rétablir si ce n'est une vérité du moins des précisions plus grandes, des originalités hors d'un commun admis de l'histoire de ces lieux, de ces architectures.

Daniel Leclercq depuis des années maintenant est de ceux-la. Port Gruissan, c'est Daniel Leclercq. Et il travaille Daniel, il creuse son sillon, il cherche, toujours prêt à remettre en question le dogme, à rétablir la vérité, à décrypter les documents, à les faire chanter entre eux, se refusant à croire trop rapidement aux affirmations répétées toujours avec les mêmes inexactitudes. Il aime aller à la source où l'eau est plus fraîche et plus limpide.

Voilà que je reçois de sa part deux ouvrages entièrement consacrés à Port Gruissan et à son architecte Raymond Gleize. On y retrouve son goût immodéré pour une analyse pointue, une jubilation documentaire et ce désir un peu fou d'aller contre des préjugés et des présupposés. Il n'a pas peur. Il n'a pas peur parce qu'il travaille.

Certes, parfois c'est touffu mais que voulez-vous, si vous tenez à comprendre la Mission Racine, l'implantation de Port Gruissan et de ses choix esthétiques et urbains, il ne faut pas faire semblant de lire mal des documents mais bien prendre les traces et archives pour ce qu'elles sont : indispensables pour penser vrai. C'est l'amour qui le conduit, qui le porte. Car il vit cette architecture, il la parcourt, il l'arpente, la décrypte et tente même tout pour en défendre son plan masse et ses décors les plus fins, ses espaces publics et les crépis des murs. Un vrai travail d'inventaire comme on dit dans le métier. Il ne fait aucun doute que ce travail gigantesque devra servir à l'avenir de base à toute analyse patrimoniale de Port Gruissan. Daniel Leclercq est, de fait, une autorité, c'est-à-dire, au sens noble, il est autorisé à parler et expliquer. Car, chez lui, il y a surtout ce désir de passeur, de pédagogue. Il veut être précis pour aider à comprendre mais il ne manque alors ni d'humour, ni de fantaisie et même de délicatesse que ses photographies des lieux ou le jeu amusant et frais d'une fiction lui permettent de révéler. C'est goûteux.

Alors bien entendu Port Gruissan est aujourd'hui bien moins mainstream que La Grande Motte, la Reine de la Mission Racine. Mais justement, il ne faudrait pas que son ombre occulte les autres lieux et Port Gruissan mérite de fait ce regard. Car c'est une ville équilibrée, moderne, moins spectaculaire sans doute mais aussi plus urbaine au sens exacte de l'urbanité : vivre une vraie ville. Port-Gruissan est marquée par une architecture sensible et délicate qui a presque pour vocation d'en faire oublier l'extravagance d'une modernité de spectacle de sa grande sœur. Une sérénité franche.

Port Gruissan a de la chance d'avoir Daniel Leclercq.

Lisez Daniel Leclercq ! 

Ce livre est un ovni dans la production des livres d'architecture et même une audace car Daniel Leclercq y joue un jeu curieux dont je vous laisse découvrir la règle en le lisant. En tout cas, l'entretien qu'il produit avec Raymond Gleize permet de bien entrer dans le travail de l'architecte et de ses subtilités en oubliant pas, en retour de dresser un autre portrait, celui de son auteur. Savoureux, je vous dis et inédit dans sa forme et dans la richesse de son fonds historique. 

Entretiens, Raymond Gleize, essai. Daniel Leclercq éditions de Saint/Roch 

Ce grand album est LE livre sur l'histoire de Port-Gruissan. Bourré de documents, rempli d'une analyse fine de l'histoire, Daniel Leclercq y plonge littéralement dans toutes les particularités, les aspérités, les contre-vérités pour rendre un hommage appuyé à cette ville et à ce projet inscrit dans la Mission Racine. Le chapitre sur Paris Match est réellement typique des errements faciles empruntés par les répétiteurs que Daniel Leclercq corrige avec précision. Et ça change beaucoup de choses sur la vision de cet ensemble ! Tous les amoureux de l'histoire de l'architecture du balnéaire et de cette période architecturale devraient regarder cet ouvrage comme l'exemple de ce qu'il faut faire pour bien restituer une histoire : précision et amour mêlés. C'est aussi un beau livre à l'iconographie bien choisie venant appuyer l'argumentaire.

Port-Gruissan, Patrimoine (remarquable) du XXe Siècle, Daniel Leclercq, édition Valda/Saint Roch 

Et comme Daniel Leclercq n'oublie pas les cartes postales comme documents possibles à l'histoire de l'architecture, j'en glisse une petite qui le réjouira. il s'agit d'une édition As pour Apa-Poux à Albi. la carte n'indique ni le nom de l'architecte, ni du photographe; Nous sommes sur le nouveau port et on y voit bien la belle architecture-signature de Port-Gruissan :

 

Pour voir ou revoir des cartes postales de Port-Gruissan :

https://archipostalecarte.blogspot.com/2016/01/gruissan-son-guide.html

https://archipostalecarte.blogspot.com/2013/07/port-gruissan-en-verite.html 

https://archipostcard.blogspot.com/2010/04/bleu-jaune-orange-gris-nostalgie.html


mardi 18 août 2020

Aître ou ne plus être avec beaucoup de mépris

C'est comme ancien étudiant d'une école que j'ai beaucoup aimée que je me fais le relais de cette lettre ouverte adressée à Monsieur Mayer-Rossignol, lettre que j'ai bien entendu signée.
L'Aître Saint-Maclou de Rouen est un lieu exceptionnel, cela ne fait aucun doute pour personne.
Lorsque en 1988 je suis entré dans ce lieu qui était alors encore l'école des Beaux-Arts de Rouen, il était déjà question de sa restauration et chaque année, nous regardions notre magnifique école pourrir doucement, sans aucune intervention des élus d'alors. En étions-nous, nous étudiants, responsables ?
Les étudiants pris dans un espace aussi fort culturellement et historiquement ont toujours fait attention à ce lieu tout en l'animant de leur jeunesse, certes parfois iconoclaste, mais toujours attentive et même souvent fière de cet ossuaire devenue leur École des Beaux-Arts.
Alors, quand une revue* qui doit aux institutions qu'elle représente une certaine retenue se permet, sans aucune raison, d'attaquer l'héritage de cette présence (de 1940 à 2014 !) c'est la honte qui m'envahit. Nul doute que Messieurs Gossent et Randon les rédacteurs ont dû rencontrer des dizaines d'anciens élèves et enseignants pour produire le contenu éditorial de ce magazine.
 
Pour satisfaire qui ? Quel donneur d'ordre politique ?

Pour ma part, lorsque je parle de cette école, j'évoque ma chance. Ma chance d'y avoir vécu avec mes camarades un moment de vie important, d'y avoir rencontré certains enseignants qui m'ont offert mon autonomie. Toute cette histoire est ainsi perdue et oubliée par ces messieurs. Ils n'ont pas eu la chance de profiter de la vie culturelle de ce lieu. Les conférences, les colloques ? Sont-ils venus y assister ? Les expositions ? Les ont-ils visitées ? Il faut croire que non. Tant pis pour eux...
Il est grand temps que la Métropole de Rouen rende hommage à cette histoire au lieu de l'accuser, de la moquer, de l'ignorer ainsi. 74 ans d'histoire rayés d'un trait de plume mal informé...
Car si nous pouvons tous nous réjouir de la superbe restauration de l'Aître, doit-on pour ce faire trouver un coupable à son tardif intérêt ? Alors, cherchons-le, le coupable. Qui était en charge de ce bâtiment et de son état entre 1940 et 2014 ? La Ville de Rouen ? La Région ? Les Institutions Patrimoniales (DRAC etc...), la Métropole... ou les... étudiants, les enseignants, les agents techniques et administratifs de cette école ?

Monsieur Mayer-Rossignol puisque Monsieur Robert est parti sur ce geste de mépris.... peut-être pourriez-vous, vous, nous donner votre avis sur le contenu éditorial d'un magazine qui représentera votre futur politique et qui se doit, au minimum, au respect d'une histoire commune.

Voici ce courrier, n'hésitez pas à le diffuser, à le signer et l'envoyez ici :
mag@metropole-rouen-normandie.fr
 

Lettre ouverte à Monsieur Nicolas Mayer-Rossignol
Président de la Métropole Rouen Normandie

Monsieur Michaël Gossent, rédacteur en chef de le Mag Métropole Rouen Normandie et Monsieur Dominique Randon, directeur de la publication ont pris une énorme responsabilité.

Le numéro 54-Juillet-Août 2020 de cette revue consacrée en grande partie à l’Aitre Saint Maclou laisse tristes et surtout en colère toutes les personnalités qui ont participé à l’histoire de l’École des Beaux-Arts de Rouen depuis 1940.

Les sous-entendus et même les affirmations sur les conséquences de la présence de cette école sur l’état du bâtiment et sa nécessaire renaissance (sic !) sont insupportables et surtout totalement faux eu égard à ce qui s’est passé dans ce lieu sous l’impulsion des directeurs successifs, des équipes pédagogiques et techniques et bien entendu des étudiant-e-s qui ont animé et valorisé cet espace.

Comment peut-on écrire dans un magazine culturel et institutionnel page 9 :

«En 1940, l’école des Beaux-Arts récupère ces locaux de la Ville après l’incendie de la Halle aux Toiles. L’école quitte les lieux en 2014, laissant l’Aître dans un piètre état.»,

mais aussi page 5 : « Puis, il était devenu au XXe siècle un lieu enfermé et isolé. »,

et « l’espace redevient pour certains un petit havre de paix au milieu de la ville. Mais aussi le théâtre d’évènements culturels. Des spectacles, des concerts, des lectures… »

Comment peut-on laisser croire aussi que ce serait l’école (agents municipaux, personnels administratifs, enseignant-e-s, étudiant-e-s) qui seraient responsables de l'état de ce bâtiment ?

Avaient-ils en charge sa restauration ?

Bien au contraire, pendant toutes les années de cette occupation, aucun accident n’a été à déplorer alors même que la fréquentation y était dense. L’école étant habitée par les personnels, les visiteurs, les étudiant-e-s, les enfants et les adultes des cours du soir, et cela avec des ateliers techniques dont la maitrise des sécurités y fut contrôlée et maintenue grâce à une grande vigilance et une attention de tous à ce patrimoine. 

Comment peut-on à l’occasion de la sortie d’un tel magazine ne pas raconter l’importance pédagogique et l’écho culturel d’un tel lieu ? A-t-on oublié les nombreuses expositions qui y furent montrées et construites ? A-t-on oublié les interventions, les colloques et les conférences d’artistes organisés dans cette école? A-t-on oublié les centaines d’étudiant-e-s y ayant obtenu leur diplôme national ?

Quand la Métropole rendra-t-elle hommage à ce travail, aux artistes qui y ont enseigné, à ceux qui sont maintenant disparus ? Quand la Métropole décidera-t-elle de regarder aussi ce que sont devenus les étudiant-e-s venus ici dans ce quartier qu’ils ont aussi largement contribué à vivifier et dont nombre d'entre eux sont professionnellement inscrits dans la vie culturelle de l'agglomération ?

Nous sommes nombreux à avoir dans cet espace des souvenirs d’une émancipation culturelle forte qui font que, des années après, nous sommes encore attachés à ce temps, à ce lieu.

Réduire ainsi l’histoire de l’École des Beaux-Arts à un oubli méprisant en lui faisant porter des responsabilités patrimoniales qui ne furent pas les siennes est particulièrement déplacé et grave.

Vive l’avenir de l’Aître Saint-Maclou avec ceux qui y ont vécu, étudié, enseigné et surtout Monsieur Mayer-Rossignol, avec ceux qui ont aimé et continueront à aimer ce lieu.
 
Signataires :
Patricia Duflo, professeure à l’ESADHaR et à l’ENSA Normandie
David Liaudet, ancien élève de Jacques Ramondot
Anne Devillepoix, galeriste
Kacha Legrand, artiste plasticienne, enseignante ENSA Normandie
Jakob Gautel, artiste plasticien, enseignant à l'ENSAP La Villette
Laurie Lefebvre
Myriam Chaïeb Nairi, artiste
Fabien Persil, restaurateur de livres
Philippe Martin, artiste et professeur à l’ERBA
Guy Chaplain, professeur de dessin
Guy Lemonnier, artiste et professeur à l’ESADHaR
Eric Boucourt, ancien élève et membre du personnel technique du Guggenheim- NY
Dominique Le Gac, professeure de céramique
Jean-Claude Carpentier, technicien multi-media à l’ESADHaR
Julien Kuhn, styliste
Elisabeth Vaissaire, professeure d’Arts Plastiques
Sylvie Tocque
Virginia Mastrogiannaki, artiste
Vincent Victor Jouffe, artiste
Marc Hamandjian, sculpteur
Narek Voskanian ancien élève de l’école, artiste, réalisateur, photographe
Miguel-Angel Molina, artiste et professeur à l’ESADHaR
Marie Arrateig
Dominique Constantin Weyer, professeure d’arts plastiques
Mathieu Andrei, musicien
Thibault Le Forestier, administrateur de la Fraap, enseignant
Charlotte Baudet
Gérard Diaz, artiste, professeur à l’ERBA
Jean Rault, artiste et professeur à l’ERBA pendant une vingtaine d’année
Jean-Christophe Bailly, écrivain
Benjamin Frizon de Lamotte, Développeur pour la DGD à la recherche, à l'expertise, à la valorisation et à l'enseignement
Sébastien Blanchot, ancien élève
Jeremy André, animateur spécialisé à l’école TUMO, forum des images, Paris
Julien Binet, plasticien musicien
Jason Karaïndros, artiste et professeur à l’ESADHaR
Maxime Verdier, artiste
Victoria Selva,  artiste plasticienne
Sophie Roger,  artiste, professeure d’art Lycée Jean Prévost Montivilliers
Julie Lesage, directrice artistique
Maxime Fauvel, enseignant Arts Plastiques
Karl Thiriot, style maker
Sophie Grassard, plasticienne
Jean-Philippe Paumier, artiste (élève de 1998 à 2003)
Bernard Lallemand, artiste et professeur à l’ERBA
Philippe Janssen
Bérénice Duflo, professeure de lettres
Fanny Brianchon, professeure d’Arts Plastiques
Alice Delarue, peintre, accessoiriste
Martine Leclercq, professeur d’Arts Plastiques, Montréal Québec
Jean-François Raymond, peintre et enseignant
Emmanuelle Owen
Pascale Landais
François Audemar, peintre
Cécile Tombarello, élève à l’ERBA de 2001 à 2006- Responsable de Communication
Léo Martin
Marie-ange-le-rochais,   Auteure, peintre, illustratrice
Gilles Respriget, artiste
Magali Decaen
Florence Chevallier, professeure et artiste
Sophie Mari
Marielle Manteau, responsable Tiers-Lieu Numérique à l'Atelier 17 CCPOH Communauté de Communes des Pays d'Oise et d'Halatte
Stéphane Pichard, artiste
Julien Brunet, artiste plasticien diplômé 1998-2003 ERBA
Elodie Boutry, artiste
Olivier Nottellet, je suis artiste et professeur à l'ENSBA de Lyon
Dominique Debeir, artiste et professeure à l’ESADHaR
Lucile Encrevé, professeure d'histoire de l'art à l'Ecole Nationale Supérieure des Arts Décoratifs, ancienne enseignante à l'ERBA de Rouen
Eric Helluin, professeur à l’ESADHaR
Julie Faitot
Marie-Christine Leclercq
Martine Bavent
Catherine Bernard, artiste plasticienne
Tsuneko Tanuichi, artiste
Philippe Bergoin, musicien
Sébastien Pugna
Béatrice Cussol, artiste et professeure à l’ESADHaR
Claude Lothier, artiste professeur à l’Ecole des Beaux-Arts du Mans
Martine Goupil, artiste
Erwan Venn, artiste
Nicolas Moulin, artiste
Antonio Gallego, artiste, maitre de conférence à l’Ecole Nationale Supérieure  d’Architecture de Strasbourg
Stéphane Carrayrou, professeur d’histoire de l’art à l’ESADHaR
Paatrice Marchand, artiste
Robin Parcelier, artiste
Arnaud Caquelard, artiste
Edwige Brocard
Alexandrine Bonicki
Baptiste Gateau
Philippe Ripoll, écrivain
Claude Delafosse, dessinateur
Sabine Krawczyk, graveur
Lise Lecoq
Jean-Marie Dallet, artiste, professeur des Universités Paris Sorbnne
Xiaogang Huang, artiste, professeur de langue
Lison De Ridder, artiste, dessinatrice




vendredi 14 août 2020

Ça se Corse

 


Oh, je sais que l'on pourrait bien passer notre tour, ne finalement pas trop s'attarder sur ce type de constructions que nous aurions vite fait de classer dans un dossier brutalisme de promoteur ou bétonnage de style.
Certes, c'est vrai que moi aussi, je n'ai d'abord pas cru nécessaire de vous montrer cet Hôtel des Calanques à Ajaccio, sur le bord de la Route des Sanguinaires. J'ai mis longtemps même à m'apercevoir que j'avais deux vues différentes de cet Hôtel dans ma collection mal rangée. Mais quoi ? N'est-ce pas la vocation de ce blog de nous obliger à regarder aussi ce type de constructions peu ambitieuses, seulement désireuses d'être dans son temps, jouant des codes de ce qui est contemporain à son époque pour croire qu'elles font œuvre... N'est-ce pas là aussi la suite amusante de la réception des idées et des styles internationaux que de finir  dans quelques signes architectoniques sans prendre l'ampleur des vrais mouvements, des vrais radicalités ?
Et est-ce si grave de les aimer aussi pour ça, pour l'usure en quelque sorte des aspérités modernes ? Car, tout de même, par deux fois, dans les milliers de cartes que j'ai regardées, j'ai sélectionné cet Hôtel. Ce qui avait dû me plaire pourrait bien vous plaire aussi. D'abord la masse contre le paysage, l'Hôtel oppose son volume, s'impose, dur et minéral comme s'il croyait faire partie par sa couleur et son ampleur de la roche de la côte. J'ai toujours aimé les architectures qui poussent du coude le paysage et qui, dans leur boursouflure, tentent de l'inventer de nouveau. C'est bien le cas ici. Bien entendu, toute la réalité de cette construction sera d'offrir la plus large ouverture maritime, le plus grand dégagement sur la mer. Ce n'est pas tant une architecture qui doit être regardée mais bien plus sûrement une architecture pour offrir la vue sur l'horizon maritime.
Le caractère de cet Hôtel tiendra donc tout entier dans sa masse définie, étirée, affirmée par les coursives sculpturales dans un dessin raide et imposant, coursives un rien lourdes, un rien épaisses qui offriront l'impression générale du bâtiment et de l'ombre aux habitants. Mais qui a dessiné ce morceau ? Je ne sais pas. On notera le traitement du rez-de-chaussée en grosses pierres agissant comme un socle, un contre-fort donnant à l'ensemble une sensation de solidité ou aussi, certainement, comme une citation obligée à la roche environnante. Il faut bien dire la nature quelque part. Edmond Lay était-il venu en Corse ? À moins que l'architecte de cet hôtel n'ait même rêvé d'un peu loin à Franck Lloyd Wright...
Je sens que vous me trouvez un peu dur, un peu aride alors que non, vraiment, j'ai de la tendresse pour cette belle tentative presque brutaliste en Corse. Et comme la vue doit être belle ! Je n'ai aucun mal à m'imaginer posant mes coudes sur le parapet, à regarder la mer, et, là-bas, sur un autre balcon, au même étage que moi, un autre homme fait de même. La peau du bras prendra alors l'empreinte de ce béton corse tout comme le sable sur la plage prend l'empreinte de mes pas. Il fait beau. Arrêtons donc de parler d'architecture. Il y a mieux à faire le long de la Route des Sanguinaires.
Informations pratiques : la première carte postale est une édition Ape Genova datée par le correspondant de 1983. Aucun photographe nommé, aucun architecte nommé. La seconde carte postale est une édition Papecor avec un cliché provenant de l'Atelier de Photographie d'Ajaccio. Cette carte nous donne les informations suivantes : 230 chambres avec salle de bain et douche privée, toutes avec loggia, vue sur mer et mini-bar. Cela doit suffire à notre bonheur. Pourquoi nous donnerait-on le nom de l'architecte Mais si vous l'avez...
dernière minute, dernière minute, dernière minute :
Daniel Leclercq nous trouve l'architecte qui serait Jean-Rémi Eyssautier en 1975. Merci.

 

lundi 10 août 2020

Suisse très amicale et très brutaliste aussi

Avoir de l'écho, sentir que nos mots partent loin et rebondissent, ça fait du bien.
C'est exactement ce que me permet de ressentir Serge Fruehauf qui m'écrit et joint à son courrier deux cartes postales somptueuses et si nécessaires maintenant à ce blog. La première vient en complément de l'article sur Pierre Pinsard publié il y a peu et c'est d'ailleurs suite à cet article que Serge m'écrit et m'envoie la carte postale qui manquait à la suite de celles proposées à votre sagacité. Enfin une carte postale qui nous montre donc l'église de Pierre Pinsard bien réalisée et depuis son extérieur. Ouf ! La logique éditoriale est respectée : maquette, construction, intérieur, extérieur ! La carte postale enregistre bien toute l'histoire d'un bâtiment. Je vous conseille de la découvrir sur l'article consacrée à cette église ici :https://archipostalecarte.blogspot.com/2020/07/pierre-pinsard-cest-le-kirkeby-francais.html 

Mais voici que Serge joint à l'envoie une autre belle vue, de Genève cette fois, et c'est vrai que ce blog parle peu, trop peu, de la Suisse mais heureusement c'est souvent pour en évoquer ses beautés brutalistes. 

 

 

 

Nous sommes donc à Carouge-Genève devant l'incroyable série de barres brutalistes. Tout est à l'unisson pour cette carte postale des éditions Pierre Jaeger et fils : choix judicieux du cadrage, beauté ineffable de l'architecture (j'en fais trop ? Ah... vous croyez...) lumière superbe et aussi animation joyeuse des enfants libres de jouer dans la fontaine. Serge Fruehauf m'indique d'ailleurs que Georges Brera l'un des architectes des constructions serait aussi celui de la fontaine au premier plan. Quelle image non ? Je me pose la question de ma culture de l'architecture suisse qui, pour un admirateur de le Corbusier est bien peu développée. Est-ce que ce franco-suisse aurait bouché la vue sur son héritage helvète ? Où suis-je le seul dans ce cas à n'avoir que peu rencontré l'Architecture Suisse du Vingtième Siècle en carte postale du moins ? Quoi qu'il en soit, voilà une occasion de compléter et d'apprendre. Merci encore à la carte postale d'être ce vecteur de culture et merci Serge pour cette découverte. Pour tout savoir sur ce groupe d'immeubles, je vous conseille d'aller lire le très complet PDF de Édouard Terrier, je ne ferais pas mieux et j'ai horreur de la paraphrase du travail des autres :

http://icietla-ge.ch/voir/spip.php?article305

Dans mes archives, peu de traces de Georges Brera, l'architecte. Je trouve un article sur une villa dans un numéro de l'Architecture d'Aujourd'hui de 1959. C'est peu de choses... mais c'est déjà ça. On y lit bien cette écriture post-corbuséenne au béton brut bien affirmé dans des formes solides. On y retrouve aussi P. Waltenspuhl comme ingénieur pour la structure. Les photographies de cet article sont de G. Klemm.





























Pour revoir des beautés suisses :

https://archipostalecarte.blogspot.com/2019/10/deux-hotels.html

https://archipostalecarte.blogspot.com/2019/06/sos-helvete-brutalisme.html
https://archipostalecarte.blogspot.com/2018/04/i-shake-it-off_22.html

https://archipostalecarte.blogspot.com/2017/03/suisse-marocaine.html

mercredi 5 août 2020

Quand notre cœur fait boum.

Comme je le rappelais dans cette chronique corbuséenne*,  Charles Jencks a déclaré la fin de la modernité pour les États-Unis le 15 juillet 1972 . La destruction de Pruitt-Igoe figure dans tous les livres d'histoire d'architecture comme la parfaite illustration de la fin de cette modernité.
Mais en France ?
Certes, sur notre territoire, la politique patrimoniale sur les constructions du Vingtième siècle ne manque pas de signes de sa faiblesse de protection (et aussi de ses ordres reçus) et on ne compte plus les destructions, les défigurations de bâtiments pouvant réclamer le titre de martyr de la modernité.
Le Musée des Arts et Traditions Populaires de Dubuisson est sans doute en ce moment l'exemple-type. La défiguration à venir des Tours Nuages d'Émile Aillaud et Fabio Rieti en est un autre.
Il faut croire aussi que les fils ne comprennent plus leurs pères.
Mais la carte postale que je vais vous montrer est à la fois un document populaire et un programme politique : une étrange réjouissance.




































 
Est-ce que les historiens de l'Architecture verront un jour ces destructions spectaculaires comme des erreurs ? Sans aucun doute que ce type de paysage, cette approche de l'habitat et de l'urbanisme manqueront dans les visites urbaines. Aujourd'hui, on aime flâner sur les remparts de Vauban devenus inutiles. On aurait pu aimer dans cent ans, deux cents ans voir et visiter les archétypes d'une politique du logement collectif du Vingtième Siècle. Il faudra beaucoup d'imagination alors pour comprendre le choc des volumes, la puissance écrasante et subtile des espaces, la logique irrémédiable des modes de construction, les déroulements des vies mêlant fierté d'y avoir vécu et misère de n'avoir pu en partir, épuisées par de mauvaises politiques successives de remplissage et de déshérence sociale. Rien qu'à ce titre nous devrions les conserver.
Mais nous pourrions aussi le faire parce que nous y trouvons aussi une beauté, sentiment esthétique qui aujourd'hui semble intolérable et que l'on couvre immédiatement du fameux : "vous auriez voulu vivre là ?"
Pourtant ce sentiment esthétique et la force que je trouvais à cet ensemble, (justement son incroyable brutalité franche) auraient pu aussi participer à sa sauvegarde (et aussi une politique sociale plus juste et une attention permanente aux bâtiments). On sait bien que finalement ce n'est pas tant le bâti que l'on fait exploser ainsi. C'est un climat social que l'on croit éradiquer (en communicant dessus) par une fête de la dynamite, de la promesse d'une échelle plus humaine. On éradique aussi un espace et tout ce qui le constitue. Je dis bien TOUT ce qui le constitue. Si la gentrification sauve parfois les architectures modernes, ici rien n'aurait pu porter ce projet funeste d'un possible sauvetage par une bourgeoisie encanaillée d'un esprit populaire instrumentalisé comme un décor amusant à la vie d'adhérents à la Start Up Nation. Rien ! Alors laissons croire que tout cela est une fête, un spectacle et Boum !
Éditer une carte postale de ce moment est assez peu usité même si cela n'est pas unique. Doit-on y voir un regard distancié qui ne fait que suivre l'événement ? Après tout c'est l'histoire de la carte postale d'être un enregistreur des catastrophes. Doit-on y voir un objet éditorial de propagande pour dire les bienfaits d'un futur radieux n'ayant même pas peur d'une éradication totale ? Doit-on surtout y voir le cynisme d'un genre éditorial ayant, quelques décennies auparavant, chanté par l'impression de cartes postales la joie de vivre là enfin dans la modernité ?
Je ne sais pas. Je ne sais plus. Il faudrait demander aux éditions Dubray qui ne nomment ni l'architecte de la barre Églantine de Meaux, ni le photographe ayant réalisé ces clichés ni même les raisons de cette édition. Imagine-t-on la famille délogée de cette barre, quelques jours après l'implosion, envoyer cette carte postale à sa famille ? Et pour en dire quoi ? Soulagement, tristesse, tout cela en même temps comme dit l'autre ? Il me faudra en trouver des exemplaires avec au dos une correspondance signifiant l'impulsion (et non l'implosion) de cet achat...
Justement, ce mot implosion, décrivant une puissance venant s'exercer vers l'intérieur m'a toujours semblé parfait pour laisser croire que le problème dont la réponse est cette implosion viendrait de l'intérieur-même de l'objet que l'on détruit. C'est par et vers son intérieur, son contenant que l'on détruit. Le bâtiment doit disparaître sur lui-même comme si cette image signifiait d'où vient la responsabilité. Même là, on lui interdit sa projection, son extension. Il fait en quelque sorte communauté dans sa destruction sur lui-même. Borborygme final radical, pyrotechnie auto-nettoyante.
La carte postale date l'événement de 1990. Il y a déjà 29 ans. Je n'arrive pas à y croire. Ils sont donc nombreux ceux qui aujourd'hui regardent cette carte postale sans pouvoir y ajouter autre chose que l'image elle-même, pleine finalement que de son spectacle.
Elle est déjà un document, une trace, une relique.
Et sans doute, aussi, une nostalgie.
Et les couleurs de la République, bleu, blanc, rouge, affichées sur la façade de la barre Églantine ne devaient porter aucune fierté mais bien pointer les responsabilités politiques. La République a failli. A-t-elle failli quand elle a construit ? A-t-elle failli quand elle a abandonné ?
Vous aurez compris, je crois.





Pour revoir la Cité de la Pierre Collinet au mieux de sa force, je vous propose cette belle veduta.
Posées à champ comme des planches franches, voici donc deux barres de Meaux laissant à leur pied l'espace récupéré par la densité de l'habitat. Le parc est dessiné, entretenu, plein d'un futur que l'on croit encore long et qui laissera les arbres grandir. Voyez-vous que le pignon aveugle est peint d'une couleur jaune en dégradé allant du plus sombre au plus clair vers le haut de la barre ? Voyez-vous le jeu cinétique des façades et l'incroyable saignée géométrique de l'escalier qui me fait penser à une couture d'agrafes sur une cicatrice.


Julien est en vacances. Il envoie cette carte depuis Meaux en 1964 à Jean resté à Paris. Quoi de plus beau que de passer des vacances au pied du Hard French ensoleillé de Meaux ? Qui pour reprocher à Julien ce désir de jeu savant, correct et magnifique de formes assemblées sous la lumière ? Qui ?

La carte est une édition Hodbert, éditions de Massy pour Iris. Pas d'architecte nommé, pas de photographe nommé, devant autant de Beauté, on est sans doute obligé à la modestie d'un anonymat.
Pour tout savoir sur la Cité de la Pierre Collinet quoi de mieux qu'un inventaire du Patrimoine n'ayant pas servi à son sauvetage :
https://inventaire.iledefrance.fr/dossier/cite-de-la-pierre-collinet/f1880d4d-fad7-472d-a31d-6ac19037a55f
*Pour écouter ma chronique corbuséenne N°59 sur la fin de la modernité et toutes les autres chroniques :
https://archipostalecarte.blogspot.com/2017/04/les-chroniques-corbuseennes-disponibles.html
Pour revoir sur ce blog la Cité Pierre de la Collinet et Ginsberg :
http://archipostcard.blogspot.com/2019/02/as-tu-deja-oublie.html
https://archipostcard.blogspot.com/2012/09/ginsberg-la-barre.html
https://archipostalecarte.blogspot.com/2019/04/un-anneau-pour-les-reunir-tous.html
https://archipostalecarte.blogspot.com/2019/04/jean-ginsberg-le-mans-monaco.html
https://archipostalecarte.blogspot.com/2016/02/construire-sur-et-avec-la-fragilite.html
Pour voir d'autres exemples de cartes postales de destructions de l'architecture :
https://archipostalecarte.blogspot.com/2018/02/alain-bublex-mon-amour.html

Au lieu de vous donner des vidéos de la destruction de ces barres de Meaux, je préfère vous offrir celle-ci. Vous y retrouverez mon goût pour le spectral :