samedi 25 juin 2022

Je suis marabouté par Clément Cividino

Clément Cividino je le suis maintenant depuis bien des années et le travail qu'il fait ne cesse de m'épater. Il est un insatiable découvreur et promoteur du design. Il fait une chose rare aussi, il invente des trésors comme les Héxacubes ou le mobilier des V.V.F de Candilis et Blomstedt totalement oubliés alors des institutions patrimoniales qui aujourd'hui fanfaronnent sur le classement in extremis des Carrats à Port Leucate. Il vaut mieux tard que jamais sauf qu'avec Clément Cividino il vaut mieux très tôt que trop tard !
Alors une fois encore, le bougre m'épate avec la découverte du Pavillon Marabout conçu par Raymond Camus et Jean Prouvé.
Je n'avais jamais entendu parler de ce machin étrange, sorte de yourte de métal dont le dessin laisse un rien songeur, entre cabane de chantier à la Fillod et le kiosque de Casimir en moins Pop, plus technique, plus radical, un peu plus fruste peut-être que le reste de la production de Jean Prouvé, il est l'ancêtre des Tiny House d'aujourd'hui, tellement à la mode comme les Stations-Services de Jean Prouvé en passe de devenir aussi inabordables qu'une chaise Mullca aux Emmaüs de St Pierre-lès-Elbeuf. Pourtant, ce Pavillon Marabout Camus-Prouvé est intelligent, bien conçu, parfaitement dans l'esprit de l'époque, celui d'une construction économique et rapide pour aider les gens (et non pour offrir des nuits à 1500 euros ), il est aussi très très rare et permet de comprendre comment le génial Camus de la préfabrication lourde et le Quincailler de génie*, Jean Prouvé, pouvaient s'entendre si ce n'est sur l'architecture au moins sur la construction. Bien entendu, Clément Cividino nous donne immédiatement envie de devenir propriétaire, de poser sur un terrain le magnifique objet et bien entendu, un travail de réédition permettrait peut-être de faire revivre les qualités (et les défauts) de cette construction, il va sans dire qu'aucune entreprise ne se lancera dans une telle production et que les ayants-droits préféreront vendre des fauteuils à des prix peu dignes de l'héritage de Prouvé chez Vitra. Ne vous reste donc (comme un objet rare se le doit) qu'à débourser 250 000 euros pour acquérir le Mécano génial et briller dans le petit monde des propriétaires de meubles et d'architectures de Jean Prouvé.  Ce qui d'ailleurs, au prix hallucinant et hors sol des meubles de Prouvé reste une excellente affaire pour une architecture de l'ingénieur.
Vous comprendrez que, comme mon salaire (pourtant déjà conséquent et peu mérité) de prof en école d'Art ne me permettra pas de me l'offrir, je fais comme d'habitude, je fais semblant d'exprimer un problème de classe sociale et d'histoire de la destination de l'objet pour dire ma jalousie et mon regret. Mais je sais aussi que je peux maintenant connaître cet objet rare et en tout point remarquable grâce à Clément, grâce à ses qualités de découvreur et d'inventeur de trésor. Ça au moins c'est gratuit et Clément en cela est l'un des spécialistes du Design du XXème siècle des plus généreux. Merci donc Clément pour ton travail. 
Mais s'il y a une lectrice ou un lecteur généreux et qui veulent soulager ma peine... Je reste disponible pour un don.
On regarde des cartes postales ?
Allez...C'est déjà ça.

* dixit Charlotte Perriand elle-même.

Pour l'histoire et la description de ce Pavillon Marabout et son achat ou sa location allez là :
Pour voir la galerie de Clément Cividino allez là :




Les trois cartes postales que je possède de ce Pavillon Marabout Camus-Prouvé sont des cartes postales de la station d'Hassi-Messaoud dont le nom évoque toujours pour moi, la chanson c'est comme vous voulez d'Alain Souchon que j'ai eu plaisir de chanter lors de la dernière Chronique Corbuséenne. On ne s'étonnera que relativement qu'une expérience architecturale mettant en avant la préfabrication et le montage rapide et facile se pose dans cet espace si particulier qui agit dans l'imaginaire comme la construction d'une base spatiale. Ici, au milieu du désert algérien, l'architecture atterrit littéralement du ciel.
On notera que le Pavillon Marabout semble avoir été un bar, le Cha Cha Cha. On s'amuse de cette destination architecturale.
Cette édition Compagnie des Pétroles à Alger nous montre donc l'objet à gauche pris dans les baraquements de la station d'Hassi Messaoud, presque invisible. Qui sait comment ce projet a fini par atterrir ici ?





On retrouve notre construction sur cette belle carte postale en vue aérienne qui permet de mieux lire la structure et le dessin. Mais... regardez bien... Oui ! Il y en a deux ! Et si mon regard se place volontiers sur cette construction, il faudra aussi un jour parler du reste de la base qui semble bien riche en constructions étonnantes.
Enfin, pour finir, voici une superbe carte postale par Jomone en véritable photographie au bromure. Quelle qualité éditoriale ! Bords blancs, cuvette marquée comme une gravure, noir et blanc délicat et belle mise en scène. Superbe document !
La carte nous indique bien qu'il s'agit du bar Cha Cha Cha sur la base de Maison Verte. La carte n'est pas expédiée donc pas datée.
Il vous faudra donc partir rapidement à Hassi Messaoud pour acheter le ou les kiosques qui y sont certainement encore.... mais si, mais si... Regardez sur la vue satellite.




jeudi 23 juin 2022

Et sous Claude Parent, Le Corbusier

 ... alors que je découvrais la revue sur Claude Parent présentée hier, Jean-Jean continuait d'éplucher les archives et les deux cartons un peu humides sous le soupirail de l'Agence Lestrade. Nous nous sommes amusés que, moi derrière mon écran, je parlais d'un article sur Claude Parent, pendant que lui mettait la main sur cette revue : La Vie Catholique Illustrée.
Quelle chance ! Pas une trace d'humidité sur celle-ci alors qu'un Paris Match était en mauvaise posture sur le fond du carton ! Et quel document ! Une fois encore, on peut donc voir à quel point l'expérience de la Cité Radieuse a connu un écho populaire et médiatique puisqu'en 1949, alors même que la Cité Radieuse est encore en chantier, elle fait l'objet d'une double page très illustrée dans une revue pas particulièrement attachée à la diffusion de l'architecture moderne. La couverture à elle seule est très belle et émouvante et on aimerait mettre un nom sur cet ouvrier maçon tout sourire qui construit donc l'immeuble de Le Corbusier. On notera la beauté incroyable de la mise en page de cette couverture ! On croirait du Kollar ou la photographie d'un pionnier photographe constructiviste ! Superbe ! Superbe !
Faut-il remercier A. Sonine qui semble bien le photographe de cette couverture et qui est le seul crédité pour l'article intérieur comme photographe ? Sans doute.
Rentrons donc dans la revue et dans l'article :



On notera que le journaliste utilise un ton un peu réfractaire pour paraître encore plus convaincu en fin d'article de l'importance de l'expérience. Il fait une visite donc et égrène tous les détails déjà construits et ceux à venir. Son guide sur le chantier reste mystérieux sur son identité : ouvrier, architecte, personnel administratif ou municipal ? Réel ou peut-être d'ailleurs fictif. L'article est signé d'un L.-M. T. là aussi sans autre précision et le colophon de la revue ne permet pas d'éclaircir qui est ce visiteur journaliste.
La photographie de l'immeuble encore ouvert avec la dame qui tricote à son pied est juste incroyable. On note le désir pédagogique de la revue qui montre bien tous les aspects, maquette et dessin compris. Le travail des hommes est valorisé par une photo d'un charpentier et des vues du chantier. Mais la photo qui reste la plus mystérieuse est celle de l'intérieur d'une cellule avec trois jeunes hommes parfaitement installés pour montrer tous les espaces. Cette vue est donc construite totalement mais qui sont ces trois hommes et que font-ils donc dans un appartement meublé par Charlotte Perriand (buffet et fauteuil modèle N°21) ? On comprend donc qu'il y avait des casiers remplis et équipés alors que la Cité Radieuse n'était pas terminée. La machine à écrire ainsi que la sacoche sur la table font penser que nous sommes peut-être avec des collaborateurs du chantier. Qui saurait les reconnaître ?
La conclusion de l'article est magnifique et donne envie de se remettre à faire de l'architecture. Vivement la rentrée à l'école !
Bonne lecture.
Walid Riplet, Jean-Jean Lestrade.
pour revoir le Corbusier en revue :




















mercredi 22 juin 2022

Claude Parent en revue dans le Fonds Lestrade

 Parfois on se demande si on va arriver au bout de cet inventaire et puis, comme souvent on tombe sur des éléments peu intéressants, il y a aussi du découragement. Mais comme c'est relativement bien rangé et que l'on croit toujours tomber sur la surprise idéale, on continue. Et puis, il fait frais dans la cave de l'agence de Sèvres et en cette période c'est déjà ça de pris.
Dans un carton un peu humide, au milieu de notes et de chiffres sur des papiers libres et de l'étonnement de trouver aussi...des recettes de cuisine (!) on tombe sur cette revue d'avril 1965 présentant la future Maison des jeunes et de la Culture de Troyes dont la maquette fait la couverture. David a déjà évoqué avec vous, il y a longtemps, cette Maison des jeunes de Claude Parent mais pour une fois et avec son accord, nous avons décidé de vous présenter cette revue. Et puis l'actualité sur Claude Parent est vive puisque son fauteuil à l'Académie vient d'être cédé à Marc Barani et qu'une exposition à New York présente ses dessins. Et même sans tout cela, nous aimons toujours parler de Claude Parent sur ce site. Alors...
On s'étonnera que dans la revue peu de place soit faite à l'architecte car aucune interview ou même texte de l'architecte n'y figurent. Mais on retrouve les plans et aussi une certain idée de l'attente programmatique du futur lieu. On notera aussi que le vocabulaire est bien celui de l'époque avec d'abord l'idée du prototype, de la polyvalence du lieu, de son adaptabilité et son évolution possible, une importance aux circulations et croisement, une architecture lisible entre bloc fermé et transparence d'une structure remplie de verre. On dirait le programme du Centre Pompidou ! L'ensemble voulant absolument être moderne c'est à dire reconnu comme tel, ayant aussi comme fonction cette projection directe dans le présent et l'avenir. On reconnait bien là Claude Parent travaillant aussi avec  Georges Patrix pour une forme très designée comme on dirait aujourd'hui.
On sait malheureusement que ce prototype, exemple un peu à part dans l'oeuvre de Claude Parent n'a pas survécu...On ne sait pas comment cette revue locale est arrivée chez Jean-Michel Lestrade. On sait dans la famille qu'il visita la Maison de la Culture en 1967, il y a fort à parier qu'il y trouva alors cette revue.
On vous laisse donc déguster ce document dont le comité de rédaction reste inconnu.
Walid Riplet, Jean-Jean Lestrade.

Pour revoir en cartes postales (et en timbre !) cette Maison de la Culture :













lundi 20 juin 2022

Minuscule hommage à un grand architecte : Georges Maurios




J'ai sauté de joie. Oui, j'ai sauté de joie lorsque ma main a retourné cette carte postale et que mon intuition fut confirmée par une inscription : celle du nom de l'architecte Georges Maurios écrit au verso de cette carte postale des éditions Mage pour nous montrer le centre ville de Drancy.
J'ai "rencontré" Georges Maurios pour la première fois en 2010 en suivant le guide d'architecture de Paris* pendant des promenades architecturales que je faisais alors, persuadé qu'aller voir c'était voir. Il s'agissait de viser un immeuble de logements, Rue st-Jacques. Aujourd'hui, même si je me replie le plus souvent derrière mes images, je reste tout de même très heureux de comprendre qu'il suffit de peu de choses pour appréhender une écriture que l'on reconnaît de suite comme particulière et intéressante.
Ici, le photographe des éditions Mage se place (nous place ?) devant le fait accompli d'une certaine minéralité de cette place dont le sol prendra à lui seul la moitié de l'image. On notera la belle étendue du champ coloré qui part bien de ce sol vers l'architecture offrant cette tonalité ocre blond à ce morceau de ville dont seuls les lampadaires et les bancs couverts de carrelage blanc (Henri Sauvage est dans leur esprit ?) viennent troubler l'unité. Et, immédiatement, l'étendue se cogne contre une grille architecturale absolument magnifique dont la vis de l'escalier, projetée sur l'extérieur, vient rompre l'orthogonalité. Ombres, dessins, percées rythment donc cette façade et ne laissent pas mon œil indifférent. C'est bien ce qui me fera sortir cette carte du lot. Mais, bien entendu, difficile de dire depuis cette carte postale que j'ai vu le travail de Georges Maurios. J'entends déjà les critiques du cadre, de l'extérieur des images, de l'autorité des limites, de l'impossibilité de saisir depuis une image les jeux et enjeux d'une architecture. Et pourquoi donc être aussi affirmatif ? Pour ma part, parce que j'ai appris à ajouter aux images la culture des pratiques et des expériences, je me sens donc capable d'admettre et de recevoir ma joie esthétique. Je prends ce que je peux et je m'en réjouis et puis dois-je aussi le formuler comme ça : aussi donc, je me fais confiance.
Je fais confiance à l'architecte aussi, à Georges Maurios, car le reste de sa pratique et de ses constructions me permettent d'être certain de son attention aux espaces. C'est la chance de la connaissance. D'abord une forme de confiance oui. Bien entendu, il me faudra bien aller à Drancy pour confirmer ce que je crois percevoir. Je vais traîner un peu dans la Google Car en attendant. On notera que la carte postale nomme aussi le paysagiste avec lequel Monsieur Maurios a travaillé : Mr Coulon.
Il semble que l'ensemble soit en bon état. Comment la police de l'écologie va-t-elle ruiner cet ensemble d'une superbe écriture spatiale par l'isolation extérieure ? Restons vigilants.
Et, soyons certains, comme nous sommes en Ile-de-France qu'aucune protection patrimoniale ne sera donnée à ce morceau d'architecture.

* Guide d'architecture Paris Pavillon de l'Arsenal
Éric Lapierre, 2008. Un must, un indispensable, un travail de dingue.