mercredi 24 juillet 2019

La nuit sur leur vie

Il m'est toujours apparu comme étrange ce noir profond entourant les photographies de maquettes d'architecture.
Il ne s'agit pas d'une nuit tombée sur les bâtiments ou imitée par les photographes de studio car cette nuit artificielle ne laisse aucun doute sur la nécessité et la raison de faire voir le bâtiment. Il n'y a là aucune illusion d'une nuit mystérieuse, enveloppante, occultante. Non, bien au contraire, ce noir est celui d'une lecture maximum qui doit, par l'éclairage contrasté et parfaitement englobant, faire lire la maquette. C'est un noir qui cerne, qui entoure, qui donne à voir.
La lumière, si elle tournait autour de la maquette dans le studio du photographe, donnerait forcément à voir la banalité des artifices du studio. Cela serait trop direct comme lecture de l'échelle. Ici le noir autour des maquettes sert bien à oublier la réalité de cet espace du studio, à faire tenir dans un onirique réel la forme parfaitement lisible de la future architecture.
Comme c'est beau cette poésie étrange.
Mais personne n'est dupe. Ni du jeu des illusions des échelles, ni des illusions des lumières. Personne, ni l'architecte, ni le maquettiste (personnage toujours anonyme) ni l'acheteur de la carte postale.
Tout tient dans une cohésion de principe, une adhésion à ce jeu.
Voici :



Cette somptueuse représentation de la maquette du pavillon de l'U.R.S.S pour l'exposition de 1937 ne nous donne pourtant ni le nom du studio de photographie, ni le nom du maquettiste. Cette carte postale par contre nous donne bien le nom des architectes : Iophan pour le soviétique et Bonnères, Coquet et Jossitewitch pour les français. Elle est une concession de H. Chipault pour S.P.A.
On les connaît bien.
On devine que la sculpture n'est pas encore bien déterminée. Peut-être que le maquettiste n'a pas su bien la réduire ou qu'il n'a pas eu assez tôt des images de celle-ci terminée. Mais d'ailleurs d'où provient cette maquette ? Quel est son rôle ? Où était-elle visible ? Qu'est-elle devenue ?
Dans l'exposition Rouge au Grand Palais, j'ai vu une maquette similaire qui me fit comprendre la radicalité de ce pavillon si souvent décriée comparé à celui plus bouleversant de Melnikov en 1925. Pourtant, ce couloir infini buttant sur l'étagement de volumes finissant en socle géant est, finalement, bien radicale aussi. Comme une locomotive cubiste.
Une autre nuit, à Paris, la même année :


Et pour le même H. Chipault...
Il devait avoir l'exclusivité des éditions de maquettes !
Ce très beau pavillon donnant à voir une complexité très technique faite de flèche, de croisillons, de portiques en métal et pleine aussi de décrochements est celui de la Tchécoslovaquie. On dirait presque l'une des Folies de Tschumi pour la Cité des Sciences, une sorte de condensé technico-futuriste dont l'influence vient jusqu'au Centre Pompidou...
L'architecte de ce beau pavillon est Kreskar dont je ne trouve de trace nulle part... Il est associé à Nicod, Molinié, Boulanger et Barberis.
Un accident de tirage ou de prise de vue produit un flou sur le devant de la maquette, comme une brume matinale. Les câbles sont mal tendus pourtant la flèche se dresse bien dans cette nuit de studio. Le contraste avec l'architecture de Iophan est dur. Ici la légèreté arachnéenne du métal répond à la masse des russes. Une fragilité peut-être...
Mais pourquoi Kreskar l'architecte de ce beau projet reste si peu visible sur le net ? Qu'a-t-il fait ? Qu'est-il devenu après ce moment parisien ? Est-ce que la nuit de la maquette serait aussi tombée sur sa carrière, son destin ?

Je vous donne à voir quelques images de la maquette du Pavillon Soviétique prises dans l'exposition Rouge. Si j'ai bien compris, je dis bien si, il pourrait bien s'agir de cette maquette vue plus haut même si les arbres ont depuis perdu leur feuilles...






































Pour revoir quelques articles concernés par cette thématique :
https://archipostalecarte.blogspot.com/2017/09/avoir-une-belle-poutre-bien-droite.html
https://archipostalecarte.blogspot.com/2014/08/marcel-aux-pays-des-soviets.html
https://archipostalecarte.blogspot.com/2017/10/melnikov-un-temoignage-exceptionnel.html
https://archipostalecarte.blogspot.com/2017/10/un-constructiviste-marseille-en-1928.html
https://archipostcard.blogspot.com/2012/10/face-face-extreme.html
https://archipostalecarte.blogspot.com/search?q=maquette


lundi 22 juillet 2019

Abraham, la fille, la femme, et surtout l'architecte

Deux choses très rares dans ma collection : des cartes postales de villas directement visées et des cartes postales d'architectes femmes.
Et hop !



Cette villa photographiée depuis le ciel, (assez bas d'ailleurs ce qui est inquiétant !) est une villa bretonne dessinée par Martine Abraham qui est bien la fille de l'Architecte Pol Abraham dont le talent et l'importance historique ne sont plus à expliquer.
Il semble que ce soit héréditaire.
La villa dont la forme générale tient du cœur amoureux ou du trèfle est bien connue et maintenant bien repérée des amateurs d'architecture contemporaine et de décoration intérieure. On trouve très facilement des articles dessus, vous y apprendrez d'où provient son dessin original.

Pour nous ici, au-delà de cette très spectaculaire et originale architecture, reste à nous poser les questions de sa présence en cartes postales.
Qui a commandité celle-ci ? Au verso, figure bien le nom de l'architecte Martine Abraham avec même la mention architecte honoraire ainsi que l'adresse et la ville. Ne figure pas le nom du photographe ni même d'un éditeur, ici remplacé par celui d'un imprimeur, Héliocolor. Cela tendrait à dire que cette carte postale fut peut-être une auto-édition visant à promouvoir le travail de l'architecte. On note aussi que la photographie est ici accompagnée d'un bord blanc et qu'elle est imprimée sur un papier à grain torchon, imitant la toile ou le papier aquarelle. Tout cela donne une sorte de cachet à l'image, la mettant hors de la production habituelle des cartes postales sur tourniquet. Une chose un peu précieuse pour une architecture rare et originale.
On devine pourtant une maison entièrement close dont toutes les fenêtres sont occultées ce qui apparaît curieux pour une carte commanditée par le propriétaire. On aurait pu espérer une image mettant alors mieux en avant les qualités architecturales de la Villa et donc médiatisant mieux ses particularités. Le jardin semble naturel comme venant pousser autour d'un rocher, j'aime ça.
Voilà donc que le mystère de cette représentation reste entier...
Y-a-t-il eu une série de cartes postales de villas bretonnes publiées par un éditeur ? Madame Martine Abraham a-t-elle commandé ou accepté de faire entrer son œuvre dans une série ? Cette carte postale est-elle l'unique villa contemporaine ainsi représentée ?
Dans ma collection de plus de 15 000 cartes, je n'ai que très très peu d'exemples de villas ainsi directement visées. C'est donc une chance et une joie de découvrir celle-ci. Elle ira rejoindre dans sa particularité éditoriale la Villa Sextant de Le Corbusier.

On trouve facilement cette villa sur Google Earth. La villa est alors entièrement ouverte et aussi totalement vide. Voilà des nouveaux propriétaires bien chanceux d'habiter là.





samedi 20 juillet 2019

Hercule Poirot en Normandie

Ce matin, je trouve ça :



J'aime de suite cette carte postale car je comprends rapidement, vu le flou des personnages et le cadrage qu'il s'agit d'une carte-photo, autrement dit d'une photographie d'amateur tirée sur papier de carte postale, donc, de fait, assez rare en nombre, peut-être même unique.
Mais ce que j'aime surtout c'est l'ambiance de cette photographie. Trois femmes et un homme posent dans un salon dont le décor surchargé m'évoque immédiatement soit un hall d'Hôtel de grande classe soit un paquebot.
Je commence l'enquête. Comme l'ambiance est à l'Art Déco, je m'imagine aussi, ici, accompagné de Hercule Poirot dont j'aime tant la série avec David Suchet dans le rôle principal. Cette série, je la regarde pour les enquêtes mais surtout pour l'incroyable travail des décorateurs et des costumiers qui savent rendre vivant cette période et la classe sociale de la Haute Bourgeoisie dans laquelle évolue notre détective belge. En ce sens, cette série est une plongée dans le temps formidable.
Rentré chez moi, la carte postale sur les genoux, je commence à éplucher l'image comme notre détective. Mon intuition qui, comme toutes les intuitions, est un mélange de culture inconsciente de l'image et de perceptions mémorielles me fait d'abord remarquer les panneaux décoratifs au fond de l'image dont je crois reconnaître la provenance. J'ai en effet le souvenir d'avoir vu de tels panneaux au Musée du Havre, panneaux dorés en laque provenant d'un paquebot.


Je remarque également les grands candélabres de verre qui eux me font penser à Baccarat et sont de Lalique. Puis, à gauche de l'image on voit un C majuscule sur un meuble.
Où sommes-nous ?
La piste du Havre s'avère fructueuse. Je trouve bien les panneaux en laque du Jean Dunand sur un site mais pas celui représenté sur ma carte postale. Il me suffit alors d'inscrire panneaux Dunand Normandie sur un moteur de recherche et je trouve immédiatement celui de mon image. Nous sommes bien dans le Grand Salon du Paquebot Normandie !
Le C majuscule pourrait-il être celui de Compagnie Générale Transatlantique ?
Mais dans cette image, un détail m'amuse, un petit rien qui rend cette photographie touchante et vivante. C'est le pli du tapis sur lequel la dame au manteau de fourrure marche.

















Ce détail d'une imperfection de l'ordre bourgeois bien tenu et nécessaire à ce type de lieu m'amuse, me donne l'occasion de faire de cette photographie, certes un document, mais aussi un moment simple dans lequel je peux à mon tour entrer.
Ai-je déjà dans ma collection des cartes postales de ce salon ou de ce paquebot Normandie ?
Je trouve ces deux cartes postales du Paquebot Normandie partant du Havre vers New-York.
La fiche Wikipédia vous permettra de mieux connaître ce paquebot et tous ses intervenants :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Normandie_(paquebot)

Me reste la certitude que Hercule Poirot aurait sans aucun doute fait la traversée sur ce Paquebot Normandie. Tout lui aurait correspondu : décor, luxe et fourrures mais sans doute pas les plis disgracieux d'un tapis mal placé.




jeudi 18 juillet 2019

Group Ludic, le travail au pouvoir






































Il y aura toujours ceux qui cherchent, ceux qui travaillent et ceux qui suivent.
Julien Donada et Grégoire Romefort, dans leur travail d'éditions ou de vidéastes, font partie de ceux qui cherchent et qui trouvent.
Leur dernier ouvrage est à ce titre l'un des plus importants car il est l'un de ces livres qui réinventent une histoire qu'on aurait bien pu croire perdue, car cette histoire est à cheval sur le Design, l'architecture et l'urbanisme. Ce territoire étrange et mélangé avait un peu disparu des regards des historiens.
Group Ludic, L'imagination au pouvoir retrace donc l'aventure exceptionnelle de ce trio ayant donné aux enfants des espaces (des aires comme on dit) de jeux à la fois superbes mais surtout, au-delà de leur esthétique, parfaitement conçus pour l'expression de la liberté.

Ce livre est bien fait, je veux dire que son atout principal c'est de laisser l'histoire à ceux qui l'ont construite et on peut ainsi facilement comprendre tous les enjeux de cette invention. Une longue entrevue nous permet en effet d'entendre les trois protagonistes nous raconter les fondations du groupe, leurs influences et aussi la dissolution de leur trio sous les changements radicaux et violents d'une politique de la Ville en plein échec.
On aime aussi la très belle introduction de Vincent Romagny que nous sommes heureux de lire là et qui est bien maintenant la voix de l'histoire des aires de jeux en France.
Pour le reste que dire ? Des illustrations superbes et touchantes, en noir et blanc et surtout en couleurs vous donnent l'impression d'y être et d'entendre les enfants (que nous fûmes) jouer ici et là dans des sphères, des pyramides, avec des cordages, des bouées et tous les éléments du Monde : la terre et le ciel.
J'ai été tout particulièrement heureux de retrouver les expériences de Royan mais aussi celle de Lozari en Corse car elle fut l'occasion de retrouver l'une de mes cartes postales préférées et présente dans ma collection dont je ne cesse de chanter la beauté plastique :
https://archipostcard.blogspot.com/2010/12/toiles-tendues-mettre-les-voiles.html

Ce livre c'est aussi un hommage au travail. Celui du Group Ludic bien entendu mais aussi celui de ceux qui aiment à tirer le fil d'une histoire, qui retrouvent les protagonistes, qui fouillent les archives, loin, bien loin des chasseurs en capture d'écran.

On notera que le livre est superbe dans sa mise en page et dans sa qualité éditoriale. Il est, et ce sera ma seule critique, un peu cher mais dites-vous qu'en l'achetant vous rendrez hommage à ce travail de recherches.
Et précipitez-vous vite chez votre libraire indépendant, il n'a été tiré que 800 exemplaires de ce livre qui marque déjà un jalon dans l'histoire encore trop peu connue du Design des aires de jeux en France et en Europe. Ce sera vite un collector !
À mon tour de vous dire merci, Julien et Grégoire.

Group Ludic, l'imagination au pouvoir
Julien Donada et Grégoire Romefort
Préface de Vincent Romagny
éditions du Facteur Humain
36 euros (ce n'est pas si cher finalement) 

Je vous offre cette carte postale encore inédite sur ce blog et sur laquelle on aperçoit bien une aire de jeux dessinée par le Group Ludic. Nous sommes à Saint-Denis, grâce à une édition Raymon non datée, non signée...


Et vous comprendrez que j'aime tout particulièrement cette belle collection de cartes postales !


Vous pouvez aussi revoir tous les articles sur le Group Ludic ici :
http://archipostalecarte.blogspot.com/2016/08/group-ludic-et-familial.html
http://archipostalecarte.blogspot.com/2015/07/toile-de-tente-et-theatre-la-palmyre.html 
http://archipostalecarte.blogspot.com/2013/06/sculpture-jeux.html
http://archipostcard.blogspot.com/2009/08/groupe-ludic-une-reponse-de-monsieur.html
http://archipostcard.blogspot.fr/2012/11/retrouvailles-ludiques.html
http://archipostcard.blogspot.fr/2012/06/une-reunion-amicale.html
http://archipostcard.blogspot.fr/2011/03/des-jeux-en-france-de-lair-des-aires.html
http://archipostcard.blogspot.fr/2011/03/point-ligne-plan.html
Certainement l'une de mes plus belles cartes postales :
http://archipostcard.blogspot.fr/2010/12/toiles-tendues-mettre-les-voiles.html 
Un document rare offert par Julien Donada :
http://archipostcard.blogspot.fr/2010/11/group-ludic-un-document-rare.html
http://archipostcard.blogspot.fr/2010/09/complements-ajouts-et-autres-details.html
Celle-ci est merveilleuse, simplement merveilleuse :
http://archipostcard.blogspot.fr/2010/07/groupe-ludic-chalons-sur-saone.html
http://archipostcard.blogspot.fr/2009/08/groupe-ludic-architecture-pour-jeux.html 
http://archipostalecarte.blogspot.fr/2013/06/sculpture-jeux.html 

Quelques images du livre qui ne rendent pas compte de la qualité éditoriale et qui n'ont comme vertu que de vous donner envie d'acheter vite ce livre et pas de le copier-coller sur votre blog sans nommer vos sources, n'est-pas ?  Bisous.











































































































































vendredi 12 juillet 2019

Claude Parent Visionary Architect

Non, ne craignez rien, je ne vais pas me mettre à écrire mes articles en anglais, j'en serais bien incapable.
Pourtant, il n'est pas très difficile de comprendre le titre de ce livre :







































Les éditions Rizzoli nous proposent donc ce nouvel ouvrage sur Monsieur Parent, et c'est un très bel ouvrage, luxueux, un volume qui permettra sans aucun doute aussi, édité aux U.S.A, de faire connaître (et reconnaître) Claude Parent outre-atlantique.
L'ouvrage se veut d'abord un livre mettant en avant des dessins et des reproductions de photographies, laissant la partie d'analyse un peu en retrait sur une œuvre ici surtout servie par l'incroyable qualité des dessins de Monsieur Parent.
Il ne fait aucun doute que c'est certainement une belle porte d'entrée pour connaître son travail tant y sont déployés tous ses espaces, ses rêves mais aussi la réalité de son sens constructif.
On en prend plein la vue comme on dit chez nous, car la qualité éditoriale est parfaite. Choix des papiers, de la mise en page claire et lumineuse, jeux et ponctuations aussi des petits dessins humoristiques que Monsieur Parent aimait faire dans ses courriers se caricaturant lui-même, c'est irrésistible.
On devine alors bien cette personnalité à la fois joviale et sérieuse, ferme sur ses convictions mais toujours prête aussi à expliquer, démontrer et raconter.
J'avoue que mon anglais est trop peu avancé pour bien saisir les textes mais on retrouve des personnalités importantes : Jean Nouvel, Odile Decq ou Monsieur Migayrou (oui, Monsieur, c'est du respect).
L'ouvrage permet d'entrer dans les dessins et pour un dessinateur comme moi, cela soulève beaucoup de questions. Il va de soi que nous connaissons bien la capacité du dessinateur à projeter dans un espace à deux dimensions la réalité d'un déploiement en perspective. Nous faire circuler dedans en quelque sorte. On sent bien que Claude Parent construit souvent en amont cette projection, qu'elle existe souvent avant le dessin dans ce que nous oublions d'appeler maintenant un imaginaire. Mais je crois aussi que dans les derniers dessins, plus tardifs, on sent aussi que la main libre reprend le dessus, qu'elle court à la vitesse de la pensée, qu'en fait le dessin ne sert plus seulement à représenter (présenter à nouveau) mais bien à formuler des tentatives. L'architecte connaissant parfaitement son monde et son espace, il peut davantage s'y perdre. Attention ! Rien là dedans d'une expressivité relâchée ou impulsive ! Non ! Bien plus une promenade libre sur les pentes d'un paysage déjà bien parcouru. Mais je crois aussi que la maîtrise parfaite de ses outils de dessins (que je suis jaloux de son fouettage du crayon !) est à l'exacte de sa maîtrise constructive. On oublie souvent cela chez lui dans les analyses de son œuvre, sa très grande connaissance de ses matériaux de construction, le béton bien sûr, et de sa mise en œuvre. Quand il défendait une architecture, il évoquait souvent cela, la mise en œuvre constructive. Je me souviens de son explication des porte-à-faux de Banlay ou de l'opposition entre Prouvé et Lods sur le métal. Je crois donc aussi que ces dessins, pourtant chantés comme des représentations utopistes, dans leur grande maîtrise de l'espace du papier et de l'espace mental, permettent aussi à celui qui les écoute de comprendre que Monsieur Parent était bien un architecte visionnaire mais aussi un incroyable constructeur.
Revoyez-le sur le chantier de Ris-Orangis, dans le film de Rohmer expliquer les qualités d'une poutre porteuse en béton. Regardez comment ses mains, dans l'espace de la conversation, expliquent les forces.
Ce livre permet même à ceux qui connaissent déjà bien son travail de découvrir encore quelques superbes pépites. La double page mettant les centres commerciaux de Sens et de Ris-Orangis face à face m'a particulièrement ému, évidemment.

Je me dois de terminer cet article en remerciant à mon tour Chloé Parent et Laszo Parent pour cet envoi.
Je me dois de leur dire aussi que d'avoir pensé à moi dans les remerciements de l'ouvrage me touche profondément.

Ce qui compte, au fond, quand on a aimé une personnalité et son œuvre, c'est bien entendu les souvenirs que l'on en garde mais aussi l'énergie que l'on met à la maintenir dans le présent.
Pas de doute que ce livre fait partie maintenant des jalons permettant d'éveiller les rêves de Monsieur Parent.
Je pense alors que, quelque part, en France ou aux U.S.A, dans une librairie, quelqu'un tombera par hasard sur cet ouvrage, en feuillettera les pages et d'un coup, par les forces du dessin rencontrera comme nous vraiment Claude Parent.
Louis, je t'apporte le livre à la rentrée.

Claude Parent, Visionary Architect 
ouvrage collectif
Rizzoli New-York, éditions
isbn-978-0-8478-6215-3
achetez votre livre chez un libraire indépendant.

Pour lire ou relire tous les articles consacrés à Claude Parent sur ce blog, allez ici :
https://archipostalecarte.blogspot.com/search/label/Claude%20Parent

Et vous pouvez particulièrement suivre les avancées du dossier de Ris-Orangis ici :
https://archipostalecarte.blogspot.com/2019/07/ris-orangis-dossier-largement-ouvert.html


Les images que je vous donne ne rendent pas la qualité d'impression de l'ouvrage, elles sont là pour vous mettre en appétit :


















































































































jeudi 11 juillet 2019

Taillibert, de-ci de-là

Sur ce blog, nous aimons Roger Taillibert.
Il est l'un des très grands architectes de ce que nous pourrions appeler rapidement le Brutalisme à la Française (French Brutalism pour faire genre) c'est-à-dire un brutalisme de conséquences et non d'images.
Je veux dire que, d'abord, avant d'être ceci ou cela, Roger Taillibert est un architecte qui pense en architecture puis cette pensée prend une forme radicale, poétique et souvent aussi spectaculaire laissant la place à un imaginaire parfois un rien fantastique.
Courbes ambitieuses, projections dans l'espace sont souvent contrecarrées par des volumes francs, raides, ardus et brutaux. C'est là que Taillibert est le plus poétique, dans ce mélange audacieux du structurel innovant et de la forme absolue.
Le dessin est toujours impeccable.

Sur une carte postale Cely par Michel Pendaries, on voit cela :


On y voit assez mal la préfecture de Montauban. On voit aussi que l'éditeur a choisi un papier imitant la toile ce qui ne facilite par la lecture de l'architecture. Pourtant on y reconnait immédiatement une belle écriture, la réalité d'une œuvre, du moins une attention architecturale si marquée par cette époque : épaisseur des volumes, franchise et netteté des lignes, obliques en contraste avec des courbes et des jardinières épaisses. Tout cela dans ces fameuses tonalités marron glacé et ocre jaune si typique et sans doute... clin d'œil régionaliste...
L'éditeur ne nous dit rien de l'architecte, il suffira de peu de recherches pour trouver son nom, celui de Roger Taillibert sur ce site :
http://www.ledepartement.fr/fileadmin/mediatheque/cg82/documents/download/Dossier_de_presse_expo.pdf
Dans ce document, on remarque que la Préfecture devient un Hôtel du Département, que le bâtiment est daté de 1978 et que l'on retrouve Bénédicte Chaljub qui écrit une belle introduction.
Remercions aussi le CAUE du Tarn-et-Garonne de nous offrir un petit texte intéressant et une série d'images révélatrices :
http://www.caue-observatoire.fr/ouvrage/hotel-departement-de-tarn-garonne/

Bien entendu, si on devait classer les architectures par leur nombre d'usagers, celle qui remporterait la palme pour Roger Taillibert serait celle-ci :


La photographie aérienne et de J. Lang qui doit bien s'amuser d'avoir presque le même nom que notre ancien et toujours actif Ministre de la Culture.
J. Lang est donc monté dans l'avion et a cadré le Parc des Princes pour l'éditeur Yvon. Quel beau dessin que ce monstre tendu. Et comment il contraste avec vigueur avec le Paris tout blanc. Et si vous êtes Corbuséen, vous pourrez même vous amuser à trouver sur cette image l'une des architectures de Le Corbusier. Je vous laisse chercher ? Allez... c'est facile... Petit indice : aviateurs morts.

Mais si ne devais garder qu'une seule carte postale de l'œuvre de Roger Taillibert (je ne sais pas pourquoi je devrais penser à ça) je garderais celle-ci :


Comment ne pas tomber immédiatement amoureux de cette image et donc de cette photographie ?
On la doit à l'éditeur Lyna dont je n'arrêterai pas de chanter le talent et l'importance du travail.
Si quelqu'un de chez Lyna est présent qu'il me contacte tout de suite.
Ce cliché n'est pourtant pas signé cette fois, dommage. Monsieur Pinet ?
Quel cadre !
Les horizontales viennent superposer les fonctions de la ville et bien entendu le Parc des Princes semble être posé sur le vide des circulations urbaines. La Renault 8 jaune répond à la pancarte indiquant Molitor et Auteuil, le point rouge de la Mini répond au panneau de limitation de vitesse, et tout le champ coloré, très doux, de blanc et de gris donne à cette image d'architecture et aussi d'urbanisme une géniale compréhension de ces chevauchements, de ce millefeuille urbain.
On retrouve sur la première carte postale le lieu même où le photographe était posté. Vous entendez avec moi le bruit de la circulation ? Êtes-vous comme moi avec le photographe, penché par-dessus le parapet et cadrant la vitesse des automobiles ?
Oui... Bien entendu.
Un chef-dœuvre éditorial, une carte postale magnifique qui vient bien contredire toutes ces pensées négatives posées sur cet Art.
Merci Lyna.
Merci Monsieur Taillibert.