mardi 27 septembre 2016

Merci de reconnaître André Gomis



Peu de cartes postales d'architectures modernes ou contemporaines possèdent finalement une telle force. On peut facilement en comprendre les raisons (et l'émotion) : formes affirmées, couleurs en aplats et parfaitement découpées, clarté des zones de l'image, volumétrie sérielle, absence de présence, solidité de la composition venant caler les bâtiments depuis un angle dans une diagonale brisée, ombres dures et lumière franche.
Cette carte postale est une édition Jos, grand éditeur de la Bretagne qui, malheureusement, ne nomme pas le ou la photographe. L'architecture ? Peut-être l'aurez-vous reconnue, il s'agit du Village Vacances de Guidel par l'architecte André Gomis dont nous ne nous lassons pas, sur ce blog, de dire les qualités.
Une fois encore se pose d'ailleurs depuis ce type de photographie la question de qui est responsable de l'image de l'architecture. S'il ne fait aucun doute que d'abord ici c'est bien les volumétries et le dessin de l'architecte qui dominent, on peut aussi acquiescer au fait que cela n'oblige en rien à une image sachant les rendre. Pourtant, l'architecture détermine en quelque sorte ses propres points de vue, obligeant presque, pour en rendre compte, de venir la photographier d'ici précisément. C'est bien ce dialogue (ou discours) que nous tentons de mettre à jour. André Gomis sait bien que ses formes, ses volumes, ses choix architecturaux formeront un registre plastique déterminant une esthétique de l'ordre, de la force, presque de la sculpture. On reconnaît aussi une volonté de choisir des matériaux et des couleurs jouant une certaine reconnaissance régionale sans être dans un pastiche ridicule. On pourrait dire qu'André Gomis tient ici la Bretagne par ses puissances telluriques alignant les pointes creusées, les toits posés comme à Carnac les menhirs. On aime comment les balcons projetés vers l'extérieur de la façade répondent aux creux des fenêtres dans les pentes des toits. On aime comment le noir du toit ourlé répond à la blancheur des façades pointues, on aime l'étrange et subtil vide laissé entre les pavillons permettant aux ombres de jouer avec la géométrie, on aime le grand vide blanc au-dessus des balcons, tirant le bâtiment vers le haut, vers le ciel. Enfin, on aime comment André Gomis ne fait pas l'erreur de faire descendre le toit jusqu'au sol, laissant un petit muret, évitant l'image d'une pyramide.



Justement, sur cette autre carte postale des éditions Jos, une pyramide tente d'exister mais là, également, l'architecte la pose sur un très léger socle et en brise la typologie. Comment ne pas jubiler des beaux contreforts blancs qui reçoivent la poussée de la charpente ? Comment ne pas aimer l'utilisation prolifique de l'ardoise qui donne à l'ensemble une connotation minérale que le crépi épais et écrasé largement à la truelle vient contredire ?  La carte postale nous permet également de comprendre un peu mieux les espaces entre les constructions, la densité relative qui depuis ce point de vue offre l'occasion sans doute de surgissement joyeux de formes entre elles. L'architecture semble ici posée sur le sable partout présent. L'éditeur nous indique que ce bâtiment est l'accueil des gîtes. Il fait beau le 17 mai 1976, l'architecte est décédé depuis 5 ans seulement.



Dans un beau noir et blanc qui laisse le soleil entrer dans la salle à manger des enfants, le photographe des éditions Jos prouve que la carte postale permet bien un tour presque complet d'un programme architectural. Regardez cette très belle salle ! Belle la porte d'entrée et son lustre suspendu au-dessus d'elle dont la simplicité est quasi-monacal, beau l'alignement parfait des tables et des très beaux bancs en bois massif, beau le grand nombre de verres Picardie et de bols de chez Duralex. On aimera aussi le très beau plafond caissonné. Un palmier et un caoutchouc passeront leur vie là, heureux de pousser sous les cris des enfants. Le sol ne serait-il pas fait de grandes dalles d'ardoise ?
Alors, André Gomis fut un grand architecte, je n'ai pas besoin de le dire ni même de le défendre ici. Pourtant, j'aimerais bien que, d'une manière ou d'une autre, son travail, son influence, son œuvre soient plus visibles et aimées. Je crois qu'il est grand temps qu'une belle et généreuse exposition replace l'architecte dans son siècle et donc dans le nôtre.
Des volontaires ?



 

dimanche 25 septembre 2016

Le soleil couchant tout. Tout.



Gilles avait fermé la porte de la camionnette. C'était le dernier aller-et-retour vers Berlin depuis Munich. Sur la route, il passera chez Michael poser les dernières affaires que la famille très restreinte de Hans avait voulu récupérer. Quelques photos de famille, un bol en aluminium, une petite statuette représentant un Mozart en porcelaine de Saxe. Pour le reste, Gilles avait pu disposer à sa guise des objets et de cet héritage sans difficulté. La Ford Escort avait été vendue rapidement. Il lui avait fallu tout de même deux mois pour se décider à vider l'appartement, triant, rangeant cette masse inerte d'objets et de vêtements. Il pleura un après-midi entier en ayant simplement aperçu la petite veste croisée que Hans avait achetée à New York en 84 et qu'il croyait bien ne jamais revoir. Il mit la veste de côté, dans le carton pour Alvar qui avait demandé à Gilles de lui donner quelques vêtements de son oncle. Mais que faire des dizaines de paires de chaussettes et des caleçons ? Que faire de ce ridicule sweat-shirt rose pailleté avec un arc-en-ciel brodé que Hans portait depuis le 28 juin 1980 à chaque Gay Pride à Munich ? Mathew le voudrait peut-être. Que faire des paires de baskets ou des Birkenstock dont les semelles en liège portaient pourtant l'empreinte exacte des pieds de Hans ?
Que faire de cette trace ? Alvar avait surtout réclamé la Lederhose de Hans. Gilles l'avait bien enveloppée dans des papiers de soie. Dans la poche, il avait retrouvé deux pfennig oxydés, un bouton à recoudre et un petit mot dans une écriture que Gilles ne reconnut pas de suite qui indiquait seulement Pierre Henry. Gilles remit délicatement le papier dans la poche.
Devant l'appartement maintenant vide, Michael embrassa Gilles. Ils se retrouveraient tard dans la soirée chez Michael. Ils feraient la route séparément. La camionnette passa devant le siège et le musée de BMW. Gilles n'y prêta aucune attention. Alors que son corps semblait conduire d'une manière autonome, sa pensée vagabondait sur les souvenirs de cette vie entière qui tenait dans quelques mètres cubes d'une camionnette. Gilles pensait aussi à son retour en France en septembre, comment il avait promis de venir voir Alvar et ses enfants, de lui apporter ces affaires. Et puis, il faudrait faire tenir tout cela dans l'appartement berlinois. Il faudrait à nouveau faire passer dans ses mains, toutes les affaires, décider de leur avenir, choix qui tenait entre cave ou appartement, oubli ou visibilité. Mathew était déjà à Berlin, il avait déjà fait en partie ce tri pour le premier aller-et-retour........................................................................................................................................

...........................................................................................

 - Oui, quelques photos de plus, vous voyez. Vous savez notre politique éditoriale.
 - Oui oui, bien sûr. Il vous les faut pour quand ?
 - L'article paraîtra dans quinze jours. Disons 5 jours ? Ce n'est pas trop court ?
 - Qu'est-ce qui ne convient pas dans le premier envoi ?
 - Rien, merci Gilles, mais il nous manque des clichés depuis la rue pour cette nouvelle édition. On voudrait avoir plus de choix pour bien rendre compte du bâtiment.
 - Bon. Ok. Je ne promets rien, il faut que je voie si la météo me donne l'opportunité. J'essaie en tout cas. Je rappelle de suite l'agence de Schwanzer.
- Merci Gilles. Puis-je vous poser une question ?
 - Oui...
 - Comment va votre père ?
 - Ah euh... bien bien, il continue vous savez malgré sa retraite de travailler avec mon frère à l'agence.
 - Oui, l'agence tourne bien. Il nous faudra un jour évoquer votre père dans la revue. Son travail est essentiel et...
 - ... et il le mérite !
 - C'est notre avis ici aussi à la rédaction. Gilles, écoutez, on reste en contact, je parle de ce projet ici en réunion de rédaction ce mercredi. Je fais mon possible. On prépare un numéro sur les ingénieurs.
 - Merci. Je vous envoie tout ça. Merci de faire comme d'habitude pour le paiement.
 - Pas de souci, j'informe le secrétariat. À bientôt Gilles.
 - Oui, au revoir.
Le téléphone pourtant raccroché, Gilles laissa sa main quelques secondes sur le combiné. Hans lui demanda si tout allait bien. Gilles répondit que, comme d'habitude, il fallait reprendre tout dans l'urgence, qu'il devait retourner sur place mais que, oui, tout allait bien.
- Y a autre chose, je vois que tu es inquiet.
- Ils veulent faire un article sur Papa. Mais ils me l'ont déjà promis tellement de fois...
- C'est sans doute le bon moment non ? Ton père est au courant ?
- Non, non, je crois pas.
- Alors laisse venir.
- T'as raison. Bon, j'irai demain faire les photos du bâtiment BMW. J'ai encore les contacts avec Schwanzer pour les autorisations.
- Dis-donc, Gilles t'aurais pas vu mon t-shirt fétiche ?
- Lequel ? t'en as plein des comme ça.
Hans, debout sur un tabouret, tentait de fouiller les strates de vêtements enfouis au fond du placard. Gilles ne voyait de lui que ses hanches et ses jambes restées à l'extérieur de la grotte de textile. Puis, soudain, il entendit Hans jubiler et secouer du bout de son bras un t-shirt rose brillant des mille feux d'un arc-en-ciel pailleté.
Gilles comprit immédiatement ce qu'il devrait faire aujourd'hui.





 



par ordre d'apparition :
 - carte postale München, Monaco di Baviera, BMW Automuseum, Fotoverlag Huber.
- L'Architecture d'Aujourd'hui, 1972
- L'Architecture d'Aujourd'hui, 1970
On notera que la revue fait une faute d'orthographe sur le nom de l'architecte Schwanzer.
Merci à Thomas Dussaix pour cette donation.

lundi 19 septembre 2016

Les ombres de Fontainebleau




...................................
..........................................................................................................................................................
 - Non, non, la halle du marché de Fontainebleau, je n'y ai pas participé. J'étais un poil trop jeune et j'ai manqué le coche de peu. Pourtant c'est bien après ce chantier superbe que j'ai rencontré Esquillan et que j'ai pu beaucoup plus tard participer modestement au chantier du C.N.I.T. Mais la halle de Fontainebleau, tu vois, ça reste l'un des plus beaux morceaux de l'architecture de béton en France. L'un des chefs-d'œuvre du genre et tellement, tellement élégant dans l'absorption esthétique de la valeur technique. Tu vois, Alvar, pour moi, que la structure puisse faire beauté c'est le sens même de ces structures. Ceux qui ne voient pas dans le génie constructif d'un tel objet la poésie sont de tristes sires, des petits cloportes marchant sous les corolles des fleurs sans être conscients de leur beauté.
 - Et tu l'as connue comment cette halle de Fontainebleau ? demanda Alvar à son grand-père.
 - Oh... ça... je ne sais plus... Une rumeur sans doute, Tu sais de tels chefs-d'œuvre, tout le métier savait qu'ils étaient en construction, tout le monde se passait le mot et puis, il n'y en avait pas tant que ça de tels chantiers. Alors, on savait. C'est tout. On savait. Et tu sais, surtout, surtout on allait voir car le plus important était d'apprendre par l'expérience réelle de la présence de telles réussites françaises. C'était en partie l'Occupation encore quand cette halle d'Esquillan fut construite, alors, c'était aussi une distraction patriotique que de soutenir sa réalisation. Enfin, je crois. Apprendre c'est prendre la leçon sur l'ouvrage. Je me rappelle avoir dessiné cette halle, d'en avoir fait le tour, d'avoir même mesuré certains détails. Tu trouveras ça dans mes carnets, disons 1942 ou 43.
Alvar se leva, chercha sur l'étagère, descendit trois carnets. Pendant qu'il feuilletait les pages à la recherches des notes et des croquis de son grand-père, Il regarda celui-ci qui jouait avec Jean-Jean et Mitica, découpant des petits morceaux de papiers avec eux pour faire des constructions, posant là Jean-Jean sur ses genoux, riant à la roulade de Mitica qui fit s'écrouler la construction. Enfin, Alvar trouva deux doubles pages dans le carnet de 1944 sur la halle. Toutes deux pleines de dessins et de notes inscrites en bleu au crayon de couleur. L'écriture était parfaitement lisible, nette, précise, presque incisive et les dessins mettaient souvent le profil du béton en avant, bien ombré.
 - Tu pouvais aller, comme ça, pendant cette période, sur place pour faire de tels croquis ? Cela ne posait pas de problème ?
 - Quel problème ? Non... Je ne faisais pas de photos. Non, je n'ai jamais eu de soucis avec ça et même, les gens venaient souvent voir ce que je faisais. On me demandait souvent si je pouvais faire des portraits... Tu peux pas savoir comment j'ai emballé avec ça ! Le charme du dessinateur ! Ah, j'en ai fait des petits portraits rapides pour de belles demoiselles ou des paysages pour des bières gratuites !
 - C'est ce qui explique les pages déchirées parfois ?
 - Sans doute !
 - Regarde ! Tu as noté une référence à un article. Avril 43, l'Architecture Française. Je vais voir de tout de suite dans tes archives.




.....................................................................
................................................................................................
Ce lundi 23 septembre 2013, Alvar avait voulu assister à ce massacre. Il faisait partie des nombreux citoyens qui avaient cru que l'intelligence, la réalité scientifique, et même le pouvoir politique auraient pu sauver de la bêtise locale ce chef-d'œuvre de l'ingénieur Esquillan.
Devant les barrières, impuissant, il vit les pelleteuses attaquer le Patrimoine sans remords. Il était en colère devant autant de stupidité et surtout de revirements politiques de la part du Ministère de la Culture et devant l'indifférence générale des autorités culturelles régionales et municipales.
Il pensait à son grand-père. Il se disait que, heureusement, Jean-Michel Lestrade n'assistait pas à cette destruction. Il se disait que dans un tel pays, dans une telle ville, rien n'était à l'abri de la bêtise démagogique, qu'il faudrait maintenant, sans doute, partout, toujours, être vigilant.
Détruire la halle de Fontainebleau c'était bien détruire une construction mais aussi un espoir français, celui de la Reconstruction. C'était donc aussi une faute morale.
Alvar avait honte pour l'architecte qui allait travailler sur les décombres d'un tel chef-d'œuvre.
Alvar vit un fragment de béton rouler sous la barrière et glisser à ses pieds. Il le ramassa. Il le rangerait avec ceux provenant de l'église de Royan, du centre commercial de Ris-Orangis, ou des étoiles de Renaudie à Ivry. Bien rangé sur l'étagère, ce morceau de béton, fétiche finalement d'une violence exercée contre la Culture, pourra caler les carnets de son grand-père dont il avait hérités l'année précédente. Cela amusa un peu ses deux fils à son retour à la maison. Ils regardaient ce drôle de caillou apporté par leur père. Mitica compara le poids, le granulat, la couleur de ce dernier morceau arrivé dans la famille. Jean-Jean me raconta plus tard qu'il continuait cette collection de béton. Que c'est dans les carnets de son arrière grand-père qu'il apprenait à dessiner les ombres.
Les ombres les plus sombres, celles de Fontainebleau aussi.







Par ordre d'apparition :
 - photographie de l'Architecture Française, avril 1943
 - carte postale André Leconte, Fontainebleau, datée de 1954
 - textes provenant de la revue nommée ci-dessus.
merci de ne pas reproduire les documents sans autorisation de la famille Lestrade.

samedi 17 septembre 2016

Journées Européennes d'oubli du Patrimoine Moderne et Contemporain

Ici repose l'article que j'aurais dû faire avec les informations données par la DRAC Ile-de-France au sujet de l'avancement du dossier de classement du centre commercial de Ris-Orangis dessiné par Claude Parent déposé il y a presque 5 ans maintenant...
Malgré les promesses faites de me rappeler cette semaine, malgré mes coups de fil depuis des mois, mes courriers nombreux, mes demandes répétées je n'ai eu droit à aucune information.
Manque de professionnalisme ou stratégie de l'usure ?
Oui, vous pensez comme moi.
On notera que le thème de ce week-end des Journées Européennes du Patrimoine est Patrimoine et Citoyenneté. On voit donc comment les services du Patrimoine de la D.R.A.C Ile-de-France sont sensibles à une demande citoyenne et comment la communication est réalisée par ses services.
Citoyennes ! Citoyens !
Bon week-end des Journées du Patrimoine en Ile-de-France et partout en France.

mardi 13 septembre 2016

Le Corbusier en carton

Pouvoir associer en une seule carte postale beaucoup des thématiques que nous abordons ici est toujours une joie.
Architecture Moderne + le Corbusier + maquette + carte postale + logements + Pessac =



Oui.
Il s'agit bien pour moi d'une vraie découverte que l'existence d'une telle maquette mais aussi de sa publication en carte postale !
L'éditeur est Elcé, autrement dit L. Chatagneau, l'un des grands éditeurs de Royan. Monsieur Chatagneau nous donne au verso les informations suivantes : Pessac, "les Quartiers Modernes Frugès" édifiés par Le Corbusier-1926. Maquette exécutée par Henry Frugès.
Si on n'est pas comme moi un spécialiste de l'histoire de cette cité, on sursaute d'emblée au fait que cette maquette fur réalisée par le promoteur de cette célèbre cité de Le Corbusier. Comme l'éditeur ne date pas la réalisation de cette maquette, on peut facilement se poser les questions de son origine et de son utilisation. Maquette promotionnelle pour vendre les appartements, maquette réalisée après cette construction pour en venter l'architecture, maquette d'amoureux de Le Corbusier prêt à donner de son temps pour faire comprendre par cet objet l'importance du lieu ? Cette maquette dont on ne sait pas si elle voyageait ou si elle était présente en permanence sur le lieu même reste donc depuis cette carte postale un rien mystérieuse, tout comme d'ailleurs le désir de sa diffusion en carte postale ce qui signifie tout de même un marché et des visites pour cet objet.
Heureusement, on a l'Internet ! Il suffit de deux clics pour trouver la réponse :
http://lamachineahabiter.com/maquette-fruges/
La vidéo n'a pas de son, je trouve cela étrange.
En tout cas, on comprend de suite cette maquette et sa raison d'être et c'est bien d'avoir ainsi une réponse. Toute cette énergie et cette passion à faire ainsi dans le menu détail un tel objet pour chanter l'importance de ce site dans l'œuvre de Le Corbusier sont incroyables. Reste tout de même une interrogation sur l'usage à la fois de la maquette et de cette carte postale. Il ne fait aucun doute qu'ici l'édition a comme rôle de diffuser au mieux le travail de l'architecte en offrant en quelque sorte une vue aérienne aisée, nous connaissons ce phénomène avec les cartes postales des maquettes de Royan par exemple. Bien entendu, ici, la maquette étant construite bien après la construction du quartier, elle n'a pas du tout le même rôle. Elle permet dans le cadre d'une visite d'architecture, visite donc déjà patrimonialisée de mieux saisir l'ensemble immobilier. La maquette, comme la carte postale ont donc une valeur d'abord didactique. Fabriquer une telle maquette sans autre but que de partager le travail de Le Corbusier dit bien aussi l'ampleur de l'attachement au quartier, du désir d'en donner à voir ses spécificités, d'en défendre ses atouts. C'est un acte d'amour. Mais lors de notre visite du quartier en 2007, je ne me souviens pas d'avoir eu une telle opportunité. Comment donc cette maquette fut et est donnée à voir au public ? Comment dans la visite de l'amateur d'architecture, cet objet fut donc visible dans le parcours ? Existe-il d'autres cartes postales de ce quartier ayant eu, elles aussi, le désir de partager la construction de Le Corbusier ? Y-a-t-il eu une maquette réalisée à l'époque et aujourd'hui disparue, disparition qui pourrait être le moteur de cette restitution ? On sait également que, en 1967, date de fabrication de cette maquette, l'état de la Cité Frugès était bien altéré. La maquette devait donc bien avoir un rôle de renaissance, de pureté, de retour à une forme idéale au delà des modifications et des transformations du temps par les habitants. Un rêve à revoir, une utopie à rebours.







 C'est aussi cela que diffuse la carte postale. Je ne sais pas si l'éditeur Elcé (Chatagneau) décida seul de cette édition ou s'il fut appelé pour la réaliser. Le marché de ce genre étant très très serré, je pense à une commande. Je n'ai pas rencontré encore dans mes recherches de cartes postales d'époque de ce quartier. Pourtant, vu l'ampleur et l'originalité de ce quartier, vu le nombre des habitants et donc des clients potentiels, il est possible de penser qu'il y a bien eu, même à très petit nombre, une édition d'époque de cartes postales de ce quartier.
La patience nous fera trouver un jour l'objet de notre désir. Peut-être que cela se fera sous la forme d'une carte postale de maquette ! Et si nous ne trouvions pas, nous pourrions bien aussi nous amuser à la produire.
Je vous propose de voir sur le site de l'INA, le court mais émouvant film sur Pessac. On y voit Henry Frugès, en train...de peindre sa maquette ! On voit aussi que nous sommes, comme pour la carte postale en 1967 et que la question du classement de la Cité Frugès est au cœur du reportage. Cela appuie bien l'idée d'une production de la maquette et de la carte postale comme moyen de médiatiser cette histoire et cette demande de classement. C'est, en tout cas, très touchant.
Pour lire la vidéo, cliquez sur l'image :



Je vous donne également l'article de Dominique Amouroux dans le guide d'architecture contemporaine en France. Une fois de plus, Dominique Amouroux (et déjà à l'époque) pose les bonnes questions. Malheureusement, aujourd'hui encore, ces questions n'ont pas trouvé de réponse. Pire même, je crois que vues les politiques patrimoniales nationales et l'absence totale d'éducation à l'architecture par les deux ministères concernés, la situation est bien plus grave. Et ce n'est pas un week-end des Journées Européennes du Patrimoine qui changera quelque chose. Je vous signale tout de même que Dominique Amouroux nous propose pour ce week-end une visite de la Maison  Wogenscky-Marta Pan à Saint-Rémy-les-Chevreuse. Voir en haut de cette page.











dimanche 11 septembre 2016

Le Mans Modeste

Finalement, je connais mal Le Mans.
Pourtant depuis 19 ans, je pratique cette ville. Il m'arrive d'en aimer des icônes comme la barre Le Couteur (bientôt défigurée), la Caisse d'Épargne (détruite) ou, en passant, de toujours me promettre de faire ici ou là des photographies.
Mais parfois, c'est la visite d'une amie, critique d'architecture, qui déclenche l'envie de vous parler d'un bâtiment, comme si, une parole venant de l'extérieur pouvait confirmer ce que j'avais déjà ressenti.
Bénédicte Chaljub que nous connaissons bien sur ce blog pour son très beau livre réalisé sur Renée Gailhoustet est donc venue au Mans. En passant le pont Yssoir après le tunnel, nous nous sommes tous deux extasiés devant une petite barre de logements quai Ledru-Rollin.
Je vous la montre d'abord grâce à une carte postale :





La carte postale Artaud en noir et blanc colorisé est expédiée en 1958, elle est typique de ce genre de production voulant associer le charme des bords de Sarthe, les plantations des berges et la ville au loin, minuscule hommage à une peinture française de paysage allant de Poussin aux impressionnistes. Dans la trouée végétale apparaît la ville offrant une horizontale franche par le pont. Les maisons se posent sur cette horizontale grâce à la perspective. Les couleurs trop douces, pâles ou parfois outrées (le vert), laissent transparaître la photographie. Rien de bien extraordinaire, vous avez raison.
Mais c'est bien par cette carte postale que nous pourrons regarder cet immeuble qui, lui, ne manque en rien de qualités.
On regarde :








Tous le vocabulaire architectural évoque les immeubles de la Reconstruction et notamment, celui d'une préfabrication. Les dalles sont lisibles, les emboîtements entre murs et ouvertures aussi avec le cadre des fenêtres débordant offrant une épaisseur superbe. Le matériau lui-même, un béton lavé, tout cela est reconnu et ici mis en place avec franchise et netteté que le dessin de cette façade sur rue affiche presque avec ostentation. On reconnaît aussi dans le maintien du toit à double pente une volonté d'insertion dans un paysage urbain fait de la Cité Plantagenêt en face. Je m'amuse à y reconnaître certains éléments de ma ville, Elbeuf (par Marcel Lods), ou même cette modernité tempérée de nombreuses villes marquées par la Reconstruction : à la fois l'économie d'un système de construction et l'élégance de le laisser visible.







Ensuite, on est aussi admiratif du traitement du volume de cette façade qui s'enfonce dans une épaisseur dégageant des circulations entre les balcons généreux. Le dos du bâtiment révèle le même vocabulaire en ajoutant les signes de la Modernité que sont le pavé de verre, les cages d'escaliers translucides et la casquette de béton qui court et délimite le rez-de-chaussée commercial et les habitations. On notera l'utilisation de pierres rouges dont la massivité bienvenue scande en contraste cette façade assez régulière.
Alors, Si je n'ai pas visité d'appartement, si je n'ai pas pu lire le plan, je peux tout de même, depuis la rue, en promeneur accompagné de Bénédicte Chaljub, aimer d'emblée cet immeuble modeste mais très représentatif de son époque. Parfaitement entretenu, dans un état d'origine remarquable, espérons qu'aucune isolation extérieure due à une politique démagogique écologique ne viendra le ruiner. Espérons que ceux qui en sont propriétaires en comprendront les signes extérieurs, son vocabulaire constructif et architectural et maintiendront dans notre paysage urbain ce petit morceau d'histoire. Les Journées Européennes du Patrimoine auront bientôt lieu au Mans comme partout en France. À l'évidence, l'importance de ce vocabulaire et de cette présence furent malheureusement ignorées pour la barre Le Couteur, souhaitons qu'ici cet héritage continue de nous réjouir et de nous raconter l'histoire de l'architecture moderne et contemporaine.
Je n'ai malheureusement pas trouvé le nom de l'architecte de cet immeuble manceau et je ne peux donc pas le remercier comme il faudrait.



jeudi 8 septembre 2016

L'érection de François Hollande



Sans doute, nous pourrions aimer ce genre de grosse machine administrative, grandiloquente, sans égard, posée là un peu comme ce qu'elle représente, avec une force ringarde, image de sa volonté à être visible comme si la politique des Affaires Culturelles devait obligatoirement passer par une érection soudaine, brutale, sans gêne. La tour se dressera haute, blanche, au cœur même de la ville. Que tout le monde le sache, la ville de Tulle est prise d'une turgescence incontrôlable, l'état français est bien là aussi en province titillant la vallée profonde de la Corrèze.
Ici, sur ce blog, nous aimons cela, même si nous ne doutons pas que cette forme est un peu trop désirée en attendant d'être désirable.
Nous sommes à Tulle, devant la Cité Administrative, grâce à une édition Chatagneau, éditeur que les amateurs de Royan connaissent bien. On notera que sans doute, vu l'importance de ce surgissement de la Modernité, dans cette ville de province, la Tour Administrative est parfaitement décrite par l'éditeur comme si l'inventaire des informations permettait de l'enfoncer un peu plus dans le sol des berges (berges... restons corrects).
Lisons :
Architectes : Messieurs Sarrabezolles et Merpillat
Constructeurs : Ministère des Affaires Culturelles
Entreprises de gros-œuvres : Trarieux et Rogard et S. O. C. A. E
hauteur : 22 étages- 90 m environ depuis la Corrèze
date de construction : d'avril 1971 à octobre 1973 ou achèvement octobre 1973.
Devant une telle érection, il faut tenir les performances. On le note, c'est bien sa hauteur qui fait performance... On pourrait pourtant en aimer le glissement sur des terrasses successives, on pourrait pourtant chanter sa position centrale et son refus complet de jouer avec le reste de la ville, on pourrait aimer son arrogance, sa franchise, son refus d'intégration. Nous, ici, nous aimons tout cela.
Car, soyons aussi très clairs, nous ne défendrons pas son dessin que rien, ni la masse, ni les profils, ni les jeux d'ouvertures, ni la volumétrie ne sauve. Peut-être que les piliers en V sont, eux, bien dessinés et nous rappellent incroyablement ceux de Le Couteur au Mans.
Mais d'où vient cette hésitation à aimer cette Tour ? J'aime tout particulièrement le dessin du socle mais je n'arrive pas à en croire mes yeux devant une masse aussi peu élégante, se refusant même à un vrai brutalisme cryptique. Que penser de l'effet d'escalier et de gradins en bas ? Que penser du volume débordant et couronnant son ciel ? Mal proportionnée aussi, il lui manque sans doute un bon tiers pour que l'élan soit réel et non rêvé. Elle est comme empâtée, prise par trop de sérieux et aussi sans doute, la peur d'être trop, vraiment trop imposante. Comme si, dans l'érection de cette tour, soudain, surgit la crainte d'être trop affirmée. Une timidité typique de ceux qui d'un coup osent passer à l'acte et se rendent compte dans le même temps de leur ridicule.
Comment notre Président de la République vivait-il quand il était maire de Tulle la présence virile de cette architecture ? Y a-t-il vu le modèle de son ambition, à la fois bien ancrée dans le sol de la France profonde et la tête tentant de toucher le ciel ? A-t-il depuis son sommet, lors de réunions diverses, compris que l'horizon au loin pouvait bien être touché ? A-t-il dans l'ascenseur, sentant la montée irrépressible de la pression des pompes hydrauliques, vu l'image de sa propre ascension politique ?
Quelque chose entre Force apaisée et France tranquille ? A-t-il compris qu'une fois au sommet de la Tour la plus haute, la seule chose à faire c'est de redescendre ?
Mystère... Nous jetterons sur ces questions sans réponse un voile léger et pudique : un tulle.
Mais voici un autre point de vue :



La ville de Tulle présente le lac gris-bleu de ses ardoises. La teinte habille par écho la surface blanche de notre cité administrative. Au dos, le même éditeur fait le même travail comme si sur cette vue générale la seule chose à retenir de cette ville était ce monument. On devine mieux son dessin. On comprend mieux son manque total, mais alors total d'inventivité. Espérons que son sérieux soit au moins un hommage à son programme, à sa fonction.
Finalement, alors même que je voudrais poursuivre un lyrisme amoureux de sa puissance, ne plus rien avoir à dire sur ce type d'architecture. Voilà comment une érection devient vaine. C'est toujours triste une érection inutile.
Espérons que pendant les prochaines Journées Européennes du Patrimoine, tout citoyen ou citoyenne pourra à son tour profiter d'une telle hauteur. Il faut partager le plaisir.










mercredi 7 septembre 2016

L'homme caméra

 

J'étais assis depuis quelques minutes seulement dans l'appartement berlinois de Gilles et de Mathew. Je remarquais dans un petit cadre posé sur un guéridon moderniste une photographie d'un jeune homme brandissant une caméra et filmant je ne sais quoi. Je ne sais pas pourquoi mais je savais d'emblée qu'il s'agissait de Gilles. Sans doute, la 2cv fourgonnette à l'arrière-plan de la photographie ainsi que la posture générale du personnage devaient aider mon esprit pour une telle identification.



Mathew était très prévenant avec moi. Il m'apporta rapidement un thé que je dus choisir parmi une dizaine de variétés que, à ma grande honte, je ne connaissais pas. Je me permis juste de lui dire que j'aimais le thé avec du lait et, sans souci apparent, sans difficulté devant mon indécision, Mathew m'aida à choisir un thé anglais. Il disparut immédiatement dans la cuisine et, de loin, comme ça, nous entamâmes la conversation.
 - Je peux te tutoyer David ? Bon, oui ? Ok ! Dis-moi toi qui as vu Jean-Jean et Denis dernièrement comment tu les trouves ? Je suis un peu inquiet pour Jean-Jean à cause de son frère, tu comprends.
 - Euh, oui, enfin Mathew, je ne sais pas, je ne suis peut-être pas assez proche pour dire comment...
 -Tu rigoles ? Jean-Jean me parle de toi tout le temps et je sais qu'il est allé te voir avec Denis chez toi à... euh...
 - Rouen. Oui, ils sont venus. Ah ? Ils vous ont raconté ? Et j'ai fait ce que j'ai pu et...
 - Non non ! Mieux que ça ! Jean-Jean est bien inscrit à l'école pour l'année prochaine et il... nous te le devons.
 - Mon Dieu ! Quelle responsabilité vous me faites porter ! Non, je crois qu'il a surtout entendu ce qu'il avait envie d'entendre et que Denis a fait un gros travail aussi.
 - Oui, ça c'est certain.
 - Je trouve que ce Denis est génial. Enfin, je veux dire que...
 - Oui ! On trouve aussi avec Gilles que ce garçon est bien pour lui en ce moment.
 - Oui, tragique tout de même cet accident de Mitica. Heureusement il a l'air de bien s'en remettre et du coup Alvar et Émilie aussi.
En m'apportant la tasse de thé accompagnée de biscuits "homemade" comme aima me le préciser Mathew avec son accent américain, nous continuâmes notre conversation. Je racontais à Mathew comment j'avais rencontré par hasard Alvar et Jean-Jean à Royan et comment, petit à petit, nous avions décidé de mettre en lumière le travail de Jean-Michel Lestrade. Gilles entra alors. Il était descendu dans la cave de leur appartement pour retrouver les photographies et documents de l'agence ou de la famille qu'il conservait de son côté. Nous faisions des recherches iconographiques sur l'œuvre de Jean-Michel Lestrade et Alvar m'avait convaincu de partir voir son oncle Gilles en Allemagne. Gilles portait un grand carton qu'il posa sur la table au risque de faire tomber le petit cadre. Je me permis de lui poser la question.
 - Oui, c'est moi ! Tu m'as reconnu ! C'est Hans qui a pris la photo, on venait de me fournir la caméra pour un reportage sur La Grande Motte ! Tu vois, on retourne toujours sur les lieux de son crime !
Je ne compris pas l'allusion et cela se vit sur ma tête car Mathew enchaîna :
 - Ce que veut te dire Gilles c'est que c'est à la Grande Motte qu'il a rencontré Hans la première fois !
 - Oui... Au tout début de sa construction mais là, je devais faire un film pour le Ministère, un documentaire un rien orienté sur le "génie français de l'aménagement des côtes" ! On a même dû aller à Benidorm en Espagne pour filmer un contre-exemple. Tu vois, il y a si peu d'années entre ma rencontre avec Hans et ce tournage et pourtant une si grande différence de vie, c'est hallucinant comment on mûrit quand on est amoureux.
Le carton glissa et fit sa place sur la petite table en poussant le cadre.
 - Combien d'année de différence ? demandais-je en saisissant la photographie.
 - Quatre ou cinq, mais déjà j'avais quitté la France, j'étais installé avec Hans et abandonné mes études d'ingénieur et même déjà fondé ma propre agence de photographie ! Tu vois, Hans me piquait sans cesse mes appareils et...
 - Ça t'énervait ! reprit Mathew en riant.
 - Oui... Bon... On est là pour parler de mon père, pas de ma vie non ? Alors David, que cherchez-vous ? Alvar m'a dit qu'il vous manque des images moins officielles et techniques de mon père ?
Je reposais le cadre sur la table. Je vis Mathew s'en emparer immédiatement et le poser avec délicatesse sur ses genoux.
 - Oui, je sais que tu as photographié pour lui ou pour les architectes avec lesquels il travaillait. Des documents techniques on en a à l'agence mais il faudrait des photographies peut-être moins parfaites enfin, je veux dire moins...
 - Oui je comprends. Je ne suis pas certain d'avoir ça car justement mon travail c'est bien de faire un inventaire et de donner une vision du travail de l'agence de mon père. Mais bon. Je dois bien avoir quelques photos plus familiales. On va fouiller.
...........................................................................
....................................................................................................



Jean-Michel aimait toujours arriver à Royan par cette avenue de la Libération. Il aimait sentir la légère pente qui le faisait descendre vers la ville en reconstruction, vers son chantier là-bas, plus loin, à Notre-Dame de Royan. Maintenant, il le savait, c'était sans doute son dernier aller-et-retour vers cette ville avec laquelle il partageait pourtant tant de souvenirs. L'église de Gillet et Laffaille était presque terminée, il avait même déjà effectué les derniers contrôles avant l'inauguration sous le regard de Sarger. Rien de bien sérieux donc à faire ici, sinon une fois encore quelques mesures pour vérifier l'étanchéité et le raccord entre la structure en V Laffaille et la parabole hyperbolique du toit. On lui avait signalé aussi une fissure sur l'un des éléments du clocher mais il avait déjà rassuré tout le monde, elle n'était que de surface. Alors, étrangement, et ce n'était pas son habitude, mais Jean-Michel se sentait comme en vacances. Il se disait qu'il pourrait bien faire ses derniers contrôles immédiatement, en arrivant puis avoir les deux ou trois jours pour lui, égoïstement, pour se baigner, manger des fruits de mer et aussi aller voir les réalisations si nombreuses des collègues. Il pensait comment il n'avait pas emporté de maillot de bain pour ne pas rendre jaloux Jocelyne de pouvoir prendre du bon temps même s'il savait qu'il ne pourrait pas lui mentir à son retour et qu'elle finirait bien par trouver le nouveau maillot de bain qu'il aurait acheté sous les voûtes du Front de mer. Cela le fit sourire.
 - Et si je prenais par le Front de mer justement se dit-il à lui même.



Rapidement la Traction-Avant emmena Jean-Michel jusqu'au Casino de Ferret. Jean-Michel trouvait qu'il s'agissait là sans aucun doute de l'une des plus importantes constructions de Royan et même de la Reconstruction. Il se décida d'en faire le tour à pied et regretta de ne pas avoir pris son appareil photographique. Il pourra toujours acheter des cartes postales. Le Casino était dans sa blancheur immaculée seulement troublée par la polychromie intérieure visible depuis l'extérieur par les grandes baies. Personne sur la terrasse, l'arrière-saison laissait comme toujours à Jean-Michel ce sentiment que la ville de Royan lui appartenait.
Jean-Michel fut perturbé par une question stupide mais pourtant prégnante, n'arrivant pas à se décider sur le nom de ces fleurs plantées là devant le Casino. Il les avait d'abord identifiées comme des dahlias mais devant la forme et la couleur des feuilles il eut un doute. Il s'étonna alors d'avoir besoin d'une réponse. Sa main gauche se rappela à lui. Elle tenait un sac en toile contenant une serviette de bain aux couleurs trop criardes pour être honnêtes qui effraieraient Jocelyne à son retour et un maillot de bain bleu et rouge. Tout cela, tout neuf. Il était temps maintenant de faire la seule chose vraie ici. Plonger dans la mer.
Les contrôles attendraient demain finalement.


par ordre d'apparition :
- photographie, Fonds Lestrade.
- Royan, Avenue de la Libératon, édition Berjaud.
- Royan, le Casino, édition de l'Europe.
Merci de ne pas diffuser ou copier ces images sans mon autorisation ou celle de la famille Lestrade.