mercredi 31 juillet 2013

Une donation, une tradition estivale

Il semble bien que Thomas Dussaix et Céline Dufust, deux artistes pour lesquels je ne taris pas d'éloges, aient pris tous deux la délicieuse habitude de m'envoyer depuis leur séjour estival une petite livraison de cartes postales. Merci.
Déjà l'an dernier le choix était parfait et cet été je reçois donc une nouvelle série dont le côté hétéroclite ne fait que démontrer l'ouverture d'esprit de la donatrice et du donateur.
Donc, sans autre logique interne voici un petit voyage en cartes postales :



Cette carte postale provient d'une série réalisée par Aleksandra Mir pour la Biennale de Venise en 2009 dont nous avions évoqué la jubilation ici. Notons que Aleksandra Mir nomme bien le nom du photographe qui a réalisé cette étrange vue de Venise... Kim Steele.
On ne peut que prendre plaisir à un petit retour à La Baule avec deux cartes postales nous présentant deux spots bien beaux de la ville. D'abord l'hôtel de Ville par les architectes Durand, Ménard, Mornet et Claisse dont on aime tout particulièrement la belle audace. Ici se sont les éditions du Gabier qui régalent.



Puis on aime toujours autant :





Ce morceau que l'on dirait venu de La grande Motte est bien à la Baule. Les immeubles Santa-Barbara, le Trident, le Clipper Santa Clara, la Louisane et le le Baracouda (sic !!) sont de l'architecte Pierre Doucet. On ne peut qu'acquiescer à cette architecture joyeuse et... élancée comme la vague infinie de la mer toujours recommencée. Merci aux éditions d'art Jack.
Du maintenant très classique :



Le Centre Pompidou vu d'un peu haut et qui laisse à notre droite un tout petit fragment du Diatope de Monsieur Xénakis. On aimera la toile de cirque sur la piazza qui démontre bien qu'il fut une époque où celle-ci avait vraiment une fonction urbaine, festive et qu'elle prolongeait l'événementiel du Centre. Aujourd'hui bien triste, elle est parfois au mieux un parking à touristes attendant sa fouille pour entrer ou un dépôt d'œuvres contemporaines posées là et un peu oubliées. La carte postale est une édition Chantal qui nomme bien Rogers et Piano comme architectes.
Un autre lieu très... public :



Il faut aller à Lourdes pour y voir deux choses magnifiques. Il faut voir la Grotte dont nous devons l'aménagement à Claude Parent (oui !) et il faut aller à la Basilique souterraine St Pie X qui est sans aucun doute l'un des chefs-d'œuvre de l'architecture du béton en France. La carte postale des éditions Doucet nous donne beaucoup d'informations : Longueur 200m, Largeur 80m, Hauteur 10m, contenance... 20 000 personnes ! Et les architectes de cette merveille sont messieurs Vago, Le Donné et Pinsard. Merci messieurs !
Une carte postale éditée par les Becher :



Mais non ! elle est éditée par Cim (Combier). Comme l'indique la carte postale nous sommes en face de Royan à la Pointe de Grave devant le château d'eau et l'avant-port.
J'aime tout particulièrement cette carte postale car elle raconte bien que les éditeurs pouvaient à cette époque s'attacher à des paysages et à des objets architecturaux très particuliers dans la mesure où ceux-ci soulignaient un certain état de la France, ici économique et industriel. Regardez comment cela est cadré. Le château d'eau offre une verticale mais ne doit pas être le héros de l'image, il est l'un des objets de ce lieu comme la route, les petites constructions et au loin le port. Cela forme non pas un objet sculptural dont on déterminerait une typologie mais un paysage à la fois pauvre dans sa résolution et riche dans sa fonction. Il s'agit de dire ici la particularité du lieu, c'est-à-dire son essence et non inventer un corpus de formes. Il s'agit là d'une autre objectivité... Et elle n'est ni nouvelle... ni allemande... Mais dans son bleu très doux elle est extrêmement poétique.
Et puis :



Les cartes postales, il faut bien les expédier ! Nous voici devant les bureaux de Poste de Grand Rapids aux U.S.A. On y apprend que cette poste est ultra-moderne, qu'elle a été construite pour anticiper les 25 prochaines années... C'est H. Wayne directeur des Postes qui nous le dit au dos de cette édition Water Wonderland Cards Company. A-t-elle tenu ses promesses cette Poste après 25 ans ?

lundi 29 juillet 2013

Les bunkers sont agressés aussi à Guidel

On me signale que de bonnes âmes sans doute guidées par le désir de bien faire, (chose souvent partagée par ceux qui ne demandent l'avis de personne sur ce sentiment mielleux) ont peinturluré des blockhaus, des bunkers à Guidel et cela sous le patronage sérieux du Maire !
http://www.ouest-france.fr/actu/actuLocale_-Les-blockhaus-de-Guidel-prennent-des-couleurs-_56121-avd-20130707-65525906_actuLocale.Htm
La mièvrerie de l'ensemble, venant d'ailleurs se poser sur des objets historiques dont la grande beauté vient de leur brutalité, est assez remarquable pour que cela serve de modèle de ce qu'il ne faut pas faire et surtout LAISSER FAIRE !
Autoriserait-on que ces joyeux peintres bourrés de clichés aillent sur les fortifications de Vauban mettre leurs signes ridicules parce que "la guerre c'est pas bien !"
A-t-on si peu de respect, quelque part, pour le silence brisé de ces masses que sont les bunkers, qui par leur expressivité puissante doivent être, par le choc même de leur présence, les seuls à dire la mémoire, rappeler le drame ?
Camoufle-t-on ainsi les monuments aux morts ? Couvre-t-on de graffitis ridicules notre mémoire des événements douloureux ? Va-t-on à Auschwitz peindre les fours crématoires ?
Le seul qui ait su évoquer la fascination qu'exerce sur notre présent ces objets que sont les bunkers est Monsieur Paul Virilio dans son remarquable ouvrage "Bunker Archéologie".
J'invite tous les tartuffes de la bien-pensance à lire cet ouvrage, à apprendre enfin quelque chose de ce que peut être une présence historique, une réalité architecturale, une invention patrimoniale. Les autorités compétentes devraient contre ce type d'agression manifeste faite à notre paysage, à nos sentiments mémoriels, dire leur réprobation.
Nous irons pour notre part, Comité de Vigilance Brutaliste, avec le vent, avec la mer, sabler toutes ces cochonneries d'images et redonner à notre mémoire la seule matière digne de ceux qui, forçats, ont dû faire ces bunkers, le béton brut de décoffrage. On ne met pas du bleu, du rouge sur les empreintes de ces forçats, on ne fait pas de "jolies peintures" sur notre mémoire.
Effaçons rapidement cet affront.
Dégagez !
Il y a pourtant chez les bons graffeurs un fond de morale et je fus particulièrement étonné de la démarche de Julien Seth Malland se refusant à laisser son graffiti sur le mur de séparation entre Israël et la Palestine. Voilà, sans doute, une leçon que devraient suivre tous ces gugusses qui croient bien faire. Écoutez donc comment les graffeurs palestiniens et israëliens se refusent à peindre sur ce mur parce qu'on ne décore pas un affront.
Ils savent eux, éviter l'obscénité.

L'histoire ne devrait retenir que cela :

dimanche 28 juillet 2013

Dormir brutal en Italie

S'endormir à Rome...
Quelle vraie joie...
Surtout si c'est dans l'hôtel Giotto (Albergo Giotto) :



Il s'agit bien d'un hôtel. Mais nous n'en saurons pas plus car mes recherches sur le ou les architectes sont restées vaines. On peut d'ailleurs se demander comment il est encore possible devant une œuvre si singulière dans une ville comme Rome qu'une telle construction reste muette sur ce type d'informations.
Nous ne pouvons que nous contenter d'admirer la forme extérieure d'une grande simplicité articulant deux cylindres emboîtés. Une corniche vient en débord former une casquette plus sombre en haut et comme à l'opposé, le rez-de-chausée est lui légèrement en retrait allégeant ainsi la masse, la donnant comme flottante. Ce rez-de-chaussée est également très ouvert même si une barrière végétale est plantée devant. On aimera la disproportion des bandeaux alternant ceux très larges en parement de briquettes posées à la verticale et ceux étrangement plus étroits, presque comme des meurtrières de fenêtres.



Cela forme une construction un rien sur la défensive, qui semble se protéger de la vie joyeuse de Rome. L'ensemble est aussi posé sans égard pour son environement, brutalement, franchement comme une tour de garde dans une ville médiévale. Alors si nos amis italiens ont un nom d'architecte à nous donner pour ce joli hôtel, on est preneur ! La carte postale ne possède pas de nom d'éditeur mais fut expédiée en 1967. Une carte postale promotionnelle éditée par l'Albergo Giotto ? On notera que l'hôtel existe toujours et que les couleurs...

S'endormir à Padoue...
Quelle vraie joie...
Surtout si c'est à l'hôtel Sheraton (Sheraton Padova Hotel) :



On aimera régler la climatisation sur "fresco" et regarder le ciel bleu légèrement bruni par les verres fumés des fenêtres !
On aimera regarder le très bel escalier extérieur dont le déroulement donne à l'ensemble un mouvement, une grâce bien particulière. On aimera aussi ce dessin de façade qui ne sait pas ce qu'il veut, hésitant entre la franchise nette d'un parfait parallélépipède et une façade sculptée aux décrochements dynamisants.





Nous pourrions vraiment être partout dans le monde, partout, pourquoi pas Padoue ?
Cette architecture nous la connaissons bien, nous l'aimons. Elle fonde un univers fantasmé de vie de luxe, de Jet Set, de starlettes en déplacement, de conférences internationales sur l'amélioration des anesthésies en stomatologie ou des derniers résultats du groupement d'actionnaires de la Banque Libre Luxembourgeoise.
Cela sent la moquette épaisse, les serviettes éponges marron aux broderies en contraste, cela sent la petite rose rouge dans un soliflore posé sur le chevet, les petits bonbons à la menthe dans une coupelle de cristal sur le bureau en stratifié imitation chêne sombre, cela sent la petite bouteille de Champagne à 55 euros dans le mini-bar avec les deux coupes.
Quelque chose de pathétique mais en même temps avec lequel on aimerait jouer pour faire semblant quelques heures d'être quelqu'un d'important.

samedi 27 juillet 2013

Jean Prouvé à Evreux en stéréoscopie

Je savais bien que j'avais photographié cette station-service Prouvé à Evreux !
Et c'était en stéréoscopie pardi ! Et déjà en 2004 ! le temps passe donc bien vite !
Je vous les montre. Pour voir en stéréoscopie, donc en relief, il vous suffit de fixer les deux images et croiser un peu les yeux, loucher vers l'extérieur en fait... Un petit effort et oui, vous y arriverez. Pour moi qui suis habitué c'est très naturel...
Sinon, eh bien profitez tout de même de ces images de cette station-service de Jean Prouvé partie maintenant se promener on ne sait où... à moins que...














Les Cyclades



Souvent, un peu vite, quand on évoque la Grande Motte, on a tendance, et c'est bien normal, à n'évoquer comme architecte que Jean Balladur.
Or, si l'ensemble de la station fut supervisé par l'architecte, il y a aussi de nombreuses réalisations que l'on doit à d'autres architectes ayant suivi de près ou de loin, les avis, les ordres, les conseils de Jean  Balladur.
Nous allons regarder aujourd'hui une de ces réalisations : les Cyclades.



Et s'il s'agit d'une carte postale à vues multiples, nous allons nous en réjouir car ainsi nous allons pouvoir saisir un peu mieux l'ensemble de ce Village Vacances dessinés par Messieurs De Richemond et D'Outreligne si on en croit la carte postale Combier.



Pas de Pyramide ici mais un plan carré offrant en son centre une cours intérieure dans laquelle les architectes ont dessiné un très joli ensemble de petites constructions cylindriques dont les fenêtres des chambres sur des coursives sont orientées. La cour agit comme un paysage protégé et inconnu pour les passants à l'extérieur de la construction. On voit d'ailleurs que la façade est découpée dans l'esprit de la Grande Motte, reprenant le jeu graphique de cercles et de bandeaux offrant une ombre salutaire. L'image dans la ville donne à ce Village Vacances la sensation d'un socle sur lequel les Pyramides viennent se poser.



Il faudrait avoir la chance de visiter ce lieu pour poursuivre le plaisir donné par le détail du hall d'entrée dont le design du comptoir de réception laisse rêver à des aménagements bien marqués par leur époque. Sans doute que cette impression a dû disparaître aujourd'hui.



On aimera aussi le très beau logotype des Cyclades dont nous ne connaissons pas le concepteur. l'ensemble forme bien une belle carte postale qui raconte une œuvre, qui offre une sorte de porte temporelle vers une époque qui, depuis les images, semble toujours radieuse.
N'oublions pas que la Grande Motte est un ensemble, que petites, grandes réalisations et mobiliers urbains sont indissociables et que c'est bien cet ensemble qu'il faut protéger.

vendredi 26 juillet 2013

La mer ou la montagne ? Les deux.

Au milieu de l'été, vous avez sans doute déjà fait votre choix.
Il y a ceux qui ne peuvent vivre sans mettre leur derrière dans l'eau et ceux qui ne peuvent se priver de l'air frais et vivifiant des altitudes alpestres. Vous me direz, on peut faire les deux choses aux deux endroits !
Certes !
Alors, juste comme ça, voici l'occasion de rêver, un peu comme Alphonse Allais rêvait de voir la ville à la campagne, de rêver donc de voir les sports d'hiver sur le littoral...
Mais d'abord la montagne :



Nous sommes à la Plagne, sous la station Aime 2000 très bien dessinée par Michel Besançon. Si l'architecture est une grande réussite on s'attardera aussi sur le design absolument superbe de la cabine de téléphérique qui vient à point nommé jouer avec les formes de l'architecture. La composition dit l'essentiel : la neige, la construction, le téléphérique, le ciel. Quoi ajouter ? Rien ! c'est bien ainsi que l'on imagine les vacances à la montagne et cette carte postale Théojac pour Iris sait parfaitement résumer ce moment. Notons que la maison Théojac a produit de très beaux clichés souvent bien plus artistiques et sophistiqués que ses concurrents. Malheureusement, les photographes ne sont pas toujours nommés... la carte postale fut expédiée en 1976. On verra aussi que ce point de vue est presque identique à celui déjà publié ici.
Et la mer :



Bon, on ne la voit pas beaucoup la mer sur ce cliché, c'est vrai mais on voit bien la résidence "Les barbecues" création de la Société SOLIM, première réalisation de l'Unité Touristique du Barcarès. Ce n'est pas moi qui le dis mais l'éditeur et photographe Paul Goudin qui réalisa ce cliché (sans doute promotionnel) en 1966. La carte fut expédiée en 1971.
L'ensemble est très beau par ses formes et ses imbrications de volumes mais aussi par le traitement varié des surfaces. Tout tient également dans le jeu des fermetures très sombres qui viennent en contraste avec la blancheur des murs. L'influence de la Grèce fait bien penser à Georges Candilis...
Et la montagne à la mer alors ?
Et bien... voilà :



Oui, les cartes postales n'arrêtent pas de m'étonner !
Cette piste de ski artificielle est près de chez moi et je l'ignorais ! Nous sommes à... Dieppe !
D'ailleurs les éditions La Cigogne ne s'y trompent pas en titrant la carte : Mer, Soleil... et Ski. Je n'avais jamais entendu parler de cette piste de ski auparavant. Il faut dire que je suis plus mer que montagne n'ayant jamais chaussé ces objets curieux que sont des skis. Il semble que la piste construite à la fin des années soixante soit abandonnée aujourd'hui et même qu'elle tombe dans la mer. Cela donne furieusement envie d'aller voir.
Je prendrais mon maillot de bain et ma doudoune, on ne sait jamais.

jeudi 25 juillet 2013

Ruines instantanées à Venise

Je vais rarement aussi loin dans le temps avec vous et surtout, ce que je vous montre en général, est debout, du moins sur les cartes postales.
Mais la fouille dans les boîtes à chaussures réserve parfois des images, des cartes postales incroyables qui portent bien une séduction qui ne résiste pas à notre domaine habituel.
Aujourd'hui je vous propose de voir 4 cartes postales d'un événement très spectaculaire et particulier : l'écroulement du Campanile de Venise survenu en... 1902 !
Le 14 juillet 1902 exactement. Mais ce qui est encore plus incroyable c'est que ces cartes postales furent affranchies par la Poste italienne le... 23 juillet 1902 ! Soit 9 jours plus tard ! Oui...



On voit bien là comment la pratique de la carte postale était tout à fait différente de celle de nos jours même si je me souviens avoir vu à New York au pied des ruines du World Trade Center, des petits marchands d'images qui vendaient des cartes postales des deux tours en feu une année après l'attentat. Et que, par morale, je m'étais interdit d'en acheter.
On peut penser que l'actualité chaude de cet effondrement du Campanile a fait réagir à vitesse grand V les marchands surtout que Venise a toujours été touristique et que la construction en question est bien une sorte de phare pour cette ville, sa verticale. De plus il n'y eut aucune victime donc moins de réticences à produire des images.
Quelle instantanéité ! Et quand on sait l'extrême rapidité du service postal et sa fréquence à l'époque qui nous étonnerait aujourd'hui, on peut dire que la carte postale jouait bien dans la cour des grands médias comme les journaux ou le télégraphe.
Les 4 cartes postales furent expédiées vers Paris, timbre sur l'image comme il était de rigueur à l'époque. La correspondance devait d'ailleurs aussi figurer sur l'image même, le dos restant strictement réservé à l'adresse. Ici les cartes sont arrivées malgré une adresse plus que simplifiée parfois " Madame Rebin Paris " ! Il faut dire que deux des cartes postales possèdent l'adresse complète et que le correspondant a dû penser que le tri ferait le complément !
Le Campanile fut reconstruit et inauguré en 1912.
Vous qui passez à Venise, regardez le campanile et dites-vous qu'il pourrait bien encore laisser sur la place son tas de gravas comme une Montagne insolite. Soyez prudent !
Alors ? Ce ne sont pas là de beaux documents que votre blog favori vous livre pour cet été ?









mercredi 24 juillet 2013

Raoul, le Palmier

Raoul le Palmier avait commencé sa carrière de plante d'agrément dans les couloirs du centre médico-chirurgical Foch à Suresnes.

Studio J. Collas.



















Raoul se souvenait bien de son arrivée ici, au milieu des couloirs. Il se souvenait très bien aussi comment l'infirmière Pascaline lui avait donné ce joli pot blanc, comment elle l'avait rempoté dans la cour de l'hôpital sous les sourires des chirurgiens-chefs qui se moquaient un peu de ce morceau de nature au milieu de l'hygiène. Le Professeur Mathurin voyait même dans Raoul le Palmier un ennemi plein de microbes qu'il aurait bien laissé dehors.



Mais il fallait bien donner un peu de chaleur à la salle d'attente et déjà des philodendrons et un autre palmier était là.
Raoul le Palmier se souvenait de l'accueil un peu froid de Maurice cet ancien palmier collé lui dans un coin et comment il jalousait Raoul d'avoir été posé au milieu, trônant en quelque sorte, faisant le fier.



Mais Raoul le Palmier comprit rapidement que Gérard le vieux philodendron, l'ancêtre de la salle d'attente était un type bien. Il avait eu droit à la place devant la fenêtre, place aussi très convoitée même si parfois, le pot de Gérard le Philodendron servait un peu de cendrier pour les messieurs en attente de naissance ou pour les enfants ne sachant où mettre leur papier de bonbon.



Mais Gérard le Philodendron n'aurait changé sa place avec personne et il racontait toute la journée les allées et venues dans la cour de l'hôpital à ses camarades, ce qui rendait Raoul le Palmier bien heureux. Il faut dire que le vieux Gérard le Philodendron avait de l'humour.
C'est d'ailleurs en observant les arrivées et les départs de l'infirmière Pascaline que Gérard le Philodendron informa ses camarades que celle-ci depuis quelque temps n'arrivait plus à pied mais en automobile, accompagnée par un jeune homme bien mis de sa personne. Et Gérard de raconter les baisers langoureux des deux amants, les sourires appuyés de l'infirmière Pascaline. Ainsi Raoul, Gérard, Maurice et toutes les autres plantes s'amusaient à surveiller l'infirmière dans tous ses déplacements, de service en service.
Mais, un matin, le jeune homme amoureux de l'infirmière vint s'asseoir à côté de Gérard le Philodendron qui surprit alors sa conversation avec le Professeur Mathurin. Ce dernier regrettait bien la décision de départ de Pascaline son infirmière préférée, souhaitait bonne chance au couple, demandait au jeune homme de bien réfléchir avant ce départ pour la Normandie.
La petite troupe des plantes en pots commença à regretter ce futur départ et tout le monde se demandait si Gérard n'aurait pas mal compris avec son grand âge ce qui rendait ce philodendron furieux.
Mais un matin, Gérard le Philodendron annonça l'arrivée du couple avec la voiture pleine d'affaires jusque sur le toit de la petite Fiat. Seule Pascaline l'infirmière descendit de la voiture restée en marche et avant même de la voir, Raoul le Palmier entendit chacun de ses pas dans l'escalier. Et ce fut la stupeur de toute la petite troupe....
L'infirmière Pascaline prit dans ses bras Raoul le Palmier et tout en jetant un dernier regard sur son service, elle tournait sur elle-même offrant à Raoul un dernier adieu déchirant à ses amies les plantes vertes. Dans la voiture, coincé entre une valise et corbeille à couture, Raoul entendit Pascaline l'infirmière affirmer à son fiancé qu'il n'était pas question qu'elle laisse à Suresnes son palmier et que celui-ci serait très bien dans son nouvel endroit...

collection Robin.



















... Dans le hall d'entrée de la Mairie de Grand-Couronne, Raoul avait été posé là par Pascaline l'infirmière, sur ce socle, au milieu de l'escalier principal. Une belle lumière l'inondait surtout l'après-midi et toute la journée sauf les dimanches, il y avait des visiteurs, des habitants, du personnel.



Mais Raoul attendait tous les jours l'arrivée de Pascaline son infirmière qui passait prendre son jeune époux devenu conseiller municipal communiste de la Ville, il y était chargé des Sports et de la Jeunesse.
Certes Raoul parfois regrettait l'humour de Gérard le Philodendron, mais finalement il s'était attaché à son nouveau poste qui lui offrait un beau regard sur l'extérieur et la compagnie joyeuse des lierres qui étaient bien bavards et amusants. Et dans la géométrie parfaite et moderne de ce Hall de la Mairie de Grand-Couronne, il pouvait toujours profiter de son infirmière qui toujours venait voir si on l'avait bien arrosé, si on avait bien retiré ses vieilles feuilles. Et, un matin, dans le pot vide laissé dans le coin de l'escalier, il vit Pascaline les bras chargés d'un autre palmier tout jeune et superbe. La nouvelle plante se nommait Solange, elle était belle, fraîche et timide.
On dit que parfois, sans bien comprendre comment, on retrouvait au matin Raoul le Palmier posé dans ce coin à côté de Solange.



Vers un Ministère de la Culture et de la Destruction ?

Après la guerre, une génération solide et courageuse a relevé la France sous l'appui d'un Ministère de la Reconstruction et de l'Urbanisme.
Aujourd'hui nous serions le seul pays au monde à posséder un Ministère de la Culture et de la Destruction si on en croit le manque d'attachement de la ministre en charge actuellement du Patrimoine Moderne et Contemporain, pour lequel, c'est clair maintenant, elle semble  n'avoir aucun attachement. Un manque de... culture architecturale ?
http://www.latribunedelart.com/la-halle-de-fontainebleau-va-etre-demolie
Je propose de commencer une liste des monuments modernes morts sous le ministère actuel.
Malheureusement cette liste sera longue.
Envoyez-moi tous les bâtiments modernes et contemporains laissés sans projet, sans classement, sans protection. Cela sera comme un bombardement sur notre mémoire.
Ça suffit !
Il y a un moment où le Ministère ne mérite plus le travail de la société civile que l'on épuise par une indifférence qui est bien aussi un geste politique. Ceux qui font le travail de signalement, ceux qui simplement veulent refonder la relation entre le grand public et l'héritage moderne méritent mieux que cette politique de gestion. La Culture cela ne se gère pas, cela s'invente.
Dire qu'on se targue d'être le pays le plus visité du Monde. Bientôt les touristes viendront voir un champ de ruines ?
Madame, Madame.... il est encore temps.
Sauvez  l'école d'architecture de Nanterre, sauvez l'école de Gond-Pontouvre, sauvez la halle Esquillan de Fontainebleau, sauvez le siège social Novartis-Sanofi de Rueil-Malmaison...
Faites, enfin, de la politique.
Nous en ferons également quand on nous demandera un bulletin de vote, on se souviendra.
On n'oublie.

mardi 23 juillet 2013

Et Nervi

La structure, toujours la structure.
Voilà bien ce qui souvent, révélée, soulignée, déterminée et assumée fait architecture.
Parfois même et c'est bien le cas ici, cela fait décor...



Cernant une petite piste de danse laissée vide, une multitude de petites chaises se rassemblent autour des cercles blancs impeccables de nappes que l'on croit blanches. Sans doute que l'absence de ceux qui d'habitude viennent ici doit mettre en valeur quelque chose en écho : le plafond !
Car la carte postale semble vouloir  rendre hommage en effet aux ellipses multipliées qui donnent bien à voir l'incroyable beauté de ce plafond que l'on doit à Pier Luigi Nervi. Oui.



Quelle résille superbe ! Comme une palme, comme l'intérieur secret d'un coquillage, ce plafond fait le spectacle.
Nous sommes aux thermes de Chiancano en Italie bien évidemment. Là encore, comment ne pas admirer la superbe qualité éditoriale de cette carte postale des éditions N.B dont la photographie met parfaitement en avant la qualité spatiale de ce lieu. On devine aussi un certain chic, même une préciosité des matériaux du décor que, le même lieu publié cette fois dans une carte postale en couleur, donne plus à voir. Les tons pastels sont étonnants, comme des glaces italiennes !



Et comme nous ne parlons pas assez souvent de Pier Luigi Nervi sur ce blog, je vous donne aussi cela :



Le Palais du Sport de Rome dans le quartier E.U.R (prononcez éhourré, comme Claude nous l'indique). Là encore au-delà de l'architecture superbe du Maître, on pourra aussi juger de la très belle mise en espace de cet objet architectural visible à l'arrière plan, alors que devant nous, les lignes noires et puissantes des sapins comme des piliers porteurs semblent nous rappeler que la nature est souvent la source même de l'inspiration pour les belles structures.
Quelle composition !
La Poste italienne édite timbre et tampon d'affranchissement qui sont donc à l'unisson pour un entier philatélique des éditions Alterroca.
Enfin, je retrouve toutes ces beautés de Nervi dans un très beau petit volume Nervi par Maté Major aux éditions HenschelVerlag.
Je vous en donne à voir quelques images :



on retrouve la voûte des thermes de Chiancano (1952).

celle du Palais du Sport, Oscar Savio photographe.

structure et plafond du Palais du Sport, Oscar Savio photographe.


lundi 22 juillet 2013

Le sucre en morceaux

Il y a peu, nous avons découvert en Afrique le travail étonnant de Wallace Neff avec ses constructions de béton gonflé à Dakar.
Nous allons voir aujourd'hui quelque chose qui s'y apparente beaucoup même si, là encore, il sera sans doute difficile d'établir un lien entre les deux lieux, les deux architectures :



Nous sommes devant les habitations de la Société Sucrière de Nossi-Be à Madagascar. Les éditions Opticam ne nous donnent pas plus d'informations malheureusement.
Je ne trouve même pas sur Google Earth la localisation précise car Nossi-Be (Nosy-be) est le nom d'une région et non d'une ville...
Si un ami malgache nous lit... Merci de nous informer !
Regardons de plus près ces constructions.



On retrouve bien une allure générale qui fait penser à celle de Wallace Neff avec un dôme semi-sphérique qui semble ici posé sur une base plus haute. La qualité des ouvertures est bien moins belle que celles de Dakar et l'état de l'ensemble est plus dégradé. La surface est boursouflée, craquelée et des coulures qui pourraient bien être d'un goudron d'étanchéité sont apparentes.
On s'étonne aussi que les ouvertures soient posées si haut dans la forme.



C'est un peu triste...
L'image ne nous en dira pas plus, on ne perçoit pas d'autres modèles ou des collages du même entre eux.
Y-a-t-il eu d'autres expériences de ce type sur l'île de Madagascar ? Sont-elles encore utilisées ? On devra attendre les connaissances de nos lecteurs pour savoir si cette aventure africaine de maisons-bulles fut plus grande que nous aurions pu l'imaginer.