samedi 24 août 2013

Tous à Perpignan !


Je vous invite à venir voir une partie de ma collection de cartes postales à Perpignan à partir du 31 août et cela jusqu'au 14 septembre.
Sur l'invitation de Clément Cividino et de l'association "le Design s'expose" que vous connaissez bien sur ce blog, cette exposition sera comme une découverte, une sorte de petite dégustation bien épicée de ce que vous pouvez voir et lire sur ce blog depuis maintenant 6 ans. Il ne s'agit pas d'être exaustif, mais de voir "pour de vrai" une sélection tout à fait personnelle des architectes qui me semblent essentiels et surtout de mesurer la manière dont ceux-ci sont représentés par cet art populaire.
Presque 200 cartes postales rangées dans un quarantaine de cadres ! C'est bon ça !
Tous à Perpignan ! Le vernissage aura lieu de 2 septembre à 19h !
Venez nous voir !
Toutes les informations ici :



Pour bien comprendre :

Ce que m’auront appris les 8000 cartes postales en ma possession c’est bien que je suis un collectionneur...
Ce que m’aura révélé mon blog architectures de cartes postales c’est bien qu’apprendre est possible même au travers d’un objet modeste.
Aujourd’hui surtout classées par architectes, il serait tout aussi possible de classer ces cartes postales en les regardant sous des angles bien différents comme la photographie, le graphisme, le point de vue, le genre.
Nous essayerons dans cette minuscule sélection de rendre compte en effet des relations étroites entre tous ces arts particuliers et cet objet populaire.
La carte postale comme l’architecture contemporaine sont souvent associées à des clichés. Il faut bien dire que la production massive n’aide sans doute pas ce genre à trouver des particularités et à nous laisser croire à une culture possible de l’image. Pourtant, des expériences radicales de Claude Parent et Paul Virilio à Nevers en passant par les logements sociaux typiques du Hard French, la carte postale a su rendre compte de l’incroyable effervescence de l’architecture française pendant cette période de l’après guerre jusqu’au milieu des années 80.
Sait-on que Lucien Hervé édita des cartes postales de ses clichés pour Ronchamp ?
Et que Charles Bueb en fit tout autant et n’a rien à lui envier ?
Sait-on que Doisneau photographia le Centre Pompidou pour une édition qui ne fait que peu d’ombre aux photographes inconnus de la production de masse touristique ?
Sait-on que, parmi ces photographes moins connus, certains ont réalisé une véritable œuvre photographique, parfois documentaire, parfois artistique, posant sur des icônes architecturales ou sur des objets plus communs un regard ouvert et libre des contraintes des architectes ?
Les photographes des éditions Lyna ou Raymon ont ainsi saisi la banlieue parisienne et ont su en donner une image saisissante de calme, de joie et de beauté que la photographie plasticienne contemporaine de Martin Parr à l’école allemande de Düsseldorf ont bien du mal parfois à concurrencer...
Si l’ensemble des éditeurs et des photographes ont fabriqué pendant toutes ces années avec les cartes postales ce qui aujourd’hui est indéniablement une source documentaire c’est bien que leur liberté d’action, de choix mais aussi leur implacable ratissage des objets et des lieux ont formé une puissance d’images que seuls aujourd’hui sans doute, des instruments comme Google Earth peuvent concurrencer.
Tout fut photographié.
Mais surtout tout fut regardé.
Et ce regard au-delà de l’image surannée que nous avons des cartes postales est bien un regard particulier, inventif, novateur et même, j’ose, d’avant-garde dans sa forme objective.
Et si la qualité de ce genre est pleine de degrés différents allant des grands noms de la photographie (Lucien Hervé) aux grands noms de la cartes postale (Albert Monier), il ne fait aucun doute que l’architecture de cette période a certainement eu la chance de croiser ces travailleurs de l’image auxquels il est temps aujourd’hui, de rendre hommage.
Ils ont inventé un genre, saisi une histoire, fabriqué un objet éditorial qui offre l’occasion de redécouvrir notre relation avec cette architecture qui a vu parfois ses ciels bleus des cartes postales s’assombrir et devenir inquiétants. 
Alors la carte postale devient un outil de militantisme pour le patrimoine, une manière de remettre dans le présent des objets architecturaux menacés.
On verra donc dans ce modeste accrochage que la carte postale a su suivre et accompagner la transformation de nos villes et de nos paysages et devenir ce que Serge Daney appelait l’image absolue.
Oui absolue...
Bonne visite.
David Liaudet

vendredi 23 août 2013

Holidays after the Fall ? A very beautiful book !



Je reçois souvent ce genre de demande, où l'on me prie de bien vouloir faire des scans pour des livres, des magazines ou tout autre média. C'est bon signe. Cela veut dire que le travail que nous effectuons ici est devenu une source d'images et donc sans doute d'intérêts pour la carte postale comme représentation de l'architecture moderne et contemporaine.
Cela fut le cas pour ce livre, Holidays after the Fall pour lequel j'ai prêté quelques cartes postales de Varna offertes par Claude Lothier.  Cet ouvrage en anglais permettra à tout un chacun de redécouvrir l'histoire de l'aménagement des côtes pour les loisirs balnéaires dans les pays de l'Est comme la Bulgarie et la Croatie. Je ne pourrai malheureusement pas dans le détail vous faire une fiche de lecture car mon anglais est bien trop faible pour saisir le contenu dans toute son ampleur. Mais je peux tout de même vous donner envie de le lire car, pour ceux qui maîtriseraient mieux cette langue, il ne fait aucun doute que cet ouvrage est complet, sérieux et original quant à son angle et à sa vision. D'abord nous allons nous réjouir d'une telle approche vis-à-vis d'un patrimoine architectural un peu oublié mais qui semble depuis peu (Merci Frédéric Chaubin) retrouver un intérêt auprès des historiens de l'architecture et des amateurs de choses étranges que nous sommes.
C'est aussi un objet sur une forme de décadence d'un rêve que la chute du mur accentuera. La nostalgie Camarade est aussi opérante ici au moins pour moi, dans les images d'une gloire ensoleillée mais passée que laissent percevoir des images de bonheur peut-être un peu trompeuses.
Le livre d'un point de vue éditorial est un bel objet, bien imprimé et offrant une mise en page superbe et originale et une iconographie incroyable. On débute par un ensemble étonnant de photographies provenant d'une agence du Tourisme croate et nous montrant les lieux dans leur beauté première. On est presque devant Martin Parr et John Hinde regardant le Bultin's !
Puis les auteurs déploient leurs connaissances d'abord d'une manière globale en introduisant également les préoccupations similaires en France par exemple (eh oui...) On comprend que les enjeux sont relativement identiques en termes de programme : la mer et le soleil pour tous mais... bien canalisés alors...
Mais aussi, il est question d'une vraie qualité architecturale, de vraies trouvailles qui débordent bien les simples questions pratiques et politiques ! Ensuite, un ensemble de plusieurs hôtels et lieux de villégiature sont étudiés en détail avec plan, situation, histoire. Et là, on reste parfois bouche bée devant les grandes machines touristiques dont l'architecture est d'une très grande qualité. Malheureusement maintenant parfois négligées et abandonnées, les ruines deviennent à leur tour des objets photogéniques assez incroyables...
On termine par une série de photographies de Nikola Mihov qui nous promène dans ces mêmes lieux aujourd'hui avec un regard photographique très contemporain.
Je vous invite donc si cette architecture et cette période vous intéressent à vous plonger dans cet ouvrage qui signe sans doute là, un premier pas vers une ré-appropriation de ces lieux et de leur maintenant nécessaire conservation.
Je remercie ici tout particulièrement Elke Beyer pour sa confiance et à travers elle, l'ensemble de l'équipe éditoriale.
Bonne lecture !

Holidays after the fall,
Seaside Architecture and Urbanisme
Edited by Elke Beyer, Anke Hagemann and Mickael Zinganel
JOVIS éditions
isbn-978-3-86859-226-9

Je suis tellement content de retrouver l'Hôtel Haludovo Resort que nous avions vu ici grâce à une carte postale trouvée par Claude et destinée, rien moins qu'à Monsieur Persitz ! L'architecte : Boris Magas !
Confirmation donc de l'information de Benoît.











la France est bien représentée !












copyright Daniele Ansidei



copyright Daniele Ansidei



copyright Nikola Mihov



copyright Nikola Mihov



copyright Nikola Mihov



jeudi 22 août 2013

Sensations d'espace

Deux cartes postales, deux pays différents mais deux belles sensations d'espace.
Au Vatican :



La carte postale Scala est datée de 1971 et nous montre une très belle réalisation de Pierluigi Nervi : la salle des audiences à la Cité du Vatican. Tout tient en terme d'images dans ce jeu de lumière qui souligne les nervures du plafond et révèle la structure de l'édifice dont l'insertion dans la parcelle est plus que délicate. On aimera que le photographe se place ainsi tout à côté de l'un des piliers nous offrant cette sensation de poussée et de déploiement. Pour ma part j'ai moins de goût pour le vitrail et l'oculus au fond de l'image qui viennent en contraste sur un mur quadrillé... C'est un peu lourd. Le marbre brille à nos pieds. Nous sommes bien au Vatican !





Sur la Costa Brava :



Quel bel espace non ?
Nous sommes cette fois à l'Hôtel Cap Sa Sal grâce à une carte postale Carrera. On admirera surtout l'incroyable voûte de briques reposant sur des piliers puissants et massifs. Cette voûte fait bien le spectacle de ce lieu que la sculpture moderne par sa verticalité semble nous désigner. On s'amusera de la ponctuation lumineuse sur ces briques venant des grandes lampes identiques bien espacées. Il semble qu'on ait attendu la nuit pour révéler par la lumière artificielle le volume de la pièce. Une telle voûte mériterait bien de retrouver son architecte et malheureusement internet et ma bibliothèque restent muets à l'identification d'une telle œuvre.
Qui saurait ?
On aimera aussi le beau mobilier rustique-chic et surtout les petits fauteuils et tables circulaires au premier plan mais le vrai luxe ici c'est bien ce bel espace.
Deux lieux, deux programmes, deux solutions architecturales mais bien comme promis deux belles sensations d'espace.





mercredi 21 août 2013

Presque Claude Parent à Moscou

Les images sont parfois bien embêtantes.
Ne donnant à voir (et seulement à voir) les formes, elles nous égarent sur des rapprochements possibles. Parfois c'est juste, parfois c'est faux.
Regardons cette carte postale :



Il s'agit de l'immeuble du Conseil de l'Assistance Mutuelle Économique à Moscou. On y voit ce qui est sans doute l'une des plus belles expressions de la puissance architecturale soviétique. J'ai toujours beaucoup aimé cette construction et la manière dont elle affiche clairement ce qu'elle est. Deux tours courbées se font face et ne sont réunies que, sur toute la hauteur, par une cicatrice de verre qui fait les circulations et les échanges entre les deux tours. On aimera cette manière d'ouvrir ainsi une masse, de la fendre en deux et de montrer la jonction qui, du même coup, devient pour l'utilisateur, une sorte de belvédère. L'architecte de cette beauté russe est Mikhail  Mikhailovitch Posokhin.
On notera que cet immeuble eut droit à un article dans Architecture d'Aujourd'hui en 1970.



Superbe.
Mais... Comme je le martèle souvent, le cerveau ne peut s'empêcher de rapprocher cette construction d'une autre.
L'autre en question n'a pas eu la chance d'être construite, il s'agit de l'immeuble de bureaux pour l'Éducation Nationale (1970)  par Claude Parent, architecte.





Dans un plan carré, Monsieur Parent fait des saignées, ouvre le bloc en trois, fouille en quelque sorte à l'intérieur de ce qui d'habitude forme l'interne pour mettre sous le regard mais surtout sous le corps un ensemble de pentes à 6% qui montent et descendent offrant enfin la rupture nécessaire avec l'idée d'un monolithe vertical.





 À l'œil, nous sommes bien devant une verticalité mais la disposition architecturale, la conception même de ces circulations, j'oserai irrigations, démentent formellement cette sensation architecturale pour faire de l'usage de la construction une dynamique vivante dont les hommes sont le fluide.
Et cela change tout.
Et, ici, l'expression "mettre l'homme au centre de l'architecture" n'est plus une phrase de la communication mais une réalité plastique déterminante à la forme et à la fonction ! Une sorte, et c'est drôle, de fonctionnalisme abouti.
Je me souviens bien lors de l'exposition de Monsieur Parent avoir regardé cette maquette et avoir projeté dessus mentalement mon souvenir de cet immeuble de Moscou, je me souviens bien de cette force qui fait travailler une image mentale contre une réalité. Mais finalement entre une construction réalisée que je ne connais pas et une construction rêvée dans laquelle par mes connaissances je veux me promener, il m'est aisé de savoir là où je vis vraiment une expérience. Pas de doute, j'ai plus souvent arpenté les pentes de l'immeuble de l'Éducation Nationale de Monsieur Parent que les étages réguliers de Moscou.
L'imaginaire est une réalité. C'est bien ce que produisent les dessins de Monsieur Parent. La théorie de l'oblique existe, je l'ai visitée avec le corps et même, oui, avec mon imaginaire.
Et ce projet de Claude Parent est sans doute pour moi l'un des plus signifiants de l'attitude de l'architecte. Démontant totalement le fonctionnement des habitudes, reprenant pourtant la forme globale, il réussit le tour de force de donner à penser et à vivre une architecture bouleversante car déstabilisante aux corps et aux idées reçues.
Lisez maintenant Monsieur Parent :


Concours
pour le ministère
de l'Éducation nationale
à La fense
1970
J'ai toujours été frappé par les projets de Le Corbusier et des architectes du mouvement moderne, dans le mesure ils sont inséparables du contexte d'un aménagement global du territoire. Ils sont à la fois le constituant de base des villes et l'illustration de la pensée théorique d'un urbanisme et d'un mode de vie à venirEn répondant au concours du Ministère de l'Education Nationale, j'ai tenté de suivre la même méthodeLa tour (puisque tour il y avait obligatoirement) sert de prétexte à mettre en cause le mode de vie dans les immeubles de bureauet leur assemblage sous forme de quartiers d'affaires du type Défense. Les cinq premières planches du concours sont donc consacrées à une violente critique, à une destruction complète du thème immeuble vertical de bureaux. A la suite, l'introduction de l'oblique en spirales et hélicoïdes de 6 % de pente à l'intérieur de l'immeuble permet de prendre le contre-pied complet de la vie habituelle (cloisonnement de l'espace, isolement, cloisonnement du travail, etc., ou promiscuité excessive) d'une tour.
La répartition spatiale s'inverse. Les bureaux sont tournés vers l'intérieurreconstituent des vis-à- vis, les circulations en rampes à 6 sont en façade interne, le travail et ses communications donnent spectacle en permanence. On retrouve une liturgie du travailLes salles de réunion qui sont au centre traditionnellement (obscuritésont situées alors en périphérieCette disposition permet de rapprocher les immeubles, en diminuant le prospect jusqu des distances de rues (on constitue un tissu urbain serré et denseavec une maille rectangulaire le long des façades (Véhiculeset une maille organique et souple à l'intérieur des immeubles (piéton).
Claude Parent, Entrelacs de l'oblique, éditions du Moniteur, 1981.