mercredi 29 décembre 2021

La Droite déteste le Patrimoine contemporain

 Il y a vraiment des personnalités qui ne peuvent pas s'empêcher d'apparaître toujours en premier sur les sites de recherches. Ainsi, si vous faites une recherche en tapant architecture et Levallois-Perret, le premier résultat est une affaire honteuse, un scandale, celui de la destruction d'un Patrimoine architectural pendant la gouvernance de la ville par le couple Balkany.
Et une destruction de Patrimoine pour rien... Bien évidemment...

Cela doit être amusant d'être à ce point toujours, toujours à l'origine de problèmes, d'être des sortes de stars des affaires, stars qui, au moins pour l'une d'elles, a fini en prison.
En prison, Monsieur Balkany. En prison.
Espérons que, lorsque sur un moteur de recherches on tapera à l'avenir Levallois-Perret et Balkany, on tombera automatiquement sur le site officiel de la Prison de la Santé. Que voulez-vous, les algorithmes des moteurs de recherches ont cette neutralité sophistiquée qui laisse dans le monde numérique la trace la plus méritée. Grain de riz doit maintenant avoir un ordinateur et une ligne internet... Il aura donc l'information.

Mais cette évidence masque souvent ce que l'on cherche et il faut un peu de patience pour que nos recherches ne nous mènent plus sur ces affaires mais pour trouver finalement le nom d'un architecte ayant construit à Levallois-Perret : Jacques Starkier.
Merci à Jean-Louis Violeau de m'avoir donné cette piste :



En effet, dans une série de trois cartes postales, se trouve le Groupe Scolaire Ferdinand Buisson de Levallois-Perret, dont le moins que l'on puisse dire c'est que sa façade et son allure étaient assez remarquables. Remarquables d'ailleurs au point que cette ville de Levallois-Perret a cru bon l'éditer en carte postale puisque cette série est une édition de la ville, jointe au bulletin municipal lors d'une exposition d'urbanisme en 1974. 
Il faut dire que la Mairie de Levallois-Perret alors savait être fière de son architecture contemporaine, sans doute parce que son maire était alors communiste. Il s'appelait Patrick Jans. On pourrait facilement penser que ce fut une raison supplémentaire pour que Monsieur Balkany en éradique l'héritage. 

Alors ces trois cartes postales sont donc bien des objets politiques visant à promouvoir l'action de la ville de Levallois-Perret. Je ne sais rien de cette exposition d'urbanisme, difficile donc d'en dire autre chose qu'elle se devait sans doute de mettre à l'honneur les constructions nouvelles en 1974. Je ne sais pas non plus si d'autres cartes postales appartenaient à la même série. On note que les quatre objets choisis (une piscine, une crèche, un groupe scolaire, des fontaines) sont des constructions servant la collectivité et pourraient avoir eu droit à des éditions de cartes postales d'éditeur comme bien d'autres constructions de ce type à la même époque. Une fois encore, la carte postale est aussi vue comme un moyen de communication politique valide et compris par tous.

Mais revenons à nos objets architecturaux. D'abord donc ce groupe scolaire de Jacques Starkier. Je trouve peu de choses sur cet architecte et il reste difficile à cerner. Nos habituels points d'appuis restent muets... On remarque surtout une écriture de façades dont on ne peut pas dire qu'elle nous évoque le plan. On reste sur ce jeu formel et beau de lignes brisées dont on croit comprendre qu'elles sont dues à des panneaux pris entre des raidisseurs créant un rythme cinétique et coloré qui fait toute l'architecture. S'agit-il d'un pur façadisme ?



Pour la piscine et la crèche, (malheureusement assez invisible) on ne peut pas plus trouver d'informations. On devine pourtant une architecture se voulant transparente, ouverte et bien typique de l'écriture de l'époque. Il semble bien que l'une et l'autre aient disparu.
Reste le très bel ensemble des fontaines ! Mais qui avait dessiné ça ? L'Œuf, centre d'étude ? On pourrait aussi y retrouver l'écriture de  Michèle Goalard et Marchais pour le V.V.F de la Grande Motte. Je n'ai rien pu confirmer. Mais que cet ensemble était beau. Vous voyez le chat et les cow-boys ?
On regrettera que l'ensemble de ces photographies soient un rien mal imprimées, un rien trop blanches dans le tirage. Cela plaira aux photographes contemporains qui ont cette tendance à blanchir leurs ciels, à éteindre les contrastes. Douceur un peu trop accusée. On notera que le nom du ou des photographes n'est pas indiqué sur les cartes postales.




Comme l'année se finit, il est aussi amusant de rassembler des gens qui se ressemblent :

Et donc... Monsieur Balkany a fini en prison. En prison.

Mais rassurez-vous, la gauche fait sa part aussi.
Tous nos vœux patrimoniaux pour 2022 de notre part.
Walid Riplet, Jean-Jean Lestrade pour le Comité de Vigilance Brutaliste.
David Liaudet.




jeudi 16 décembre 2021

Maisons-ballons en Provence

Avant d'appeler David pour avoir la confirmation que je n'avais pas rêvé, j'ai d'abord cherché sur Google Map s'il restait quelque chose de ce village de bungalows en bulles de béton à Carnoux-en-Provence. Il semble bien que non, à part des exemplaires doubles restés debout devant les tennis de cette résidence de vacances.




On est heureux, une fois encore, qu'une bien modeste carte postale en multi-vues (si peu aimée des collectionneurs) soit à l'origine de cette découverte, malheureusement un peu tardive pour sauver cet ensemble remarquable. On a préféré fabriquer des immondes petits chalets en faux style provençal...
Je savais bien que j'avais vu ce modèle de bungalow en bulle de béton et David, immédiatement, me conseilla de chercher dans son classeur Mission Racine les cartes de Port Barcarès et je retrouve bien ce modèle.




Aucune des deux cartes postales ne donne malheureusement le nom de l'architecte ou du promoteur de ce type étonnant et assez beau de maison bulle. On note tout de même qu'il devait agir surtout dans le sud de la France. On reconnaît dans ce modèle bien entendu Beg-Meil de Mouette et Székely, le Motel de Raon- l'Étape de Hausermann, les bulles six coques de Maneval, mais surtout les expériences africaines de Wallace Neff à Dakar et ses maisons-ballons ou l'expérience de la maison gonflée pour l'Abbé Pierre. Mais ici, sans autre information, il est difficile de définir comment celles de Carnoux-en-Provence ou celles de Port Barcarès furent construites. Un moule ? Un ballon ? 
On peut s'étonner qu'une telle originalité, une telle image-même a fini par se démoder et que l'ensemble soit rasé sans remord. Pourquoi ? Des raisons structurelles ?

On reparlera de Carnoux-en-Provence car elle demeure une ville incroyable à l'histoire très particulière qui comme pour Mourenx ou Bagnols-sur-Cèze mériterait un véritable inventaire et sauvegarde avant que le mauvais goût des promoteurs canailles ne finissent par recouvrir cette histoire et cette ville moderne de tuiles romanes de merde, de fer forgé Leroi-Merlin pour faire semblant.
Peut-être que quelqu'un a écrit quelque part l'histoire de ce modèle de bungalow. Je vous écoute.
Walid Riplet pour le Comité de Vigilance Brutaliste.

La carte postale de Carnoux est une édition Tardy en Ektachrome.
La carte postale de Port Barcarès est une édition Dino par Paul Goudin, photographe.

Pour revoir quelques articles :
Sur Wallace Neff :

http://archipostalecarte.blogspot.com/2016/01/le-palmier-la-bulle-et-wallace-neff.html

http://archipostalecarte.blogspot.com/2015/02/wallace-neff-est-gonfle.html

http://archipostalecarte.blogspot.com/2013/07/le-sucre-en-morceau.html

Sur la maison de l'Abbé Pierre :

http://archipostalecarte.blogspot.com/2019/08/labbe-pierre-et-sa-boule-zero.html

Sur Beg-Meil et Székély :

https://archipostcard.blogspot.com/2011/07/le-futur-avait-raison.html

https://archipostcard.blogspot.com/2008/11/le-mont-analogue-de-monsieur-szekely.html

Sur la bulle six coques et les micros architectures sauvées :

https://renamimoa.jimdofree.com/chantiers-actualités/

Sur Raon-l'Étape :

https://archipostcard.blogspot.com/2011/09/lest-allez-vers-lest-2.html

https://archipostcard.blogspot.com/2007/10/leau-vive-de-monsieur-hausermann.html


etc...Bon courage, bonne lecture.





mercredi 15 décembre 2021

Il en va de l'ordre à Royan

Il en va de l'ordre en l'architecture comme chez les hommes : un certain besoin de régularité. Sans doute que la spontanéité ne laisse pas assez de place à l'égalité et que, pour construire et se rassembler il est bien mieux de tout ranger :





Ces deux cartes postales n'ont finalement qu'un seul point en commun mais qui me suffit à les rassembler à la fois dans mon imaginaire et dans ma collection : Royan.
La première est une carte-photo nous montrant l'équipe de rugby de Royan le 27 octobre 1930 si on en croit l'inscription au verso. L'autre, c'est bien entendu le Front de Mer de Royan, aujourd'hui défiguré deux fois par la suppression du portique et par les auvents ignobles venus se greffer dessus pour préserver l'électorat des commerçants qui y font commerce (pour l'essentiel) de nourriture dont le niveau gustatif vaut à peu près le niveau architectural de leur extension : ne mangez pas là.
Pourquoi donc réunir ces deux images ?
Pour rien.
Comme ça. Pour s'amuser d'abord du sérieux des deux images, de leur régularité. On ne sourit pas beaucoup quand on est joueur de rugby en 1930 à Royan et heureusement que la belle courbe du Front de Mer vient comme un sourire compléter cette image.
Bien entendu, il est certain que cette équipe de rugby a dû voir Royan se transformer, a dû voir Royan détruite et reconstruite. Ils sont tous de cette génération. Ont-ils avec leurs bras musclés participé à cette Reconstruction ? Comment ont-ils vécu la guerre et la destruction de leur ville ? Ont-ils repris l'entrainement après ?
Un détail me plaît car il me rappelle des photos de familles de l'époque : c'est que les rugbymen sont chaussés d'espadrilles qui se lacent sur la cheville. Mon grand-père avait les mêmes. Un autre détail est étonnant mais je vous laisse le découvrir.
La carte postale du Front de Mer est une édition Berjaud expédiée en 1961. On notera les très beaux petits mâts de métal et leurs toiles en textile pour faire de l'ombre à gauche. Voilà qui était léger, sobre, sans doute coloré et qui ne gênait pas la lecture de la belle façade de ce Front de Mer.
Allez ! Un peu de courage politique ! Un peu de courage patrimonial ! Et, au matin, venons découper ces extensions immondes sur ce Front de Mer ! Libérons Royan de cette verrue. Un beau placage pour une belle passe.
Et que le ballon ovale passe à nouveau par dessus le portique enfin reconstruit.
Walid Riplet, pour le Comité de Vigilance Brutaliste.

mardi 14 décembre 2021

Ça soulève le cœur.

 Depuis longtemps maintenant, nous chantons ici les joies et les beautés de la ville nouvelle de Bagnols-sur-Cèze, magnifique exemple de ce que l'urbanisme et l'architecture moderne ont réussi de mieux dans un petit ensemble greffé à une ville ancienne.
Et, chaque fois que l'occasion m'en sera donnée, je vous montrerai ainsi la qualité de cette écriture.
Cette fois c'est par un beau détail, bien de près, que nous allons regarder grâce à une carte postale des Éditions du Sud Est expédiée en 1965 :



Bien entendu ce qui frappe en premier lieu c'est l'incroyable qualité de la grille. Quel dessin de façade ! Quel chant de l'angle droit ! Quelle belle gestion des pleins et des vides jouant à la fois de la répétition rythmée et des décrochements ! Regardez comment le dessin du rez-de-chaussée joue avec les étages réguliers. Il ne faut sans doute pas trop s'attarder sur le choix des couleurs des pochoirs pour cette carte postale évidemment en noir et blanc puis coloriée ensuite. Certes, cela produit aussi le charme de l'image mais la réalité des tons devait être tout autre. 
La vedette de cette carte postale c'est bien le Monoprix ! Pas de doute sur le fait que le photographe soit venu cadrer ainsi le petit supermarché pour chanter la modernité du lieu et son côté pratique. Ce Monoprix donnera à cette ville nouvelle un atout précieux sur la manière dont on vit là alliant architecture, urbanisme et style de vie. 
La carte postale ne nomme pas les architectes et comme à l'habitude le correspondant ne dit rien ni de l'architecture ni de la manière dont il y vit. L'image se doit à cette information. Mais si on s'amuse à regarder où l'adresse nous emmène, on se retrouve à Marseille devant une boulangerie qui devait être encore en 1965 une boulangerie nommée "Au Petit Paris". Il ne fait aucun doute alors qu'il s'agit de montrer de commerce à commerce comment une ville nouvelle a agencé sa vie commerçante. 
Faut-il se rendre là-bas aujourd'hui pour se réjouir de la visite de l'une des plus belles expériences d'urbanisme et d'architecture du Vingtième Siècle ? Oui, si et seulement si on veut constater comment on a su détruire, abîmer, mutiler, sacrifier cette expérience pourtant essentielle dans l'Histoire de l'Architecture.
Ça soulève le cœur. Honte.
Je vous conseille vivement de lire l'article du Moniteur :

Et comme nous évoquons l'œuvre de Monsieur Candilis, n'oublions pas le combat pour sauver le Kyklos à Port-Leucate !

Pour revoir et relire quelques articles anciens sur Bagnole-sur-Cèze et ses architectes, Candilis, Josic, Wood :

Etc... Bon courage...


dimanche 12 décembre 2021

Tout est pardonné Madame Von Hausswolff.

Au moment où je me décide à publier cet article, et aussi parce que c'est dimanche, je voudrais évoquer l'affaire de Nantes où l'artiste-musicienne Anna Von Hausswolff s'est vue empêchée de faire son concert dans l'église Notre-Dame-de-Bon-Port par des intégristes catholiques, du moins c'est comme ça que les autres les appellent.
D'abord, je ne suis pas catholique et j'ai envie de dire davantage : je ne suis pas chrétien.
Mais quand je rentre dans une architecture consacrée si elle est chrétienne je retire ma casquette, si elle est musulmane je retire mes chaussures, si elle est juive je me couvre la tête et surtout je me sens invité par ceux qui sont croyants et qui me font la gentillesse d'un accueil dans un lieu tenu par ses murs mais aussi par ses cérémonies.
Si donc le Diocèse de Nantes avait donné son accord, il n'y avait donc aucune raison d'interdire à cette artiste de faire son concert, surtout que l'Église (et une fois encore) a toujours montré son ouverture et en ce sens sa générosité œcuménique. 

Quand on se dit artiste et que l'on veut user d'un lieu aussi particulier qu'une église, peut-être qu'il faut se poser la question de son projet artistique nécessitant ainsi une véritable tournée dans des lieux aussi marqués. Pourquoi donc avoir besoin de faire spectacle là, dans des lieux qui appartiennent à un certain ordre cérémonial, à un certain usage de la tranquillité, de la prière et du recueillement ? Pourquoi donc cette artiste, pour être "reconnue" comme telle, se doit-elle ainsi à faire musique dans des lieux aussi marqués ? Que veut-elle dire ? Quel projet artistique se doit donc à cette nécessité impérieuse ?
N'y a-t-il pas là instrumentalisation du risque ? Manière d'être décalée, de se croire hors des usages cérémonieux par l'usage d'une liberté d'expression prenant un appui un peu forcé sur l'ouverture d'esprit d'une religion ? Et de s'étonner ensuite de ce refus ? 

A-t-elle pris contact, discuté avec les paroissiens de chacune des églises pour expliquer son projet ? A-t-elle eu la gentillesse de leur demander ainsi une permission d'utiliser leur lieu ? A-t-elle invité les paroissiens à venir gratuitement l'écouter ? Qui remercie-t-elle à la fin des concerts ? A-t-elle compris que les enjeux d'un tel espace n'ont rien à voir avec une disponibilité d'une espace ou même d'un instrument de musique comme un orgue ? Car oui, un orgue dans une église n'est pas qu'un orgue. Il est un instrument liturgique c'est à dire qu'il participe aux enjeux cérémoniels du lieu et il n'est, en ce sens, pas disponible comme n'importe quel instrument de musique. Vous l'aurez compris Madame Anna Von Hausswolff ne fait pas de la musique liturgique au service d'une espérance mais fait son œuvre qui passe par l'utilisation de l'image d'une église comme décor, comme étrangeté, comme disponibilité transgressive. Et quand bien même, il n'y aurait que ce type de lieu pour prodiguer ce genre d'instrument cela n'exclut pas de prendre en compte le rôle liturgique de l'instrument ou même la prise de possession d'un espace par un public profane venu là pour autre chose que la cérémonie. Est-elle si naïve qu'elle ne sait pas qu'elle construit d'abord une trangression ? Bien évidemment non... Au contraire. (Tout son projet tient là, soyons clairs)

Un orgue dans une église n'est pas qu'un orgue.

Et ce refus lui fait la publicité, apparaissant comme une artiste maudite, sulfureuse. J'y participe donc. C'est à regret, croyez-moi et c'est pour cela que je ne cautionne pas l'action des intégristes. Ils lui ont rendu service, bien mieux qu'une agence de com.

Mais, pas plus que je n'aime voir des défilés de mode de merde sous la coupole de Niemeyer au siège du Parti Communiste Français, pas plus je ne peux considérer qu'une architecture ne soit qu'un espace équipé dont l'usage de l'équipement serait détaché des rôles premiers de ces architectures. On n'écoute pas de la musique sur haut-parleur dans une salle de lecture à la bibliothèque, on ne mange pas son sandwich au musée, on ne bavarde pas au Monument de la Déportation.
Ce respect ne doit pas s'exercer par la violence mais par l'altérité.

J'aimerais juste que Madame Anna Von Hausswolff et ses amis si libéraux des usages des lieux consacrés se posent la question de leur besoin viscéral à transgresser pour exister, et de leur irritation soudaine, leur offuscation épidermique alors même que l'Église avait donné son accord. 

Le spectacle, partout le spectacle. La culture partout, l'Art nulle part.
La chrétienté apprend l'Art du Pardon.  Alors : tout est pardonné.
Tout est pardonné.
Tout est pardonné Madame Von Hausswolff.

Je reprends donc :




Me voilà récipiendaire d'une carte postale de maquette d'architecture. Merci Christophe.
On ne pourra que l'ajouter à la masse importante maintenant des cartes postales d'architecture et plus précisément même des cartes postales d'architecture d'églises qui sont en passe de devenir un genre à part entière.
Avouons-le, nous aimons ça ! 
Ici, nous sommes grâce aux éditions Pya, devant la maquette de l'église Sainte Monique de Nice. On note que l'éditeur nous donne le nom des architectes A(?) et H(?) Arziari, le nom du photographe J. P. Augerot de Nice. C'est déjà bien. Il semble qu'il y ait encore une agence Arziari en fonctionnement mais je ne trouve pas grand chose sur les réalisations plus anciennes et rien sur cette église en particulier. On notera que le photographe plonge la maquette dans le noir, semblant ainsi flotter sur son plateau. On s'amuse de quelques détails avec la sortie d'église d'un couple de mariés accompagné sur le pas de la porte du curé. Quelques Norev feront la circulation. Aurez-vous remarqué que la maquette est éclairée par l'intérieur et projette du jaune vif sur l'entrée et sur la chaussée ?
Je m'étonne peu de la forme globale de cette église Sainte Monique assez semblable à la production de l'époque avec son toit en courbe, sorte de tremplin associé à un campanile ici en tubes métalliques. On sent bien une certaine économie à l'œuvre, quelque chose a minima du moderne mais assez efficace dans sa simplicité. Ce qui m'étonne beaucoup plus c'est la manière dont l'église sur son îlot est associée à une petite barre dont je ne sais pas son rôle dans le programme. Un centre œcuménique ? Des logements pour des prêtres ?
Cela produit une cour entre l'église et cette construction d'ailleurs assez bien dessinée. 
Que dire d'autre devant une telle carte postale ici expédiée en 1973 ? 
La maquette semble bien être une production du cabinet d'architecture Arziari si on en croit le cartouche collé dessus.
Une fois encore, reste difficile de dire comment et où cette carte postale fut distribuée et si son rôle était bien de récolter des fonds pour son édification. Le correspondant ne dit rien de son choix.
L'église est toujours debout à Nice.
Bonne promenade.

Pour les plus courageux, les maquettes :
Pour les plus croyants, les églises du XXème siècle :

samedi 13 novembre 2021

Car c'est notre projet

Nous allons retourner à Venissieux. Il faut toujours, comme le criminel et le photographe, retourner sur le lieu de son crime. 
Deux nouvelles cartes postales viennent remplir en quelque sorte les trous de notre analyse sur un urbanisme du Hard French. En effet, avec deux cartes postales supplémentaires on peut un peu mieux saisir de quoi était (est encore ?) fait un urbanisme assez typique de ce genre.
Deux cartes postales qui nous montrent bien comment le photographe de Combier a tenté de prendre en compte toutes les qualités de ce genre de constructions.
Il a, ce photographe, en quelque sorte, deux attitudes possibles : 

- soit il décide de raconter la zone tout entière en faisant jouer d'écho en écho les tours les unes contre les autres, tentant d'embrasser l'ensemble (le Grand Ensemble) comme pour en montrer les espaces intermédiaires, les fuites du regard, la gestion des vides faits de la création de parking, de pelouses rases et d'arbrisseaux, prouvant que la montée dans les verticales assèche la densité au sol, le rend au ciel, rêve moderniste trainant encore de la cité-jardin, la rue ayant disparu au profit d'un vide. Ce vide aujourd'hui considéré comme un manque, comme aussi un espace à redensifier pour en corriger l'ennui qu'on croit devoir lui attribuer. Ce premier point de vue renvoie aussi les immeubles, les tours à leur identique image, posées les unes après les autres, égalitaires, identiques, à l'infini, produisant comme le dira le commun de l'analyse de ce genre d'espace l'ennui donc et l'incapacité à s'y identifier. On voit aujourd'hui que cette impression est bien tempérée, voire même acceptée, ces espaces ayant plein d'occasions d'une reconnaissance de lieu dans la culture populaire : un territoire, une comté, presque un pays. On est autorisé à y entrer ou pas.
Le photographe de l'époque de ces prises de vue pour des cartes postales n'est pas encore assujetti à ces frontières invisibles, errant comme il veut au milieu de l'espace, tentant d'en rendre compte au mieux, laissant le regard le traverser sous un ciel étalé outrageusement, ou l'espace ne semble nous dire qu'une seule chose : je me répète de loin en loin. D'ailleurs, rien dans cette carte postale, à part l'usage du parking, n'est visible comme prise en compte de ces vides. Personne sur les pelouses, personne pour en faire des lieux de jeux, de culture, de sport, de commerce (licite ou illicite). Personne ne semble s'approprier cet espace, cet air pur, cet horizon, cette liberté voulus par les urbanistes et architectes. Je n'en tire, croyez-moi, aucune conclusion négative.





-soit il privilégie un immeuble, une tour en l'isolant, en lui donnant la chance d'être peut-être reconnue comme étant celle-là, celle précisément où l'on habite, de faire de cette tour en quelque sorte non plus un espace mais un lieu. Il la mettra alors au milieu de son cadre, la choisira, sans qu'il nous soit possible aujourd'hui de savoir pourquoi c'est celle-ci, la redressera dans ses verticales, lui fera toucher les bords haut et bas de la carte postale, lui donnant une force, une majesté assez radicale. De chaque côté, le vide de l'espace reprend pourtant ses droits et au loin, cette tour choisie se voit relativisée par la présence de ses sœurs identiques. On pourra alors mieux en lire la magnifique grille moderniste, la qualité incroyable de cette architecture que nous devons à Beaudoin et Grimal, architectes si on en croit l'éditeur Combier. 

Comment tirer (et qui ?) une conclusion sur ces deux regards d'un même lieu ? Qui croire et qui pour s'y reconnaître comme habitant mais aussi comme architecte ? Dans laquelle de ces deux cartes postales Grimal et Beaudoin ont pu dire " oui c'est que nous avions décidé", "oui c'est notre projet". Et qui aujourd'hui pour désirer les contrarier depuis des images à la fois idylliques et sans concession au réel, ayant juste eu l'opportunité d'enregistrer ce moment, à la fois dans l'objectivité d'une tâche à accomplir, photographier un lieu, et dans le désir sans doute, oui de nous en montrer aussi sa beauté ?
Qu'importe ce que l'image trahit ou révèle, qu'importe que nous puissions aujourd'hui nous interroger sur cette représentation en sachant comment l'histoire, bonne ou mauvaise, est passée sur ces espaces. Il nous reste ça, la beauté parfaite d'un moment, écrit, traduit, (dites ce que vous voulez) mais présent, et j'ose révélé par la qualité d'un métier : photographe anonyme de cartes postales.

Nous étions à la Zup de Vénissieux, aux Mingettes, par Combier éditeur. Pourrions-nous y être encore ou y être de la même façon ? Habiter là a du sens encore. C'est ce qu'il faut défendre, c'est que ça en a toujours eu.
Retournez-y :

 

mercredi 10 novembre 2021

Palais des Consuls pour les bourgeois

Une fois encore, hier, je n'ai pu m'empêcher d'aller regarder les travaux impressionnants du Palais des Consuls de Rouen. Comment dire ?
D'abord, et même si cela semble contradictoire, toujours aimer voir une construction ainsi ouverte, montrant ses organes et son squelette, avoir aussi l'impression que nous pourrions, non pas nous croire au moment de sa réhabilitation mais au moment de sa construction. Il y a toujours un moment du chantier où nous pourrions en effet nous penser dans une machine à remonter le temps, face au Palais des Consuls en train de naître. Mais... la rêverie tombe rapidement et c'est bien à une restructuration totale à laquelle nous assistons, médusés par la cure radicale qui semble en cours.
Soyons rassurés sur la préservation du bâtiment puisque la communication sur le chantier nous indique que ce chantier se fait en concertation avec les Bâtiments de France et que les ferronneries de Raymond Subes et les bas-reliefs de Maurice de Bus seront restaurés et conservés dans le nouveau projet comme si la préservation d'un sens architectural ne dépendait que des décors de cette architecture. Au moins, réjouissons-nous que les architectes des Bâtiment de France soient venus donner leur avis. C'est déjà ça.
On voit donc ce Palais des Consuls réduit à une immense carcasse béante, montrant sa structure et à l'arrière de celui-ci un trou immense est en formation. 
La communication du chantier est comme à son habitude pour ce genre de travaux : faussement chic, honteusement enrobée de typos majestueuses et d'images idylliques où, le moins que l'on puisse dire, c'est que l'audace et l'originalité manquent terriblement au profit de représentation de décors qui pourraient convenir à un centre de congrès de province (parfait on y est), un hôtel bon marché à Biarritz. C'est affligeant. Affligeant. On aime que le "design soit contemporain"...
Mais le mot Patrimoine est bien là, inscrit, comme une excuse, une profession de foi. Passons. Finalement c'est à l'image de la politique rouennaise en terme de Culture et de Patrimoine : du faux-semblant. 
Faux-semblant de chic, faux-semblant d'attention au Patrimoine, faux-semblant d'une politique culturelle réelle, faux-semblant de design. On a vu ce que cela donne à l'Aître St-Maclou devenu une foire. Pourrions-nous proposer de mettre une sculpture de Gisèle Halimi dans le hall de ce nouveau Palais des Consuls pour être complet et en adéquation avec la politique culturelle et patrimoniale de la ville de Rouen ?



Mon frère Christophe m'apporte alors un numéro de la revue de Rouen entièrement consacré à ce Palais des Consuls, à son histoire, sa construction, sa livraison. La revue propose même un plan en coupe ! Je vous en propose quelques extraits. Le ton est sérieux, heureux aussi du relèvement de Rouen après les désastres des bombardements, un ton un rien notable. Toute une époque.













Dans ma collection, une seule carte postale de ce Palais des Consuls de Rouen. Ce qui est fort étonnant au vu de la popularité et de l'importance de cette construction. Je m'étonne même de n'en avoir jamais vu de l'intérieur. Le bâtiment serait-il en quelque sorte trop sélectif d'un point de vue social pour que la reconnaissance d'image ait lieu ?
La carte postale est une édition Cap qui ne précise pas le nom des architectes mais replace le Palais des Consuls sur les bords de Seine de la Reconstruction de Rouen. Il apparaît presque anonyme ainsi, presque perdu.



Je vous donne enfin quelques photographies du chantier actuel. On y admirera la qualité structurelle du béton armé et sa simplicité relative.
Sur l'une des palissades du chantier, un inconnu a écrit un slogan. J'en aime à la fois sa démagogie lucide, sa clarté analytique et la tendresse de l'intervention. Rien à redire à cette vérité quatre étoiles. J'aurais pu ajouter petit à bourgeois ou... étriqué, ou pire... rouennais.








On admire le choix de la typo, faussement chic...comme une signature.






















lundi 11 octobre 2021

La destruction de Royan et son retour chez moi

 Faudrait-il que je laisse dans les boîtes à chaussures les cartes postales de Royan que je trouve ? Est-ce que le fait que ma collection de cartes soit maintenant au musée doit éteindre mes recherches ? Puis-je reconstruire cette collection ?
Je ne peux pas réfréner mon élan naturel à posséder des images de la plus belle ville du Monde. Ce sera ma Reconstruction de Royan à moi et les nouvelles venues finiront bien par rejoindre les autres au musée.

Alors, si cette ville est ce qu'elle est, c'est bien que le drame a eu lieu. Ce drame terrible d'une erreur de stratégie, d'une stupidité tactique. Cela est maintenant incontestable. 
On trouve assez facilement des cartes postales de cette tragédie et des ruines de Royan. Les éditeurs sont venus rendre compte de ce paysage étrange et de la disparition de la ville. On y verra au choix un voyeurisme populaire ou un désir de documenter et d'informer. L'histoire de la carte postale fera pencher l'avis sur le second choix. Il s'agit alors de rendre compte en attendant que des comptes soient rendus aux habitants.

Dans mes recherches sur Royan, j'ai découvert ces documents absolument passionnants écrits par Paul Métadier, ancien maire de Royan, documents publiés en 1948. Je vous les donne en entier, sans filtre, à votre propre lecture. Les accusations sont à peine voilées et donc courageuses et De Gaulle y est remis à sa place.
Rien à ajouter. 

Que faire alors, pour nous qui admirons la superbe Reconstruction de Royan, de cette peine, de cette colère ? 
Ne m'oublie.

Je ne vais pas m'étendre. Je vous laisse avec ces cartes postales et ces documents. Vous jugerez à votre tour, l'histoire est faite ainsi, de retour, d'observations, de tentatives de comprendre ce que nous n'avons pas vécu. Voici l'occasion, bien modestement, d'en vivre quelques moments tragiques et tendus en attendant la Beauté qui viendra. C'est Royan. La plus belle ville du Monde.

éditions Gilbert, après l'occupation, la Rue de la République




éditions Gilbert, après l'occupation, l'Église.


édition Gilbert, après l'occupation, les ruines de la Jetée


édition Gilbert, après l'occupation, Quartier de l'Église



édition Gilbert, après l'Occupation, le phare du Chay



édition Gilbert, après l'occupation, le Casino.




éditions photographiques Michel Cartier, Royan, rue de Foncillon



éditions Tito, le casino, clichés : Tito-Videau




éditions Tito, Royan, vue générale actuelle, Berjaud.