dimanche 30 novembre 2014

Quelques heures avant la bulle six coques

On aime le projet de Mourenx depuis longtemps.
On aime son urbanisme, son architecture et les représentations joyeuses que Monsieur Roux en a fait en cartes postales.
Mais aussi, évidemment, on aime ici que Mourenx soit une création de deux architectes, messieurs Maneval et Douillet dont le premier, avec son projet suivant de Bulle six coques nous occupe en ce moment même.
On aime en quelque sorte Mourenx à rebours de la bulle !
Voici que trois nouvelles cartes postales entrent dans la collection, elles vont nous permettre à nouveau de nous réjouir et aussi de comprendre que les photographies de cartes postales offrent des visions bien différentes.



Cette première carte postale nous montre donc la ville de nouvelle de Mourenx en fin de chantier. Ça sent le neuf et les abords des immeubles ne sont pas encore bien achevés. On devine pourtant depuis ce point de vue en hauteur (mais pas d'avion !) le plan masse de la nouvelle ville faite d'unités de voisinage avec sa tour centrale et les petites barres qui semblent vouloir l'entourer. L'échelle de Mourenx est une échelle tranquille, apaisée, où aucune construction n'est gigantesque. On est loin d'une barre de 4000 logements ! Offrant des redents, des espaces ouverts et fermés s'alternant doucement, le plan éparpille en quelque sorte la densité pour donner des espaces de vie utiles.
Au loin, on voit se répéter les tours et on devine même, choix volontaire sans aucun doute du photographe, la raison même de Mourenx, à droite Lacq et à gauche Lagor comme l'indique l'éditeur Rex. Cette carte fut expédiée en 1966.



Cette fois les éditions Iris pour Cap-Théojac nous offrent à la fois la couleur et le sol !
Ce que nous voyons de Mourenx est la place du Béarn et le Centre Commercial. C'est vrai que la couleur donne ici un chatoiement qui manquait sans doute un peu à la carte postale précédente. On reconnaît tout de même des types de construction bien marqués de l'époque comme les auvents de métal courant sur les dalles piétonnes pour inventer des passages abrités pour les commerces. C'est, en général, ce réseau de petits commerces, de bars, de marchands de journaux qui animait le pied des logements et qui a disparu en premier suite à l'implantation à quelques encablures de supermarchés qui ont tué la vie au pied des petits et grands ensembles. La "vie de village" réinventée dans cet urbanisme souvent bien conçu fut détruite par des décisions municipales d'implantations de zones commerciales.



Mais une autre chose m'étonne ici, c'est le traitement par trois fois différent des façades des immeubles. La grande tour, la barre de gauche et la barre de droite ne possèdent pas en effet le même dessin. J'aime tout particulièrement celui de la barre de gauche avec son alternance parfaite de carrés ouverts ou fermés. Qui détermina quoi ?
Mais alors que ces deux cartes postales de Mourenx ne nomment pas les architectes Maneval et Douillet, en voici une troisième, plaçant la ville nouvelle un peu au loin qui nous montre la Cité "Novarina" :



C'est un tout autre type de concentration de constructions et un tout autre type même de construction auxquels nous avons à faire !
Des petits villas parfois groupées autour de jardins sans clôtures au premier plan laissent voir un peu plus loin des petits constructions en bande puis le Centre Est comme les nomme la carte postale.
Je trouve dans Architecture d'Aujourd'hui de 1962 un article consacré à ces habitations. On remarque tout de suite que la revue associe Gaston Jaubert à Maurice Novarina alors que la carte postale oublie cet architecte... On notera aussi la faute faite sur le nom de Maneval nommé par la revue Meneval...
Dommage aussi que l'on ne puisse pas voir mieux les petites villas du premier plan qui ont l'air particulièrement bien dessinées.
Je ne vous donnerai pas de vue depuis Google Street-View de ce que devient Mourenx simplement parce que c'est totalement déprimant de voir l'état de cet ensemble.







samedi 29 novembre 2014

Hôtel Continental, Hôtel des ventes

Cette carte postale de Royan est assez rare comme le sont souvent les cartes postales de promotion pour les hôtels :



On y voit le très bel Hôtel Continental à Royan qui est sans aucun doute l'un des plus beaux bâtiments de Royan. On en admire encore son très bel escalier visible dans sa cage de verre. On aime aussi comment est dessinée la volumétrie avec la masse des chambres suspendues sur des pilotis qui dégagent au premier niveau deux espaces totalement transparents pour l'accueil et l'entrée de l'Hôtel Continental.
La carte postale est une édition Arlix en véritable photo au bromure comme nous l'indique l'éditeur. Pourtant... on devine facilement les trucages photographiques des automobiles collées sur l'image ainsi que l'enseigne ajoutée sur le cliché !
On note une croix au stylo-bille sur la façade mais aucune correspondance au dos et donc aucune date. Le photographe a tout de même réussi depuis ce point de vue à nous offrir une vue sur la plage.





J'ai un souvenir très particulier avec cet Hôtel.
Lors d'un séjour à Royan, nous étions tombés sur l'hôtel fermé dont le hall d'entrée était rempli du mobilier de l'hôtel, promis par affichage à une vente aux enchères... J'étais alors un peu trop jeune, pas assez aventureux et je n'avais pas le temps d'assister à cette vente mais j'avais fait une série de photographies à travers les vitres de l'hôtel.
Je me souviens surtout de ma grande frustration de ne pouvoir ainsi accéder à ce mobilier ni de pouvoir en acquérir une partie. Une déception qui, me croirez-vous (oui sans doute), m'habite encore ! Nous étions je crois vers 1992 ou 1993. J'ai retrouvé une partie de ces photographies, certaines découpées ou repeintes à l'écoline pour une tentative ratée de collage... J'avais une telle envie ainsi d'essayer de m'approprier cet espace, espace nostalgique déjà, d'un Royan des années cinquante disparaissant sous les coups de marteau des enchères, dispersion des souvenirs. Comme geste ultime à cette mémoire, j'ai égaré les négatifs.
Mais me reste à l'esprit une chose solide et ferme, la fin d'une époque visualisée soudain au détour d'une promenade dans la plus belle ville du Monde. J'imagine que la plaque de l'Hôtel Continental a disparu à jamais, que le beau porte-manteaux dont je possède depuis un modèle identique fait le bonheur d'un amateur de Design Vintage.
Sait-il lorsqu'il accroche son vêtement que sur ces boules de couleurs, rouges, jaunes, bleues, ceux sont des vies entières de plaisir, de joie du balnéaire qui s'y sont également accrochées ?














 







Et voici une image contemporaine de cet hôtel.
Certains reconnaîtront la chevelure au premier plan...



mardi 25 novembre 2014

Le Corbusier tout de métal

Hier, alors que j'étais perdu dans les photographies des numéros d'Architecture d'Aujourd'hui, je suis tombé sur cette publicité étonnante :



La société Besson et Lepeu rappelle comment elle a collaboré avec Le Corbusier pour la construction de la structure métallique du Pavillon Suisse à la Cité Universitaire de Paris !
Pourquoi donc en 1965, une société se permet pour parler de ses compétences techniques d'évoquer un travail réalisé il y a plus de trente ans en 1932 ?





Il va de soi que le nom de Le Corbusier y est pour quelque chose et que ce nom, dans une revue comme Architecture d'Aujourd'hui est un sésame à l'attention du lecteur. On notera aussi que cette revue et donc cette publicité sont contemporaines de Le Corbusier qui est encore vivant à la sortie de ce numéro...
On a vu récemment une carte postale de ce même pavillon faisant l'éloge d'un autre entrepreneur reconnaissant dans ce chantier un moyen de dire ses compétences.
Profitons donc de cette publicité pour regarder  une nouvelle carte postale de ce Pavillon Suisse, arrivée il y a peu dans ma collection qui commence à contenir un nombre relativement intéressant de cartes postales de ce Pavillon, preuve de son succès éditorial.


Quelle qualité non !
La carte postale a été éditée par les éditions Moutsouris mais n'est pas datée. Elle est bien évidemment contemporaine de la construction si on croit sa photographie, son impression photographique et la typologie de son style. Le titre est posé dans le ciel blanc et donne bien le nom de Le Corbusier.
On voit parfaitement le Pavillon Suisse ici appelé Fondation Suisse, l'articulation de ses volumes et la qualité des matériaux qui font vibrer cette construction. Ici, depuis ce point de vue, le photographe inconnu nous montre parfaitement le rôle des pilotis qui libèrent le regard et cadrent de minuscules paysages. L'ensemble est vraiment superbe.
Je vous donne le verso de cette carte postale qui comporte un ensemble de citations de Shakespeare assez étonnantes...


Le mystère sur la fonction de ces citations restera entier.
Mais je me pose des questions sur les photographies ayant été utilisées pour la publicité de la société Besson et Lepeu. On sait comment Le Corbusier surveillait les images de ses architectures avec fermeté pour ne pas dire autorité. Aucune notation de photographe sur cette publicité dont on peut imaginer qu'il s'agit de photographies du chantier provenant des archives de la société Besson et Lepeu. La société a-t-elle envie de rappeler, pour un nouveau chantier de Le Corbusier à venir, son implication dans l'histoire de l'architecte ? Profite-t-elle du congrès sur l'architecture et le métal annoncé dans ce même numéro pour faire écho à son histoire ?
Mais ma perdition dans ma collection de revues m'emmène vers une autre découverte, une autre publicité des établissements Besson et Lepeu :



Sans doute aurions-nous aimé que cette somptueuse cage d'acier reste ainsi, ouverte, mécanique et structurelle comme une sculpture perdue. C'est aussi ce pouvoir des images, la manière dont elles se détachent de leurs objectifs et dont nous en saisissons la poésie hybride et mouvante qui fonde mon intérêt à cet art.
Mais les architectes Lafon et Dangleterre avaient certainement mieux à faire. Ils avaient raison.


lundi 24 novembre 2014

Apprendre se conjugue comme industrialiser

Une carte postale qui pourrait satisfaire Martin Parr :



Il n'y verrait qu'ennui, boring picture et inutile image.
Il n'aurait sans doute pas totalement tort si on reste sur ce regard premier, un rien amusé, devant la nécessité d'une telle image.
Sans doute que Martin Parr ne voudrait pas travailler cette image, cette carte postale, c'est-à-dire, justement en interroger la nécessité...
Il s'agit d'une édition de l'Europe en Eurolux, elle fut expédiée en 1973 et représente le Collège Charlemagne à Attigny dans les Ardennes.
Alors la nécessité d'une telle image c'est bien la vivacité démographique d'un pays qui emmène une tranche d'âge au collège et qui demande donc une construction neuve, rapide et économique. Cet élan est partagé par une population qui voit dans ces constructions nouvelles la vitalité, la nouveauté arriver dans son paysage. Il faut donc raconter cela à la famille. Le petit dernier entre au Collège. On peut affirmer qu'il y a donc bien une reconnaissance effective entre l'objet architectural et le correspondant. On pourrait, en riant un peu, parler d'une nécessité de correspondance. Cela Martin Parr ne le saisit pas ou, plus certainement feint de ne pas le voir.
Mais.
Mais cette période bénie de consommation, de démographie, de modernité visible et assumée a aussi cette particularité d'être éditée et industrialisée. Comme nous aimons le voir sur ce blog avec les Piscines Tournesol, il est intéressant de voir qu'un modèle d'architecture et de construction se diffuse sur le territoire et possède partout le devoir de se faire tirer le portrait en carte postale. On notera que celle du collège d'Attigny ne nous donne aucun nom d'architecte.
Ce n'est pas le cas ici :



Nous sommes cette fois à Troyes ville qui a vu sa Maison des Jeunes par Claude Parent architecte détruite...
Ici c'est le quartier des Chartreux photographié par l'éditeur la Cigogne qui nous en donne une belle vision depuis le ciel ensoleillé. C'est beau cette lumière.
L'éditeur en plus nous informe parfaitement en nous donnant le nom de l'architecte du groupe scolaire, Monsieur Millochau et des ensembles d'habitations, messieurs Grandnom Michel, Hermant André, Morel Roger et Sonrier Roland... ouf !
Si on regarde bien et que l'on a une mémoire de l'œil, on reconnaît le même type de façade, le même dessin des châssis des fenêtres à Attigny comme à Troyes. Le même architecte ?









Voyons, voyons...
Dans un numéro de novembre 1966 d'Architecture d'Aujourd'hui, je trouve un article complet sur un système constructif pour écoles et groupes scolaires. L'industrialisation, la rapidité de fabrication, ainsi que la modularité y sont chantés à juste raison et les images sont spectaculaires !
On peut même y voir que les concepteurs pensent pouvoir accrocher leur cellule sur une tour !
Les concepteurs ? Pierre Roux-Dorlut (atelier Badani Roux-Dorlut) et Raymond Camus ingénieur. On le voit aucune mention de Mr Millochau qui pourrait donc bien avoir été pour l'opération de Troyes un architecte d'opération (?)
Il est en tout cas intéressant de voir qu'un mode de diffusion de l'image de l'architecture aussi populaire que la carte postale ait pu ainsi diffuser à son tour un modèle d'architecture et prouver d'édition en édition la présence de ce type sur le territoire tout en affrontant celui-ci à un désir de représentation de ces lieux. Rien de boring là dedans mais la démonstration une fois encore que c'est bien un document qui mérite mieux que le dédain de certaines historiennes de l'architecture.
Pour ce qui est du modèle ici représenté, on pourra s'étonner que celui-ci, intelligent, léger, spécifique, modulable, typé dans ses représentations n'ait pas droit à une fétichisation comme celle de Jean Prouvé. On rêve de voir un jour dans une galerie parisienne, dans une institution, l'un de ces modules posé dans l'espace d'un white-cube et assumé comme modèle pour nous balancer à la figure l'utopie et mieux encore en ce moment l'hétérotopie.
Soyons certains que cela arrivera et cela sera justice historique et poétique. Oui.






Comment ne pas aimer ces très beaux dessins ?