samedi 29 avril 2023

Cherchez Corbu

Aujourd'hui on ne montrera pas une carte postale mais une photographie de Mourisse nous montrant un événement essentiel dans l'histoire de le Corbusier : la pose de la première pierre de la Cité de Refuge à Paris.
Vous me direz que cela n'a pas beaucoup d'importance pour parler de l'architecture de Corbu car, bien évidemment, à ce moment-là encore, il n'y a justement pas d'architecture mais une promesse à venir. Et on sait quelle promesse !



Alors que voit-on ? Comme pour toujours dans ce moment solennel surtout des gens importants venus suivre la cérémonie, mélange de protocole attendu et dirigé, d'une foule de curieux, de quelques égarés et de personnes directement concernées. Sur le cliché, on reconnait bien, chacun à sa place les groupes et les chapeaux et costumes de l'Armée du Salut qui sont bien identifiables.
Les officiels et importantes personnes sont sous le dais dans des fauteuils et sur des chaises. Entre les  militaires, les quelques bourgeois en cravates et guêtres sur les chaussures, il nous sera sans doute difficile de reconnaitre les personnalités aujourd'hui un peu oubliées.
La légende au dos nous indique que Désiré Ferry, Ministre de la Santé Publique a présidé la cérémonie. Est-ce lui qui parle sans micro sur ce cliché ?
Bien entendu, sur ce blog, le personnage que l'on ne veut pas louper et que l'on cherchera sur la photographie c'est l'architecte : Le Corbusier.
Le voyez-vous ?
Moi oui.
Il me semble.
Il n'est pas dans la tribune, on dirait qu'il attend son tour, un peu loin, un peu perdu à l'arrière plan.
Un peu penaud.
A-t-il prononcé un discours ? Peut-être pas.
A-t-il attendu pour ce faire l'inauguration officielle de la Cité du Refuge ?
Au fait, voyez-vous la première pierre ? Vous la voyez ? Toute blanche, irradiante presque avec sa truelle posée dessus. Peut-être est-ce juste  sur ce beau parallélépipède que la première pierre sera posée. Il nous faudra aller à la Cité du Refuge pour voir si elle est toujours visible dans la construction et comprendre ce qui s'est posé dessus...
Allez...Vous l'avez trouvé Corbu ?
Cherchez bien.
Oui, là, je crois bien que c'est lui.
On serait donc en 1929.

Pour revoir quelques belles cartes de la Cité de Refuge et du travail de Corbu pour l'Armée du Salut :






lundi 17 avril 2023

pouvoir dire turlupine et circonspect.



Voilà bien un archétype.
Ou, comme dirait l'autre : une typologie. Pour passer de l'un vers l'autre, vous changerez d'échelle, vous peindrez en blanc, vous vous ferez oublieux du nom de votre objet, de son histoire et du nom de l'architecte puis vous mettrez votre typologie dans un centre d'art de Province ou un Atlas.
Nous, ici, on essaie de tout tenir et ce n'est pas si simple sauf si on sait remercier ceux qui vous donne toutes les informations sur cet objet architectural.
ici :
ou ici :
Merci donc.

Hors de la question de l'histoire et de son architecte Mr Pison dont je m'étonne de ne pas avoir déjà croisé le nom, il y a bien là un bel objet architectural dont il ne reste d'ailleurs que cette carte postale pour pouvoir la regarder. La Tour de la Chancellerie de Bourges fut détruite en 2012 pour faire un parking. Vaut mieux loger les autos que les gens dans un pays où le sur-logement, on le sait...est légion...

Une belle tour : Pilotis élancés creusant le socle en vide sombre supportant les façades, rythmicité parfaite des redents et des pleins des ouvertures, détail superbe de la cheminée etc...
Un objet bien proportionné, ni trop maigre ni trop gras. 
Le photographe des éditions Iris pour Théojac redresse bien les verticales comme il se doit. La carte postale fut expédiée en 1970 mais semble plus ancienne. La Tour a donc déjà une petite dizaine d'année.
Mais un détail, un rien, un petit truc me turlupine...
Vous voyez ?
Regardez bien la façade. 
Une petite contrariété, une rupture, un geste inutile...
Là :


Pourquoi donc sur ces douze étages, un seul a le droit à ce balcon débordant dans le vide ? On dirait qu'on a tiré le tiroir de la commode. Pourquoi ? J'avoue que je reste circonspect face à ce geste architectural. Une fantaisie de Monsieur Pison pour rompre avec la régularité de sa belle façade ? Je le crois. Mais alors pourquoi ne pas avoir joué un peu plus  et avoir répété ce geste ?
On remarque que sur l'autre façade, rien ne vient en perturber sa régularité. Ils devaient bien s'amuser les habitants de ce logement d'être les seuls à bénéficier d'un tel privilège ! Et comme cela devait être facile de reconnaitre et signaler son appartement aux autres habitants !
Comme d'habitude, Marguerite l'expéditrice ne dit rien à Monique la récipiendaire sur l'architecture. Non. Cela n'est pas nécessaire car, à cette époque, la Modernité est normale, reconnue et même donc pittoresque. En fait, ce genre d'image qui fait la reconnaissance d'un temps et d'un lieu.
Justement pas une typologie.

dimanche 16 avril 2023

rencard avec deux copines



C'est reparti !
Ce matin, première foire à tout à la Harengère. J'aime bien cette petite foire tranquille, sans les chineurs rouennais, avec des dames qui vendent leurs livres de  Patricia Highsmith et leur tapisserie de biches en forêt.
Bon, rien de bien extraordinaire, rien qui va bouleverser le monde de l'architecture contemporaine et moderne mais, là, dans la boite à chaussures, deux vieilles copines qui discutent et qui attendent de me retrouver. Ah ! Les mignonnes ! Elles dialoguent étrangement. L'une très parisienne, bien cachée dans un cliché qui se veut artistique, prise dans la brume du matin de la Capitale, observée par l'un des plus grands photographes de la la carte postale : Albert Monier.
L'éditeur Cap-Théojac nous fait l'inventaire de ce qui était ses qualités pompidoliennes et nomme les architectes : hauteur 200m, 262m au dessus de la mer, fondation à 70m en sous-sol, poids 120.000 tonnes, surface vitrées 39.000 m2, 56 étages, 7 ascenseurs atteignant le sommet en 40 secondes.
Les architectes que l'on devrait remercier au lieu de les accuser : Urbain Cassan, Eugène Baudouin, Louis de Marien et Jean Saubot.
On notera le talent de Albert Monier, capable ainsi de faire travailler le Paris Hausmanien et la Modernité presque menaçante. Quel cliché !


Mais pourquoi elle traine avec sa copine belge la Tour Montparnasse ?
Étrangement, la carte postale belge fut expédiée depuis la Hollande...Mais rien ne nous raconte son architecte Hugo van Kuyck, rien ne nous parle de son photographe. Une vraie carte postale à la différence en quelque sorte de la prétention parisienne d'une belle image de la Tour Montparnasse.
Elle est plus vieille aussi, la carte fut expédiée en 1963.
Mais comment ne pas aimer ce désir puissant de Modernité, cet immeuble moderne associé à son tunnel, aux automobiles qui foncent sur le bitume ? La fierté d'être dans l'époque si ce n'est dans le futur ?

Toutes deux, les copines, vont retrouver maintenant leur famille. Je vais les tamponner, les classer, les ranger. Un jour, quelqu'un qui ne sera pas moi, rira de mon article, s'amusera de les retrouver, de voir que nous avons pu y porter une nouvelle intention.
Qui sait...cela fera peut-être un peu Histoire...
Qui sait ?

Pour revoir les deux copines autrement : 

Pour revoir une oeuvre de de Marien :

samedi 8 avril 2023

Vasarely en maillot de bain



Vasarely aurait pu en installer une chez lui.
Une quoi ?
Une piscine Caneton bien sûr !
Tout comme la piscine Tournesol qui reste le maitre-étalon, la piscine Caneton reste un must de l'architecture modulable et préfabriquée en France. Et si elle a moins d'écho face à celle de Schoeller, la piscine Caneton mérite aussi qu'on en face un inventaire.
Intelligente, belle, pop, ayant bien fait son travail, la piscine Caneton était un bel objet architectural un peu oublié aujourd'hui.
Regardez ! N'avez-vous pas envie de vous installer là devant les panneaux ouverts pour prendre le bleu du ciel et le bleu des panneaux dans vos yeux ? (et la dureté du sol sur vos fesses ?)
On voit bien l'architecture fonctionner. On voit que le photographe a trouvé un moment parfait pour raconter comme elle fonctionne. Deux panneaux ouverts permettent de voir l'intérieur, deux panneaux fermés de comprendre sa modularité. On cadrera des jeunes pour saisir qu'à la belle saison, l'espace de la piscine s'étend alors sur l'extérieur, une sorte de plage...
Le photographe des éditions Combier ayant fait un cliché de l'extérieur et de l'intérieur, il y a fort à parier que les deux clichés ont été pris successivement, dans la même séance photographique. Nous sommes à la piscine de Bonneval.
Sur les deux clichés, le photographe est bien repéré par les baigneurs. On le regarde, on nous regarde. Il faudra donc ré-installer ce modèle de piscine dans l'histoire de l'Architecture comme ayant réussi l'amalgame d'un programme économique et politique, d'un exemple d'une structure en lamelle-collé (dont il faudra faire l'histoire), de l'utilisation du plastique et de la modularité dans un design cinétique et pop.
Remercions les architectes du modèle de la piscine Caneton : A. Charrier, J.P. Aigrot, F. Charras.
Les éditions Combier ne les ont pas oubliés. Et nous ?

pour voir ou revoir des articles sur les piscines Caneton :



mercredi 5 avril 2023

Corbu a du chien et il est frisé

On croit qu'on a fait le tour de la question et s'égrènent encore quelques pépites qui vous font douter qu'il y aura bien un moment où on aura vu toutes les cartes postales de la Cité Radieuse.
En voici une nouvelle :

Quoi dire qu'on ne sache déjà ? Et surtout comment comprendre le sens et le rôle d'une telle image ? Est-on certains que l'on regarde là une photographie de propagande pour l'un des lieux mythiques de l'architecture ou sommes-nous à la limite du cliché familial ?
Le chien sur le balcon, qu'est-ce que cela peut bien vouloir nous dire ?
Une vie domestique normale ? Un sens de l'espace assez traditionnel ? Le confort tranquille d'une vie simple ? Comme chez tout le monde après tout.
Oui.
Les plus fidèles lecteurs auront reconnu la star de ce cliché, ce chien que nous avons déjà vu dans d'autres cartes postales ce qui prouve que le photographe a été sensible à sa présence dans cet appartement de la Cité Radieuse comme un élément signifiant. Toutou, Médor ? Comment s'appelle ce chien, ce gros caniche ? Et qui était son propriétaire qui avait déjà cédé à l'idée de lui offrir un couchage rien que pour lui ? Les deux transats sont vides mais racontent par cette absence la présence des propriétaires du chien qui profite de la terrasse tout comme ses maîtres.
On ajoutera deux potiches avec des géraniums. Mon compte-fil me permet de comprendre que des pots manquent puisque leurs supports sont vides. Certainement pour un cadrage plus ouvert. A-t-on aussi ordonné au chien de poser ?
Depuis l'intérieur donc, le photographe cadre ce balcon qui semble presque petit depuis ce point de vue. L'éditeur Ryner parle de Loggia
Mais comment donc était perçu ce genre d'image pour les personnes n'ayant jamais visité la Cité Radieuse ? Quel sens pouvait avoir alors d'envoyer ce genre de détail d'architecture ? Était-ce si révolutionnaire que ça comme espace ou même comme représentation d'un espace architectural ? J'ai des doutes. L'aspect que donne depuis ce point de vue ce morceau d'architecture c'est d'abord l'épaisseur et la volumétrie un rien surjouées du garde-corps qui hésite entre console de béton et étagère. Son rebord puissant semble même exagéré. Le noir et blanc du cliché ajoute certainement de la lourdeur à ce détail. Le bandeau de paysage laissé libre est à l'identique de celui qu'occupe le moucharabieh de béton et l'appareil photo ne peut que faire bruler le paysage en contraste. D'ailleurs quel marseillais nous dira ce qu'est cette construction posée dessus ?
Bien entendu, le chien joue le rôle de normalisateur d'un espace qui se veut révolutionnaire. Il dit, ce chien, tout comme le mobilier de famille, que l'espace de Corbu peut vraiment être vécu comme n'importe quel autre, qu'il peut devenir familier au point que le chien y trouve son confort. Un marqueur donc de vie adoucie, heureuse, commune à beaucoup de familles qui irait à l'encontre des idées que l'on pouvait se faire de l'architecture du Fada. Un chien, un géranium, deux transat : la vie quoi.
Comme le moment photographique a dû être amusant ! Placer le chien, le faire rester tranquille, choisir l'angle, déplacer les plantes, oublier les pinces à linge...Ça devait être charmant !
Le chien est mort, Corbu est mort, les propriétaires...je ne sais pas...Et la Cité Radieuse elle ? Comment va-t-elle ? Est-ce que la privatisation de son toit continue ? Est-ce que les habitants sont toujours de vrais corbuséens convaincus ou des occupants Airebiandebi d'une nuit pour Instagram ?
Chuuuuuttttt....Couché ! Couché le chien... 

pour revoir le Toutou chez Corbu :