dimanche 12 mai 2024

Serqueux in extremis

 Il n'y a pas tant que ça de bonnes nouvelles du coté du Patrimoine Architectural du XXème siècle. Alors, hier, quand j'ai appris que l'église de Serqueux était finalement sauvée de la destruction, je fus extrêmement heureux d'autant plus que nous avons ici, sur ce blog, depuis longtemps (très longtemps...) défendu son sauvetage.
Ouf ! In extremis !
Si vous êtes un fidèle lecteur ou une fidèle lectrice de ce blog vous savez déjà que la particularité de cette église, hormis son écriture si Vingtième Siècle c'est que sa voute est faite des fameuses et rares fusées céramiques conçues par l'architecte Jacques Couëlle et ici mis en oeuvre par l'architecte Percheron.
Après la démolition scandaleuse et stupide d'une autre église du même type, (ratage patrimonial complet), il était donc temps que les responsables patrimoniaux agissent en exerçant l'autorité nécessaire pour sauver cette église.
Malheureusement, le campanile qui en finissait l'écriture est, lui, déjà tombé... Pendant qu'on discute...

Il faudra maintenant convaincre Monsieur Hermand  le Maire (plein de bonnes volontés) et ses administrés qui avaient voté pour la destruction de l'église qu'ils ont là, non pas un "machin qui fuit" mais bien une oeuvre exceptionnelle et remarquable, une pièce rare de patrimoine constructif du XXème Siècle. Il faudra donc éduquer les regards, refaire aimer cet espace, faire comprendre les particularités géniales de cette voûte pour que l'église de Serqueux, devenue autre chose, soit à nouveau l'objet de tous les soins mais aussi dotée d'un avenir.
Ce travail d'éducation que le Label Architecture Contemporaine Remarquable aurait du faire depuis longtemps a donc montrer une fois encore ses limites de protection et de signalement.
À qui la faute ? Et surtout, comment faire à l'avenir pour que cela ne se reproduise pas ?
Et comme souvent, c'est sous la menace de la démolition que ce fait le travail de sauvetage en lieu et place d'une vulgarisation efficace de l'histoire de l'Architecture. Pourquoi encore autant de réticence face à ce Patrimoine ?
Il faudra dire au Maire, Monsieur Hermand, qu'il existe un tourisme patrimonial pour le XXéme siècle, qu'une telle construction pourrait bien devenir un point de rassemblements et de visites, qu'un travail de mise en valeur de ce Patrimoine non seulement ne sera pas un frein au développement de sa ville mais bien un atout, et même, espérons, dans le futur un objet de fierté. Nous voulons bien l'aider et travailler avec lui. Ce blog fait déjà ce qu'il peut pour ça aussi.
On peut aussi se dire que cette protection pourrait être le signe dans ma région au moins d'un nouveau rapport à ce Patrimoine Moderne. On ne peut qu'espérer que ce blog y ait un tout petit peu contribué. Espérons donc que la DRAC Normandie continuera avec le même courage qu'à Serqueux à défendre et sauver des édifices de la sorte. Au vu des anciennes catastrophes dans mon département et ma Région, on pourra dire sans crainte : qu'il était temps.
In extremis, In extremis.
Trop tard pour St Bernadette de Grand Quevilly : la honte.
Saluons donc ici ce changement, ce courage.


Pour fêter donc ce retournement vraiment très inattendu, je vous propose un drôle d'objet...
Il s'agit d'un petit document, une sorte de carte en deux volets qui a laisser au correspondant toutes les joies des jeux de mots sur Serqueux...On pourra à la fois en rire et trouver ça navrant...comme vous voudrez. On note que le photographe de cette carte est Marcel Guilbaut de Lhomme. Je ne sais pas comment était diffusée cette carte. Sans doute dans l'église comme souvent à l'époque.
Vive l'Art Sacré du XXème siècle !
Vive Serqueux et sa belle église !
Et merci à la DRAC Normandie pour son travail et son courage.
On reste vigilants...bien entendu...pour tous les autres dossiers et menaces sur l'avenir de ce Patrimoine Moderne dans la Région Normandie et ailleurs.
Walid Riplet.

Pour revoir les articles (parfois durs) sur ce Patrimoine :
2014...
2016....
Sur Jacques Couëlle et sa technique :
Serqueux :
2015...

Pour voir le reportage :



















jeudi 9 mai 2024

l'autre ascension

On peut toujours se demander à qui sert ce type d'image ? Pourquoi donc laisser si peu de place à l'architecture dans cette photographie ? 
On peut aussi répondre de la sorte : l'architecture y est justement à sa place et c'est la manière de bien la montrer.
En effet, trop habitués que nous sommes à ce que la carte postale porte le monument en plein cadre, on est toujours interrogatifs devant une proposition tentant de fait de conceptualiser l'objet architectural dans son paysage. Mais peut-on parler de paysage lorsqu'on est ainsi suspendu dans le ciel, au-dessus de la Chapelle de Ronchamp de Le Corbusier ? Qui a vraiment l'opportunité de voir ainsi La Chapelle ? Est-ce bien là un point de vue de l'architecte ?
Car, ici, perdue dans la forêt, dans les collines, dans la topographie, La Chapelle ne ressemble pas à grand chose d'autre qu'un éclat blanc (trop blanc ?) venant faire travailler le terrain et l'étendu qui semblent infinis, comme si ce petit morceau de blancheur était le seul artefact sur ce sol immense.
On peut le dire:  personne ne voit vraiment l'architecture de Le Corbusier comme ça, personne pour décoller depuis son sol et réintroduire de la sorte une telle échelle, une telle proportion entre la construction et sa géographie. Je fais exprès de ne pas dire son paysage.
Veut-on nous convaincre de sa parfaite intégration ? Veut-on, au contraire, nous montrer comment c'est l'architecture qui est le point principal de cet environnement ? Comment c'est elle qui le construit ?
On remarque d'emblée la dramaturgie de l'image, le ciel menaçant et contrasté, la dureté des noirs, le parfait équilibre de la composition, La Chapelle posée à exactement deux-tiers du ciel et un tiers du sol et centrée dans sa largeur. Le monde semble vide autour d'elle.
Comme on ne sait rien du photographe qui n'est pas nommé, il est difficile d'argumenter sur ce désir précis d'image. Sans doute que le pèlerin, à pied, a-t-il besoin d'une telle réinscription dans le réel de cette géographie pour savoir par où et comment et pourquoi il est venu ici, sur ce sommet précis, heureux de pouvoir devant ce type d'image se positionner enfin dans son cheminement.
Car l'ascension de la colline de Ronchamp est d'abord religieuse. Elle n'a d'existence que pour la découverte du lieu ainsi sanctifié devenu par la force de l'architecture, un pèlerinage aussi oecuménique que sacré, aussi esthétique qu'obligé vers, à la fois Dieu et...le Corbusier.
On fait le pèlerinage vers Corbu tout autant maintenant (et peut-être plus) que vers le lieu sanctifié.
Retournement du sens ?
Il serait donc bon, par ce type de proposition d'image, de redire la modestie de l'objet face à la grandeur du monde, de dire que ce morceau tortueux et complexe à la fois contraste et construit son rapport au monde dans une certaine idée du miracle : l'architecture.
Après l'ascension, redescendre sur terre.
La carte postale n'a ni nom de photographe, ni nom d'éditeur. Elle fut imprimée à Lyon chez M. Lescuyer & Fils, imprimeurs. La photographie provient des Archives de La Chapelle. Voilà qui est bien court pour déterminer si je me trompe.
Bien à vous. Vous entendez comme moi le bruit du moteur de l'avion ?

mercredi 8 mai 2024

L'eau et le feu : deux tours

 Le rangement ça a toujours du bon, notamment pour trouver ensemble, sans aucune raison, deux cartes postales très éloignées dans l'objet représenté et dans la localisation. Ici, l'écart est immense...
On va commencer avec une vieille connaissance mais une vieille connaissance que nous n'avons pas vue en carte postale en premier mais bien dans le réel de sa ville, il y a très longtemps maintenant : Nancy.
Voici donc le très beau et très célèbre Building Joffre (St Thiébault) représenté par cette très réussie carte postale des éditions La Cigogne. Comment ne pas jubiler devant un aussi beau morceau de bravoure, une image aussi parfaite, presque trop. Remarquez l'incroyable beauté du champ coloré, tout est tenu dans un gris bleuté d'un effet absolument magnétique ! Nous ne pourrons pas remercier le photographe puisqu'il n'est pas nommé...Pourtant ! Quel cliché !
Mais nous pourrons remercier l'éditeur car il nomme bien l'architecte : Henri Prouvé.
On note aussi que, comme souvent avec ce genre d'objet architectural moderne, l'éditeur se croit obligé de nous donner deux indications supplémentaires comme pour en accentuer la modernité.
Hauteur : 82 mètres.
28 Niveaux. Voilà qui est dit. On note la solidité de la perspective qui permet par le redressement des verticales de faire tenir debout, bien droit, le beau Building Joffre.
Ce qui est assez particulier c'est que si on interroge un moteur de recherche sur ce Building, on tombe immédiatement sur l'incendie de 1982 qui le ravagea mais qui le laissa tout de même suffisamment entier pour qu'il soit encore aujourd'hui debout. On parle même de Tour Infernale.
On a vu ici un exemple d'incendie tout aussi dramatique :
On apprend que ce beau morceau d'architecture est maintenant inscrit au titre (totalement inutile) de Label Architecture Remarquable.
On notera que Dominique Amouroux avait bien inscrit lui ce Building dans son guide et je vous redonne plus bas son article.



Mais voici une bien étrange curiosité.
Avouez que c'est bien là un morceau de bravoure étonnant !
Cette tour est en fait un château d'eau maquillé mais bel et bien habité !
Je vous invite à lire ici son histoire et son origine :
J'espère que certains d'entre vous iront y dormir ! N'est-ce pas amusant cette grosse maison posée sur une tour presque banale ? J'aimerai bien voir comment on y dort...
C'est certes une architecture de camouflage mais on ne peut que lui accorder des qualités assez singulières d'onirisme, d'humour et d'étrangeté.
Ce morceau de bravoure me rappelle l'audacieux et facétieux travail d'Edouard François à Champigny-sur-Marne. 
Il ne faut pas trop vite moquer l'humour en architecture même si parfois l'humour touche presque au cynisme.
Ici, nous sommes donc à Thorpeness, devant ce qui est appelé "the House in the Clouds". L'édition est de Pawsey & Sons.
Ainsi voici deux tours, l'une reçut l'épreuve du feu, l'autre cache l'eau. 
Il faut vraiment que je range, que je trie.



jeudi 2 mai 2024

micro architectures, micro éditions, maxi ambition patrimoniale

Comme convenu, je vous parle de deux micro-éditions publiées autour d'architectures ou de Patrimoine construit que nous défendons sur ce blog. On remarquera que la micro-édition est un bon moyen de diffuser justement cette passion grâce à une forme légère, amusante, libre.
On commence par une publication directement liée à ce blog puisque certains documents en sont issus.
Cette micro-édition porte par son titre tout le programme : la fusée céramique.
On sait qu'on aime et défend ce type de construction passionnante sur ce blog et on sait aussi comment il est tant que les agents du Patrimoine, (après la destruction honteuse de l'église de Grand Quevilly), se doivent d'être sensibles et donc sensibilisés à ce type si original de construction de voutes.
Prions pour que l'église de Serqueux soit définitivement sauvée. il y a urgence :

Tout est donc bon pour diffuser cette méthode inventée par Jacques Couëlle, c'est pour cela que j'ai répondu favorablement à la demande de Magali Wagner et Alban-Paul Valmary de leur prêter une image pour cette petite mais donc importante édition. Publiée dans le cadre de leur résidence au festival Sillon, elle retrace leur découverte de la technique, leur application avec la construction d'une poétique arche délicatement posée dans un univers de ruine (magnifique !) et un texte de contextualisation de leur travail commun et respectif.
L'ensemble forme un petit objet éditorial parfait pour rencontrer à la fois la technique de la fusée céramique que leur propre travail. Belle mise en page, choix judicieux des papiers et de du mode d'impression, ce petit document est vraiment bien fait. Il aura, j'espère, tout l'écho nécessaire qu'il mérite dans le milieu de l'architecture ou de l'art contemporain.
Merci à eux de m'avoir contacté.
@magali_wagner_ceramique
@alban.paul
@liquide_test_press
www.leseditionsdesmondesafaire.net
www.albanpaul.com





L'autre édition est un peu plus luxueuse mais reste modeste, en accord parfait à la fois avec les objets représentés et le sens-même de leur réunion. Comme collectionneur, je sais bien qu'il est parfois difficile de donner des raisons ou des orientations à sa collection et ici, tout est bien mis en place pour justement comprendre à la fois sa poésie et aussi presque la boulimie du collectionneur !
Heureusement, ma collection de cartes postales prend bien moins de place que celle de Julien Recours !
On découvre donc, dans un très élégant cahier, cette collection de micro-architectures que Julien Recours rassemble depuis des années avec une passion qui semble illimitée. 
Très très riche en images, en archives, le cahier est une merveilleuse porte d'entrée pour ceux qui connaissent peu ce monde des ramasseurs de ruines des utopies (oui on connait bien ça !), leur passion, presque leur abnégation mais c'est aussi pour ceux qui connaissent bien ce monde, un beau document de synthèse et un certain point de vue aussi sur l'avenir et le devenir de ces ruines. Comment les présenter , comment les rassembler ? Comment les restaurer ou, au contraire, les laisser dans leur état, montrant en quelque sorte la distance temporelle, l'épuisement de ces utopies maintenant bien lointaines. C'est aussi très beau comme ça, très dystopique.
En tout cas, il y a chez Julien Recours une sorte d'urgence d'accumulation assez exubérante qui mérite toute l'attention des amateurs de ce genre d'architecture mais pourrait être un exemple de comment on rend aussi accessible cette histoire pour tous les professionnels privés ou institutionnels du Patrimoine. 
Merci Claude pour le cadeau.

Bravo donc pour la qualité de l'édition et l'histoire qu'elle raconte.
On note que cette édition est disponible directement ici :
Recours Exploration
Le Pavé de Mézières
45340
Juranville
Vous pouvez contacter Julien Recours ici :
julien.recours@gmail.com
06 61 12 95 20


pour revoir les objets de Julien Recours sur ce blog :