mardi 31 décembre 2013

2013... un bilan

Cela devient une tradition, je tire avec vous un bilan de l'année écoulée.

Et cette dernière fut riche en expériences diverses allant de la défense du patrimoine, de découvertes étonnantes en architecture en passant par des rencontres et même une nouvelle adresse !
D'abord quelques chiffres :

Nombre d'articles publiés cette année : 238
Nombre total depuis la création des deux blogs : 1732
Nombre de visites cette année : 78420
Nombre total de visites depuis la création des blogs : 872141


Ce blog a participé à des manifestations de tous ordres cette année et il me faut faire une petite liste :

- Exposition du Comité de Vigilance Brutaliste à Royan dans la Galerie Louis Simon. Merci pour cette très belle et solide opportunité.
- Publication avec Julien Donada de Vue sur Mer dans le cadre de Le design s'expose à Perpignan.
Exposition d'une partie de la collection de cartes postales autour de la Mission Racine dans le même cadre.
Conférence à Perpignan dans ce cadre également.
Visa Off pour l'image, exposition à l'Atelier d'Urbanisme et d'Architecture de Perpignan, Merci !
Et un merci très appuyé à Clément Cividino pour son implication et son énergie.
- Tournage du film de Jérôme Couroucé Gros Bisous de Royan, sur la reconstruction de la ville. Merci !
- Cartes postales publiées dans le livre Holydays after the Fall. Merci !
- Article dans la revue en ligne Strabic. Merci !
- Article dans la revue papier Plein Sud. Merci !

Nous avons observé, soutenu, défendu, le Patrimoine Moderne et l'année 2013 fut une Annus Horribilis !
- Destruction de la halle du marché de Fontainebleau : la plus belle, la plus précise des hontes que nous devons, ne l'oublions pas, au maire de Fontainebleau appuyé par l'inefficacité du Ministère de la Culture : Une BARBARIE CULTURELLE.
- Destruction de l'immeuble NOVARTIS par Burckhardt et Zehrfruss architecte.
- Combat pour la sauvegarde de l'école de Gond-Pontouvre par Robert Chaume, architecte et Jean Prouvé, constructeur. Le dossier est en route, de nouvelles décisions viennent d'être prises.
- Dénonciation de l'attaque des bunkers de Guidel.

Mais aussi :
- Démontage de la station-service de Jean Prouvé à Évreux.
- Atelier organisé avec mes collègues Miguel Mazeri et Olivier Houix autour de la barre Le Couteur du Mans avec les étudiants de l'école des Beaux-Arts du Mans.
- Demande de classement du Club Nautique de Pauillac.
- Surveillance et Vigilance autour du dossier de classement du centre commercial de Ris-Orangis par Claude Parent, architecte.
- Vigilance autour de l'école d'architecture de Nanterre par Jacques Kalisz, architecte.

Même si cette année fut très très dure pour le patrimoine architectural moderne et contemporain, dureté qui est en train de devenir finalement une politique de la part de la ministre en charge de ces dossiers, il faut rester optimiste, combatif et vigilant.
Et, comme l'exige la tradition, le début d'une année est toujours le moment de faire des vœux et de prendre de bonnes résolutions, je vous propose de devenir de vrais militants, de défendre pleinement ce Patrimoine qui nous réunit ici.
C'est simple. 
D'abord soyez des témoins de votre propre patrimoine, surveillez-le, regardez-le, défendez-le en toute occasion.
Signez sans vergogne les pétitions, les appels à la sauvegarde, ne croyez pas que cela est vain !
Adhérez à des associations, participez avec eux aux manifestations !

Merci à tous pour vos envois de livres, de revues, de cartes postales, pour vos commentaires, vos précisions, vos informations. Merci à tous ces donateurs !

L'année 2014 commencera fort pour moi avec des colloques et des surprises un rien spectaculaires...
Vive 2014 !
Bonne et heureuse année à tous, sous des voûtes de béton pré-contraint, entre des murs brutalistes.

Comme cadeau de fin d'année, je vous offre pour 2013 cette dernière carte postale.
C'est le choix d'une icône architecturale pour ce blog, c'est une joie de vivre, c'est un bel objet, c'est aussi une menace permanente sur cet héritage qui devient rare en France.
Espérons que l'année 2014 sera celle, entre autres, du classement au titre des Monuments Historiques d'une des dernières piscines Tournesol avant leur éradication complète de notre territoire !
Celle-ci est à Cours (Rhône), l'éditeur Combier nomme bien l'architecte Monsieur Schœller et ses associés à Paris. La carte postale fut expédiée en 1982.


lundi 30 décembre 2013

Réunion de hasard

Hier, Place St-Marc (à Rouen, pas à Venise...) j'ai acheté ce petit lot de cartes postales. Ce qui est amusant, c'est bien de trouver réunis ainsi des architectes pour nous importants vus au travers de constructions iconiques ayant eu les honneurs de cartes postales, preuve évidente encore de la réalité de la diffusion de l'architecture moderne et contemporaine par ce média.
Certaines de ces cartes postales achetées vous les avez déjà vues mais je n'ai pas eu le cœur de les séparer.
En même temps, ce petit lot est sans doute parfait pour clore une année en offrant la typologie idéale de ce qui concerne ce blog tant par les architectures, les architectes que leur représentation. Ne manque que Royan pour que l'ambiance soit à son apogée. Alors regardons comment le Corbusier, Niemeyer, Perret et... des anonymes font une réunion.
On commence :



Cette carte postale Photo-Espigue nous montre la Cité Radieuse de le Corbusier vue depuis l'avion, le ciel. On notera que l'architecte est bien nommé. On devine que la construction est dans sa phase finale d'achèvement, il reste quelques traces de chantier à son pied. Mais ce qui me plaît le plus c'est comment les constructions sur le toit semblent se poser l'air de rien sur les terrains à l'arrière de la Cité Radieuse. L'écrasement de la prise de vue permet ce rêve de voir ces morceaux se poser sur le sol.
Montant dans le ciel :



La Tour Perret d'Amiens c'est assez facile de savoir qui en est son architecte ! Et les éditeurs de cartes postales comme ici Mage s'amusent pourtant à nommer la Tour Perret et à ajouter entre parenthèse le nom de l'architecte comme pour bien appuyer l'attribution !
Ainsi cadrée, elle laisse un peu un doute sur sa jonction au sol et laisse croire qu'elle est isolée car la perspective des arbres vient camoufler la base de cette tour Perret, base qui pourtant forme bien un socle et une emprise sur cette tour qui est bien moins solitaire qu'elle ne le semble ici. On aime toujours autant ce bel objet qui tourne trois fois sur lui-même et dynamise ainsi sa montée, lui donnant la sensation de se vriller dans le ciel. Une manière d'être un peu au Havre à Amiens. Comme il doit être sympathique de vivre en haut de ce phare urbain !
Après le ciel, le sol et le sous-sol :





Même si nous avions déjà visité ce magnifique espace qu'est le siège du Parti Communiste Français par Oscar Niemeyer comment résister à l'achat et à l'affichage de nouveau sur ce blog ?
Comment ne pas jubiler devant un tel chef-d'œuvre ? Cette architecture est celle que je veux défendre et aimer.
Il y a eu dans ce monde une pensée politique qui a su ici parfaitement s'exprimer.
On notera que Michel Moch est le photographe de ces deux cartes postales et j'en profite aussi pour rappeler qu'il est toujours bien de dire merci à ceux qui nous donnent à voir : les éditeurs, les photographes. Il faut NOMMER NOS SOURCES.
Pour finir en beauté :



Cette borie est assez extraordinaire non ?
Elle méritait bien dans son anonymat de rejoindre la proximité des grands architectes. Les éditions Elbé nous la cadrent de près permettant de voir comment elle est construite pierre à pierre. Sans joint, sans ciment, ses pierres se solidarisent ensemble par leur frottement et par la force de gravité : leur poids.
Elles sont finalement un peu symboliques de ce qui se passe ici, petit à petit, de grandes architectures avec des plus modestes, on essaie de construire aussi une forme, une idée : celle que l'architecture moderne et contemporaine se partage par des objets modestes, des objets de rien, qui rassemblés comme des cailloux les uns sur les autres, finissent par inventer, j'espère avec vous, une certaine vision de notre patrimoine architectural.

samedi 28 décembre 2013

Nova Paraiso





Philippe Langlois m'offre il y a peu, une petite pochette un rien étrange au titre très bossa nova :
Nova Paraiso.
Cette pochette contient six cartes postales et immédiatement, Philippe s'excuse auprès de moi en me disant qu'il en avait déjà envoyé quelques-unes... qui resteront donc manquantes à ma collection. Ce n'est pas grave Philippe, les cartes postales sont bien faites pour cela : être envoyées !
On devine assez rapidement pour quelqu'un qui manipule souvent des cartes postales que celles-ci sont des collages dont d'ailleurs il semble bien que ledit collage soit laissé apparent sans grand effort pour le camoufler comme pour inviter celui qui reçoit à entrer dans le jeu. La qualité des photographies évoque aussi immédiatement un temps un rien lointain, une nostalgie des images récupérées, un peu passées. On est dans la construction totale, et affichée, d'une imagerie.
On reconnaît aussi certains types d'immeubles d'une modernité un peu brutale, celle des grandes barres et grandes tours poussées un peu vite partout dans le monde, celles en général des pays en voie de développement et qui laissent l'architecture derrière le profit...
Rien de bien intéressant en termes architecturaux à se mettre sous la dent, rien d'autre qu'une idée de ce que serait la mégapole généralisée, l'image d'une Futuropolis un peu ensoleillé.
Car le ciel, la mer, les couleurs même de l'ensemble racontent aussi une Amérique Latine que le titre Nova Paraiso ne cache pas ! Il est d'ailleurs jubilatoire de voir comment la culture de l'œil y retrouve en quelque sorte ses petits en plaquant grâce au choix de la typo et des images immédiatement une ambiance reconnue.
Mais qu'est-ce donc que cet objet éditorial qui reste mystérieux, qui ne propose aucune explication, aucune piste à part le nom de l'artiste Julia Rometti, la date 2006, et quelques logotypes officiels d'agences culturelles ?
Évidemment ! Suis-je bête ! Pour être aussi muet au partage, c'est bien que nous sommes dans de l'art contemporain ! Il faut sans doute laisser au spectateur le droit de construire son tableau tout seul et ne pas lui imposer une explication qui serait par trop... didactique et scolaire j'imagine !
Pourtant me direz-vous, (oui vous me le dites) l'ensemble par sa plasticité même serait d'une transparence telle que certainement, les mangeurs d'images que nous sommes n'aurions pas besoin d'explication ni sur les lieux ainsi recomposés, ni sur les auteurs, les éditeurs, les photographes des images ainsi utilisées qui sont pourtant le fonds iconographique de l'artiste Julia Rometti. On prend, on coupe, on aime sans vergogne.
Alors ?
Alors ne nous reste pour aimer et comprendre que deux choix. Faire semblant de rester vierge à toute explication en jubilant (ou pas d'ailleurs) des images proposées soit mener une enquête pour trouver les sens de ce travail artistique (s'il s'agit d'un travail car après tout rien ne l'indique)... à part... et oui... la signature de l'artiste dont l'artiste n'ose pas se défaire...
Je jouerai donc le jeu de la virginité. (Pour une fois).
Parce que d'abord je les aime bien ces images, ces cartes postales. Leur douceur de ton, leur manque d'habileté dans les collages un rien naïfs, laissent une sensation délicate d'une saudade urbaine.
On regrettera de ne pas savoir si cette sensation est une position critique, une atmosphère d'imagier, un regard argumenté. Mais, après tout, n'ayant pas la totalité des images, sans doute que celles expédiées par Philippe Langlois auraient pu nous orienter autrement, sans rien nous faire perdre d'une forme poétique.
On pourrait facilement y voir une attaque de ce type de paysage partout identique que la masse touristique justifie et que la carte postale dans son cliché éditorial diffuse... C'est sans doute un travail politique... sur l'image, la ville et l'insupportable urbanisation d'un monde par le néo-colonialisme du tourisme... Oui, sans doute. Et cela doit faire trembler le monde. Allez lire là.
Mais c'est d'abord reconnaître à la carte postale dans sa masse productive un vrai beau rôle d'inventeur de lieu. C'est oublier les photographes qui cadrent et donc construisent, c'est se faire prendre au jeu de la jubilation plastique qui est une fascination bien naturelle. Et ces villes monstrueuses, ces paysages bouleversés à jamais, enlaidis par une architecture de promoteur sont aussi un Monde. Un Monde que les cartes postales montrent, dénoncent, nourrissent aussi. J'aime ce Monde. Même, voyez-vous s'il n'est que d'images. Et je n'ai besoin de personne pour en comprendre son revers.
Nous reste à remercier Philippe Langlois pour ce voyage.











jeudi 26 décembre 2013

Le Credo d'un architecte méconnu : Pierre Considère




Finalement, il existe peu de bâtiments contemporains ayant eu dans le programme cette double fonction : un établissement d'enseignement et une chapelle.
À Passy-Buzenval c'est bien ce qui fut construit et on va voir avec quelle réussite. Quatre cartes postales pour tenter de rendre le caractère exceptionnel de ce programme architectural qui fut confié à l'architecte Pierre Considère. Une fois encore le nom des architectes me surprend ! Il faudra un jour faire une étude sur l'impact des noms sur les carrières des architectes ... Urbain ... Cassan ... Pierre ... Considère... Oscar... Niemeyer...
Je n'évoquerai pas avec vous, en détail, l'histoire de cette construction, histoire que vous trouverez très détaillée et accompagnée d'autres images sur ce site. Nous tenterons ici, comme à notre habitude d'abord de jouir de l'architecture et sans doute aussi de jouir de sa représentation, de ses images. On notera tout de suite que les quatre cartes postales sont toutes du même éditeur qui ne donne pas son nom mais seulement son logotype et ne donne pas plus le nom de l'architecte !
Allons voir :



Donnant d'abord à la construction une place dans son terrain, l'établissement d'enseignement est rejeté au fond de l'image montrant ainsi habilement les terrains de sport et affirmant immédiatement l'ambition de l'ensemble. On devine parfaitement comment la chapelle dépasse et même semble ici se poser sur l'alignement sérieux et sobre des classes construites dans un corps de bâtiment tout en longueur et très largement ouvert jouant également des différences de niveaux du terrain. On devine immédiatement qu'il est bien question ici de jouer entre les deux fonctions et d'offrir dans le frottement l'occasion de faire un geste fort avec la Chapelle qui semble chapeauter les cours...



Mais ce qui semble bien le défi de cette construction c'est la jonction entre les éléments architecturaux. L'architecte semble avoir su ici trouver les cheminements et les volumes pour que l'ensemble, tout en étant clair à ses programmes, propose une sorte d'unité plastique et architecturale. Et le vocabulaire stylistique est bien celui de l'époque mêlant pierre, béton classique et net, modernisme très tempéré.
On pourrait même évoquer à la vue de la salle d'étude des Secondes et des Troisièmes une grande rigueur...



Il ne fait pas de doute que l'architecture proposée ici n'est pas tombée encore dans les excès Fun de notre époque ! Et il devait être bien difficile de faire autrement que d'étudier dans une salle où les ouvertures sont situées si haut que la seule chose à y regarder devait être la couleur du ciel. À droite, on voit très bien l'estrade et le bureau du surveillant ! Et même lui devait se contenter de cette mer d'élèves qui devait bien parfois lui donner quelques distractions. Le brillant du plafond semble ajouter encore à la grandeur de la salle, la prolongeant comme un miroir un peu flou.
Mais le grand morceau de l'architecte Considère est bien là :



La charpente de la Chapelle fait toute son architecture, toute sa force, toute sa beauté. Ce puissant pliage de bois s'élance d'une manière implacable. Une merveille.
J'imagine bien la fierté de l'architecte face à ce geste, à ce dessin, à cet espace ! Et il semble bien depuis cette carte postale que, non seulement l'architecture soit d'une grande modernité mais également que le mobilier liturgique, les détails, les vitraux, offrent un ensemble superbe d'Art Sacré contemporain. Le dessin de l'autel est d'une très belle simplicité.
On voit ainsi que la carte postale permet de diffuser dans la quasi totalité un programme architectural. Elle permet sans doute aux usagers, élèves, enseignants, cadres, de pouvoir montrer leur lieu de vie et de modernité. La carte postale est bien une occasion unique de pouvoir faire une visite, certes extrêmement guidée mais complète tout de même.





lundi 23 décembre 2013

Une architecture de l'échouage.

On sait comment Le Corbusier aimait les cabines du paquebot Flandre comme exemple parfait d'une architecture minimum dans ses aménagements intérieurs, comme une forme solide de contraintes produisant la nécessité d'une économie de moyens posée au milieu des éléments naturels.
Mais il serait aisé aussi de dire que ces fameuses cabines de voyage avaient su dans les années 20 et 30 atteindre, pour certaines classes, une apogée décorative dont la simplicité était un peu... encombrée. Le paquebot était même devenu l'expérience ultime du luxe et du confort dont le dernier aboutissement en France fut... Le France.
Il ne fait aucun doute que la construction navale dans ses techniques, ses solutions, ses contraintes et même son vocabulaire (charpente) a beaucoup à voir avec l'architecture terrestre ! Mais si on a vite fait de parler d'échange entre les deux pratiques il est assez drôle d'évoquer des glissements un rien radicaux comme nous allons nous amuser à en voir aujourd'hui.
On pourrait commencer par le plus simple... l'échouage !
Poser sur la terre, sur la grève, un bateau et le fixer à jamais est une solution simple et radicale. C'est celle du Lydia à Port Barcarès, navire qui est venu apporter sur la plage de la nouvelle station balnéaire une sorte de ready-made architectural. La présence de ce navire sur cette plage évoquant l'accident maritime suite à une tempête ou même le débarquement militaire est ici, je crois, de la part de Georges Candilis une forme d'humour des plus déjantée. Faire jouer l'une contre l'autre, deux types d'architectures radicales est bien une pirouette du sens. Reste que la présence de ce Lydia sur la plage est une vraie expérience architecturale, une forme incroyable, une expérience inédite de saisir ainsi une masse construite dont d'habitude nous ignorons l'ampleur. Le Lydia est un bâtiment sans jeu de mot. C'est aussi le spectacle absolu car injustifié à ses fonctions.
On le voit ici, échoué, sur sa plage :





La carte postale Estel nous montre la Sardane de Georges Candilis et au fond le bateau qui semble bien petit. Pour aller de l'un à l'autre, il y a l'Allée des Arts qui aujourd'hui manque vraiment encore d'un vrai entretien et de respect pour les œuvres, certaines ayant même totalement disparu !
Mais entrons à l'intérieur du Lydia grâce à deux cartes postales offertes par Clément Cividino (merci Clément !) Les deux cartes postales sont des éditions et des clichés de Paul Goudin. Sur la première cest le "Trunk-Club" et sur la seconde le bar de la "Cambuse"...




J'avoue beaucoup aimer les belles tables massives et les bancs idoines du bar ! Ça c'est du solide !
On remarquera aussi le beau traitement des murs et des plafonds. Qui avait décoré tout cela ?
Mais parfois il arrive aussi cela :



Oui ! Surprenant ! Et sans doute aussi ultime aboutissement du style Paquebot qui lui-même est comme le dernier avatar du style Art-Déco !
Faire ainsi en architecture Image est assez rare ! On ne sait plus qui fait référence à l'autre !
On devine aussi ici, une architecture légère, drôle amusée d'elle-même. Mais j'avoue que pour ma part, j'aurais bien volontiers tourné la proue du navire vers l'intérieur en lui donnant l'impression de s'encastrer violemment dans les rochers ! Le Navirotel porte bien son nom mais reste muet sur son attribution d'architecte ou d'inventeur. Il date des années trente et demeure aujourd'hui une belle énigme, une belle expérience.
Et si tout n'est que décor, cela n'en demeure pas moins un objet architectural qui prend appui dans son paysage, certes ici, le paysage est plus surréaliste que De Stijl mais les rêves même les plus fous, quand ils ne tournent pas au cauchemar savent atteindre une poésie dont on ne peut se priver.
Mais l'expérience ultime restera une utopie, c'est celle de Hans Hollein :



Dans l'un de ses fameux photomontages, l'architecte, l'artiste propose simplement de poser un porte-avion dans la campagne : Aircraft-Carrier-City Entreprise en 1964.
Cette image fameuse et connue des extrémités utopistes est pourtant une forme de réalisme. Si l'on pousse l'absolu de la rationalité pourquoi ne pas aller jusqu'au modèle militaire de cette rationalité ? Pourquoi ce qui opère comme des qualités dans un domaine (utopie idéalisée de la Charte d'Athènes) ne pourrait se resserrer dans l'expérience même de ce collage ? Après tout...
Mais Dominique Rouillard dans son excellent ouvrage Superarchitecture donne à lire l'exact de cette expérience et nous donne les clefs d'une confusion possible :



Mais le cinéma reste toujours le plus fort. Il est l'art du possible surtout quand c'est Monsieur Steven Spielberg qui régale. Dans Rencontres du Troisième Type, le réalisateur nous met au défi de l'image de Hans Hollein et pose dans les premières minutes un navire entier échoué au milieu du désert. Il fait d'une pierre deux coups. Il raconte l'Arche de Noé dans une prémonition de la mer d'Aral disparue. Il fait surtout du rêve d'Hollein une réalité. Et si, Rencontres du Troisième Type est l'un des plus beaux films sur ce qu'est l'acte créateur et l'emprise sur ses sujets, il est aussi finalement l'un des plus beaux moyens de voir, c'est-à-dire de vivre, les rêves des utopistes les plus fous et donc aussi les plus clairvoyants.



dimanche 22 décembre 2013

Belfort, belle, forte, de béton.

Deux cartes postales exceptionnelles d'Art Sacré pour ce dimanche.
D'abord par l'architecture de cette église Sainte-Thérèse de l'Enfant Jésus que nous connaissons bien sur ce blog. On doit cette très belle construction à l'architecte Pierre Dumas si prolixe à la réalisation d'églises. Mais bien évidemment ce qui fait le caractère exceptionnel de ces deux cartes postales c'est le moment photographique !
L'église est en plein chantier !
On peut ainsi affirmer que cette église de Belfort a tout de même la chance d'être représentée en cartes postales dans l'ensemble de ses états, depuis la maquette jusqu'à sa réalisation finale en passant par le chantier. C'est assez rare...
Regardez :



Sur cette première carte postale des éditions Lapie on voit parfaitement ce moment où l'on coule le béton sur sa structure métallique pour former le toit en paraboloïde hyperbolique qui fait le plus grand travail dans cette architecture. À la fois exploit technique et forme moderne, toute l'église de Belfort est résumée dans ce geste technique : une coquille fine en équilibre. On devine juste à côté de la nouvelle église une autre... l'ancienne ? On peut également lire sur les panneaux les noms des entreprises au travail : Bonato et la société Entrepose qui est une grande spécialiste encore aujourd'hui de l'échafaudage technique ! Les échafaudages qui ont indéniablement de belles qualités plastiques et architecturales.















Mais quel plaisir de voir ainsi cet instant technique représenté en cartes postales, preuve que certains éditeurs étaient vigilants à cet état d'une construction. Et, quel document aujourd'hui ! On va avoir plaisir à plonger dans les détails agrandis de cette photographie que l'éditeur date de  août 1961. On s'amusera du parfait triangle dessiné par l'ombre de l'église.
De beaucoup plus près mais de l'autre coté, cette autre carte postale nous régale aussi :



On y voit un peu mieux l'état de la couverture et l'avancée de la coulée de béton. Tout de même, cela reste une chance terrible de pouvoir voir cela. Mais pourquoi diable, n'y a-t-il pas de carte postale de ce type pour l'église Notre-Dame de Royan ?











samedi 21 décembre 2013

À Trappes Volumes !


Le long d'une rue qui semble infinie, les Dents de Scie de Trappes s'allongent tranquillement.
Et la beauté de l'image est appuyée par la régularité implacable de l'architecture, répétant à l'envi ombres identiques et décrochements réguliers. Les façades offrent aussi une esthétique simple et transparente à leur construction.
Les détails des vies se forment ici uniquement sur les aspérités du trottoir, les dépôts divers du quotidien, les motos appuyées, les vélos en attente.



 La Cité fut construite avant-guerre et elle est maintenant classée Monument Historique. Vous trouverez ici les informations nécessaires sur ce lieu étonnant, sur cette expérience unique je crois.
La vue satellite vous donnera une idée plus précise aussi de ce que vous voyez là. Une géométrie sociale dont on imagine un cinétisme produit depuis l'automobile longeant la cité.



Et si la Cité des Dents de Scie de Trappes date bien d'avant-guerre (1930), la carte postale Guy, elle, date des années cinquante ce qui prouve l'attachement à cette construction comme un objet particulier. Mais l'éditeur oublie de nommer les architectes : Henri et André Guitton.
En 1976, les enfants de Trappes pouvaient aussi jouer de la géométrie, la déplacer, la lancer et marcher dessus !



Dans le Parc de St-Quentin, entre des petites collines artificielles dont l'eau semble jaillir comme une source mystérieuse, les enfants avaient à leur disposition de très beaux volumes colorés comme nous en avions vu ici à La Palmyre.




 Il s'agit bien du même éditeur de jeux pour enfants ! Mais un doute sur l'attribution persiste tout de même car dans l'ouvrage de Jacques Simon espaces de jeux on retrouve bien nos volumes mais attribués au designer Jean Dudon qui d'ailleurs aurait aussi dessiné les jeux des Arcs.



On peut aussi penser que Jean Dudon travaillait pour la société Sculptures-Jeux...
On retrouve par contre très lisiblement le jeu au sol visible ici :



représenté dans le livre de Jacques Simon :



Il ne doit rien rester de tout cela. Perdus, cassés, mais sans doute pas oubliés par ceux qui ont joué des heures dans ces volumes à Trappes !