mardi 29 novembre 2016

Une baleine en gros plan

Il y a peu, nous avions le plaisir de voir une carte en multivues de Lapoutroie montrant une maison de Pascal Haüsermann.
Comme je m'en doutais, il devait bien exister une carte postale uniquement orientée sur cette maison, et, voyez-vous même :



Il s'agit là également d'une édition de l'Europ-Pierron comme pour celle en multivues ce qui prouve une fois encore que les éditeurs usent des clichés pour plusieurs compositions offrant aux acheteurs l'occasion de ne pas choisir et de s'offrir plusieurs photographies d'une ville pour le même prix.
Si Julien Donada nous a fait la joie de nous démontrer qu'il s'agit bien là d'une maison construite par Pascal Haüsermann, on ne sait rien de la relation des propriétaires de cette maison et de l'éditeur ou du photographe. On comprend facilement que, vu l'étrangeté de la construction, elle soit suffisamment pittoresque pour intéresser un éditeur et un certain public aimant les curiosités.
Mais comment donc une telle carte postale fut-elle construite ?
Le photographe a-t-il pris contact avec les propriétaires ? A-t-il établi avec eux un contrat d'image ? Une simple visite de hasard ou une construction d'image avec les propriétaires ?
Rappelons tout de même que les cartes postales de villas modernes sont rares car justement privées et qu'il est difficile sans doute pour un propriétaire d'accepter que sa maison, même si elle hurle son désir d'originalité, soit ainsi un objet pittoresque et touristique.
On s'étonnera ainsi que le nom de l'architecte Pascal Haüsermann ne figure pas au verso de la carte postale, pas plus que le nom des propriétaires mais que seul le surnom de la villa est donné : La Baleine.
Qui nomma ainsi la maison ? Les voisins jaloux et curieux ? Les habitants de Lapoutroie ? Est-elle, encore aujourd'hui, cette maison, connue sous ce pseudonyme ?
C'est vrai que sa façade et sa grande bouche ouverte avec ses fanons laissent la porte ouverte à ce rapprochement animalier !
Ma carte postale ne comporte aucune correspondance et ne fut pas expédiée.
Combien d'exemplaires de cette carte furent édités et où pouvait-on les acheter ? On imagine qu'une telle carte devait bien offrir aux habitants de La Baleine une sorte de popularité villageoise et des visites inopinées ! Je pourrais bien en être un jour...
Si maintenant on s'attache à son architecture, on remarque donc deux coquilles l'une au-dessus de l'autre, séparées par une ligne d'ouvertures et écartées par la grande baie. L'opposition des matériaux du toit et de la coquille inférieure n'est pas très heureuse. On regrette, comme pour Raon-l'Étape, une coquille unie. Dans mon premier article je m'interrogeais également sur la nécessité d'un point d'appui avec une colonnette pour rattraper le porte-à-faux de la coquille. Cela manque un peu d'élégance constructive même si cela ne gêne en rien l'allure générale de la construction. On notera aussi le beau dessin de la cheminée. J'avoue, encore une fois, ne pas aimer les trois arcs dessinés dans le cylindre qui tient l'ensemble. Mais qu'y puis-je ?
On notera enfin que, habilement et je crois volontairement, le photographe cadre la Baleine de Lapoutroie avec, au fond, un pavillon traditionnel comme pour s'amuser du contraste entre les deux formes. On s'amuse aussi de l'absence totale de personnage. On regrettera que la lumière ne permette pas de voir par la grande baie généreuse, les aménagements intérieurs ou des signes de vie, ce qui donne à l'ensemble un sentiment un peu triste. Le gazon étant bien tondu la vie est là pourtant...
Comme je le disais hier, je ne puis me satisfaire de cette carte postale. Jamais deux sans trois nous dit l'adage populaire. Il me faudra donc trouver une troisième carte postale de La Baleine de Lapoutroie !
Souhaitez-moi bonne chance !
Remercions encore Julien Donada pour son œuvre autour de Pascal Haüsermann et pour les informations sur cette maison.
Revoyez les articles ici :
http://archipostalecarte.blogspot.fr/2015/07/im-picky.html
http://archipostalecarte.blogspot.fr/2015/06/deux-coquilles-alsaciennes-cherchant-un.html
http://archipostalecarte.blogspot.fr/2015/09/a-la-tele-julien-donada-fait-des-bulles.html
http://archipostcard.blogspot.fr/2011/09/lest-allez-vers-lest-2.html





lundi 28 novembre 2016

Rare Royan

Le collectionneur de cartes postales est toujours en chasse. Il veut toujours, alors même qu'il vient d'être satisfait, chercher un nouveau point de vue, quelque chose d'inédit, comme si la course en avant vers la nouveauté était sa seule raison de vivre.
Je suis comme ça avec Royan, me demandant toujours si par hasard, un photographe de cartes postales n'aurait pas posé son regard sur une partie de la ville moins connue.
Qui aura photographié l'intérieur du Palais des Congrès pour en faire une carte postale ?
Qui aura photographié la Villa Prouvé pour en faire une carte postale ?
Qui aura photographié le chantier de Notre-Dame-de Royan pour en faire une carte postale ?
Je n'ai pour l'instant aucune réponse à vous proposer mais voici tout de même trois occasions de voir Royan depuis des cadres un peu moins connus.
Voici :



Cette carte postale Berjaud expédiée en 1960 nous montre l'extrémité du Front de Mer avec, en face de nous, l'Hôtel Continental que nous connaissons bien maintenant. On peut se demander en effet quel intérêt il y avait à faire une carte postale de cette place alors que le port ou le Front de Mer sont juste là, à côté. Les deux hôtels pourraient à eux seuls servir de prétexte et surtout trouver une clientèle pour ces images.



Les royannais remarqueront que le Monument aux Martyrs de la Résistance et de la Déportation n'est pas encore installé sur le long mur aveugle de ce square du 8 mai 1945. En tout cas, ce morceau de ville moins iconique trouve tout de même ici l'occasion de s'exprimer et de montrer que, dans tous ses détails de circulations et d'aménagements urbains, la Ville de Royan fut très bien dessinée sachant ici articuler la pente du terrain (rampe Torchut) et la fin du Front de Mer pour réaliser un jardin, respiration utile dans ce morceau de ville.
Et encore :



S'il existe des dizaines de cartes postales du rond-point de la Poste, il est beaucoup plus rare de la voir depuis ce point de vue ! D'ailleurs où sommes-nous ? Il semble que le photographe Mr Chatagneau se soit placé directement tout au bout du Front de Mer, sur l'un des balcons pour obtenir cette vue dégagée sur la Tache Verte au fond de l'image. Là encore, on peut se demander à qui s'adresse cette image ? Car ce que montre surtout cette image c'est le dessin des articulations routières de la ville. Mais comment ne pas jubiler de l'occasion de voir ainsi le très beau détail de l'auvent qui accompagnait les piétons sous son ombre vers la Poste ? Comment ne pas jubiler des détails constructifs de cette Poste ? Là aussi, la carte postale permet d'enregistrer le dessin des aménagements urbains de la ville totalement ouverts et larges qui racontent une ville aussi bien dessinée pour le piéton que pour l'automobile où l'architecture semble se courber sur les chaussées, voire même les dessiner. On remerciera la couleur de nous apporter la preuve de son utilisation joyeuse et délicate sur les bâtiments.
Et :



Comment ne pas être heureux de voir ainsi, parfaitement photographiée, une belle architecture moderniste faire la preuve de son époque ? Le Grand Hôtel Océanic affichait encore en 1958 les joies d'une volumétrie fragmentée, articulée donnant ombres et diagonales, auvent et terrasses. Regardons comment le rez-de-chaussée était parfaitement dessiné et venait soulager le puissant parallélépipède de l'hôtel. Aujourd'hui remanié, il a perdu totalement cette force pour gagner quelques mètres-carrés, outrage inutile à une belle et franche architecture. Comment on appelle cela déjà cette manière de retoucher mal une architecture ? Un outrage ? Comparez, par exemple, le travail sur le pignon à gauche, comment, depuis le sol, jusqu'au toit, le travail de l'architecte a été perdu. Une catastrophe !
Ré-ouvrons tout cela ! Pour ce qui se passe maintenant juste derrière... Je vous laisse juges de la qualité de l'architecture de promoteur offrant des surprises étranges... La carte postale des éditions Artistiques Marceau Carrière ne nomme pas son photographe.





Toujours heureux de trouver des bunkers dans l'architecture civile :

 

Toujours heureux de rencontrer des maquettes de la Fonction Oblique dans l'architecture de Royan :

dimanche 20 novembre 2016

Théâtre abstrait

Voilà une carte postale qui n'a pas peur de dire franchement sa colorisation :



Facile aussi de dire de quoi il s'agit, du moins la raison de programme puisque c'est écrit dessus : Théâtre Romain Rolland.
Nous sommes à Villejuif.



Pourtant, voici bien aussi une carte postale et surtout une architecture qui savent rester abstraites voire absconses ! En effet, comment ne pas être intrigué par une architecture si peu dévoilée par cette photographie mettant dans son cadre quelques pans de murs aveugles, un escalier montant dans une saillie, une fresque invisible derrière un arbuste. On ajoute une forme incertaine sur la façade, sculpture ou enseigne, et un lot de planches posées là et le décor est planté.
On aimera son champ coloré tenant de toutes les tonalités de bleus un peu salis par le noir et blanc de la photographie, il s'agit du procédé DIACOLOR.
L'abstraction est presque complète !



Les éditions P.I, on les connaît bien et sont une véritable source de cartes postales de la banlieue comme Lyna ou Raymon. Malheureusement, elles ne nomment pas leur photographe ni les architectes. Il m'aura fallu attendre de trouver (enfin !) un numéro de la revue Techniques et architecture de 1964 pour avoir la réponse. Il se trouve que les architectes de ce théâtre ambitieux pour son rôle dans le programme urbain sont, l'Atelier d'Urbanisme et d'Architecture J. Bailly, B. Mouzas, J.P. Bertrand. On trouve dans la revue, un article signé R.S, il s'agit du bien connu René Sarger qui explique la construction de la coque du toit. Il travailla avec Brillouin pour l'acoustique et Demangeat pour la scénographie. On remarque aussi que le photographe (inconnu) ayant travaillé pour l'article a aussi cadré l'entrée quasiment du même point de vue que le photographe de la carte postale. Sans doute que l'écriture très pure et dure de ce théâtre devait solliciter d'elle-même une photographie ainsi contrastée et ferme dans ses formes. On entend bien dans le texte et dans les images ce désir d'une architecture entièrement fondée sur son programme, dessinée depuis l'intérieur vers l'extérieur dont les formes et solutions spatiales répondent d'abord à leur rôle : une pureté désirée, presque, en fait, une éthique.
On notera enfin que, étrangement, ce théâtre a échappé à notre guide d'architecture contemporaine en France.

 








On peut, grâce à cette maquette, mieux saisir la courbe si particulière du toit et sa jonction avec le bâtiment, ci-dessous, René Sarger vous explique sa conception :
 

 

dimanche 13 novembre 2016

Formes Utiles

Vous voyez, comme je le dis souvent, ce qu'il y a de plus important dans cette collection, c'est bien cette joie d'apprendre.
En fait, les cartes postales agissent comme des petits outils de liaisons, des pistes à suivre où un simple nom d'architecte vous ouvre soudain un monde.



Lorsque j'ai trouvé cette carte postale des éditions La Cigogne j'ai d'abord aimé l'immense totem de cubes en céramique posé devant les constructions, objet superbe jouant avec les images des jeux de cubes de notre enfance et placé ici devant le Groupe Maternelle aux Chartreux à Troyes. L'éditeur nous fait la joie d'en nommer son auteur : Madame Poumailloux. Malheureusement ce nom ne nous ouvre pas de porte pour l'instant. Qu'est devenu ce bel objet ?



Mais, après cette découverte, mon œil a glissé sur les panneaux de façade du groupe maternelle. Je reconnais évidemment ce que nous avions déjà vu dans cet article.
http://archipostalecarte.blogspot.fr/2014/11/apprendre-se-conjugue-comme.html



Mais cette fois, l'éditeur de cartes postale étant très précis, voilà qu'il nous indique aussi le nom de l'architecte de l'ensemble complet que l'on devine à l'arrière. Et, s'il est difficile de trouver des informations sur Monsieur Millochau, il est très aisé d'en trouver pour André Hermant l'architecte de ce groupe de Troyes car il fut l'une des figures essentielles de la révolution du Design en France avec le groupe Formes Utiles !
Et là... mes souvenirs sont précis !
Alors que j'étais étudiant, je me souviens parfaitement de ma joie de découvrir, dans la bibliothèque de l'école des Beaux-Arts de Rouen, un livre qui fut pour moi et pour mon ami Marc Hamandjian très important. Nous en aimions immédiatement la mise en page, les informations sur les objets qui nous entourent, et surtout un état d'esprit très particulier. J'ai rêvé de ce livre longtemps, puis, un samedi, aux Emmaüs j'eus l'immense joie de le trouver ! Quel plaisir ! Même si mon exemplaire est un peu fatigué !
On s'amusera que sur une double page, comme pour faire un signe à notre duo amical, André Hermant place la colonne de direction d'une Citroën DS en face de la Cité Radieuse. La première pour Marc Hamandjian, la deuxième comme pour moi. Quelle joie d'y retrouver ainsi mêlés Bernard Laffaille pour un hangar à Cazeaux, Le Corbusier, des astronautes, Gaudì et des os du fémur !
Que croyez-vous qu'il me reste à faire ?
À vous le montrer bien sûr ! Et vous en offrir des extraits.
Je me souviens surtout de la puissance poétique venant des doubles pages en fin d'ouvrage. Comme un collage habile et fort, servant par l'analogie le discours. On notera que la couverture et la maquette sont de l'immense Pierre Faucheux.
On pourra aussi en lisant ses textes, se demander si André Hermant, dans la réalisation-même de son ensemble d'immeubles a su tirer profit de sa propre leçon. Leçon qui reste d'une actualité brûlante !
On trouve ici un beau résumé de l'œuvre de André Hermant :
http://archiwebture.citechaillot.fr/fonds/FRAPN02_HERAN























lundi 7 novembre 2016

Bunkers balnéaires et une conférence

Cet article n'a d'autre objet que de vous rappeler que vous pourrez me voir en conférence-débat ce  mercredi 9 novembre à la Cité de l'Architecture et du Patrimoine accompagné de François Chaslin pour évoquer la représentation de l'architecture du balnéaire par les cartes postales.
Le rendez-vous est à 19h et il est possible et souhaitable de s'inscrire.
Voici le lien :

http://www.citechaillot.fr/fr/auditorium/photographie/images_cite/26328-le_balneaire_en_cartes_postale_autour_de_la_collection_de_david_liaudet.html

Comme je ne veux pas brûler la conférence de mercredi, je vous donne juste quelques petites gourmandises qui vous donneront le ton. Vous comprendrez facilement qu'il ne me sera pas possible de faire en une seule conférence ce que je fais sur ce blog depuis bientôt 10 ans.
J'espère donc vous voir et débattre avec vous, chères lectrices et chers lecteurs dont souvent je ne connais pas les visages !
À bientôt donc !

Je voudrais commencer par un détail qui soulève, chez moi, une profonde émotion :



Ce bunker penché évoque bien entendu pour les amoureux du béton les travaux de nos deux architectes brutalistes français les plus éminents : Paul Virilio et Claude Parent.
D'abord sa masse, saisie à la limite de sa disparition, tombant à jamais dans les flots et dans nos souvenirs, si Paul Virilio ne nous avait pas permis de l'aimer autrement que dans le piège aisé d'une mémoire dure et réelle, celle de la violence guerrière.
Le retournement qu'opère Paul Virilio n'est pas un retournement d'oubli, c'est, au contraire, pour celui qui sait le lire et surtout vivre ces bunkers, un regard respectueux de ce qui s'est passé là. D'abord une architecture des sens, pour laquelle la gravité des corps et la vue sont essentielles car ici troublées par le glissement de ces masses.
J'en profite pour citer ceci :
".... que les petits graffeurs ridicules qui posent leurs peinturlures sur ces peaux de béton n'ont rien mais rien compris de ce que ces bunkers peuvent porter comme indéniable puissance mémorielle et vaudou. Toujours cette croyance que aimer ces objets serait douteux. Mais bien au contraire, s'en saisir comme socle à sa peinture, sans égard pour ceux qui réclament le silence visuel, est bien un acte répugnant contre un Patrimoine qui n'exige qu'une seule chose : disparaître tranquillement sous le poids de la Gravité Universelle. La dernière mission du Bunker est de mourir, attiré irrésistiblement vers le centre de la Terre pour y cuire comme une urne en céramique de béton, et revenir à la surface en un flot de lave rouge et irradiante que seul l'homme conscient de cet héritage verra alors comme une énergie nécessaire à notre histoire.
Nous demandons donc un classement immédiat des témoins architecturaux et paysagés du Mur de l'Atlantique et donc une réparation physique et morale de ceux qui osent ainsi s'emparer de cette mémoire." 
Comité de Vigilance Brutaliste, 2015.

Mais revenons à cette carte postale :



Les éditions Artaud nous offrent ici l'une des plus belles images de la France en Reconstruction. D'abord la verticalité poétique et voyageuse du mât du voilier venant couper par le milieu la photographie. L'horizon au loin est lui-même séparé. Le photographe attend le passage du voilier dont la légèreté dira le retour des joies de la Plaisance, le retour du cabotage sur les Côtes de France. Le couple assis par terre, des visionneurs de ce changement, des témoins scrupuleux et joyeux à cette renaissance, regarde la mer, le bateau, les pêcheurs. Mais ces témoins lisent aussi le mot PAIX écrit en grand et libérateur, écrit au ras des flots certainement à bout de bras un jour de marée basse et que la mer en revenant viendra caresser doucement. Remercions celui ou celle qui a simplement inscrit ces mots. Voilà messieurs les graffeurs, les vrais écrits, voilà de la Littérature. Un mot, un geste, un lieu et tout est dit. Le bunker penche. Laissons-le pencher, tomber. Profitons, avant son départ complet, de son épiderme, de son vêtement, immense grotte sombre et protectrice dont on fera le totem d'un brutalisme qui se devra d'être avant tout politique avant d'être esthétique et aujourd'hui...Vintage...
Sous nos pieds la pente de ce glissement de sens.



Approchons-nous encore de ce Bunker. Nous sommes encore à Courseulles. Cette fois, l'éditeur Normandas fait œuvre d'historien, raconte la présence, fait déjà un tourisme qui rime ici avec... Gaullisme !
Réduire ainsi la masse des morts, des soldats blessés, des efforts, des combats, de la violence au seul nom de de Gaulle, comme si ce pied posé sur la plage était le seul pied méritant. On notera que l'éditeur, d'une certaine manière, dit bien le souci. De Gaulle posa son pied sur un sol... libéré, c'est dire qu'il arrive une fois le combat terminé...
Allez... Restons tranquilles.
On admirera ici comment rapidement ce tourisme guerrier de la Libération a donc produit ce genre de cartes postales. Au verso, l'éditeur nous indique même les circonstances du combat et nomme déjà un circuit des Plages de (et non DU) Débarquement avec un D majuscule.
Il s'agit bien du même bunker ici appelé blockhaus. La photographie en noir et blanc perpétue une forme dure, tragique que le vide autour accentue encore et que l'affiche vient expliquer et surtout magnifier. On verra dans la conférence d'autres usages des bunkers...





Et si, finalement, ce bunker, cet événement n'était qu'un élément comme tant d'autres des usages de la plage enfin libérée ?



Les petites cabines de plages forment un front joyeux et régulier, le photographe a les pieds dans l'eau et vise la plage et les baigneuses aux enfants. Sur l'immense rocher au fond de l'image se dresse un homme debout regardant la mer. À peine saisit-on qu'il s'agit là d'un bunker. Il faut à l'éditeur nous l'indiquer au verso. Mais j'aime ici ce retour au calme. J'aime la présence entendue de cet objet déjà familier, déjà utilisé, déjà visité.
J'aime ce rocher construit d'un labeur dur qui prendra le lichen, le sel, la rouille, les fientes comme tous les rochers du monde.
Pour finir, l'un des plus immenses :



L'éditeur Jansol nous offre ce point de vue sur la base sous-marine de Saint-Nazaire. Le photographe signe son cliché, il s'appelle Mikaël Audrain. Il compose son image par des diagonales, laissant la base un peu loin, mettant les accessoires du port en avant au premier plan. Regardez comme le photographe est bas, sans doute agenouillé pour faire tenir la verticale de la bitte d'amarrage sur la droite et que les ombres très longues viennent contredire les fuyantes.
La masse de la base est un peu floue mais reste puissante et mystérieuse. On reste à distance car l'objet est immense et qu'il faut le contextualiser, il faut donc... reculer.
Voilà bien une conséquence, voilà bien rapidement une poésie. La masse fait reculer le cadre et agenouiller le photographe. Il y a des hommages que l'on rend naturellement.
Sous nos pieds, une plage, un port, devant nos yeux un ciel, un horizon, un espoir que la France de cette génération saura saisir pour REconstruire ou construire Royan, Le Havre, Lorient, Brest, St-Nazaire, Saint Malo, La Grande Motte, Port Leucate, Port Gruissan... pour faire couler le béton partout sur des fers, pour que Thalassa, la déesse de la mer, puisse se rompre le dos et l'échine contre de solides et beaux rochers que nos plus éminents architectes ont offert à ce moment que l'on nomme le Balnéaire.
Merci pour ces falaises pyramidales, merci pour ces Fronts de mer courbés sur la plage, merci pour ces géants couchés sur le sable.
Vive le bétonnage des côtes