mercredi 29 novembre 2017

Gratte-Ciel de province

Je ne voulais pas vous faire un article en ne tentant pas tout pour connaître le nom des architectes. Je vous avais promis un retour vers Roanne et je cherchais le nom des architectes de cette très belle tour que les éditeurs et certainement les habitants de Roanne surnomment le Gratte-Ciel :


Cette belle carte postale Lapie nous montre bien ce bel immeuble pris dans un tissu urbain bien moins haut que lui, ce qui l'isole d'ailleurs un rien du reste de ce tapis fait de maisons basses, de petites barres et au loin d'usines dont même les cheminées ne rivalisent pas avec l'audace de cette tour. Les architectes en sont donc Messieurs Roche et Pavero dont je ne trouve pas d'autres réalisations dans mes documents. Par contre, les Archives de la Ville de Roanne me font le plaisir de m'envoyer un petit dépliant sur lequel figure toute l'histoire de cette construction emblématique et je les remercie pour la promptitude de leur réponse ! Bravo aussi à la Ville de publier ainsi de très intéressants documents pédagogiques.



On peut facilement reconnaître dans cette construction tout juste d'après-guerre, les manières de construire de cette époque. On retrouve ce style franc et direct, laissant apparaître la structure sur la façade, le jeu des volumes et des retraits surtout déterminés par des balcons généreux repoussés aux angles et qui donnent à cette façade un rythme simple mais vigoureux qui permet à l'œil de ne pas trouver la masse disgracieuse.

Qui profite aujourd'hui de ce beau belvédère ?

Les petits volumes sur le toit permettent également au Gratte-Ciel de venir s'enfoncer dans ce ciel avec justesse et pondération. Tout cela est drôlement bien dessiné et mérite maintenant d'être sauvegardé en espérant qu'aucun projet d'isolation par l'extérieur ne vienne abîmer ce très bel immeuble de Roanne, patrimoine essentiel maintenant de la silhouette de la Ville, marraine d'Elbeuf.
Mais regardez :





































Sur cette carte postale des éditions La Cigogne, on retrouve notre Gratte-Ciel de Roanne derrière un incroyable bâtiment : la gare routière !
Mais quelle architecture là aussi ! Quelle audace que ce porte-à-faux triangulaire venant abriter les passagers et aussi ce magnifique petit cube au jeux délicats de couleurs sur sa façade ! Quelle œuvre ! Qui a eu ici cette audace ? Les mêmes architectes roannais que notre Gratte-Ciel ? Messieurs Roche et Pavero ? C'est possible mais je ne puis l'affirmer et malheureusement ce petit chef-d'œuvre a disparu... Quel dommage ! Quelle bêtise !



Sur cette dernière carte postale du même éditeur, on retrouve notre Gratte-Ciel de Roanne, cette fois, derrière un massif de fleurs, un peu comme nous l'attendons tous d'une carte postale idéale.


Le Gratte-Ciel semble posé dessus comme sur un socle et l'éditeur n'y est pas allé de main morte pour les pochoirs de couleurs !
On notera que la production d'au moins trois cartes postales montre l'attachement et l'importance de cette construction pour la ville à cette époque, signe de sa modernité.
Heureusement ma balade sur Google Earth me permet de voir encore debout ce très bel immeuble.
C'est trop tard pour la gare routière...
S'il vous plaît, Maire, propriétaires, élus, agents locaux du Patrimoine, faites que demeure ainsi dans sa grande beauté cet élément essentiel du Patrimoine du Vingtième Siècle. Ne succombez pas aux sirènes tonitruantes de la "requalification" toujours complice de la laideur et laissons la chance à ce dessin superbe de se maintenir dans la ville !
Protégez le Gratte-Ciel de Roanne !

Google nous permet de voir aussi le dos du Gratte-Ciel :


















































samedi 25 novembre 2017

Group Ludic en livre !


Le Group Ludic fait partie intégrante de ce blog tout comme les piscines Tournesol, les Bulles six coques, Jean Renaudie ou le Brutalisme.
Chaque fois que cela est possible, j'essaie de vous montrer les réalisations de ce collectif de designers qui ont inventé un genre d'aire de jeux qui aujourd'hui encore ne cessent de nous étonner par leur modernité, leurs  formes mais aussi l'esprit de liberté et de poésie, comme si les designers eux-mêmes étaient en ligne direct avec les désirs des enfants, comme si leurs observations, leurs connaissances leur avaient permis d'inventer un registre particulièrement original et joyeux.
Le plus iconique de tous étant bien entendu le sous-marin de La Palmyre au Jardin de Cordouan que nous avons décrit plusieurs fois.
http://archipostcard.blogspot.fr/2010/04/groupe-ludic-le-sous-marin.html
http://archipostcard.blogspot.fr/2009/08/royan-et-alentours.html
http://archipostcard.blogspot.fr/2009/08/groupe-ludic-une-reponse-de-monsieur.html
Avec un témoignage :
http://archipostalecarte.blogspot.fr/2016/08/group-ludic-et-familial.html

Alors, lorsque Julien Donada et Grègoire Romefort décident d'éditer un ouvrage sur le travail du Group Ludic on ne peut que les suivre et les soutenir. Soutenir en effet car les deux compères ont besoin de fonds pour mettre en route l'édition de ce livre tout comme pour l'ouvrage sur Le Corbusier par Charles Bueb (toujours disponible !).
Il s'agit aussi d'être exigeant, de produire un bel objet éditorial qui rendra hommage à ce Group Ludic et permettra enfin de diffuser davantage cet héritage aujourd'hui, heureusement, regardé de nouveau à sa juste valeur. Pour l'exigence, nous pouvons faire confiance à la maison d'édition du Facteur Humain et à la rigueur de l'édition et du contenu critique.
Alors, il est évident que c'est avec une grande joie que je me fais ici le relais pour que cette édition voie le jour. Et je sais que de nombreux lecteurs et lectrices feront de même car je sais que vous aimez, tout comme nous, les œuvres originales entre architecture et design et les beaux livres !
Les fêtes approchent !
Je vous conseille donc vivement de soutenir nos amis, de soutenir cette envie de voir, revoir et enfin mieux connaître ce travail remarquable.
C'est ici que cela se passe :
https://www.kisskissbankbank.com/group-ludic-l-imagination-au-pouvoir


Je m'amuse de voir que "l'imagination au pouvoir" reprend un peu le titre d'un exemplaire de la revue de Claude Parent et Paul Virilio, Architecture Principe avec leur " Pouvoir et Imagination" ! Comme quoi l'époque a bien eu ses slogans !

Allez ! Faites-vous plaisir ! Soyez un pionnier ! Aidez-les !

Je vous invite aussi à voir ce très beau petit film ! Quel merveille!
https://vimeo.com/244064133
https://vimeo.com/244064133

Pour revoir tous les articles sur le Group Ludic, vous pouvez aller partout ici et surtout soutenir le projet éditorial et commander votre livre.
http://archipostcard.blogspot.fr/2012/11/retrouvailles-ludiques.html
http://archipostcard.blogspot.fr/2012/06/une-reunion-amicale.html
http://archipostcard.blogspot.fr/2011/03/des-jeux-en-france-de-lair-des-aires.html
http://archipostcard.blogspot.fr/2011/03/point-ligne-plan.html
Certainement l'une de mes plus belles cartes postales :
http://archipostcard.blogspot.fr/2010/12/toiles-tendues-mettre-les-voiles.html 
Un document rare offert par Julien Donada :
http://archipostcard.blogspot.fr/2010/11/group-ludic-un-document-rare.html
http://archipostcard.blogspot.fr/2010/09/complements-ajouts-et-autres-details.html
Celle-ci est merveilleuse, simplement merveilleuse :
http://archipostcard.blogspot.fr/2010/07/groupe-ludic-chalons-sur-saone.html
http://archipostcard.blogspot.fr/2009/08/groupe-ludic-architecture-pour-jeux.html 
http://archipostalecarte.blogspot.fr/2013/06/sculpture-jeux.html


mercredi 15 novembre 2017

Tout dans le détail

Vous faire plaisir.
D'abord, vous faire plaisir.
Aujourd'hui dans deux cartes postales en multi-vues si mal considérées par les collectionneurs, voici que, justement, par les vues diversifiées, par le désir de nous monter le plus de choses possible, les éditeurs de cartes postales nous permettent de retrouver deux icônes de ce blog, deux architectures dont vous rêvez pour certains d'en faire l'inventaire, pour d'autres de les démonter pour les sauver : un Mille-Club et une piscine Tournesol.
Par laquelle de ces icônes voulez-vous commencer ?
Eh bien non ! Nous débuterons par le Mille-Club :


Sur cette très belle carte postale de Roanne, tout est dit d'emblée, sans remords. Un beau quartier fait d'un Hard French aujourd'hui si mal aimé, sa modernité appréciée, ses aménagements urbains et donc, là, en bas à droite un Mille-Club du type BSM Tridim des architectes Goddeeris, Deleu et Thoreau.
Il est bien à sa place dans ce petit tour de quartier que les éditions La Cigogne nous offrent. On notera que la carte est assez récente si on en croit les automobiles, la carte fut expédiée en 1982. J'ai beaucoup de difficultés à identifier ce lieu sur Goggle Earth et je crois que, malheureusement, ce Club de Roanne a disparu. Ne partez donc pas en Safari Ruin Porn.















































Roanne est la Ville Marraine d'Elbeuf et ce nom de ville résonne très particulièrement chez moi car, en tant qu'elbeuvien, on voyait ce nom de Ville de Roanne apparaître sur les bandeaux de commémoration de la seconde guerre mondiale. Nous habitions même rue de Roanne et je vois qu'il existe une rue d'Elbeuf à... Roanne ! Dans le livre Elbeuf, histoire des rues, Charles Brisson nous informe page 105 :
"Cette rue est l'une des nouvelles voix ouvertes lors de la reconstruction du vaste quartier détruit par les Allemands en juin 1940. Dès 1941, des villes de la zone sinistrée reçurent le parrainage de villes demeurées intactes en zone encore libre. Suivant l'exemple donné par ailleurs, des démarches furent alors entreprises par le Syndicat d'Initiative auprès de la ville de Castres, dans le Tarn, ville drapière comme Elbeuf et où se trouvait alors un noyau fort agissant de réfugiés elbeuviens. Cette initiative rencontra l'opposition du député-maire René Lebret, dont le choix se porta sur Roanne, dans la Loire, chef-lieu d'arrondissement peuplé de 50 000 habitants, qui adressa à Elbeuf des dons et des secours importants. Par reconnaissance, son nom fut donné à une nouvelle voie."
 Nous reviendrons très bientôt à Roanne avec une autre belle construction.
Mais voici un autre détail :



Là aussi, il est aisé de savoir où l'on se trouve ! La Ville de Bruyères nous livre ses secrets pittoresques et sa piscine Tournesol ! Là encore, c'est l'éditeur La Cigogne qui régale et la carte fut expédiée en 1987. Si on en croit Goggle Earth, la piscine Tournesol orange de Bruyères est toujours debout. Espérons que la Mairie et les agents locaux du Patrimoine du département des Vosges sauront la sauver sans la modifier. Car, de cette couleur, dans cet état, il n'en reste plus beaucoup, il s'agit donc ici d'une urgence patrimoniale. Je suis certain que Monsieur Yves Bonjean le Maire de Bruyères et toute son équipe municipale vont tout mettre en œuvre pour valoriser cet héritage exceptionnel et rare maintenant.
Nous avions déjà évoqué cette belle piscine ici :
http://archipostalecarte.blogspot.fr/2015/10/tournesol-et-tournesol.html




mercredi 8 novembre 2017

Rudy, les spaghettis sont servis et la soupe aussi

20 Novembre 2019 :
le projet semble abandonné. Ouf...Que cela serve aussi de modèle de lutte et de colère, qu'enfin on respecte cette Architecture et ce Patrimoine.
Désolé Rudy, tu trouveras bien un ailleurs plus proche de tes hargnes.
 

Je vous donne à lire ci-dessous une lettre ouverte à Rudy Ricciotti.
Il est clair maintenant que la Région Ile-de-France, que ses institutions patrimoniales qui la représentent, que la politique du Grand Paris, osent tout, c'est à ça d'ailleurs qu'on les reconnaît. Chemetov et Prouvé à Saint-Ouen, Émile Aillaud à Nanterre, Jacques Kalisz à Nanterre, Tour Montparnasse, Claude Parent et Paul Virilio à Vélizy-Villacoublay, Esquillan à Fontainebleau et maintenant Maison du Peuple à Clichy de Beaudouin, Prouvé, Bodiansky et Lods... Le bilan des attaques contre le patrimoine moderne et contemporain devient lourd, très lourd, honteux. À qui le tour ? Le Musée des Arts et Traditions Populaires de Dubuisson peut-être...



Salut Rudy !
Je vais te tutoyer car tu es de ceux qui ont toujours fait de leur gouaille un signe de reconnaissance, comme si les tonalités de ta langue si chantante et fleurie et sans compromis devaient pouvoir immédiatement nous permettre de comprendre la franchise de ton architecture et de ta pensée, comme si cette voix, ta voix était l'occasion d'une complicité dont j'ose me saisir ici.
Dans cette vidéo, Rudy, tu affirmes avec une fierté non feinte qu'un architecte ça doit être un casse-couille, je crois que tu remplis bien ton programme.


Car vois-tu, lorsque pendant toute une carrière on joue l'outsider de service, celui qui empêche de tourner en rond, le grand pourfendeur de la pensée commune et le mec proche de la réalité du terrain et des connaissances des métiers, il est étonnant de voir soudain un travail qui écrase justement ceux qui, dans l'histoire de leur Art, furent les pionniers de cette brutalité chantante et de cet hommage aux gens : la Maison du Peuple de Clichy.
Non mais franchement Rudy... Qu'est-ce qui se passe ? C'est quoi cette tour de spaghettis qui va se dresser dans le ciel comme une corde enchantée par un magicien hindou et qui réduit le chef-d'œuvre de Prouvé, Lods, Bodiansky et Beaudouin à un plat de cantine en aluminium ?

Ce n'est pas à ta hauteur, c'est ça le pire. Pas à ta hauteur.

Mais vous, (je reprends le vouvoiement toujours lorsque je suis en colère), mais Monsieur Ricciotti franchement, là, vous rigolez ? Non ? Allez... C'est une blague ? Vous allez annoncer demain que vous y renoncez à ce projet et que c'était là un exercice pour montrer à tout le petit monde de l'architecture à quel point la gestion du Patrimoine Architectural du XXème siècle est méprisé en France ? 
Car sinon, tout ce que vous étiez jusque là, tout ce que vous avez porté de colères, d'intransigeance, de force et de respect à ceux qui bâtissent devient vain, inutile.
Quand on fait finalement de ses colères, de sa révolte, une image de marque, un objet de communication, un slogan à la Seguela pour servir un plat de promoteurs, on devient quoi ? 
Comment appelez-vous cela ?
Alors vous me direz que vous êtes donc bien un casse-couille pour tous ceux qui comme moi défendent le respect du Patrimoine et que vous méprisez ce combat car, sans doute, nous sommes, nous, croyez-vous, dans l'histoire et vous dans l'avenir... Que l'Histoire de la Modernité doit être réécrite, que son respect est inutile, voir ringard.
Vous avez sans doute raison Monsieur Ricciotti, mais entre l'histoire d'une gauche populaire de Clichy et de sa Maison du Peuple et l'avenir du Grand Paris des Promoteurs soutenu par une politique fourvoyée de personnalités décadentes à leur propres idéaux, je préfère le passé. 
Et je parie, oui, je parie que vous aussi Monsieur Ricciotti finalement. 
Rien dans votre projet architectural, rien ne rend hommage à cet optimisme, à cette architecture, à ces combats sociaux. Et surtout rien ne rend ici hommage à votre propre travail. Vous vous servez de ce passé comme d'un symbole, un signe qui vient marketer votre tour. Et l'absence de cette belle franchise qui était la vôtre est le signe de ce ratage. En fait, cette tour, elle débande, triste après sa petite mort érectile.
C'est certain que vous me rétorquerez que vous ne vouliez pas rendre hommage, que vous pensez que l'hommage aux aînés est une servilité. Que ce que porte cette Maison du Peuple d'idéologies d'émancipations sociales doit être réduit au silence simple de sa structure, comme un squelette vidé de sa chair. 
Mais le blanc de votre tour, ce blanc comme une boutique Macintosh de province, son élan amolli par sa façade serpentine, le contact entre l'existant, tout y est déjà épuisé surtout par son bio-design des années 90 que même Audi a abandonné il y a longtemps. Ce n'est pas du Maniérisme, c'est maniéré, c'est nouille comme on disait des mauvais suiveurs de Guimard.  Pourquoi avez-vous perdu votre puissance, votre force, votre courage ? Pourquoi la rage Ricciotti a disparu ? Pourquoi votre belle et nécessaire radicalité poétique a laissé la place à cette ascension racoleuse de spaghettis ? Quel mauvais, très mauvais dessin... Vraiment pas à votre niveau.
Mais le pire c'est l'ensemble des complicités à cette attaque patrimoniale. Le pire c'est cette caution. Le pire c'est le fourvoiement des Institutions Culturelles logotypées dans les arguments (publicitaires) des promoteurs. Ils ont instrumentalisé votre hargne pour en faire l'argument de leur probité. Le pire c'est ça, cette communication qui prend la place de la pensée, qui fait semblant, cette novlangue, outil magique pour faire passer l'indigestion de ce plat de spaghettis. Quand l'architecture devient communication, quand on illustre des concepts communicationnels par une construction, on ne fait pas de l'architecture. On fait un produit. 

Et, venant de vous Monsieur, de vous, après tout ce que vous avez porté, que j'ai tant aimé, tant admiré, et même tant diffusé auprès de mes étudiants comme modèle de résistance à ce monde boursouflé, c'est là le signe infamant qu'ils ont gagné et que nous avons perdu. Je vous inclus dans ce Nous.
Vous avez inventé ici le totem de ce retournement idéologique. Nous aurions préféré un beau majeur dressé dans le ciel de Clichy, doigt plus digne de l'héritage du Progrès Social.
Tu as raison Rudy, un architecte ça casse les couilles et on a le droit de changer après tout et nous, vois-tu, nous avons le droit au désamour.

Sinon ? Ça va ?

Pour en savoir plus sur ce projet allez là :
http://www.leparisien.fr/clichy-92110/maison-du-peuple-le-pcf-de-clichy-oppose-aux-appartements-de-luxe-05-11-2017-7374381.php 
Allez ici et lisez bien les arguments de communications. C'est hilarant puis affligeant. Où apprennent-ils à rédiger de tels textes ?

http://www.groupeduval.com/projet-maison-peuple-de-clichy-garenne/ 

J'ajoute aujourd'hui l'excellent article de Bernard Toulier :
http://www.sppef.fr/2018/04/16/la-maison-du-peuple-de-clichy-un-monument-historique-bafoue/


lundi 6 novembre 2017

Nanterre, tu meurs

Pourtant il fut un temps où la Mairie de Nanterre était fière de ses paysages, fière de son architecture contemporaine, fière de son urbanisme et même fière des aménagements des parcs. Tellement fière que la Ville de Nanterre par l'intermédiaire de son imprimerie municipale diffusait ça :


Dans le Parc, dans le gris-bleu d'un lac artificiel, les petits corps venaient se rafraîchir sans soucis des écrevisses, des alvins, des algues glissantes. Au loin, la famille pique-niquent sous l'ombre d'arbres adolescents indifférents à tant de proximité. La zone devient soudain verte déterminée par un entretien soigné d'une prairie offerte. Puis, surgissent les reines, les tours, celles qui donnent au ciel lui-même sa teinte comme si le magicien Fabio Rieti avait réussi pour la première fois à colorer l'azur, comme si l'élévation de ces totems assurait la météorologie.
Regardez comme cela se répond, comme cela se fond, comme cela est juste.
Vous voyez l'accord parfait des teintes. Qui croyez-vous qui tienne ça dans ses mains, dans notre œil ? Est-ce Monsieur Émile Aillaud qui ordonne ce monde ? Est-ce un peintre trouvant là la raison des leçons de la peinture de Poussin ? Est-ce Alphonse Allais voyant surpris la réalisation des villes à la campagne ? Est-ce Luis Pueller qui photographie ce moment ?
Ce qui est certain c'est qu'il s'agit non pas d'un ensemble de constructions mais d'une œuvre. Et que cette œuvre unique au monde, unique au monde, entendez-vous, est maintenant menacée par ceux-là même qui devraient la protéger, la défendre, et l'entretenir.
Rien ne pourra être comparable à cette exceptionnalité, rien ne pourra faire semblant d'y ressembler, rien, aussi minuscule que soit l'intervention ne pourra singer cette œuvre d'art. Il y a là une exceptionnalité première, la même que Talmont sur son promontoire, la même que les ors de Versailles, la même que les bétons de Freyssinnet. Il y a là, réveillez-vous, une œuvre pour laquelle nous n'avons aujourd'hui qu'un seul devoir : la protéger et la maintenir visible aux générations à venir. Les Tours-Nuages de Émile Aillaud ne nous appartiennent pas, n'appartiennent surtout pas à leur propriétaires, elle appartiennent à l'ensemble vivant de ceux qui regardent et savent jouir.
Jouir. Oui.
Une fois encore pourquoi ceux qui font métier de cette jouissance perpétuée n'ont rien fait ? N'ont pas signer les papiers ? N'ont pas communiqué, instruit les politiques ? N'ont pas alerté ? N'ont pas protégé ? Comment ils s'appellent déjà ceux-là ? Les agents du Patrimoine en Ile-de-France ? Les bailleurs sociaux aveuglés par les promesses d'une démagogie du bien faire, mêlant un asservissement aux réglementations à une incurie culturelle, croyant que c'est leur droit ? Comment une ville qui a porté un héritage du combat, une politique de recherches, des tentatives heureuses de vivre autrement, d'offrir à la vie la chance de se vivre vraiment, comment ceux-là même qui écrivent la poésie des ville peuvent maintenant abandonner ainsi ce qui constitue la chair de leur rue, de leur place, des histoires vécues là ?
Mais dans quel monde de merde vivons-nous ?
La faiblesse devient la norme, l'indifférence devient l'instrument, la lâcheté patrimoniale devient l'argument, la traitrise aux idéaux devient enfin à Nanterre le signe puissant de ce Monde retourné sur les valeurs des combats qui l'ont construite.
Nanterre, tu meurs.
Tu meurs et on te prépare pour étouffer les odeurs de ton cadavre pourrissant un linceul brodé des meilleurs intentions.
Nanterre, tu meurs.

Madame la Ministre de la Culture ? Madame Nyssen ? Pardon, Madame ?
Les architectes des Bâtiments de France ? Pardon ? Excusez. Vous êtes là ? Vous voyez ?
Monsieur le Maire ? Monsieur Jarry ? Y a quelqu'un ?
Monsieur Jean-Paul Ciret, adjoint à l'écologie urbaine et au Patrimoine Communal ? Vous êtes là ?
Monsieur le Conseiller Municipal Délégué à la Politique de la Ville ? Monsieur Iznasni ?
Monsieur Julien Sage, Adjoint chargé de l'Urbanisme ? Allez-vous laisser faire ?
Et vous Madame Boudjemaï ? Adjointe à la Culture ? Comment voyez-vous cette histoire de votre ville en train de disparaître ? En parlez-vous avec Monsieur le Maire, le matin, autour du café ? 

Et toi, citoyen, citoyenne qui lis ces lignes ? Tu as fait quoi aujourd'hui pour sauver ton Monde ?
C'est par ici que ça se passe.
SIGNE LA PÉTITION, MAINTENANT, LÀ, TOUT DE SUITE :
https://www.change.org/p/madame-la-ministre-de-la-culture-tours-nuages-de-nanterre-arr%C3%AAtons-le-massacre
Signe, diffuse, communique et n'oublie pas d'être exigeant avec ceux qui doivent porter la Culture, car c'est de TA Culture qu'il s'agit, pas de la leur.
Écoute Émile Aillaud ici :
http://archipostalecarte.blogspot.fr/2015/02/faire-un-non-33-tours-avec-emile-aillaud.html
Lis Richard Klein ici :
http://www.docomomo.fr/actualite/201709/tribune-tours-nuage-emile-aillaud-1902-1988
Exprime ton désarroi, ta colère :
http://archipostalecarte.blogspot.fr/2017/03/menace-sur-nanterre.html 

Et surtout, surtout, architecte, artiste, ne participe pas à cette mascarade de la requalification, ne sois pas complice. 
Et n'oublie pas qu'à Nanterre encore, une école d'architecture, l'une des plus belles, est en train de pourrir.

vendredi 3 novembre 2017

Mille clubs ? Trois au moins.

J'ai finalement appelé la mairie de Ouroux-en-Morvan. C'est toujours mieux d'aller à la source, surtout que j'avais eu un peu peur en allant voir sur Google ce qu'était devenu ça :


Les plus chevronnés d'entre vous, les aficionados de la petite architecture Trenteglorieusienne, les sauveteurs de Patrimoine minuscule mais important, les amateurs de cabanes en plastique de tout acabit auront reconnu un Mille Club du type SEAL-Béchu, ici appelé par les Éditions Nivernaises : la Maison des Jeunes.
Ils avaient bien de la chance les jeunes de Ouroux-en-Morvan de pouvoir passer du temps libre dans cette superbe architecture qui a marqué les esprits du lieu et l'histoire de l'architecture. Comment ne pas être en effet amouraché de ces clubs faisant bien de l'œil à Jean Prouvé dont la leçon de mécanique de montage, de légèreté est ici bien apprise. On a bien cette impression que l'on pourrait venir demain démonter tout en un après-midi ! Les panneaux, les ouvertures, la pente du toit, le métal apparent, ainsi d'ailleurs que les très belles couleurs franches et modernes donnent à cette Maison des Jeunes une allure folle, joyeuse et bien typée. On voit comment aussi il s'agit d'une grande transparence, offrant aux jeunes dedans la lumière du dehors et aux adultes dehors la vision sur la jeunesse...
Mais non ! Je ne tomberai pas dans ce piège d'une architecture de la surveillance, je laisse ça aux pauvres héritiers de la french theory en manque d'autoritarisme et aux guydebordiens en manque de spectacle.
Moi, j'aurais aimé arriver en Solex, voir de loin, au travers des fenêtres les potes jouant au baby foot, savoir que j'allais pouvoir faire mes tirages au club photo ou préparer une soirée ABBA costumée. Alors, hier, au téléphone, la secrétaire de Mairie de Ouroux-en-Morvan (merci !), répétant les mots de André Guyolot le Maire juste derrière elle me réconforte. Non, la Maison des Jeunes de Ouroux-en-Morvan n'est pas menacée, oui, il est bien question de la restaurer et peut-être avec les jeunes eux-mêmes. Des nouveaux alors car ceux de 1965 sont bien âgés maintenant.
Remercions vivement ce maire et sa commune de vouloir sauver et défendre ce bel héritage. Vous avez raison Monsieur le Maire ! Sauvez cette Maison de la Culture, sauvez ce Patrimoine méconnu !
D'ailleurs sa date de création m'étonne un peu car cela place cette Maison des Jeunes hors de la politique des Mille Clubs... On m'informe qu'à Cervon ou à Lormes des modèles identiques furent montés. En effet, on les trouve facilement. Celui de Cervon semble en meilleur état que celui de Lormes. Il nous faudra aussi mener l'enquête de ce côté-là. Et un jour, peut-être, la clé de 17 en main, nous irons démonter et sauver l'un de ces exemplaires. Qui sait !
Vive la jeunesse nivernaise ! Vive le Maire ! Vive Dédé !



Quelques repères Google Earth, dans le désordre, pour les suiveurs en manque de safari post-moderne et de croyance d'invention  :








jeudi 2 novembre 2017

La rambarde

Dans un article sur Royan, j'évoquais déjà cette sensation étrange :



Il nous est sans doute difficile de comprendre la raison d'une telle image, non pas tant dans son sujet déclaré, ici l'Autoroute du Sud, que dans son cadrage et donc sa mise à disposition.
Nous sommes à Chilly-Mazarin mais, en fait, sommes-nous quelque part ?
Ne pourrions-nous pas tous reconnaître dans cette image bien d'autres que nous avons cru croiser dans notre vie de déplacements ? N'y a-t-il pas dans cette carte postale une sorte de commun de l'image mêlant l'ennui, l'indifférence, une langueur que Martin Parr nommera Boring.
Oui.
Mais une fois encore, ce qui nous saute aux yeux c'est autant le cadrage d'un objet à la fois pour nous devenu anodin, l'Autoroute et son expérience que le cadrage d'un objet particulier et semblant inutile à toute représentation : la rambarde.
Car quoi ? Il aurait été aisé au photographe des éditions Combier de passer au-delà de cet objet, ou même au travers, de le faire disparaître derrière ses coudes, projetant la chambre ou le boîtier dans le vide. Mais regardez-vous bien ? Vraiment ? En êtes-vous certain ? Voyez-vous comment en laissant la rambarde, héroïne de cette image, se briser en deux et en laissant échapper de cet angle les voies de l'Autoroute du Sud, il crée un dynamisme fort prenant la forme d'une flèche venant se pointer dans le flan gauche du bord de la carte postale ? Indiquant ainsi la vitesse, le dynamisme mais aussi le côté implacable de cette autoroute qui traverse comme une flèche le paysage (au point qu'il faut lui passer par dessus) le photographe raconte bien l'invention d'un réseau rapide, sa modernité mais aussi la manière dont il est perçu dans le paysage. Quasiment prise depuis la fenêtre d'une automobile, notre hauteur est celle d'une personne assise côté passager, la photographie évoque le mouvement, le fait que nous soyons, ici, dans l'obligation de circuler.
Il contredit le fameux "Circulez ! Y a rien à voir" et nous permet au contraire de juger que voir c'est aussi saisir là où l'on est sans jugement des objets de ce regard.
Je ne comprends pas très bien d'ailleurs ce qu'est cet objet étrange aussi au coin en bas à gauche, ligne blanche qui barre l'image. Un poteau indicateur sans doute du même modèle que celui visible sur le bord de l'Autoroute. Il aura fallu donc au conducteur se stationner là ou venir à pied.



Mais êtes-vous encore comme moi étonnés que ce type de sujet ait pu ainsi à ce point réclamer ce type d'image ? Entendez-vous les charmes de la Modernité, de cette France qui s'équipe et de sa fierté populaire, heureuse de figer, d'enregistrer cette évolution et aussi de la diffuser comme on diffuse les Châteaux de la Loire ou les Calvaires Bretons ?
C'est là l'invention d'un Monument.
L'Autoroute du Sud, objet recouvrant les fantasmes des vacances, de la rapidité et de la fluidité, du tout automobile est un monument dans lequel on se reconnaît contemporain à ce monde. La carte postale n'est donc pas ennuyeuse, elle est un portrait autant de celui qui photographie que de celui qui expédie. Elle est finalement presque une obligation d'image, un objet de culture racontant dans le vacarme bruyant des automobiles les joies d'un certain... Transport...
Je vous conseille également un petit retour ici.