mercredi 24 février 2021

Peut-on rire de tout ?

 Voilà que je cherche dans mes boîtes quelque chose à vous dire. Il est vrai que je commence à plafonner et qu'il me semble parfois avoir fait le tour de la question, question dont vous suivez le déroulement depuis 11 ans maintenant. Ceci explique sans doute cela.

Mais, dans une collection comme la mienne, il arrive que l'impulsion d'achat de la carte postale s'achève parfois dans un nouvel oubli comme si la carte postale passait d'un oubli vers un autre. C'est ce qui m'est arrivé avec cette carte postale dont j'avais totalement oublié l'existence jusqu'à ce matin, un matin clair et lumineux. C'est peut-être la raison de sa redécouverte.

La voilà :





Je me suis souvenu alors que lors de l'achat, la forme architecturale, la langue et le Brésil m'avaient permis de croire en une construction de Niemeyer. Vite fait. comme ça... ce qui m'intéressait surtout c'est qu'il s'agit d'une carte postale de construction d'un bâtiment, ce qui est assez rare dans la production de cartes postales. Une pyramide en construction, cela suffisait alors à mon bonheur et à l'impulsion d'achat. La carte postale n'indiquant pas le nom de l'architecte, j'oubliais cette jubilation en rêvant qu'un jour j'aurais le courage de m'y coller.

Ce matin, après seulement deux ou trois clics sur des moteurs de recherche, je trouve finalement cette construction et cette vidéo que je ne résiste pas à vous montrer. Peu de choses me font rire à ce point et je sais que ce n'est pas bien. Pas bien du tout de se moquer des croyances des autres. Disons que je ris surtout de la vidéo, véritable petit chef-d'œuvre de propagande confondant œcuménisme et élévation d'un temple à l'adoration d'une personnalité. On se croirait chez Visualize dans le feuilleton The Mentalist dont d'ailleurs l'architecture du "Temple" me fait rêver. Mais comment, comment tout ce folklore d'un syncrétisme douteux peut produire de tels espaces ? Tous y est : le labyrinthe que l'on parcourt pieds nus (idée de pureté et de rédemption), la petite fille en prière (là, j'ai pouffé de rire) le mélange délicieux du Christ et de l'Egypte ancienne revue et corrigée par un Mickael Jackson chez Jardiland, la pyramide bien entendu, l'énergie venant d'un soleil en résine, le culte du bienfaiteur, et enfin, perché sur le sommet de la Pyramide, le cristal de roche géant prodiguant ses bienfaits par une radiation évidente de... euh... de... sa... euh... présence ?

Il est temps que le New Age disparaisse non ? Et si nous pouvons aimer le très étonnant Auroville (voir Roger Anger), et si nous pouvons comprendre que la peur trouve ici un moyen d'être calmée (je parle de la peur métaphysique de vivre) ce ramassis kitch de symboles mielleux me fait vraiment rire. Et puis... ça me désole, car il est aussi dangereux, on le sait.

Alors pouvons-nous simplement ne faire que regarder et juger cette architecture pour ce qu'elle est ? Après tout, comme athée, j'aime les visites des églises, des temples... et du siège du Parti Communiste. Comment analyser un tel bâtiment en ne faisant que juger de son sens de l'espace, de ses circulations ou même de l'image qu'il produit ? La pyramide a bien eu droit à d'autres déclinaisons et celle du Louvre reste l'une des plus belles sans aucun doute. Sert-elle, elle aussi, après tout, un œcuménisme culturel ? Ici la pyramide sert surtout d'image, elle envoie une certaine idée des Temps passés, de l'intemporel illusion qu'une forme ouvre le ciel et garantisse le sauvetage des âmes. C'est bien usé comme métaphore. Mais je sais aussi que je ne résisterais pas à sa visite si l'occasion m'en était donnée car l'exceptionnel, l'étonnant, le fantastique et l'ironique sont aussi des qualités que j'aime en architecture et Étienne-Louis Boullée me le pardonnera, je crois.

La carte postale ne donne aucun nom d'architecte. Elle est troublante d'ailleurs car le nom qu'elle donne à ce bâtiment a changé et maintenant il faut l'appeler Templo da Boa Vontade. On nous donne la date de 1989 pour sa construction sous l'égide de l'illuminé José de Paiva Netto. Est-ce lui qui a dessiné ça ? 

Alors, allez rire un peu, bon visionnage et peut-être bonne vision d'un autre monde. Excusez-moi je sens le rayon de la Béatitude cosmique me prendre le cœur.






mardi 23 février 2021

Un Manifeste.



 Je viens de terminer  la lecture de l'ouvrage Histoire et sauvegarde de l'architecture industrialisée et préfabriquée au XXème siècle, livre sous la direction de Franz Graf et Yvan Delemontey.

Je le dis de suite c'est un livre essentiel pour tous ceux qui s'intéressent à cette architecture et à cette période mais aussi à tous ceux se demandent quoi et comment faire avec cet héritage aujourd'hui. Un livre que le maire du Mans et celui d'Ivry-sur-Seine, toutes les société d'H.L.M, tous les responsables du Patrimoine devraient lire religieusement, sérieusement au moins et... rapidement avant de faire des bêtises.

Que c'est passionnant de voir des réflexions intelligentes, des analyses justes, de voir qu'il est possible d'être respectueux et surtout d'avoir avec cette production architecturale un minimum d'égards, de savoir en lire les particularités, les chances, la Beauté, l'évidence de la nécessaire patrimonialisation de certaines de ces constructions !

Avec des exemples précis, parfaitement documentés et surtout pour les autodidactes comme moi, parfaitement décryptés, les auteurs nous permettent de comprendre les structures, les environnements historiques, les rôles expérimentaux et oui aussi de saisir que la Beauté est souvent dans le mode de construction et dans l'intelligence de sa conception.

À ce titre, l' article de Jean-Pierre Cêtre est ébouriffant ! Parfois même, j'y vois une poésie subtile dans la manière qu'il a d'écrire et de décrire les constructions. Que c'est bon d'apprendre !

On se régalera de la très belle restauration de la Tour Baudoin et Lopez à Berlin, de la transformation de la Tour Bois-le-Prêtre par Druot, Lacaton, Vassal dans un article de Yvan Delemontey tout à fait passionnant.

J'ai aimé découvrir l'architecte Miguel Fisac, redécouvrir le centre ville d'Orléans et comment ne pas se réjouir d'un article (enfin !) sur le système Camus à Fontainebleau, remarquable ensemble.

Il va sans dire qu'il s'agit d'un ouvrage scientifique, parfaitement bien documenté et sérieux qui, s'il laisse la place aux images comme outils pédagogiques, n'est pas un ouvrage de photographies sur les Trente Glorieuses. C'est, je crois, presque un manifeste, une manière de montrer que ce Patrimoine peut, doit être restauré, sauvé, regardé pour toutes ses qualités et ses défauts mais aussi pour ce qu'il représente d'essentiel dans l'histoire de l'Architecture.

Un livre donc important. Lisez-le et emparez-vous de ce livre pour montrer aux politiques ce que ce Patrimoine a de remarquable.

Je remercie Yvan Delemontey pour l'envoi.

Histoire et sauvegarde de l'architecture industrialisée et préfabriquée au XXème siècle, livre sous la direction de Franz Graf et Yvan Delemontey. éditions EPFL Press 2020.

Je vous mets quelques images pour vous mettre en appétit :














mardi 9 février 2021

Je crois dans les formes de l'esprit



C'est insaisissable ce que l'on ressent en regardant ce type d'image. J'avais envie d'écrire ce type d'histoire. Car, bien entendu, la radicalité du décor, sa presque sur-nostalgie, son trop plein de perfection éteignent tout récit par la stupéfaction de pouvoir y être et de constater que cela a bien eu lieu. Les messieurs sont tous en costumes, les boules de verre sont toutes de couleurs chaudes comme des soleils suspendus et les coupoles blanches lévitent dans l'espace, poussées par les bavardages et les bruits de vaisselles qu'elles sont chargées d'absorber. Il faut le dire, on est au Chesnay.
Il y a là du chic, une certaine joie d'être moderne, la découverte aussi d'un nouveau type d'espace et de service : un Drug-West.
Et le mobilier de chez Knoll dans sa blancheur idéale suffit à nous dire le désir du présent.
On devait vivre là une expérience nouvelle, on devait y voir l'Amérique, y croire à la suspension hydraulique, à la bureautique et aux greffes du cœur. Radieux avenir déjà dans le présent. 
Je me souviens, dans ma famille, du plaisir quasi-érotique de prononcer pour les premières fois les mots de Cafétéria ou de self-service.
Je n'arrive pas à parler d'architecture ici. Non pas qu'elle soit absente de cette image, bien au contraire, mais simplement parce que l'atmosphère prend le pas sur l'espace. Je suis déjà assis, je suis déjà en train de commander, et mon Vittel Orange a le goût trop prononcé des moments enfantins que l'on sait sortis des habitudes de la famille. 
Un plateau de fruits de mer réchauffe un peu au bord de l'image en bas, un serveur fait son travail et seuls les enfants semblent voir le photographe des éditions Pi.
Doit-on se demander qui a dessiné cet espace ? Qui l'a décoré ? Est-ce vraiment essentiel de trouver Dieu quand on est déjà au Paradis ?




Un autre Paradis ?
Ici bien entendu tout sera plus fruste, plus calme et moins luxueux pour les fesses. Ici, c'est un banc de bois qui vous accueille, un banc simple qui doit chanter immédiatement l'humilité peut-être même le pragmatisme de sa fonction. Ici, les formes seront géométriques non pas tant par peur d'être trop bavardes mais pour que l'esprit soit entièrement tourné vers l'essentiel : la cérémonie.
C'est beau d'ailleurs. Très, même.
J'aime tout dans cette carte postale France-publicité. J'aime d'abord ce que j'y vois, un ensemble de formes, de couleurs, de matières. J'aime l'éclat des fenêtres sur les surfaces, les immeubles à peine visibles dans les ouvertures, j'aime le lustre pris dans les triangles du plafond, j'aime surtout ce cylindre de pierre blanche, sculpture étrange, mobilier de culte fascinant par sa simplicité romane. J'aime surtout cette église que vous connaissez déjà.
Mais si.
Si.
Elle est à Vénissieux, c'est l'église de la Z.U.P des Minguettes dessinée par le Cabinet Grimal. 
Le cuivre a verdi depuis.