lundi 25 novembre 2019

Bassin d'emploi

Si je devais résumer en une image mon vrai désir, cette image ressemblerait à ça :



Car, croyez-le ou non, la seule chose que l'architecture même la plus mauvaise pourra m'offrir de mieux c'est de l'eau chaude dans laquelle je puisse nager et me baigner.
Même la plus mauvaise piscine, même la crique la plus difficile d'accès, même la plage la plus bondée, même la rivière la plus douteuse seront toujours pour moi l'occasion de vivre ce moment parfait où je flotte, je nage, je m'ébroue (j'adore ce verbe).
Alors lorsque le photographe de chez Combier a enfilé son slip de bain et empoigné son appareil spécial prises de vues aquatiques pour plonger dans ce bassin de la piscine de Vittel, il ne savait pas à quel point il me rendrait heureux de me croire là avec ses trois amis ayant accepté de plonger ensemble et de nager vers lui.
Oh, ne cherchez pas l'intérêt architectural de ce genre de prise de vue !
Non.
Mais sentez-vous comme moi la joie de voir les lignes en carrelage du bassin se perdre dans le flou des bulles ?
Même si aujourd'hui avoir droit ainsi à un grand bassin pour seulement quatre nageurs est devenu rare, je me laisse porter par l'eau tiède de mon imaginaire qui va de David Hockney à Jimmy Somerville.
Car l'eau offre toujours sa portabilité désirante.
Mais au fait, pourquoi avoir réalisé à Vittel cette prise de vue sous-marine d'une piscine ? Pourquoi donc cette rareté ? Car, à ma connaissance, ce genre de cartes postales de piscine est rare, nous sommes plus habitués à voir les as du plongeon prendre la pause ou bien l'élan...
Avait-il prémédité son cliché ? Avait-il invité des amis ? Était-il question de promouvoir la grandeur sereine de ce bassin de Vittel ?
Une fois encore, tenus à jamais dans cette photographie, ces deux hommes et cette jeune femme ont-ils eu plaisir à envoyer partout, à tout le monde, leur image d'eux suspendus ainsi ? Je ne me lasse pas de la sensualité du dos du jeune homme de droite. (dans tous les sens de cette phrase)
Mais après le bain, les trois complices du photographe vont-ils travailler là ?


Dans l'usine d'embouteillage de Vittel, l'eau prend alors une autre forme, d'autres chemins dont la griffe des rails indique la multitude. Dispersion fragmentée d'une nappe phréatique.
Est-ce le même photographe de chez Combier qui a assuré la prise de vue depuis le ciel et celle sous-marine ?
Au dos, l'éditeur Combier nous indique que cette usine d'embouteillage est la plus importante d'Europe et qu'elle peut embouteiller 3 000 000 de bouteilles par jour...
Je me souviens l'avoir visitée adolescent et je me souviens des dames qui passaient des heures à regarder fixement les bouchons pour expulser sur le sol, d'un geste, les bouteilles présentant un défaut.
J'avais eu, jeune adolescent, une peine immédiate pour ces femmes immobiles, peine mêlée de jubilation à voir soudain, sans remords, la bouteille être éjectée. Le travail à la chaîne, même quand c'est pour de l'eau minérale et de la limonade reste une violence.
Mes parents, sans aucun doute, fabriquaient là la résistance à un monde, le leur, le nôtre, le mien.
Alors, la piscine disponible et son eau tiède lavent tout, parfois, je crois.
Laissez-moi le croire.
Plongeon.
Plouf !

dimanche 24 novembre 2019

Le Corbusier, un nettoyage éthique

Dans l'Histoire de la Photographie Contemporaine, le ciel chargé, vivant, exprimant sa météorologie a disparu. Toujours soupçonné d'évoquer un romantisme facile, le ciel chargé est depuis longtemps évacué, nettoyé, blanchi. Surtout blanchi depuis peu par les photographes contemporains qui croient encore à la survivance nécessaire d'une école allemande, mère d'une pseudo-objectivité maintenant épuisée et j'ose épuisante. Disons stop à la Nouvelle Objectivité et à tous les topographes du dimanche.



Voilà que je trouve deux cartes postales de la Fondation Suisse de notre cher Corbu, deux cartes éditées par L. Fréon en héliogravure. Je crois d'abord posséder déjà ces deux images avant de m'apercevoir que les points de vues en sont légèrement différents et donc inédits sur ce blog. Puis, doucement, mon œil habitué reconnaît une manière : celle qui consiste à nettoyer l'image de son ciel pour en détourer le bâtiment et le faire apparaître comme seul et affirmé dans l'image. Ce nettoyage du cliché permet donc cette chose étrange que la couleur du papier, ici un jaune crème, devienne de fait, le bleu du ciel disparu, gommé, évanoui.
Faut-il vite juger que cette image correspondrait aux désirs omnipotents de Le Corbusier de diriger toute l'attention de ses images sur son architecture ? Doit-on encore y voir là sa force autoritaire qui aujourd'hui permet à tout le monde d'avoir un avis sur l'architecte ?
J'imagine que Xavier Mauduit  y verrait de suite une preuve que, contre le réel, Le Corbusier aura usé d'un fascisme de l'image conduisant à effacer la nature et donc mettre en avant l'œuvre de l'architecte. Il était tout puissant le gars.
Mais non.
S'il ne fait aucun doute que Monsieur Fréon le photographe et éditeur a fait preuve d'une force c'est bien celle qui consiste à vouloir mettre en valeur. Il faut que ce que l'on voit, étrangement se décontextualise pour le voir mieux et j'oserai (oui oui oui) pour le voir VRAIMENT.
Il n'y a donc pas de leurre dans cette représentation d'une architecture, car, comme regardeurs, nous ne sommes pas fous. Nous savons bien que, à ce que nous regardons, il manque quelque chose mais que aussi, grâce à cette absence (qui d'ailleurs me fait écrire) on voit mieux, on prête en quelque sorte attention. Il n'y a pas de mensonge de la représentation, il y a une construction aussi importante que celle de Le Corbusier. C'est mettre l'image au service de la lisibilité des particularités au détriment certes d'un ciel ou même, à gauche, de l'effacement de détails architecturaux inutiles et des autres bâtiments à l'arrière-plan disparu.
Cela produit bien un surgissement un rien artificiel, une nature un peu oubliée (comme gênante) mais cela aussi invite à regarder l'architecture comme suffisante à elle-même, débarrassée de son contexte. Cela ne vous rappelle personne ?
Ce désir de voir frontalement, presque de faire signe ?
Allez... je sais que vous savez.
Pour ma part, j'y vois un nettoyage éthique. Une raison profonde, une politesse didactique. Ne vous perdez pas, regardez ça, le reste, après tout, vous saurez l'inventer.
Un blanc dans une image photographique est toujours, toujours possiblement un écran de projection. Votre écran.

voir ou revoir la Fondation Suisse :
https://archipostalecarte.blogspot.com/2014/11/le-corbusier-tout-de-metal.html
https://archipostalecarte.blogspot.com/2018/01/le-corbusier-au-salon.html
https://archipostalecarte.blogspot.com/2013/11/si-tu-es-universitaire-paris.html
http://archipostcard.blogspot.com/2010/09/cite-universitaire.html


As-tu déjà oublié ?


Tu devrais lire ça avant...
https://www.latribune.fr/technos-medias/internet/publier-une-photo-libre-d-acces-sur-le-net-sans-autorisation-est-maintenant-interdit-787271.html?fbclid=IwAR2qZYCjcm_7eTcPzgVpwOfrUSjpZl7qOMJ2cBkvZZZizSLJjGpOcw7x9n0

Petit poème du matin :

As-tu déjà oublié que publier c'est un travail ?
As-tu déjà oublié que les images ont des propriétaires ?
As-tu déjà oublié que les photographies ont des photographes ?
As-tu déjà oublié que les photographes ont des éditeurs ?
As-tu déjà oublié qu'ils ont des Droits ?
As-tu déjà oublié que les familles des ayants-droit ne doivent pas être ignorées ?
As-tu déjà oublié que vous pourriez demander gentiment ces autorisations ?
As-tu déjà oublié que vous ne devez pas vous attribuer ces Fonds, ces scans, ces photographies en les copiant-collant et en les découpant sur votre blog pour en camoufler l'origine et faire du contenu pour pas trop cher ?
As-tu déjà oublié que s'attribuer les recherches des autres c'est peu glorieux ?
As-tu déjà oublié que les collectionneurs ont des Droits sur leurs images ?
As-tu déjà oublié que nous pourrions faire la même chose ?
As-tu déjà oublié que ce n'est pas la première fois ?
As-tu déjà oublié que nous prendrons dorénavant toutes les dispositions légales contre ce pillage ?
As-tu déjà oublié qu'il ne faut pas confondre la convivialité d'Internet et ce pillage ?
As-tu déjà oublié qu'avoir un point de vue, un angle de regard s'appelle de la recherche et que cette recherche est protégée mais aussi généreusement partagée si on fait l'effort d'en discuter ?
Walid Riplet- J-J Lestrade

Après avoir signalé ce cas, David nous envoie ça :

"Je reprends la main.
Depuis longtemps maintenant je vois mes scans de cartes postales ou les images publiées sur mon blog migrer miraculeusement vers d'autres blogs qui s'autorisent à en couper les bords et à y ajouter un cartouche pour s'approprier les images. J'ai d'ailleurs moi-même marqué mes images car j'en avais assez de les voir pillées ainsi sans même un petit message poli me demandant l'autorisation de le faire. Mais alors ils recadrent les images ! 
J'avais déjà eu cette discussion avec ce monsieur et je croyais qu'il avait compris. Les images ont des Droits et surtout des propriétaires, c'est d'ailleurs parce que mon blog veut rendre hommage à ces photographes de cartes postales que je nomme systématiquement leur nom, le nom de leur éditeur et bien entendu le nom des architectes. Cela m'a valu de grandes amitiés avec eux.
Il est donc insupportable de voir des personnes venant se goberger sur mon blog, copier-coller les images et de se les attribuer sans remords, sans citation des sources quelles qu'elles soient.
La source d'une image raconte cette image.
C'est d'ailleurs ce travail d'analyse qui me vaut d'avoir pu rencontrer des photographes, des éditeurs, des chercheurs et des architectes qui m'ont toujours appuyé dans cette voie. Et dans le très peu de cas contraires, j'ai retiré les images (une fois en 10 ans !)
Ce blog est un travail d'analyse, pas une boîte dans laquelle je jette en vrac des images après avoir écrit mon nom dessus comme le font d'autres blogs. Merci de respecter mon travail. 
Je prête généreusement mes images, j'en fais les scans régulièrement pour des articles (récemment Télérama), des étudiants, des chercheurs. Eux me nomment, me citent et même... incroyable... me remercient !
Il est donc aisé en toute joie collaborative de me demander une image. Ceux qui ne font pas cette démarche simple sont simplement des pilleurs, des As du copier-coller, ce qui en dit long sur leur capacité de travail. Je tape sur Google-Image une recherche et j'en pille le résultat.
La famille Lestrade que je connais maintenant depuis des années me fait la confiance de me raconter son histoire, de me laisser fouiller dans ses archives familiales. Les images provenant de ce Fonds lui appartiennent et sont toujours signées par leur nom. Elles n'ont pas vocation à être découpées, copiées et ré-attribuées par n'importe qui venant à la goberge. C'est ce genre de comportement qui m'avait un peu écœuré et conduit à confier ce blog à Walid et Jean. 
Les cartes postales que je publie sont toutes physiquement dans ma collection, elles sont  ma propriété et donc protégées par les Droits du collectionneur. Lorsque je scanne des images j'en nomme toujours dans la mesure du possible et de l'information le nom des photographes ou des éditeurs, il en va de même pour les revues ou tous autres documents ou même sites que je remercie dans mon texte. 
Si Internet est un lieu du partage, il doit se faire avec d'abord le respect du Droit et surtout un esprit de convivialité qui passe par une demande d'autorisation simple. Une politesse, comme on dit une urbanité. 
Alors une fois ça va, là, trop c'est trop et surtout visible, risible, révélateur du fonctionnement de certaines personnes."
David Liaudet

Voilà le travail, et ce n'est que l'un des exemples sur son site, l'article complet est là :
http://archipostalecarte.blogspot.com/2019/01/changement-de-proprietaires.html








mercredi 20 novembre 2019

Simon Boudvin sous un shed

J'ai retrouvé Simon Boudvin et quelques-uns de ses étudiants de l'École du Paysage de Versailles dans un petit café à Sotteville-lès-Rouen. Il nous aura fallu un moment pour nous rendre compte que nous regardions une partie de ma collection de cartes postales dans une architecture sans aucun doute dessinée par Marcel Lods.
Simon Boudvin avait le désir de partager un certain goût pour une certaine architecture à ses étudiants : celle du nouveau dessin de la place de l'Hôtel de Ville de Sotteville-lès-Rouen par Alessandro Anselmi. Dans le gris normand, cette architecture jouant à la fois d'une image high-tech et poétique, emplie de signes animaliers et de lectures de sa structure devait leur paraître bien étrange à ces jeunes gens, vivant eux, non pas dans l'espoir d'un monde meilleur mais dans la peur d'une eschatologie annoncée par l'effrayante Greta Thonberg.
Faire d'un abri-bus avec un oiseau géant de métal découpé, certes bien dessiné mais un rien ridicule aussi, est certainement représentatif de ce qui fut moderne et nouveau au tournant des années 90.
C'est cette émotion particulière, ce regard singulier (quoique partagé) que Simon Boudvin a prolongé dans une exposition au SHED.
Dans ce lieu un peu perdu, un peu raide, voire rebutant si on reste à la porte, il est difficile de contrecarrer le romantisme parfait de murs de briques défraîchies et, comme son nom l'indique, d'un shed d'usine du début du siècle dont ma Vallée de Seine est remplie.
Industrieuse, je vous dis.
Pourtant dans cet espace, Simon Boudvin réussit à nous faire partager ce goût justement pour cette architecture inqualifiable.
Inqualifiable oui.
Comment en effet, définir ces mini-monuments, ces gestes architecturaux qui apparaissent souvent comme des bidules compliqués de métal soudé, geste intempestif qu'un architecte ou simplement qu'une boîte de construction métallique ont cru bon de dessiner pour faire moderne. On connaît ce symptôme attendrissant depuis le style Atome des années cinquante ou les anonymes de l'Histoire de l'Architecture, feuilletant mal les revues d'architecture, ne gardaient en mémoire que quelques signes magiques de l'air du temps.
Aujourd'hui on a les tôles perforées au laser et le gris des planches de pin vieillissantes.
Il en est toujours question.
Petite fabrique de vérandas affichant un auvent biscornu et inutile, garage en tôle polychrome aux ouvertures trop saillantes, lycée professionnel affichant clairement par un garage à vélo sa volonté d'être à la pointe de l'industrie et donc pointu...
Nos provinces en sont pleines. Ce qui fut pratique avec le High-Tech comme style c'est que souvent il est à la fois l'image et l'outil de sa propre production. Comme si la clarté des capacités techniques et l'originalité baroque des formes devaient servir, à l'avance, dès l'entrée, le répertoire technique de ce qu'ils contiennent.
Simon Boudvin traque donc ces éléments avec jubilation, tendresse, étonnement et aussi, il faut l'avouer parfois un peu, si ce n'est de dédain, un rien de circonspection. On s'amuse avec lui. Il est toujours facile de dénoncer ce fait, de ne rien voir que le ridicule qui est bien présent et ennuyeux et nous avons bien le droit à la fois d'en rire mais aussi, la collection agissant, d'en faire un répertoire, un catalogue qui pourrait bien signifier quelque chose.
Mais signifier quoi ?
La faiblesse de l'architecture ? Le mauvais jeu des ressemblances ? Une poétique du vernaculaire, celui-là même que l'on chante depuis Walker Evans ?
Certainement. Et finalement aussi, une forme populaire de l'architecture.








































Ce qui frappe dans l'installation Concorde de Simon Boudvin c'est d'abord sa pleine compréhension de l'échelle de son lieu. Le divisant en deux (et même en trois), il instaure d'abord un jeu subtil entre l'évidence de ses structures et la révélation de leurs origines. Un triangle, un cercle parfait, un carré géant occupent donc, minimalistes et constructivistes (j'y vois aussi les commandes d'un jeu vidéo) le vocabulaire premier de l'architecture. Toujours la structure fut porteuse de cette simplicité presque classique. On y reconnaît immédiatement les poutrelles d'une structure de spectacle itinérante. Le ciel du shed est aussi zébré de superbes lumières en diagonale donnant parfaitement à l'ensemble un sentiment de monumentalité : Tatline déconstruit. On hésite entre ruine et avenir.




Mais au loin, là-bas derrière la couleur d'un mur immense, le spectateur aperçoit bien des images. Et mon sang elbeuvien ne fait qu'un tour lorsqu'il reconnaît l'un des éléments qu'il perçoit tous les jours. Il est donc possible avec son quotidien de zone commercial de faire de l'Art. Il faut aller voir.
Sur les murs de gigantesques tirages photographiques proposent alors un petit catalogue de ces formes simplistes et miraculeuses aussi. Un papier à l'entrée vous permet d'en identifier les lieux mais pas les architectes. On reconnaît à la fois la pertinence de ce choix et aussi un peu l'école contemporaine de la photographie froide et plasticienne : ciel étale, personne, image un peu blanchie et cadrage hésitant entre neutralité Becherienne et jeu graphique des formes. Chacun s'amuse à s'y retrouver et c'est là un vrai et toujours réconfortant plaisir. Tiens, là c'est Elbeuf, tiens, là c'est Caen. Mais aussi on s'amuse de croire s'y reconnaître tant ce style et ces éléments architecturaux nous sont communs. C'est là qu'est bien l'intérêt aussi de ce travail, de vouloir établir un commun, une évidence d'un style et d'un moment.
Pour ma part, j'aime retrouver le vent qui fait pencher les sacs poubelles identiques dans deux des images. Ou, j'aime croire reconnaître Le Mans alors que je suis à Cherbourg. La France...
L'ensemble est enrichi d'un troisième espace, celui d'une petite mais bien belle édition dans laquelle quelques invités donnent leurs impressions sur une construction qu'ils ont choisie. Les textes sont accompagnés de dessins simplifiant à l'extrême les constructions en question. Beaucoup des auteurs sont comme leur hôte, entre délicatesse d'un souvenir, légèrement décalés, ne sachant pas finalement ce qu'ils doivent aimer ou, plus sûrement, un peu désolés d'aimer, s'excusant presque.
Heureux d'y retrouver Jean-Paul Berrenger évoquer les magnifiques et abandonnés Ateliers du Parc de Mottini au sein même de l'école d'architecture de Normandie. Jean-Paul, si tu veux, mettons quelque chose en route pour les sauver. C'est tout de même incroyable d'offrir à des étudiants en architecture l'image de la ruine d'une belle modernité.
En sortant de cette exposition de Simon Boudvin, on peut aussi repartir avec quelques posters de ses photographies. C'est chouette la dispersion des images et, avec elles roulées sous mon bras, je quitte le SHED, heureux de ma visite. Dans mon œil alors, cette chose toujours étonnante de croire voir soudain, partout, les mêmes signes que ceux retenus par l'artiste. C'est bien aussi cet éparpillement et cette révélation qui font la force d'un beau travail d'artiste.
Maintenant que le brutalisme est mainstream, maintenant que le hard-french devient, assumé, décor onirique des clips de rap, il ne reste que les délires souvent ratés et les errements de cette période trouble de la fin des années 80 et du début des années 90 pour fabriquer aussi une nostalgie générationnelle. C'est aussi celle que l'on retrouve tous les matins chez Aurélien Bellanger. Quelque chose de désabusé, de désenchanté, d'amusé ou les rapports à la culture sont troublés.
Il faut donc jouer ensemble pour ne pas perdre pied et surtout toujours avec délicatesse faire le tri. C'est ce que cette génération, pas si loin de la mienne semble avoir du mal à faire, baignée qu'elle est dans la relativisme, dans le tout valant tout.
Combien de temps encore cela va durer ? Je tente comme enseignant de lutter contre cela et la promenade de Simon Boudvin avec ses étudiants semble me prouver qu'il fait la même chose.
Au travail, camarade !
(je n'ai pas retrouvé la carte postale de la maquette de l'architecture de Anselmi...)













lundi 18 novembre 2019

Se faire prendre, prendre par l'image


-...Ah ? Pourtant avec une telle allure tu devrais trouver ?
- Ba non... c'est pour ça que je t'appelle.
- T'as tout essayé ? Skycrapers aussi ?
- Ouais, tu penses...
- Et t'as besoin de ça pour quand ?
- Ba là, maintenant...
- Quoi ? Tu me fais marrer, tu crois que comme ça, sur le pouce je vais te trouver le nom des architectes d'un hôtel à Copenhague ?
- Ba, faut que tu maintiennes ta réputation...
- La flatterie...
- Alors tu sais pas ?
- Ba non mon gars. Je vais faire de mon côté les recherches. Mais pourquoi t'as besoin de ça là maintenant.
- Je tente un coup pour le prof d'histoire de l'archi.
- Un coup ? Genre ?
- Genre j'ai rien branlé et je suis en retard, alors je voudrais le calmer avec un truc du genre "architecture des grands Hôtels, internationalisation d'un modèle, les Hilton et Sheraton."
- Eh bien mon gars, t'as du taffe. Pas sûr que Xavier se laisse avoir. Bon euh... je tente de te trouver ça. Y a rien à l'agence ?
- Non, Jean a regardé pour moi.
- Et lui il fait quoi ?
- Ba, rien, tu te rappelles, on est pas dans la même année...
- Ah oui, j'oublie toujours.
- Enfin, là, il vient de rendre un cahier de recherches sur les couvertures des Domus. Y a toute la collection à l'Agence, tu sais.
- Ah ça oui, j'y ai passé des heures aussi.
- Ouais. Il a mis des jours à tout regarder et éplucher, d'ailleurs, y a un texte de Restany sur Parent, en 70, il va te l'envoyer.
- Ah ? Merci. Oui.
- Bon, euh, je te laisse. Faut que j'aille manger.
- Ok, je t'appelle pour ton hôtel si je trouve mais rêve pas. Fais mine à ton prof de trouver ça intéressant l'anonymat des architectes pour ce genre de construction.
- Ah ouais... malin,  La bise, David.
- La bise Walid et la bises à Jean-Jean.









































































Hier :
Je suis donc parti en recherche et je suis resté sans aucune information sur ce Sheraton. Par contre, ce qui reste intéressant c'est comment un cadrage conduit à croire ou comprendre un agencement de façade.
Sur la première carte, on voit une succession de trois façades en décrochement sans bien comprendre ce qui appartient ou non à l'Hôtel. On y voit bien l'implacable remplissage de panneaux formant une grille absolument parfaite dont seules les fenêtres ouvertes viennent perturber d'un petit carré noir la régularité. Le soleil tape dans la façade en haut à droite, on devine sur le sol, le motif des reflets réguliers s'imprimer sur le bitume. D'ailleurs, difficile de dire ce qui a poussé le photographe à attendre ce moment un rien éblouissant. Mais, de fait, de ce point de vue, difficile de comprendre les articulations du volume.
Il nous faut donc la seconde carte postale.
Toujours directement édité par l'Hôtel Sheraton lui-même, cet autre point de vue permet de mieux saisir la volumétrie de ce bâtiment faite donc de trois constructions en décrochement, n'offrant bien à la vue qu'un champ gigantesque de fenêtres. La photographie en blanchissant ainsi la façade ne nous permet plus d'en apprécier la matérialité, faisant de l'Hôtel deux blocs dont, à nouveau, seuls quelques points noirs viennent ponctuer la façade. Le reflet dans l'eau permet presque de mieux saisir le bâtiment, l'eau agissant comme un filtre photographique.
Mais, bien entendu, si nous voulions savoir comment on vit là dans le luxe internationalisé d'un Hôtel Sheraton, on ne le pourrait...
Alors Walid m'envoie ce matin cet incroyable lien vers une vidéo promotionnelle de l'Hôtel qui est tellement caricaturale que j'ai cru à un montage postérieur, une moquerie joyeuse. On s'attend à tout moment que cela bascule vers un porno chic gay aux lumières tamisées où Tony se fait prendre par Olaf comme on savait le faire à l'époque. (Euh... si, si, je vous l'assure...)
Reste que je n'ai pas trouvé le nom des architectes de ce Sheraton de Copenhague. Walid non plus.
Et vous ?
https://youtu.be/9nTRthcYbEk

Pour démarrer la vidéo, cliquez sur l'image ou sur ce lien : https://youtu.be/9nTRthcYbEk



samedi 16 novembre 2019

On va pas s'emmerder avec ça

L'un des grands problèmes de la France c'est son manque de culture de la réhabilitation.
Il semble qu'aujourd'hui s'y ajoutent également le prétexte énergétique et écologique et bien entendu, l'amiante.
On imagine facilement que, en réunion de décision du Conseil Départemental de la Sarthe, devant le travail à faire pour maintenir une construction et imaginer son ré-emploi (ce qui serait tout de même en terme écologique la meilleure solution) la dernière parole soit bien :

on va pas s'emmerder avec ça.

Le ça étant une construction à laquelle on ne reconnaît aucune valeur patrimoniale ni architecturale, qui passe de l'utilité de sa fonction à celle de verrue urbaine en un claquement de doigt. Si la pauvre construction n'a pas en plus le mérite d'être un machin mémoriel ou même signé d'une quelconque personnalité architecturale (et même ça aujourd'hui...) la voilà vite devenue encombrante. C'est bien cet état de la pensée fainéante qui est visible pendant la démolition du bâtiment administratif du Mans. On a l'habitude au Mans où l'éradication du Patrimoine Moderne est devenue un sport à haute vitesse.
Dans le froid d'un vendredi d'automne, nous décidons sous la lumière très matinale d'aller voir la mort de ce bâtiment dont les qualités architecturales étaient pourtant évidentes et dont une belle et judicieuse réhabilitation aurait pu être orchestrée.
Mais,

on va pas s'emmerder avec ça.

Ce qui est savoureux c'est que ce bâtiment avait dans ses fondations des bunkers qui, eux, judicieux retournement de l'histoire, sont devenus un Patrimoine à sauver. On voit donc un bâtiment civil tomber en prenant des précautions amourachées pour les deux bunkers nazis qu'il cachait et qui, maintenant, reviennent au grand jour du Patrimoine Manceau...
Ce n'est pas moi qui risque de me plaindre du sauvetage de ces deux bunkers.
Comment est-ce possible que ce bâtiment administratif sous les fenêtres même du CAUE de la Sarthe n'ait pas connu un meilleur sort ?
Pourquoi donc en France les organismes publics, propriétaires de ces constructions ont d'abord intégré, avant même celle du Patrimoine, les si pratiques urgences écologiques devenues des prétextes à ne rien penser ?
Pourquoi, dans une ville si pauvre en constructions modernes et contemporaines n'aime-t-on pas cette école architecturale et son style, sa grande rigueur architectonique ?
La défiguration en cours du central téléphonique toujours au Mans en est une autre preuve.
On remercie le Conseil Départemental de la Sarthe d'améliorer notre cadre de vie... La vache, faut oser...
Et j'imagine bien les décideurs, heureux de venir en troupeau, casque sur la tête, admirer cette amélioration, se félicitant d'avoir ce pouvoir.
Il existe pourtant, ailleurs, dans d'autres pays (Suisse, Allemagne et surtout Hollande) de vraies traditions de la réhabilitation subtiles et efficaces ? N'y-a-t-il pas en France d'enseignement en architecture de cette possibilité qui laisse place à la mémoire et aussi à l'imagination ?
J'oserai donc conseiller au Conseil Départemental de la Sarthe d'organiser avec le CAUE 72 une visite guidée de ces réhabilitations.

Of course, le Mans, on va pas s'emmerder avec ça (aussi)

https://archipostalecarte.blogspot.com/2018/07/le-mans-est-open-lhorreur-architecturale.html
Alors voilà :









































Voici donc deux cartes postales qui maintenant, de fait, deviennent des archives. Je vous laisse savourer la grande plasticité de cette construction et la beauté de ses auvents de béton. Rigueur, âpreté même étaient au rendez-vous d'un dessin sobre et incroyablement tendu que la matière de son épiderme accentuait encore.
Les deux cartes postales sont des éditions Jipé dont les photographies sont de Georget-Dolbeau. Aucun nom d'architecte n'est donné.




lundi 11 novembre 2019

Un immeuble






































Il m'arrive peu souvent de vous montrer des cartes postales aussi anciennes. Mais j'aime parfois contredire mes intentions, mes recherches, et ce matin, au boulodrome de Saint-Pierre-lès-Elbeuf, dans la chaleur commune de tous, chinant ensemble, je n'ai pu résister à cette carte-photo.
Dans une ville qui restera inconnue, à une date qui restera inconnue (circa 1905-1910) on voit une façade d'immeuble avec ses trois balcons, l'un au-dessus de l'autre, chacun occupé par des habitants qui posent de toute évidence, ils regardent le photographe.
Me voilà au 11 rue Simon-Crubellier, immédiatement.
Et je pense à ce que habiter veut dire. Le balcon, projection merveilleuse d'un petit porte-à-faux sur l'extérieur reste cet espace de connivence avec le monde des autres, ce droit minimum à une part de ciel, suspendu dans le vide, l'habitant y profite de l'air. Ici, l'immeuble n'a vraiment rien d'extraordinaire et on reconnaît dans les fers des balcons des fontes sans doute bon marché.
Mais que les fenêtres sont hautes ! Comme Auguste Perret les aurait aimées ! L'homme et la femme debout, devant.
On devine aussi la séance de pose. Le photographe demandant à tout le monde d'occuper son balcon. Même famille sans doute ou au moins amitié partagée qui fait qu'il est heureux de se voir photographier ensemble. Un nouvel emménagement ? Les enfants en haut avec l'homme et deux femmes seules sur les premiers étages, que veut dire cette distinction ?
Au-dessus de la porte d'entrée une pancarte laisse lire le mot : reparaturen, ce qui, en allemand, signifie réparation. Mais de quoi ? Et serions-nous donc en Allemagne ?
Est-ce cette réparation qui justifie cette prise de vue ?
J'ai d'abord eu du mal à me convaincre que jamais je ne saurai où nous sommes. J'aurais aimé qu'un menu détail me fasse remonter la piste et que, même, peut-être, un jour, je puisse retrouver ce lieu et y faire un cliché. Mais il y a si peu de chances. Si peu...
Alors je me réjouis des images qui surgissent de ma culture, de ce goût du balcon chez les peintres comme Caillebotte, de ce moment des immeubles un peu hausmanniens et du rythme de vie de chacun, l'un au-dessus de l'autre, dans des espaces communs et identiques. Cet immeuble est sans doute dans ses formes encore moderne pour l'époque, lumière et air et fausse subtilité d'un décorum bourgeois. Pilastres, corniches etc... On imagine aussi la hauteur des plafonds, la surcharge décorative des intérieurs qui déborde un peu sur les rideaux en crochet des fenêtres.
On pourrait aussi questionner face à ce type d'immeuble tout ce que la Modernité a voulu transformer de cette manière d'habiter la ville.
Qu'y a-t-il ici de si terrible à dénoncer, à quoi faudrait-il renoncer ?
La densité ? La monotonie ? La fausseté des décors ? Le rapport à la rue ?
Je ne sais pas vraiment.
Et je m'en fiche.
J'aime mieux tenter d'entendre les conversations de ce moment, la jovialité qu'il a demandé, l'accord de tous pour participer, le jeu aussi et même l'humour de la situation.
Il y a dans cette mise en scène d'une façade d'immeuble dans une ville inconnue quelque chose que nous reconnaissons tous. Nous appartenons finalement à ce genre d'image, nous en sommes en quelque sorte.
Et comme ils durent tous être impatients, quelques heures ou quelques jours après de voir revenir le photographe avec ses clichés et de rire ensemble d'être... ensemble.
Maintenant ils sont chez moi, retenus dans le temps, à jamais convaincus qu'ils se sont bien amusés ainsi de leur architecture, de leur ville, de leur monde.
Je vous promets à vous six, de vous garder au mieux, encore longtemps ensemble.
Je suis avec vous.





mercredi 6 novembre 2019

La transparence

Le Palais des Congrès de Royan est sans doute l'une des plus belles réalisations de cette ville et surtout, l'une des dernières suffisamment bien conservée pour en lire les atouts. Malgré les extensions et sa façade vitrée, (ou grâce...) le Palais des Congrès a su conserver sa place dans le parcours de l'Architecture Modernes d'exception à Royan.


Si de nombreuses cartes postales nous en montrent sa façade incroyablement complexe et belle dont l'intérêt provient du jeu particulièrement étudié des capillarités entre le dedans et le dehors, il y a peu de cartes postales allant voir l'autre façade, celle sur le jardin abrité derrière le Palais.
Certes, bien moins spectaculaire, cette façade n'en possède pas moins des atouts que cette édition Elcé (Chatagneau éditeur écrivez-moi svp) fait apparaître avec force.
D'abord, à l'opposé de la façade sur mer, une grande régularité presque stricte dont les éléments préfabriqués donnent le rythme, éléments, rappelons-le de Jean Prouvé. Ce mur-rideau propose à la fois un jeu de verticales et d'horizontales dont la séparation est articulée par la trouée béante de l'entrée. On peut presque voir la mer au travers... La transparence est totale.










































C'est bien cette transparence que le Palais des Congrès devra retrouver lors de sa future restauration. Il faudra aussi retrouver la lecture première de ces éléments de façade, redonner au bâtiment la clarté de ses modules et donc de ses fonctions. Car, ici, le mur-rideau parle en quelque sorte de son intérieur et de son plan. La cage de verre qui semble ainsi traverser la construction prouve aussi l'originalité de sa structure pouvant libérer des espaces vides allant d'une façade à l'autre. Il faut que, côté jardin, on n'oublie pas la jubilation du grand large et offrir de fait une vision, une projection de ce spectacle.
On note aussi que le Palais des Congrès agit comme un abri pour ce jardin permettant son existence hors d'un contact trop vif avec les éléments marins. Ce jardin est donc un morceau de ville offert aussi par le barrage que constitue le Palais des Congrès. Un havre, en quelque sorte.
Il va de soi que nous sommes impatients de retrouver ainsi notre Palais des Congrès, de pouvoir enfin revenir boire un Orangina sur sa terrasse en ne sachant pas bien si nous sommes dans le ciel, dans la mer, sur la terre.
La carte postale fut expédiée en 1962.
Parce que je me crois à Royan, j'en profite avec vous :






































Cette spectaculaire carte postale fut éditée par Iris pour Cap-Théojac. On y voit Notre-Dame comme écrasant le Front de Mer, le surplombant avec une force que j'ai du mal à restituer dans mon imaginaire. Le photographe J.-D. Surdes a fait là un incroyable travail, certainement au téléobjectif pour faire en quelque sorte venir Notre-Dame sur le devant. Quelle belle image ! Quelle force !
On note que le photographe, sans doute attendri par le capital romantique du béton de Royan a aussi cadré la nonchalance de la promenade d'un couple, les pieds dans l'eau goûtant le plaisir simple d'une marche dans la mer. Le Casino est encore là, présent, beau.
Rien à ajouter devant une image aussi précieusement baignée d'un bleu-gris attendri.
Rien.
Ah si...
J'aimerais y vivre aussi ma transparence.



dimanche 3 novembre 2019

Marcel Gascoin à la ferme

Aujourd'hui, je ne vous proposerai pas de carte postale mais un article paru dans la revue Le Pèlerin en 1949.
Cette revue provient une fois encore de la collection de mon frère Christophe. Qu'il en soit ici remercié.
En double page centrale, on trouve donc un article dans cette revue encore très pauvre sur la Reconstruction et notamment, pour une fois, sur la Reconstruction en milieu rural qui est souvent oubliée dans les livres d'histoire alors même que la France est encore largement paysanne. D'ailleurs le titre de cet article 3 millions de fermes à rénover permet de comprendre la tâche à accomplir.
Bien entendu, ce désir de faire de ce chaos une chance pour une agriculture moderne rappelle les désirs de Bézard et de Le Corbusier à Piacé. Mais on devine rapidement que là où le duo d'avant-guerre repense totalement l'organisation professionnelle et son rôle dans la société, allant du détail du mobilier aux jonctions routières, ici, dans cet article il est certes question d'architecture rationalisée et de mobilier mais moins d'une redistribution du rôle des campagnes dans la vie nouvelle. Il s'agit aussi surtout de revoir les dispositions du travail des femmes dans la ferme, les tâches y étant sexuées : l'extérieur et la culture aux hommes, l'intérieur et le foyer aux femmes.
Mais ne soyons pas trop rapidement des juges de cette réalité et de cette disposition d'esprit, il faut toujours tenter de voir dans ce qui nous étonne ce que signifie aussi pour nous, aujourd'hui, notre point de vue.
On note par contre que Marcel Gascoin utilise les mêmes dispositifs rationnels pour permettre une libération des espaces avec son architecte M. Maître. Les circulations y sont particulièrement étudiées, les espaces ouverts et là-aussi, l'économie des efforts particulièrement bien étudiée. Le passe-plat attribué à Corbu et Perriand trouve aussi ici son rôle. On note aussi un désir moral de faire du mobilier et de la maison moins un patrimoine familial mais plus un outil pour vivre mieux, plus sainement mais aussi dans le désir d'un équilibre des tâches et des fonctions plus marqué. On ne sait pas, par contre, comment Marcel Gascoin a étudié la vie dans les fermes, comment avec M. Maître, ils ont ensemble réuni les informations et les souhaits des uns et des autres même si, en 1949, la vie à la ferme est encore bien partagée par tous et visible.
On note que les images sont des dessins très sobres, très clairs. Une grande netteté y domine, un vide décoratif presque monacal. Couleurs et lumière dessinant les espaces dans lesquelles les pièces de mobilier viennent se poser doucement. On reconnaît d'ailleurs parfaitement le type du mobilier de Marcel Gascoin et son rationalisme adouci.
Il est difficile aussi de savoir si, par hasard ou par recherches, Marcel Gascoin et M. Maître ont eu connaissance du projet de Piacé. Ce qui est certain c'est que tout cela révèle un état d'esprit, une certaine idée de ce que doit être une fonction. Mais aussi de ce que cette Modernité demande d'abandon à une certaine tradition patrimoniale et cela à l'intérieur d'une revue catholique dont on peut aujourd'hui s'étonner qu'elle ait pu faire écho à cette Modernité : ici, non pas au nom d'une révolution sociétale nécessaire mais au nom simplement de ceux qui vivent ces espaces et ces fonctions. Une dignité retrouvée, sans doute.
Je vous donne ce lien vers un excellent article de Patrice Gourbin écrit pour le CAUE 14. Vous y verrez quelques images du travail de M. Maître, architecte et y comprendrez, par une belle analyse le beau Patrimoine de cette Reconstruction dans le Calvados. Voilà du beau travail.
http://caue14.com/wp-content/uploads/2014/01/architecture_urbanisme_de_la_reconstruction_dans_le_calvados.pdf

Je vous rappelle aussi ce blog, celui qui, en quelque sorte a réinventé Marcel Gascoin, c'est là encore un excellent travail :
http://art-utile.blogspot.com/2012/11/marcel-gascoin-interview-1963.html

Bonne lecture... Bon courage à ceux qui vont prendre leur voiture pour chercher, au fond d'une grange du Calvados, un buffet ou un siège de Marcel Gascoin...